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Les autocritiques du Parti
communiste d'Indonésie:
- Déclaration du Bureau politique
du Comité central du PKI,
17 août 1966
- Autocritique du Bureau politique
du Comité central du Parti communiste d'Indonésie,
Septembre 1966
Des extraits de ces autocritiques ont été publiés en 1968 par
le Parti communiste chinois, en langue française, dans une brochure intitulée
Peuple indonésien, unissez-vous et luttez pour renverser le régime
fasciste. En présentation de ces documents le journal Hongqi
rédigeait un long texte, reproduit ici.
Les coupures effectuées sont de différente nature, comme le
lecteur pourra s'en rendre compte.
La version la plus conforme [en français, 321ignition] au texte
de l'Autocritique du mois d'août 1966, publiée en anglais par le PKI, a été
éditée par l'Union des Jeunesses communistes (m‑l) (UJC‑ml) dans
le cours du premier trimestre 1967. C'est cette version qui est reproduite ici.
La version intégrale [en français, 321ignition] de
l'Autocritique de septembre 1966 (publiée également par le PKI en anglais) a
été diffusée dans le journal belge que dirigeait Jacques Grippa, la Voix du
Peuple (numéros 29‑33) en 1967. C'est cette traduction que nous
reproduisons ici.
Les traductions pourraient être utilement revues sur le texte
en anglais. Nous ne sommes intervenus que quand il s'agissait d'incohérences
notoires.
Nous avons indiqué les coupures effectuées par le PCC en
les mettant en caractères gras.
Prendre le chemin de la
révolution pour réaliser les tâches qui auraient dû être accomplies par la Révolution
d'Août 1945
Déclaration du
Bureau politique du Comité central du PKI,
17 août 1966
Le peuple indonésien marque le 21e anniversaire
du déclenchement de la Révolution d'Août 1945[1]
dans une situation où les contre-révolutionnaires dirigés par Suharto et
Nasution, généraux de droite, règnent sur le pays. Les forces motrices de
la révolution ont connu des revers sérieux dus à une terreur blanche des plus
sauvages et des plus déchaînées pratiquée contre les organisations et les
personnalités révolutionnaires et démocratiques, en particulier contre le PKI
(le Parti Communiste d'Indonésie) et les Communistes. Durant cette
période, qui a duré près d'un an, l'histoire moderne indonésienne n'a jamais
connu une terreur contre-révolutionnaire aussi effrénée que celle semée par
les forces dirigées par les généraux réactionnaires de l'armée et dont le
barbarisme est seulement comparable à celui du Nazisme hitlérien. Néanmoins,
quelque féroces et barbares que soient les contre-révolutionnaires qui se
trouvent dans une crise de folie furieuse, ils ne réussiront jamais à
étouffer l'élan révolutionnaire de la classe ouvrière, du paysannat et des
autres forces motrices de la révolution.
L'évolution des événements de ces quelques
derniers mois a démontré que la crise (c'est-à-dire la situation la plus
difficile supportée par le mouvement révolutionnaire qui, face à l'attaque de
la contre-révolution, est marqué par l'indécision de la direction, le
désordre dans l'organisation, le pacifisme devant la terreur rageuse, etc...)
est pour l'essentiel surmontée. Les révolutionnaires et les démocrates
qui se sont réorganisés peu à peu, mènent une lutte de résistance contre la
dictature militaire des généraux de droite de l'armée dirigés par Suharto et
Nasution. Tout cela a été réalisé dans des conditions les plus difficiles et
les plus sérieuses et sous la menace d'une terreur continue. On voit par là
combien est indomptable l'esprit révolutionnaire du peuple indonésien.
Le PKI qui, par nécessité historique, occupe la
position d'avant-garde de la classe ouvrière et de toutes les forces
révolutionnaires d'Indonésie, a non seulement réparé les dommages sérieux
subis par son organisation, mais aussi a commencé à reprendre la voie
correcte, voie de la révolution illuminée par le marxisme-léninisme, grâce à
la critique et l'autocritique pratiquées dans la direction du Parti et au
sein du Parti tout entier.
Les révolutionnaires commémorent aujourd'hui le
17 août dans une situation des plus difficiles, mais gardent un esprit
lucide en ce qui concerne la voie à prendre pour accomplir les tâches qui
auraient dû être achevées par la Révolution d'Août 1945. Bien qu'elle n'ait
pu atteindre son objectif, cette révolution n'en demeura pas moins un
événement de grande importance historique et riche en expériences
historiques. Elle a éveillé la conscience politique du peuple indonésien et
l'a élevé à un degré qui ne peut être atteint dans une situation où il n'y a
pas de révolution. Elle a inspiré au peuple le courage de lutter. Elle a
indiqué au prolétariat indonésien et au PKI les tâches qu'ils ont à accomplir
pour s'acquitter de leur mission historique consistant à conduire la lutte
pour la libération du peuple indonésien. Pour commémorer le 17 août, il
n'est pas d'autre voie plus correcte que celle qui consiste à tirer les
leçons nécessaires de cette révolution, en mettant un accent spécial sur la
recherche des causes de son échec.
Pourquoi la Révolution d'Août 1945 n'a pu atteindre son
objectif prévu?
D'après les conditions objectives, l'Indonésie
était au moment où s'est déclenché cette révolution, un pays colonial et
semi-féodal. Celle-ci a, par conséquent, le caractère d'une révolution
démocratique bourgeoise ayant la double tâche consistant à chasser l'impérialisme
hors de l'Indonésie pour libérer la nation tout entière, et à réaliser des
réformes démocratiques visant à liquider complètement les vestiges du
féodalisme pour libérer les paysans de l'oppression féodale des propriétaires
fonciers de l'étranger et du pays.
Compte tenu de sa mission historique, la
Révolution d'août 1945 n'était pas une révolution démocratique bourgeoise de
type ancien dont la tâche était de liquider les vestiges du féodalisme pour
frayer la voie au développement du capitalisme. Cette révolution a eu lieu à
une époque caractérisée par la décadence du capitalisme, la révolution
socialiste mondiale du prolétariat et la transition du capitalisme au
socialisme et au communisme inaugurée par la grande Révolution socialiste d'Octobre
de 1917. Par conséquent, elle fait partie de la révolution socialiste
mondiale du prolétariat. C'était une révolution démocratique bourgeoise de
type nouveau. La victoire complète d'une nouvelle révolution créerait des
conditions pour la révolution socialiste. Les perspectives de la Révolution d'Août
1945 étaient donc le socialisme et le communisme.
Les forces motrices de cette révolution étaient la
classe ouvrière, autrement dit le prolétariat, le paysannat et la petite
bourgeoisie en dehors du paysannat. Le caractère anti-impérialiste de cette
révolution qui s'est manifesté dès le début a permis de mobiliser les couches
sociales les plus larges de la population indonésienne. Outre la bourgeoisie
nationale qui adopta, dans une certaine mesure, une position
anti-impérialiste et anti-féodale, d'autres éléments patriotiques ont pris part
à la guerre pour l'indépendance contre l'impérialisme hollandais ou y ont
apporté leur soutien.
