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Fausses révolutions et vrais abus de langage

 

 

Un spectre hante le monde, c'est le “socialisme du 21e siècle” pour le développement duquel le “révolutionnaire bolivarien” Hugo Chávez, président de Venezuela, fait la promotion. S'il est sans doute nécessaire de démonter la tromperie autour de l'aura révolutionnaire que se fabrique Chávez, il est également important d'examiner certaines positions politiques qui prétendent critiquer Chávez sur une base authentiquement révolutionnaire, mais n'ajoutent en fait qu'un autre niveau de mystification.

 

 

 

 

 

 

Liens complémentaires:

 

 

Quelques déformations dans l'interprétation de l'expérience historique révolutionnaire

Argentina 1900‑1950

México 1900‑1952

Historia de Venezuela

PTA: La théorie et la pratique de la révolution

 

 

 

 

 

 

Écrit: avril 2006
Dernière modification: septembre 2014

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Hugo Chávez et le "socialisme du 21e siècle"

Inspirations et interprétations

Les trotskistes au Venezuela

Quelques observations au sujet de la Révolution russe de 1917

Les perspectives illusoires d'un double pouvoir

L'axe Venezuela-Cuba

Venezuela et Cuba selon le point de vue trotskiste

 

Hugo Chávez et le "socialisme du 21e siècle"

Un spectre hante le monde. Si ce n'est la planète entière, du moins un certain microcosme de militants du Nouveau Monde, lesquels entrainent en leur sillage aussi d'autres, du côté du Vieux Continent. C'est le "socialisme du 21e siècle" pour le développement duquel le "révolutionnaire bolivarien" Hugo Chávez, président du Venezuela, fait la promotion. Seulement vers le début de l'année 2005, il s'est mis à prêcher la bonne parole. Antérieurement, il avait été soumis à quelques flottements. En 2002, il avait expliqué qu'en théorie il n'était pas possible d'humaniser le capitalisme, mais qu'en pratique c'était en train de se faire dans son pays. Voici ce qu'il en disait à l'époque[1]:

Je pense que vu en tant que capitalisme, en tant que système économique isolé ou pris en dehors du contexte d'autres composants tels que le social, l'idéologique et le politique, le capitalisme pure, donc, n'est pas humanisable. [...] Mais dans le cas vénézuélien, avec un gouvernement comme celui-ci, avec une constitution comme celle-ci, avec un peuple qui s'est réveillé comme le nôtre, avec une corrélation des forces comme celle que nous avons, alors oui, il est humanisable. Je crois que dans ces trois dernières années nous l'avons retouché plus d'une fois. Nous sommes dans le cadre d'un système capitaliste, nous ne l'avons pas changé, ce serait mentir de le dire, [...]. Alors, cela sont des touches d'humanisation à l'intérieur du modèle capitaliste. En tant qu'étape transitoire, bien sûr.

Plus récemment, H. Chávez a commencé à formuler ‑ en paroles et à titre individuel ‑ des positions plus tranchées[2]: "Dans le cadre du modèle capitaliste il est impossible de résoudre le drame de la pauvreté, il est impossible de résoudre le drame de la misère, de l'inégalité." Ou encore[3]: "[...] le chemin vers un monde nouveau, meilleur et possible, ce n'est pas le capitalisme, le chemin, c'est le socialisme."

S'il est certainement nécessaire de démonter la tromperie autour de l'aura révolutionnaire que se fabrique H. Chávez, il est également important d'examiner certaines positions politiques qui prétendent le critiquer sur une base authentiquement révolutionnaire, mais n'ajoutent finalement qu'un autre niveau de mystification. Avant d'aborder cet aspect, nous donnons quelques éléments utiles pour situer le contexte de la "révolution bolivarienne".

Comme souvent, le mot socialisme ne revêt ici qu'une signification purement moralisatrice[4]:

Nous qui voulons aller avec le Christ sur la voie de la construction du règne de Dieu ici sur terre, c'est-à-dire de l'égalité et de la liberté, allons-y vers le socialisme!