Mais, cela ne veut pas dire que toutes les
classes et tous les groupes qui avaient pris part à la lutte contre
l'agression impérialiste hollandaise à la première phase de la révolution
poursuivaient le même objectif en ce qui concerne ce qu'on ferait avec
l'indépendance nationale acquise en tant que fruit de la révolution contre
l'impérialisme. Les classes exploiteuses, y compris la bourgeoisie nationale,
n'avaient d'autre objectif que de sauvegarder et promouvoir les intérêts de leurs
propres classes. Celles-ci n'avaient donc pas pour but de libérer le peuple
indonésien de l'exploitation sous toutes ses formes.
Les éléments compradores tels que Hatta,
Sjahrir et d'autres dirigeants sociaux-démocrates de droite, ainsi que des
dirigeants du Masjumi[2]
et leurs pareils, n'avaient pas la moindre aspiration à créer une Indonésie
complètement indépendante et démocratique. Dès le début de la révolution, ils
ont tout fait pour la miner en réalisant des compromis réactionnaires avec
les impérialistes hollandais. Ils étaient de fait des traîtres à la
révolution.
En raison de son caractère oscillant dans la
lutte contre l'impérialisme, la bourgeoisie nationale s'est jointe à la
bourgeoisie compradore dans sa trahison de la révolution quand celle-ci
devait faire face à des échecs successifs et quand les forces
révolutionnaires devenaient plus faibles.
Le paysannat qui constitue la majorité
écrasante de la population indonésienne et qui est la classe la plus opprimée
par les vestiges du féodalisme est la force principale de la révolution.
Selon son caractère, la Révolution d'Août 1945 aurait dû être une révolution
paysanne, révolution qui aurait dû libérer les paysans de l'oppression
exercée par les vestiges du féodalisme. Mais les paysans ne peuvent se
libérer que lorsqu'ils sont dirigés par le prolétariat. Celui-ci ne peut
mener la révolution à une fin victorieuse que lorsqu'il réussit à former une
alliance ferme avec les paysans.
La classe ouvrière (prolétariat) d'Indonésie
représente la force productrice nouvelle en Indonésie en dépit de son nombre
restreint. Elle est la classe la plus avancée et la plus révolutionnaire,
ayant une conscience d'organisation et une discipline stricte. En tant que
classe qui n'a rien à sauvegarder dans cette époque capitaliste, la classe
ouvrière est la classe la plus conséquente dans la lutte contre
l'impérialisme et les vestiges du féodalisme. Elle est la moins ambitieuse,
son seul but est d'abolir l'exploitation et l'oppression sous toutes leurs
formes. C'est la raison pour laquelle la classe ouvrière prend la position
dirigeante dans la lutte pour l'émancipation du peuple indonésien. La
Révolution Août 1945 aurait dû, en effet, être conduite par la classe
ouvrière indonésienne.
En caractérisant la nature de classe de la
bourgeoisie et celle du prolétariat dans la révolution démocratique
bourgeoise, Lénine a dit que "la position même qu'occupe la bourgeoisie
en tant que classe dans la société capitaliste la rend inévitablement
inconséquente dans la révolution démocratique. La position même qu'occupe le
prolétariat en tant que classe l'oblige d'être conséquemment démocratique. La
bourgeoisie regarde vers l'arrière, craignant le progrès démocratique qui
menace de renforcer le prolétariat. Le prolétariat n'a rien à perdre que ses
chaînes, mais avec l'aide de la démocratie, il a le monde tout entier à
gagner." (Lénine, Deux tactiques de la social-démocratie dans la
révolution démocratique.)
La direction du prolétariat dans la révolution
démocratique bourgeoise est établie par la création d'un front uni
révolutionnaire de toutes les classes et de tous les groupes
anti-impérialistes et anti-féodaux. Parmi ces classes et ces groupes en
Indonésie, le paysannat est l'allié le plus digne de confiance de la classe
ouvrière. L'Alliance des ouvriers et des paysans dirigée par la classe
ouvrière constitue donc la base d'un tel front uni révolutionnaire. La petite
bourgeoisie en dehors du paysannat est un allié de la classe ouvrière en qui
on peut avoir confiance. Et la bourgeoisie nationale est un allié dans une
période donnée et à un certain degré.
En vue d'unir et de diriger toutes les classes
anti-impérialistes et anti-féodales, la classe ouvrière doit avoir un
programme correct et des tactiques correctes susceptibles d'être acceptés par
ses alliés comme guide de la révolution. Elle doit avoir une organisation
puissante et doit être exemplaire dans la réalisation des tâches nationales.
En ce qui concerne le programme correct, un programme agraire révolutionnaire
visant à former l'alliance des ouvriers et des paysans est d'une importance
majeure. Quant aux tactiques correctes, il est d'une importance primordiale
de maîtriser les différentes formes de lutte, et dans la révolution, en
particulier dans la révolution indonésienne, de maîtriser la forme de la
lutte armée s'appuyant sur les paysans qui lui apportent leur soutien. Tout
ceci peut se réaliser lorsque le prolétariat a son propre Parti politique,
c'est-à-dire le Parti communiste d'Indonésie qui est entièrement guidé par la
théorie révolutionnaire du marxisme-léninisme exempte de toute sorte
d'opportunisme.
L'expérience de la Révolution d'Août 1945 a
démontré que le PKI, en tant qu'avant-garde de la classe ouvrière indonésienne,
n'a pas encore réussi à prendre sa place comme guide de la lutte pour l'émancipation
du peuple indonésien. Le PKI est entré dans cette révolution sans préparation
appropriée. Son insuffisance sérieuse sur le plan théorique et son manque de
compréhension des conditions concrètes de la société indonésienne l'ont rendu
incapable de définir la nature de la révolution, ses tâches, son programme,
ses tactiques et slogans ainsi que les principes et les formes correctes de l'organisation.
La bonne réputation dont jouit le PKI parmi le peuple indonésien a été
acquise à travers son héroïsme dans la lutte contre l'impérialisme durant la
période de la domination coloniale hollandaise et l'occupation fasciste
japonaise.
Cependant, cette bonne réputation du PKl n'a pu
établir la direction de celui-ci dans la Révolution d'Août 1945.
Cette insuffisance sur le plan théorique et son
incapacité de faire une analyse concrète de la situation concrète du monde et
de l'Indonésie ont fait que le PKI était incapable de mettre à profit l'opportunité
très favorable offerte par la Révolution d'Août 1945 pour surmonter ses
insuffisances. Le PKI n'a pas dirigé de façon conséquente la lutte armée
contre l'impérialisme hollandais, il n'a pas développé la guerre de guérilla
qui faisait partie du mouvement démocratique du paysannat et qui constituait
la seule voie permettant de mettre en échec la guerre d'agression lancée par
les impérialistes hollandais. Il a, au contraire, approuvé et suivi la
politique de compromis réactionnaire pratiquée par les socialistes de droite
de Sjahrir; il n'a pas établi l'alliance de la classe ouvrière et du
paysannat pour mener la lutte contre le féodalisme dans la campagne, et
formé, sur la base d'une telle alliance, le front uni avec toutes les autres
forces démocratiques. Le PKI n'a pas consolidé sa puissance, il a, au
contraire, renvoyé à l'arrière-plan son propre rôle. Ce sont des raisons pour
lesquelles la Révolution d'Août 1945 n'a pu se poursuivre comme elle aurait
dû, et remporter la victoire décisive, et finalement elle n'a pas réussi à
atteindre son objectif.
La conscience retardée de ses insuffisances et
erreurs, qui étaient suivies d'efforts visant à ramener la révolution dans
une voie correcte en fonction de la résolution du Bureau politique du Comité
central du PKI “Le chemin nouveau pour la République d'Indonésie” adoptée en
août 1948, n'a pu non plus sauver la révolution de son échec.
Le problème principal de toute révolution est le
problème du pouvoir d'État
C'est une condition absolue pour tous les
révolutionnaires et, à plus forte raison, pour tous les communistes, de
saisir la vérité que “le problème principal de toute révolution est le
problème du pouvoir d'État”. Sans saisir cette vérité, les combattants
révolutionnaires ne seront jamais vraiment conscients. Parce que la
révolution est, dans son sens le plus concret, le renversement du pouvoir des
classes oppresseuses, ou bien la prise du pouvoir, par la force, par les
classes opprimées, des mains des classes oppresseuses. Pour se libérer de
l'oppression et de l'exploitation, les classes opprimées n'ont d'autre voie
que de faire la révolution, c'est-à-dire de renverser par la force le pouvoir
d'État de classes oppresseuses, autrement dit de prendre le pouvoir d'État
par la force. Cela parce que l'État est un instrument créé par les classes
régnantes pour opprimer les classes mises sous leur férule.
Mais, à l'époque contemporaine actuelle, il ne
suffit pas, pour une vraie révolution populaire, d'arracher le pouvoir des
mains des classes oppresseuses et de le mettre à profit. Marx nous a appris
que la destruction de l'ancien appareil d'État militaire-bureaucratique est "la
condition préalable pour toute vraie révolution populaire" (Lénine, L'État
et la Révolution). Une telle révolution ne pourra obtenir la victoire qu'après
avoir rempli cette condition préalable, et en même temps mis sur pied un
appareil d'État complètement nouveau ayant pour tâche de réprimer sans merci
par la force la résistance des classes oppresseuses renversées.
Qu'est-ce que la Révolution d'Août 1945 aurait dû
faire avec le pouvoir d'État?
Comme la première chose à faire, elle aurait dû
briser l'appareil d'État colonial ainsi que tous les organismes qu'il avait
établis pour maintenir sa domination coloniale en Indonésie, et non pas se
limiter à transférer le pouvoir à la République d'Indonésie. Elle aurait dû
établir un État complètement nouveau, État gouverné conjointement par toutes
les classes anti-impérialistes et anti-féodales sous la direction de la
classe ouvrière.
C'est ce que doit être un État démocratique
populaire. En tant qu'instrument de la révolution démocratique nationale, cet
État démocratique populaire doit exercer la dictature pour réprimer sans
merci par la force des armes tous les ennemis de la révolution,
c'est-à-dire l'impérialisme et ses compradores ainsi que les propriétaires
fonciers féodaux, qui, une fois renversés, opposeraient une résistance
intensifiée. Quant au peuple, c'est-à-dire les forces soutenant la
révolution, l'État doit lui assurer les libertés démocratiques les plus
larges. Un tel État s'appelle donc la dictature de la démocratie
populaire. La Révolution d'Août 1945 aurait remporté une victoire décisive si
elle avait réussi à établir une telle dictature. Seul un pareil État aurait
pu assurer l'expulsion complète de l'impérialisme et la liquidation totale
des vestiges du féodalisme, et conduire par là le peuple à une nouvelle
Indonésie complètement indépendante et démocratique, s'avançant vers le
socialisme.
Mais dans une situation où la direction de la
révolution n'était pas dans les mains du prolétariat, la condition préalable
pour la Révolution d'Août 1945, c'est-à-dire la destruction de la machine
d'État coloniale, n'a pas été définie comme il aurait dû. Le pouvoir d'État
ainsi établi n'était pas la dictature de la démocratie populaire. La
participation communiste au Gouvernement et même lorsque le Gouvernement
était dirigé par un communiste ne donna pas à la République
d'Indonésie la nature d'un État populaire, parce que l'appareil de la
bureaucratie coloniale n'avait pas été complètement écrasé et remplacé
par un appareil complètement nouveau créé par la révolution pour servir la
révolution. Les gens dont l'esprit avait été rouillé par une longue servitude
sous le régime colonial ne furent pas éliminés de l'appareil du pouvoir
d'État. Le pouvoir politique à la campagne était encore dans les mains des
fonctionnaires féodaux. Les efforts déployés pour remplacer le système du
gouvernement à la campagne par l'établissement des comités nationaux
indonésiens au niveau de village échouaient. Il y avait nombre de cas où
furent violemment réprimées par le pouvoir d'État républicain les actions
populaires visant à détruire complètement l'appareil de la bureaucratie
coloniale, y compris le renversement des mauvais fonctionnaires, la
démocratisation de l'administration régionale par l'abolition du pouvoir des
féodalistes, sous prétexte que de telles actions étaient “anarchistes”,
“établissement d'un autre État dans l'État”, etc.
En raison de l'absence de la direction par la classe
ouvrière, la République d'Indonésie était inévitablement un État
dominé par la bourgeoisie, en dépit de la participation du prolétariat.
Un État d'un tel caractère de classe ne pouvait jamais devenir un instrument
de la Révolution d'Août 1945. Sans la dictature de la démocratie populaire,
celle-ci n avait pas un instrument pour vaincre ses ennemis, elle était par
conséquent incapable de s'acquitter de ses tâches qui consistent à liquider
complètement la domination impérialiste et les vestiges du féodalisme.