Tout en développant un discours sur l'économie, H. Chávez se limite en fait à la question de la forme politique sous laquelle peut évoluer le système en place. Ce n'est pas de révolution qu'il s'agit, mais de démocratie, terme auquel est accolé le qualificatif de révolutionnaire[5]: "La démocratie révolutionnaire sert d'instrument pour aller vers ce nouveau socialisme, vers le socialisme du 21e siècle."

Dans un souci propagandiste, H. Chávez conteste la validité du concept de "troisième voie"[6]: "Maintenant, certains parlent et ont écrit beaucoup au sujet de la troisième voie, capitalisme au visage humain, [...] non, c'est un mensonge, c'est un mensonge." Cependant, les inspirations de remplacement desquelles il se nourrit ne sont pas plus valables[7]:

Les Chinois ont un concept et une théorie et une ligne stratégique très intéressants, ils parlent d'un pays à deux systèmes, c'est-à-dire, une coexistence. D'une part, le socialisme, le communisme, eh bien la Chine communiste donc, la République populaire de Chine, la République de Mao Tsé-toung. Et d'autre part, ils cohabitent également avec quelques zones du capitalisme ‑ un pais, deux systèmes.

La réalité allant de pair avec ces paroles est sans surprise. La mise en pratique des positions politiques confuses et imprécises se traduit par la collaboration avec les capitalistes[8]:

Fedecámaras [Fédération de Chambres et Associations de Commerce et de Production de Venezuela] a élu un nouveau président, Mr José Luis Betancourt, et il a déclaré [...]: "Nous devons nous mettre d'accord" [...]. Bienvenue à Mr Betancourt, et aux entrepreneurs de Fedecámaras, bien, nous allons discuter, nous allons nous mettre d'accord [...]. Nous respectons et respecterons les droits de tous, de même que nous espérons que tous respectent les droits de tous. [...] ici nous avons vu également [...] le président de Conindustria [Confédération vénézuélienne d'industriels], Eduardo Gómez Sigala, voici il dit [...]: "Nous pourrions cohabiter avec le socialisme..." Des entrepreneurs qui entrent en lice, je leur donne la bienvenue, et nous-mêmes sommes disposés à discuter, à nous entretenir [...].

Au bout du compte, H. Chávez ne fait qu'emboiter le pas à la social-démocratie. Il véhicule des concepts à la mode auprès de divers experts au service de la bourgeoisie. Ainsi, en se référant à un livre de José María Venegas, député espagnol du PSOE, "un bon ami[9]", il explique[10]:

Nous ne pouvons en rester à chercher des entreprises traditionnelles, il faut créer un nouveau modèle d'entrepreneur  [...]. [...] il y a un concept hautement intéressant, pour nous qui parlons de gisements de pétrole, parce que cet homme [J. M. Venegas] parle de gisements d'emplois, qu'il faut chercher de nouveaux gisements d'emplois, très approprié comme terme. Ainsi comme nous sommes en train de chercher du pétrole et des gisements, de même pour des gisements d'emplois. Où gît le potentiel d'emploi pour notre peuple, afin d'éliminer le chômage?

Inspirations et interprétations

H. Chávez aime parler, et d'après ses propres dires, il passe également beaucoup de temps à lire. Ainsi il fait fréquemment référence à des auteurs dont il reprend les idées. Voyons qui on trouve parmi les personnages mentionnés.

Il y a Viviane Forrester, "cette bonne amie française[11]", et son livre L'horreur économique[12]: "[...] un bon livre, [...] je recommande toujours ce livre, chaque fois j'y pense, je l'ai même par ici et de temps en temps je le relis." Puis, une référence ayant plus de poids: István Mészáros, "un bon ami à nous, socialiste[13]". À une question concernant "l'alternative à la société actuelle", H. Chávez répond que "ce serait une audace de ma part de détenir une définition propre quand je vois des intellectuels reconnus comme Mészáros et d'autres qui s'occupent d'étudier le sujet[14]". Il s'agit en particulier du livre Beyond Capital ‑ Towards a Theory of Transition (paru en 1995), que H. Chávez a d'ailleurs fait parvenir à Fidel Castro en lui en recommandant la lecture[15].