La démission volontaire d'un cabinet dirigé par les
communistes en 1948 avait donné à la bourgeoisie réactionnaire dirigée par
Mohamed Hatta une occasion des plus belles pour saisir le pouvoir d'État. Cette
bourgeoisie réactionnaire trahît alors la Révolution d'Août 1945 en
déclenchant une terreur blanche, l'affaire de Madiun[3],
afin d'ouvrir la voie à la restauration des intérêts de l'impérialisme
hollandais au moyen de l'accord honteux de la Conférence de la Table Ronde[4],
accord qui transforma l'Indonésie en un pays semi-colonial et semi-féodal. Depuis
lors, la République d'Indonésie n'était plus un instrument pour accomplir les
tâches de la Révolution d'Août 1945, mais plutôt un instrument dans les mains
de la bourgeoisie compradore indonésienne et des propriétaires fonciers pour
protéger les intérêts de l'impérialisme, maintenir les vestiges du féodalisme
et réprimer le peuple, spécialement les ouvriers et les paysans qui menaient
la lutte contre l'impérialisme et les vestiges du féodalisme. La nature
anti-populaire de ce pouvoir d'État fut clairement prouvée par la répression
brutale des droits démocratiques, y compris la promulgation d'une loi
interdisant aux ouvriers de faire la grève et l'expulsion par la force des
impérialistes. L'instrument principal du pouvoir d'État, les forces armées
auxquelles la Révolution d'Août 1945 avait donné le jour, fut purgé des
communistes et d'autres éléments révolutionnaires par le programme dit de
“nationalisation”, et particulièrement par la terreur blanche de l'Affaire de
Madiun. Les forces armées furent alors amenées encore davantage à se
conformer à la nature de classe de cet État transformé en un protecteur des
intérêts de l'impérialisme et des classes réactionnaires du pays par
l'incorporation dans les forces armées des élément des troupes fantoches
formées par les impérialistes hollandais et par l'influence de la Mission
militaire hollandaise.
La remontée de la lutte révolutionnaire du peuple indonésien
qui continuait à combattre la domination impérialiste et les vestiges du
féodalisme après la Conférence de la Table Ronde avait permis un certain
nombre de victoires politiques de nature partielle et réformiste, ce qui
avait conduit à l'amenuisement du caractère anti-démocratique du pouvoir
bourgeois. Le stade le plus élevé des réformes politiques ainsi réalisées
était l'établissement d'un gouvernement qui avait octroyé au peuple certaines
libertés démocratiques et réprimé à un certain degré les rébellions de la
“République du Sud Moluccas”[5],
du “Darul Islam”[6],
du “gouvernement révolutionnaire de la République d'Indonésie”[7],
etc. En agissant selon les revendications du peuple, le gouvernement a pris
certaines mesures restreintes contre les intérêts économiques de
l'impérialisme, imposé des restrictions à la pénétration de l'influence
culturelle impérialiste, poursuivi une politique étrangère anti-impérialiste,
et donné aux représentants du prolétariat l'occasion de participer au
gouvernement sans d'ailleurs leur donner un pouvoir véritable.
Malgré toutes ces victoires, c'était une grande
erreur de croire que l'existence d'un tel gouvernement signifiait un
changement fondamental du caractère de classe du pouvoir d'État. Il était
également erroné de croire que les faits susmentionnés marquaient la
naissance et le développement d'un aspect qui représente les intérêts
du peuple, ou aspect pro-populaire du pouvoir d'État. Une telle erreur
découlant de la “théorie des deux aspects du pouvoir d'État”, conduit à la
conclusion erronée qu'au sein du pouvoir d'État de la République de l'Indonésie,
il y avait deux aspects, l'aspect anti-populaire que représentaient les
compradores et les classes des capitalistes bureaucratiques et des
propriétaires fonciers d'une part, et “l'aspect pro-populaire” que
représentaient principalement la bourgeoisie nationale et le prolétariat d'autre
part. Selon cette “théorie des deux aspects”, un miracle pourrait se produire
en Indonésie, c'est-à-dire l'État cesserait d'être un instrument des classes
oppresseuses régnantes pour subjuguer d'autres classes, mais deviendrait un
instrument partagé par les classes oppresseuses et les classes opprimées. Et
le changement fondamental du pouvoir d'État, c'est-à-dire la naissance d'un
pouvoir populaire pourrait se réaliser pacifiquement par le développement de
“l'aspect pro-populaire” et la liquidation graduelle de “l'aspect
anti-populaire”.
La théorie des “deux aspects du pouvoir d'État”
était une erreur découlant d'un point de vue unilatéral ou subjectiviste
dans l'application de la philosophie marxiste-léniniste, particulièrement de
ses enseignements sur les contradictions. C'était aussi une déviation
par rapport à l'enseignement marxiste-léniniste sur l'État et la révolution
qui dit qu'un "État est un instrument du pouvoir d'une classe donnée qui
ne peut se réconcilier avec son antipode", que "la forme de l'État
bourgeois peut varier, mais son contenu principal reste le même",
"ces États, quelles que soient leurs formes constituent inévitablement
en fin de compte une dictature bourgeoise", et que "le remplacement
de l'État bourgeois"... "est impossible sans une révolution par la
force". (Lénine, L'État a la révolution.)
Il était vrai qu'au sein du pouvoir d'Étal de
l'époque il y avait une contradiction entre la bourgeoisie compradore et les
propriétaires fonciers pro-impérialistes d'une part, et la bourgeoisie
nationale qui était dans une certaine mesure anti-impérialiste et
démocratique d'autre part. Mais l'existence de cette contradiction n'avait
pas modifié la nature de l'État en tant qu'instrument de répression dans les
mains des classes régnantes. Par suite des coups infligés aux forces de
droite par les forces démocratiques et révolutionnaires, particulièrement
dans la destruction de la puissance armée contre-révolutionnaire telle que le
“Darul Islam”, le “gouvernement révolutionnaire de la République
d'Indonésie”, etc., la bourgeoisie nationale qui, dans une certaine limite,
était anti-impérialiste et démocratique, pouvait avec le soutien populaire et
dans une certaine mesure miner la position de la bourgeoisie compradore et
des propriétaires fonciers dans le pouvoir d'État. Cette situation trouva son
expression dans l'établissement d'un gouvernement qui était à un certain
degré anti-impérialiste et démocratique. Pour défendre sa propre position
face à la bourgeoisie compradore et aux propriétaires fonciers, la
bourgeoisie nationale avait intérêt à gagner un soutien plus grand du peuple.
Et pour cela, elle était prête, dans la mesure où ses intérêts n'étaient pas
mis en danger, à faire des concessions politiques au prolétariat en acceptant
les représentants de ce dernier, les communistes, dans le gouvernement, mais
à des postes qui n'étaient pas directement liés au réel pouvoir décisif de
l'État.
Ce n'est pas que les communistes ne sont pas en
principe autorisés à prendre part à un gouvernement démocratique bourgeois,
mais s'ils y prennent part, leur participation ne doit pas viser à consolider
la dictature bourgeoise, mais plutôt à défendre les intérêts indépendants de
la classe ouvrière et des autres couches laborieuses ainsi qu'à faire comprendre
au peuple que le pouvoir bourgeois est incapable d'assurer les intérêts
vitaux du peuple.
Examinons la “théorie des deux aspects du
pouvoir d'État” à la lumière de la théorie sur la contradiction. La
participation des représentants prolétaires au gouvernement avait donc été le
résultat de la contradiction existant entre la bourgeoisie compradore, les
capitalistes bureaucrates et les propriétaires fonciers qui constituent les
forces pro-impérialistes et pro-féodales (l'aspect anti-populaire) d'une part,
et la bourgeoisie nationale et le prolétariat (l'aspect pro-populaire) de
l'autre. Cependant, nous ne devons pas perdre de vue qu'au sein des forces
pro-populaires il existe une autre contradiction. La bourgeoisie nationale
était un des aspects de cette contradiction et le prolétariat en était un
autre. Ces deux aspects constituent une contradiction dans “l'aspect
pro-populaire”.
La qualité du soi-disant “aspect populaire” (ou
“l'aspect pro-populaire”) est déterminée par l'aspect ‑ le
prolétariat ou la bourgeoisie nationale ‑ qui est dominant dans la
contradiction. L'aspect pro-populaire aurait dû représenter vraiment les
intérêts du peuple, si l'aspect prolétaire était dominant dans la
contradiction, ce qui est purement impossible dans le cadre du pouvoir d'État
bourgeois. Le fait est que l'aspect dominant dans “l'aspect pro-populaire”
était la bourgeoisie nationale; ainsi le soi-disant “aspect pro-populaire”
n'était rien d'autre que les forces de la bourgeoisie nationale qui ne
pouvaient pas être appelées à représenter les intérêts populaires, lesquels
étaient essentiellement ceux des ouvriers et des paysans.
Cela dit, espérer un changement fondamental dans
le pouvoir d'État afin d'amener le peuple à une position forte par la
victoire de “l'aspect pro-populaire” sur “l'aspect anti-populaire” en
conformité avec la “théorie des deux aspects du pouvoir d'État” n'était que
naïve illusion pure et simple. Le peuple ne pourra gagner le pouvoir que par
une révolution armée sous la direction de la classe ouvrière pour renverser
le pouvoir de la bourgeoisie compradore, des capitalistes bureaucrates et des
propriétaires fonciers qui représentent les intérêts de l'impérialisme et des
vestiges du féodalisme.
La “théorie des deux aspects du pouvoir d'État” a
en effet privé le prolétariat de son indépendance au sein du front uni formé
avec la bourgeoisie nationale, dissous les intérêts du prolétariat dans ceux
de la bourgeoisie nationale et mis le prolétariat dans une position de
caractère suiviste vis-à-vis de la bourgeoisie nationale.
Pour remettre le prolétariat à sa position
dirigeante dans la lutte libératrice du peuple indonésien, il est absolument
nécessaire de rectifier l'erreur de “la théorie des deux aspects du pouvoir d'État”
et d'éliminer ce point de vue erroné concernant l'enseignement
marxiste-léniniste sur l'État et la révolution.
La voie menant à une Indonésie nouvelle complètement
indépendante et démocratique
La Révolution d'Août 1945, dans le sens concret
du mot, aurait dû être la prise du pouvoir des mains de l'impérialisme
étranger, la destruction complète de l'appareil du régime colonial et
l'établissement d'un pouvoir d'État complètement nouveau, une dictature de la
démocratie populaire sous la direction de la classe ouvrière. Cette
révolution, dans le sens concret du mot, a duré seulement trois ans, de 1945
à 1948. Elle a subi son échec définitif et total quand le pouvoir d'État
tomba complètement dans les mains de la bourgeoisie réactionnaire qui s'en
servit pour réprimer les forces motrices de la révolution.
Ainsi, dans les années qui ont suivi 1948,
l'Indonésie a cessé de se trouver en état de révolution. Ceci ne veut pas
dire que la lutte révolutionnaire du peuple indonésien s'est arrêtée elle
aussi. Non! La lutte révolutionnaire continue, mais ce n'est pas une
révolution. Les objectifs directs qui sont devenus les revendications de la
lutte ne consistent pas en des changements révolutionnaires, ou extirpation
du système social ancien, système de l'impérialisme et des vestiges du
féodalisme, mais en des réformes sur le plan tant politique qu'économique.
Pas mal de révolutionnaires indonésiens s'étaient joints au colportage de
cette phrase: “la révolution ne s'est pas terminée” et se croyaient encore
dans la révolution. C'était une erreur qui n'aurait pas dû être commise.
Après la Révolution de 1945, l'Indonésie a
cessé d'être un pays colonisé. Mais cela ne veut pas dire que l'Indonésie est
devenue un pays complètement indépendant et entièrement libéré de la
domination impérialiste dans les domaines économique, politique et culturel.
La prise de possession des entreprises impérialistes par le gouvernement
conformément à l'exigence populaire n'était nullement une liquidation de la
domination économique impérialiste. Par différents moyens et avec l'aide de ses
compradores, l'impérialisme, l'impérialisme américain en particulier, pouvait
encore continuer à exploiter le peuple indonésien. Par ailleurs, comme le
pouvoir n'était pas dans les mains du peuple, la prise de possession de ces
entreprises n'a pas transformé ces dernières en entreprises populaires au
moyen de la gestion de l'État. Il s'ensuit donc que cela ne pouvait pas
améliorer les conditions de vie du peuple, en particulier celles des ouvriers
employés dans ces entreprises. Au contraire, elle a donné jour aux
capitalistes bureaucrates venant des civils et principalement des militaires,
qui sont finalement devenus compradores des impérialistes.
À part cela, l'Indonésie n'est pas encore un pays
vraiment démocratique, pays libéré des vestiges du féodalisme sur le plan
politique, économique et culturel. Le système des propriétaires fonciers qui
est devenu la base de l'exploitation féodale des paysans n'était pas aboli.
De même, le système totalitaire de gouvernement caractérisant le pouvoir
politique féodal est encore maintenu à la campagne.
En bref, après la Révolution d'Août 1945, l'Indonésie
reste encore un pays semi-féodal et semi-colonial Le pouvoir n'est pas dans
les mains du peuple, mais dans celles des couches supérieures de la
bourgeoisie et de la classe des propriétaires fonciers. Seule une poignée d'Indonésiens
au sein des classes régnantes ont joui des fruits de l'indépendance, tandis
que le peuple, particulièrement les ouvriers et les paysans qui ont fait les
plus grands sacrifices pour cette révolution vivent encore sous l'exploitation
et l'oppression de l'impérialisme et des vestiges du féodalisme. Par
conséquent, ils sont encore loin de l'indépendance et de la libération.
La domination de la dictature militaire des
généraux de droite de l'armée, dirigés par Suharto et Nasution, et de leurs
complices, les capitalistes bureaucrates, les classes des compradores et des
propriétaires fonciers, loin d'alléger l'exploitation du peuple indonésien
par l'impérialisme et les vestiges du féodalisme, ne fait que l'intensifier
davantage.
Comme il a été prouvé par les faits, la clique des
généraux de droite de l'armée dirigés par Suharto-Nasution s'appuie
complètement sur l'aide des pays impérialistes, les États-Unis en tête, pour
établir sa dictature sur le peuple indonésien. Poussés par les
impérialistes américains, toutes les puissances impérialistes qui ont donné
leur “aide” à l'Indonésie ont formé le soi-disant “Club de Tokyo” et des
moyens plus efficaces y sont discutés pour apporter leur “aide” économique à
l'Indonésie, en partant non pas des intérêts du peuple indonésien mais de
ceux des pays impérialistes qui offrent cette “aide”, particulièrement des
États-Unis, afin que par cette “aide” économique l'Indonésie puisse être
sauvée de la “menace communiste”, c'est-à-dire de la révolution qui
liquiderait le capital impérialiste en Indonésie. La mise sur pied du “Club
de Tokyo” n'est rien d'autre qu'un effort de l'impérialisme international,
l'impérialisme américain en tête, visant à décider conjointement la méthode
la plus efficace pour pratiquer le néo-colonialisme en Indonésie.