István Mészáros, né à Budapest en 1930, y étudia la philosophie. Il était disciple de György Lukács avec lequel il travaillait par la suite au sein de l'Institut de l'Esthétique de l'Université de Budapest. Il émigra en 1956 et réside actuellement en Grande Bretagne. En 1970 il reçut le prix du "Mémorial Isaac Deutscher". Il véhicule la position anticommuniste bien connue selon laquelle l'État soviétique s'opposait à la classe ouvrière[16]:

Alors qu'en mars et avril 1917 Lénine continuait à plaider pour "un État sans armée permanente, sans police opposée au peuple, sans fonctionnaires placés au-dessus du peuple", et proposait d´"organiser et armer tous les éléments pauvres et exploités de la population, afin qu'eux-mêmes prennent directement en main les organes du pouvoir d'État et forment eux-mêmes les institutions de ce pouvoir", une inflexion significative devint perceptible dans son orientation après la prise du pouvoir. Les thèmes principaux de L'État et la révolution passaient de plus en plus à l'arrière-plan dans sa pensée. Les références positives à l'expérience de la Commune de Paris (telles que l'implication directe de "tous les éléments pauvres et exploités de la population" dans l'exercice du pouvoir) disparurent de ses discours et écrits, et l'accent était mis sur "la nécessité du pouvoir central, de la dictature et de l'unité de volonté, ‑ nécessaires pour que le prolétariat avancé se concentre, se développe et rétablisse l'État sous de nouvelles formes, en tenant le pouvoir solidement en mains". Ainsi, en contraste avec les intentions d'origine qui partaient du principe de l'identité fondamentale de "l'ensemble du peuple en armes" avec le pouvoir d'état, apparut une séparation de ce dernier vis-à-vis des "travailleurs", alors que "le pouvoir de l'état prolétarien organise à l'échelle nationale la grande production sur le sol de l'État, et dans les entreprises de l'État, distribue la force ouvrière entre les diverses branches fie l'économie et les entreprises, répartit la masse des stocks de produits de consommation appartenant à l'État entre les travailleurs". Le fait que les rapports des travailleurs avec le pouvoir d'état ainsi concrétisés dans répartition centralisée de la force de travail, constituaient une relation de subordination structurelle, ne semblait pas troubler Lénine qui contourna cette question en décrivant simplement la nouvelle forme de pouvoir d'état séparé comme "le pouvoir de l'état prolétarien". Ainsi la contradiction objective entre dictature du prolétariat et le prolétariat lui-même disparut de l'horizon au moment même où cette première fit surface en tant que pouvoir d'état centralisé qui détermine par lui-même la répartition de la force de travail.

I. Mészáros met sur le même plan l´"État-providence" et l'État soviétique comme simple variantes d'aménagement du système capitaliste en crise[17]:

Le vingtième siècle avait été témoin de nombreuses tentatives échouées qui visaient à surmonter les limitations systémiques du capital, du keynésianisme à l'interventionnisme d'État de type soviétique, en même temps que des conflagrations politiques et militaires auxquelles elles donnèrent lieu. Et pourtant, tout ce à quoi de telles tentatives pouvaient parvenir, c'était la hybridation du système du capital, en comparaison avec sa forme économique classique ‑ avec des implications extrêmement problématiques pour l'avenir ‑, mais pas de solutions structuralement viables.