Ce fait flagrant ne peut être caché par des
paroles sonores prononcées par les réactionnaires du pays et l'impérialisme
international, paroles telles que “aide des pays industriellement avancés”,
“aide économique basée sur le bénéfice mutuel”, “avec l'aide étrangère on
parvient plus rapidement à compter sur soi”, etc. Non, tout cela est
impossible! Les faits diront eux-mêmes sous la domination des généraux de
droite, dirigés par Suharto et Nasution, et de leurs complices, et avec l'assistance
de l'impérialisme international, États-Unis en tête, que le néo-colonialisme
est en train de se consolider en Indonésie.
C'est pourquoi sous la domination de cette
dictature militaire le peuple indonésien ne sera jamais libéré des
souffrances mentale et physique et de toutes les injustices de leur vie.
Des milliers d'ouvriers sont devenus victimes
de licenciements arbitraires, tandis que ceux qui sont encore employés, non
seulement souffrent davantage d'un salaire bien au-dessous de leur besoin
quotidien, mais aussi ont vu leurs libertés démocratiques piétinées. Les
fonctionnaires du gouvernement subissent le même sort.
Sous la domination de la dictature militaire,
non seulement la Loi agraire fondamentale et la Loi sur le métayage ne sont
plus en vigueur, lois qui sont d'ailleurs peu avantageuses pour les paysans,
mais aussi les gains réalisés par leur lutte ont été arrachés de force par
les propriétaires fonciers. Une oppression encore plus tyrannique est exercée
sur les paysans par les propriétaires fonciers sous la protection des armes.
Les intellectuels démocratiques ne sont plus
libres de poursuivre leurs activités scientifiques. La “liberté académique”
autour de laquelle on a fait un grand tapage n'est rien d'autre qu'une
liberté de propager la science qui sert les intérêts de l'impérialisme et des
classes exploiteuses du pays. Les étudiants et les élèves ne peuvent pas
poursuivre paisiblement leurs études. Les écrivains et les artistes populaires
ne jouissent pas de liberté de création, parce que toutes les oeuvres
littéraires et artistiques servant les intérêts du peuple sont interdites,
seuls la littérature et l'art décadents et anti-révolutionnaires, tels que
les oeuvres des auteurs du “Manifeste culturel”[8]
réactionnaire, peuvent avoir un libre cours.
Sous la dictature militaire des généraux de
droite de l'armée, les petits hommes d'affaires et les entrepreneurs
nationaux dans les domaines industriel et commercial sont placés devant un
avenir très sombre.
Étant donné que la société indonésienne est
encore de nature semi-féodale et semi-coloniale et que l'oppression exercée
par l'impérialisme et les vestiges du féodalisme, loin d'être abolie, est
actuellement intensifiée par la dictature militaire des généraux de droite de
l'armée et de leurs complices ainsi que de l'impérialisme international, cela
signifie que les causes donnant lieu à une révolution dont le caractère est
le même que celui de la Révolution d'Août 1945 existent encore, révolution
démocratique bourgeoise de type nouveau. Cela veut dire qu'à un moment
opportun une autre révolution aura certainement lieu en Indonésie, et que
seulement par cette révolution le peuple indonésien pourra se libérer de
l'oppression et de l'exploitation de l'impérialisme et des vestiges du
féodalisme, édifier une Indonésie nouvelle totalement indépendante et
démocratique, et marcher de l'avant vers le socialisme.
Quand nous disons que le peuple indonésien fera
certainement une autre révolution dont le caractère est le même que celui de
la Révolution d'Août 1945, cela signifie-t-il que la prochaine révolution
sera identique à celle de 1945?
La contradiction principale dans la société indonésienne
actuelle reste la même que celle qui existait au moment du déclenchement de
la Révolution d'Août 1945, C'est-à-dire l'impérialisme et les vestiges du
féodalisme se trouvent en contradiction avec les masses populaires qui
désirent l'indépendance complète et la démocratie. Le système impérialiste et
semi-féodal entretenu par les impérialistes, leurs compradores et les
propriétaires fonciers s'oppose à la classe ouvrière, au paysannat, à la
petite bourgeoisie et, dans une certaine mesure, aussi à la bourgeoisie
nationale qui désire liquider le système de l'impérialisme et des vestiges du
féodalisme.
Ce faisant, l'objectif à atteindre par la
révolution reste le même: l'impérialisme et les vestiges du féodalisme. Les
classes qui sont ennemies de la révolution demeurent pour l'essentiel les mêmes,
l'impérialisme, les compradores, les capitalistes bureaucrates et les
propriétaires fonciers. Les forces motrices de la révolution sont également
les mêmes, la classe ouvrière, le paysannat, et la petite bourgeoisie.
Cependant, la lutte entre ces forces motrices et leurs ennemis connaîtra
certains changements.
La tâche principale de la Révolution d'Août
1945 était d'arracher le pouvoir des mains des impérialistes étrangers
(impérialistes japonais), et plus tard des impérialistes hollandais qui
tentèrent de restaurer par une guerre d'agression leur domination coloniale
sur le peuple indonésien qui les combattit par une guerre d'indépendance.
Dans une telle situation, la contradiction entre la nation tout entière et
l'impérialisme hollandais était la contradiction principale, et les contradictions
entre les différentes classes du pays, y compris la contradiction entre la
classe des propriétaires fonciers et le paysannat, étaient subordonnées à
cette contradiction principale. À l'époque, il était juste de dire que la
tâche du renversement de l'impérialisme était primordiale par rapport à
l'autre tâche urgente, le renversement des vestiges du féodalisme.
Depuis la Révolution d'Août 1945, il n'y a pas
de domination politique impérialiste directe en Indonésie, sauf le cas
d'Irian occidental[9]
avant sa libération. Cette Révolution ayant échoué le pouvoir politique
national est tombé dans les mains des classes réactionnaires du pays - la
bourgeoisie compradore et les propriétaires fonciers. Dans les dix dernières
années, une nouvelle classe réactionnaire a pris naissance, dont beaucoup
d'officiers de l'armée qui ont acquis leur position grâce au SOB[10]
(la loi martiale) qui est maintenu jusqu'à présent. Ce sont des capitalistes
bureaucrates qui sont devenus compradores des impérialistes, particulièrement
des impérialistes américains, et qui ont établi la dictature militaire des
généraux de droite de l'armée dirigés par Suharto et Nasution et de leurs
complices. Dans une telle situation, il est incorrect de dire que le
“renversement de l'impérialisme” est primordial par rapport à l'autre tâche
urgente - le renversement des vestiges du féodalisme.