Au-delà des inspirations littéraires, il faut noter certains personnages qui exercent une influence plus directe. C'est le cas d'Alan Woods, co-fondateur, avec Ted Grant et d'autres, du groupe Socialist Appeal (nommé ainsi d'après le périodique qu'il édite) de Grande Bretagne. Cette organisation anime un courant international qui s'appelle “International Marxist Tendency”. Parmi les participants de ce regroupement figure le Corriente Marxista Revolucionaria (CMR El Militante) au Venezuela[18]. Woods a offert à H. Chávez un exemplaire dédicacé du livre Reason in Revolt dont il est coauteur avec Ted Grant[19]. L'intervention de Woods au Venezuela s'appuie sur celle de Celia Hart, fille d'un ancien ministre cubain. Autre lien notable avec Cuba: Marta Harnecker, née au Chili de parents immigrés d'Allemagne. Elle alla vivre à Cuba après l'instauration de la dictature par Augusto Pinochet. En avril 2002, elle rencontra Chávez pour prendre une interview. Par la suite elle s'établit au Venezuela et commença à jouer progressivement un rôle actif auprès du président. On dit qu´"elle, tout comme Ignacio Ramonet et l'ambassadeur cubain, se permet le luxe d'entrer à Miraflores [le palais présidentiel] en dehors des audiences[20]". Parmi les conseillers de Chávez ‑ durant une certaine période ‑ on peut encore évoquer Heinz Dieterich Steffan, professeur à l'Université national autonome de Mexique (UNAM)[21]. Selon ce dernier, "Hugo Chávez s'est placé à la tête de la Révolution Mondiale en définissant comme une nécessité théorico-pratique mondiale l'“invention du socialisme du 21e siècle”, c'est-à-dire d'un socialisme “se situant dans le nouveau siècle”"[22].

M. Harnecker est bien placée pour synthétiser la politique appliquée par H. Chávez. En réponse à la question suivante: "L'insistance sur le socialisme comme unique chemin apparait paradoxalement en même temps que sont entreprises des efforts pour incorporer le secteur privé aux plans économiques du gouvernement. N'est-ce pas contradictoire?", elle explique[23]:

C'est quelque chose de contradictoire pour la vision classique qui a eu cours, du socialisme comme une société dans laquelle tous les moyens de production doivent être aux mains de l'État, en éliminant la propriété privée à la racine. Dans cette vision classique l'accent est mis sur la propriété et pas sur le contrôle des moyens de production. Quand Chávez parle du socialisme qu'on essaie de construire au Venezuela, il précise toujours qu'il s'agit du "socialisme du 21e siècle" et pas d'une copie des modèles socialistes antérieurs. Le point central aujourd'hui au Venezuela, c'est de sortir de la pauvreté. Il y a peu de temps j'ai entendu un jeune de gauche critiquer le vice-président de la République comme réformiste parce qu'il parlait de ce que l'ennemi principal était la pauvreté et qu'il fallait éliminer la pauvreté, au lieu de parler de la nécessité d'éliminer la bourgeoisie. Quel aveuglement! Quel dogmatisme! Quelle est la nécessité d'attaquer ces entreprises privées en ce moment? Ce ne sont que des mots d'ordres radicaux qui ont peu à voir avec une analyse de la situation réelle. Comment ce jeune ne comprend-t-il pas que pour sortir de la pauvreté, entre autres, il faut créer des emplois productifs, et que la réactivation du secteur privé a été la source principale d'emplois au cours des derniers mois dans le pays? Pourquoi ne se demande-t-il pas quelle est la raison pour laquelle la bourgeoisie vénézuélienne, qui dans le passé jouait son vatout pour renverser Chávez, est aujourd'hui disposée à collaborer avec le gouvernement?

En soi-même, le rôle joué par H. Chávez, aussi bien dans sa fonction formelle de président qu'en tant que personnage déployant individuellement une action au plan social, n'a que peu de pertinence. Les caractéristiques de la situation générale au Venezuela sont telles qu'il n'y a pas de lien intrinsèque entre lui et une certaine classe sociale ‑ classe ouvrière ou autre ‑ à travers une force politique organisée. La détermination des circonstances en termes d'intérêts de classe lui échappe; au bout du compte ces enjeux-là dépendent d'autres, que ce soient les membres du gouvernement et plus généralement de l'appareil d'État d'un côté, et toutes sortes de forces politiques se servant de lui dans de buts divers, de l'autre. Néanmoins, les prises de position et les actes de H. Chávez ne sont bien entendu pas dépourvus de signification, ne serait-ce qu'en vertu de l'effort de propagande mis en oeuvre pour présenter les évènements comme un processus révolutionnaire.

M. Harnecker se trouve en première ligne à cet égard. Il n'est pas sans importance de mentionner qu'elle fut disciple de Louis Althusser pendant ses études à Paris, de 1963 à 1968, et qu'elle publia en 1969 un livre intitulé Les concepts élémentaires du matérialisme historique, basé essentiellement sur l'interprétation spécifique de Marx formulée par Althusser. Voici quelques éléments du raisonnement que développe Harnecker en ce qui concerne la nature de la “révolution bolivarienne”[24]:

[...] Si l'on entend la révolution comme l'assaut du pouvoir, la destruction de l'appareil d'État et l'adoption de mesures économiques drastiques qui exproprient les anciens propriétaires des moyens de production, sans doute ce qui se passe au Venezuela ne peut être catalogué comme révolution sociale.

Mais, si nous entendons la révolution comme un processus poursuivant un projet qui se propose en premier lieu de faire passer le pouvoir politique d'un bloc social à un autre et, à partir de là, d'avancer en réalisant des transformations profondes dans tous les aspects de la vie sociale, et si nous entendons que le point fondamental de ce processus est de procéder en créant le sujet protagoniste de la société alternative qu'on cherche à construire ‑ alors si, nous pouvons parler de ce que le processus bolivarien est un processus révolutionnaire.

Ces arguments ont un caractère manifestement défensif. D'autres participants au débat peuvent suivre le fil conducteur de façon plus offensive, comme par exemple Fernando Ramón Bossi, membre du secrétariat à l'organisation du Congrès bolivarien des peuples, qui tient à affirmer la persistance d'un lien avec l'histoire du mouvement socialiste mondial depuis ses origines (conçu d'ailleurs de façon tout à fait éclectique)[25]:

Modèle soviétique, social-démocratie, socialisme chinois, voie vietnamienne, “juche” coréen, socialisme albanais, socialisme autogestionnaire yougoslave, socialisme de démocratie directe de la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne, etc., ce sont ou ont été des manifestations concrètes de socialisme dans le monde entier. Des quêtes originales, des expériences, des idées matérialisées dans des conditions spécifiques et des moments historiques déterminés. Toutes valides à l'heure d'être analysées, étudiées et observées, mais aucune apte à être imitée ou prise comme modèle. [...]

En principe, nous devrons construire un socialisme sans ignorer les apports des grands forgeurs: Karl Marx, Friedrich Engels, Rosa Luxemburg, Antonio Gramsci, Lénine, Mao Tsé-toung, Ho Chi Minh, etc. Mais fondamentalement et essentiellement, avec l'apport de tous ceux qui à partir de notre Amérique ont oeuvré de toutes leurs forces pour un socialisme non aliéné, autochtone, enraciné dans les luttes populaires historiques, affrontant l'impérialisme et passant par le chemin de la libération nationale. [...]

Les trotskistes au Venezuela

Dans l'éventail des positions défendues vis-à-vis de la question de H. Chávez par les trotskistes, l'IMT mentionnée plus haut a choisi une attitude largement favorable au régime en place[26]:

"Le capitalisme a échoué. Donc, que vive le socialisme!" Ce mot d'ordre, lancé par le Président Hugo Chávez dans un des meeting de masse qu'il a tenu en Inde au début de mars 2005, et les discours consécutifs dans lesquels au cours des dernières semaines il a insisté de manière répétée sur le fait que le capitalisme est un système caduc et que nous devons avancer vers le socialisme, vers un nouveau socialisme "du 21e siècle", ont agi comme stimulant pour tout le mouvement révolutionnaire vénézuélien.

Nous, du Courant marxiste révolutionnaire (CMR), avons dès le début de ce processus défendu la nécessité que la révolution bolivarienne rompe avec le système capitaliste et avance vers le socialisme, puisque c'est l'unique façon de résoudre des problèmes comme le chômage, la pauvreté, l'exploitation, le manque de logements, de santé et d'éducation dignes, gratuits et de qualité. Par conséquent nous saluons et appuyons les positions affirmées par le Président Chávez et avant tout le fait qu'il a appelé à ouvrir le débat sur ce que doit être ce socialisme.