Depuis que les impérialistes ne détiennent plus le
pouvoir politique en Indonésie, leurs intérêts politiques sont représentés
par la bourgeoisie compradore, les capitalistes bureaucrates et les
propriétaires fonciers qui ont accédé au pouvoir d'État. Il s'ensuit que c'est
seulement en renversant le pouvoir des classes réactionnaires du pays qu'on
peut réaliser concrètement le renversement de l'impérialisme et des vestiges
du féodalisme. C'est la tâche primordiale dans le stade actuel de la
révolution indonésienne.
C'est une erreur de ne pas voir la différence
entre les conditions objectives de l'époque de la Révolution d'Août 1945 et
celle de l'époque ultérieure et de vouloir garder le slogan “renverser
l'impérialisme est primordial” à l'époque où l'impérialisme ne détient pas
directement le pouvoir politique en Indonésie. Cette erreur avait conduit à
une situation dans laquelle un plein rôle n'était pas donné aux actions des
masses révolutionnaires des ouvriers et des paysans visant à réaliser leurs
revendications économiques et politiques, car les contradictions de classe
dans le pays étaient forcées de se subordonner à la lutte commune “pour
renverser l'impérialisme”, et celle-ci, en fait n'avait pas d'autre objectif
concret que celle de libérer l'Irian Occidental, de prendre en possession les
entreprises impérialistes et d'appliquer une politique étrangère
anti-impérialiste. Tout cela a renforcé encore la position de la bourgeoisie
plus que celle des forces motrices de la révolution, c'est-à-dire les
ouvriers, les paysans et la petite bourgeoisie.
Ainsi, la différence entre la Révolution d'Août
1945 et celle qui se déclenchera de nouveau en Indonésie se trouve dans la
question: des mains de qui le pouvoir d'État sera-t-il arraché par le
peuple? La Révolution d'Août 1945 l'avait arraché des mains de
l'impérialisme étranger, tandis que la prochaine révolution l'arrachera des
mains des classes réactionnaires du pays. Par conséquent, la contradiction
entre les classes réactionnaires du pays qui détiennent le pouvoir d'État
d'une part et le peuple de l'autre sera très aiguë et irréconciliable. Cette
révolution restera essentiellement une révolution agraire, qui libérera le
paysannat de l'exploitation des vestiges du féodalisme et abolira le système
des propriétaires fonciers. En même temps, elle prendra aussi des mesures
anti-impérialistes.
Aujourd'hui, le peuple indonésien fait face à la
dictature militaire des généraux de droite de l'armée, dirigés par
Suharto-Nasution, et de leurs complices, expression du pouvoir de la classe
la plus réactionnaire de notre pays. Sous ce régime fasciste qui a privé le
peuple de ses libertés démocratiques et de ses droits fondamentaux de l'homme,
il est impossible pour le peuple indonésien d'entreprendre des actions
économiques et pacifiques sans être réprimé par la force des armes.
L'absence de la démocratie pour le peuple et la
répression par la force des armes de tous les mouvements révolutionnaires et
démocratiques du pays poussent inévitablement le peuple tout entier à prendre
les armes pour défendre ses droits. La lutte armée du peuple contre la
contre-révolution armée est inévitable et constitue la forme principale de
lutte de la prochaine révolution. C'est seulement en suivant la voie de la
lutte armée que le peuple indonésien réussira à renverser le pouvoir de la
contre-révolution armée, en tant que condition préalable pour réaliser son
aspiration pour laquelle il a lutté depuis des dizaines d'années: l'indépendance
et la liberté.
La nécessité de la lutte armée pour défaire la
contre-révolution armée est comprise non seulement par les communistes, mais
aussi par les révolutionnaires non-communistes. Cependant, il est
nécessaire d'indiquer que la lutte armée, en tant que révolution, qui vise à
défaire la contre-révolution armée ne doit pas être lancée sous forme d'un
aventurisme militaire, sous forme d'un putsch, lequel se détache de l'éveil
des masses populaires. Les révolutionnaires ne doivent pas, même pour une
seconde, dévier du principe: c'est le peuple qui se libérera lui-même. Une
déviation par rapport à ce principe conduira certainement à l'échec.
Puisque l'étape actuelle de la révolution indonésienne
est essentiellement une révolution agraire menée par le paysannat, la lutte
armée du peuple indonésien sera également une lutte armée des paysans pour se
libérer de l'oppression des vestiges du féodalisme. La lutte armée contre la
contre-révolution armée ne peut jamais être durable et sera finalement
conduite à un échec certain, à moins qu'elle ne soit essentiellement une
lutte armée des paysans pour réaliser la révolution agraire. Et la lutte
armée des paysans pour réaliser la révolution agraire pourra réussir à
arracher la victoire complète et à libérer réellement les paysans de l'oppression
des vestiges du féodalisme, seulement si elle est menée sous la direction du
prolétariat et si elle ne se limite pas à renverser le pouvoir des
propriétaires fonciers à la campagne, mais vise à liquider tout le pouvoir de
la contre-révolution intérieure qui est actuellement représenté par la
dictature militaire des généraux de droite de l'armée dirigés par
Suharto-Nasution et de leurs complices.
Conclusion
En étudiant une fois de plus les problèmes majeurs
de la Révolution d'Août 1945, nous pouvons tirer quelques conclusions qui ont
la plus grande importance pour le prolétariat indonésien et son avant-garde,
le PKI, en face de sa tâche future pour mener la révolution démocratique
populaire en tant que seule voie pour réaliser l'aspiration de tout le peuple
indonésien qui ne pouvait pas être réalisée par la Révolution d'Août 1945,
notamment l'établissement d'une nouvelle Indonésie complètement indépendante
et démocratique. Les conclusions sont les suivantes:
1. La Révolution d'Août 1945, en tant qu'une
révolution bourgeoise de type nouveau dont la mission est de liquider
complètement la domination de l'impérialisme et les vestiges du féodalisme,
aurait pu obtenir la victoire, si elle avait été dirigée par le prolétariat.
En vue d'établir sa direction dans la révolution démocratique bourgeoise de
type nouveau le prolétariat doit, avant tout, former une alliance avec le
paysannat, et sur la base de cette alliance ouvriers-paysans dirigée par la
classe ouvrière, forger un front uni révolutionnaire avec toutes les autres
classes et groupes révolutionnaires. Le prolétariat ne peut accomplir sa
mission comme leader du front uni révolutionnaire que s'il a un programme et
des tactiques justes acceptés par ses alliés comme guide de la révolution,
que s'il possède une organisation puissante et que s'il donne l'exemple dans
l'accomplissement des tâches nationales. En ce qui concerne le programme
juste, il est d'une importance primordiale d'avoir un programme agraire
révolutionnaire dans la formation de l'alliance de la classe ouvrière et du
paysannat; en ce qui concerne les tactiques justes, il est d'une importance
primordiale de maîtriser la principale forme de la lutte, notamment la lutte
armée, qui s'appuie sur le soutien du paysannat. Tout cela ne peut être
réalisé que si le prolétariat possède son propre parti politique, le PKI, qui
est entièrement guidé par la théorie révolutionnaire marxiste-léniniste et
exempt de toute sorte d'opportunisme.