Le CMR n'hésite pas à mettre en parallèle H. Chávez et L. Trotsky[27]:

À notre avis, aucun de ces modèles (ni le stalinisme russe effondré ni le stalinisme pro-capitaliste qui gouverne encore aujourd'hui en Chine) ne sont des modèles qui puissent nous servir d'exemple. Le socialisme du 21e siècle doit être démocratique, à participation active de chacun, c'est ce que Chávez a dit et en cela nous sommes d'accord. Cette phrase ressemble énormément à celle d'un autre révolutionnaire, Léon Trotsky, qui fut précisément celui qui lutta de la manière la plus décidée contre les conceptions bureaucratiques et dictatoriales staliniennes. Trotsky dit: "Le socialisme a besoin de démocratie comme le corps humain a besoin d'oxygène." [...]

De fait, la façon dont le CMR pose le problème, ignore la nécessité du renversement du pouvoir bourgeois comme préalable à la construction de l'État de dictature du prolétariat. Selon la perspective adoptée, le fait que H. Chávez émet certaines déclarations suffirait pour qu'au plan politique le socialisme soit effectivement instauré dans son principe, et il s'agirait maintenant de mettre en place les conditions pour assurer son développement intégral[28]:

Trotsky et spécialement Lénine [...] ont posé un certain nombre de conditions pour garantir la construction d'un socialisme authentiquement démocratique et révolutionnaire, dont nous pensons qu'elles sont applicables à la réalité vénézuélienne, latino-américaine et mondiale d'aujourd'hui.

1. Que toutes les charges publiques (des membres du gouvernement aux députés, juges, directeurs d'industries et services publics, etc.) doivent rendre des comptes de façon publique et périodique devant des assemblées révolutionnaires des travailleurs et des secteurs populaires, et qu'ils puissent être éligibles et révocables à tout moment.

[...]

4. Toutes les charges y tâches administratives devraient dans la mesure du possible être assumées à tour de rôle par les travailleurs. "Si nous sommes tous des “bureaucrates” à tour de rôle, en fin de compte personne ne l'est", disait Lénine.

5. À cela il faudrait ajouter la liberté pour tous les partis politiques qui ne conspirent pas pour renverser le gouvernement et respectent les transformations économiques, de présenter librement leurs propositions et candidats pour les différentes assemblées révolutionnaires.

C'est donc ces principes que le CMR projette de mettre en pratique (il faut bien noter que le dernier point, concernant la pluralité des partis, a été ajouté par le CMR pour son propre compte, du moins si l'on prend comme référence Lénine et pas Trotsky)[29]:

Il est fondamental d'organiser et impulser des comités d'appui à la révolution dans toutes les usines, quartiers, casernes, universités, instituts... avec des représentants directs, éligibles et révocables à tout moment, qui se coordonnent entre eux au niveau local, régional et national pour organiser la défense face à la réaction en assumant la responsabilité de garantir le fonctionnement économique du pays, ainsi que le plans nécessaires pour couvrir les besoins de l'immense majorité de la population vénézuélienne, en expropriant la bourgeoisie. Seule la participation organisée, active et consciente de la classe ouvrière et des secteurs opprimés garantira une démocratie authentique, c'est-à-dire la démocratie ouvrière, et une vie digne pour la majorité de la population.

Le fait que le système économique capitaliste reste intact dans le pays, est vu alors seulement comme une limitation de l'emprise des forces révolutionnaires, à laquelle il faudra remédier[30]:

Le peuple organisé doit conquérir tout le pouvoir, y compris celui économique. Les principaux leviers et ressorts économiques du pays ne peuvent rester entre les mains de l'oligarchie traitresse, de l'impérialisme, entre les mains de l'ennemi. Ils doivent passer au peuple.

Quelques observations au sujet de la Révolution russe de 1917

Les évènements récents en Bolivie sont révélateurs quant au caractère des orientations trotskistes. Ce pays est de façon répétée le théâtre de révoltes populaires fortement influencées par le mouvement syndical du secteur minier. Les affrontements aigus qui ont eu lieu notamment en septembre-octobre 2003[31] puis mai-juin 2005 suscitent de la part des organisations trotskistes une profusion de commentaires invoquant une situation de double pouvoir. Plus loin, nous passerons brièvement en revue un échantillon de ces interprétations. Mais pour poser clairement certains points de références essentiels fournis par l'histoire du mouvement communiste marxiste-léniniste, voici d'abord quelques observations au sujet de la Révolution russe d'Octobre 1917.