2. La condition préalable pour la réalisation
complète des tâches de la Révolution d'Août 1945, sans se limiter à une
simple prise de pouvoir d'État des mains de l'impérialisme étranger et à son
transfert à la République d'Indonésie, doit être la liquidation de toute la machine
du régime colonial et l'établissement d'un État complètement nouveau,
notamment la dictature de la démocratie populaire, pouvoir conjoint de toutes
les classes anti-impérialistes et anti-féodales placé sous la direction de la
classe ouvrière. La dictature démocratique populaire, en tant qu'instrument
de la révolution démocratique bourgeoise de type nouveau, doit réprimer par
la force des armes et sans merci tous les ennemis de la révolution, et
assurer au peuple les plus larges droits démocratiques. Puisqu'elle
n'était pas dirigée par le prolétariat, la Révolution d'Août 1945 n'avait pas
rempli les conditions préalables comme il se devait. La machine du régime
colonial n'était pas complètement liquidée. La République d'Indonésie qui
était établie n'était pas une dictature démocratique populaire, mais une
république bourgeoise.
L'application erronée de la théorie sur la
contradiction et la déviation de l'enseignement marxiste-léniniste sur l'État
et la révolution ont conduit la direction du PKI à l'opportuniste “théorie
des deux aspects du pouvoir d'État”.
3. L'émancipation du peuple indonésien de l'exploitation
et de l'oppression de l'impérialisme et des vestiges du féodalisme ne peut
être réalisée que par la voie de la révolution, qui aura sûrement lieu une
fois de plus: cette révolution a le même caractère que celle d'Août 1945, c'est-à-dire
une révolution démocratique bourgeoise de type nouveau. La première tâche de
la prochaine révolution est la destruction par une lutte armée du pouvoir des
contre-révolutionnaires intérieurs qui est actuellement représenté par la
dictature militaire des généraux de droite, Suharto-Nasution et leurs complices.
La lutte armée pour défaire la contre-révolution armée ne saurait être
victorieuse que lorsqu'elle est essentiellement une lutte armée du paysannat
pour réaliser la révolution agraire. La lutte armée du paysannat pour
réaliser la révolution agraire ne saurait aboutir à la victoire que lorsqu'elle
est lancée sous la direction du prolétariat et a pour objectif la liquidation
du pouvoir de toutes les forces contre-révolutionnaires intérieures.
4. Les tâches du Parti pour conduire la
révolution démocratique populaire à la victoire sont les suivantes:
Primo: Continuer à reconstruire le PKI
suivant la ligne marxiste-léniniste pour qu'il devienne un parti exempt de
toute sorte d'opportunisme et conséquent dans la lutte contre le
subjectivisme et le révisionnisme moderne, et en même temps continuer d'éclairer,
organiser et mobiliser les masses, surtout les ouvriers et les paysans.
Secundo: Etre prêt à mener une lutte armée
prolongée, qui est intégrée dans la révolution des paysans à la campagne.
Tertio: Former un front uni de toutes les
forces qui sont contre la dictature militaire des généraux de droite de l'armée
dirigés par Suharto-Nasution, un front uni qui est basé sur l'alliance de la
classe ouvrière et du paysannat sous la direction du prolétariat. Ce sont là
les trois bannières du Parti dans la révolution démocratique populaire.
Ainsi nous avons tiré des leçons des problèmes
majeurs de la Révolution d'Août 1945, et ce faisant, nous avons compris les
tâches principales à remplir dans les jours à venir. Nous nous rendons compte
de façon profonde que l'ennemi de la prochaine révolution est représenté par
toutes les forces contre-révolutionnaires du pays dirigées par les généraux
de droite de l'armée, Suharto et Nasution, qui jouissent du soutien des
impérialistes, en particulier des impérialistes américains. D'autre part,
nous sommes aussi profondément conscients que la prochaine révolution
indonésienne est une révolution impatiemment attendue par l'écrasante
majorité du peuple indonésien, une révolution qui a tiré des leçons des plus
précieuses de la Révolution d'Août 1945. De la même manière que la grande
Révolution chinoise, la glorieuse Révolution vietnamienne, les victorieuses
Révolutions coréenne et cubaine, ainsi que toutes les autres révolutions dans
les pays semi-coloniaux et semi-féodaux, la Révolution indonésienne tire sa
force principale du paysannat qui, comme dit Lénine, "est capable de
devenir un adhérent de tout coeur et le plus radical de la révolution
démocratique". Pourvu que le prolétariat soit capable de donner une
direction correcte, le "paysannat deviendra inévitablement un rempart de
la révolution et de la république, car seule une révolution complètement
victorieuse peut tout donner au paysannat dans le domaine des réformes
agraires - tout ce que les paysans désirent, en vue de sortir du bourbier du
semi-servage et des ténèbres de l'oppression et de la servitude."
(Lénine, Deux tactiques de la Social-Démocratie dans la Révolution
Démocratique.)
Nous, également, nous n'oublierons jamais que le
prolétariat international, aussi bien le prolétariat des différents pays qui
a réussi à se libérer lui-même et à libérer sa nation que celui qui est
encore en lutte pour sa libération, ainsi que tous les peuples qui sont en
train de lutter contre l'impérialisme, sont les alliés de la prochaine
révolution indonésienne. Et nous savons que l'impérialisme américain, chef de
file de la contre-révolution mondiale, en dépit des services rendus par les
révisionnistes modernes khrouchtchéviens, se trouve en face d'une défaite
inévitable et ignominieuse au Vietnam.
Nous savons que la tâche devant nous est ardue,
pleine de difficultés et de danger, mais la naissance d'une conscience
nouvelle et la détermination de retourner à la voie de la révolution nous
donneront une force de combat invincible.
Nous ne pouvons pas dire combien est long le
chemin que nous avons à parcourir, mais par le retour au chemin de la
révolution, l'espoir de la victoire n'est plus une illusion.
Nous savons également que le chemin que nous
empruntons n'est pas celui qui est pavé de fleurs; mais nous sommes
convaincus que c'est seulement en prenant ce chemin que nous verrons
l'épanouissement des roses rouges, décorant une nouvelle vie libre et
démocratique.
Répondons, avec la plus ferme détermination et en
consacrant de tout coeur notre capacité, à l'appel de la tâche future, pour
renverser la domination de la dictature militaire des généraux de droite de l'armée,
Suharto et Nasution, leaders de la contre-révolution intérieure, en vue de
paver la voie pour l'Indonésie nouvelle qui sera débarrassée de la domination
de l'impérialisme et des vestiges du féodalisme! Liquidons la dictature
militaire des généraux de droite de l'armée, dirigés par Suharto-Nasution, et
de leurs complices!
Vive le peuple d'Indonésie
Gloire au Parti et à la patrie
Bureau Politique du Comité Central du PKI
Java Central, le 17 août 1966.
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