Celle-ci avait eu pour antécédent la révolution de 1905 au cours de laquelle s'était déroulée une première expérience de formation de Soviets, comme le souligne Lénine[32]:

Une organisation de masse d'un caractère original se forma dans le feu du combat: les célèbres Soviets de députés ouvriers, assemblées de délégués de toutes les fabriques. Dans plusieurs villes de Russie, ces Soviets de députés ouvriers assumèrent de plus en plus le rôle d'un gouvernement révolutionnaire provisoire, le rôle d'organes et de guides des soulèvements. On tenta de créer des Soviets de députés de soldats et de matelots, et de les associer aux Soviets de députés ouvriers.

Certaines villes de Russie devinrent alors de minuscules "républiques" locales où l'autorité du gouvernement avait été balayée et où les Soviets de députés ouvriers fonctionnaient réellement comme un nouveau pouvoir d'État. Par malheur, ces périodes furent trop brèves, les "victoires" trop faibles et trop isolées.

En février 1917, la révolution alla plus loin. Le Parti bolchevik lança un manifeste appelant à la lutte armée contre le tsarisme, à la création d'un gouvernement révolutionnaire provisoire. La bataille ainsi déclenchée conduisit au renversement du régime tsariste. La force motrice de cette révolution était le prolétariat, mais en raison du degré insuffisant de conscience et d'organisation de celui-ci, il s'agissait du point de vue du contenu de classe, d'une révolution démocratique bourgeoise[33]: "Le pouvoir en Russie est passé aux mains d'une classe nouvelle: la bourgeoisie et les grands propriétaires fonciers embourgeoisés. En ce sens, la révolution démocratique bourgeoise est achevée en Russie."

La période ultérieure porte l'empreinte de ce point de départ, qui lui-même est l'aboutissement des développements antérieures. En Russie, au sein du système féodal qui y régnait pendant des siècles, des éléments d'économie capitaliste s'étaient constitués progressivement, dans le cadre d'un secteur industriel et aussi dans l'agriculture. Arrivé à un certain stade, le capitalisme a assuré sa prédominance, et la bourgeoisie prit le pouvoir en remplaçant la classe féodale. Il est totalement inapproprié de vouloir calquer à l'identique, dans les conditions actuelles, le processus révolutionnaire qu'a traversé la Russie entre février et octobre 1917. Aujourd'hui, la bourgeoisie est installée au pouvoir depuis longtemps, partout, y compris dans les pays dominés par l'impérialisme mondial, même si des éléments plus ou moins prononcés d'économie féodale survivent.

C'est dans ce contexte que la période consécutive à février 1917 est marquée par une dualité du pouvoir[34]:

La particularité essentielle de notre révolution, celle qui requiert le plus d'attention et de réflexion, c'est la dualité du pouvoir qui s'est établie au lendemain même de la victoire de la révolution.

Cette dualité du pouvoir se traduit par l'existence de deux gouvernements: le gouvernement principal, véritable, effectif, de la bourgeoisie, le "Gouvernement provisoire" de Lvov et Cie, qui a en mains tous les organes du pouvoir, et un gouvernement à côté, complémentaire, un gouvernement "de contrôle", représenté par le Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd, qui n'a pas en mains les organes du pouvoir d'État, mais s'appuie directement sur la majorité indéniable du peuple, sur les ouvriers et les soldats en armes.

[...]

Autre particularité très importante de la révolution russe: le Soviet des députés soldats et ouvriers de Petrograd qui, tout porte à le croire, jouit de la confiance de la majorité des Soviets locaux, remet volontairement le pouvoir d'État à la bourgeoisie et à son Gouvernement provisoire, cède volontairement le pas à ce dernier après avoir conclu avec lui un accord pour le soutenir, et se borne au rôle d'observateur veillant à la convocation de l'Assemblée constituante (dont la date n'a pas même été fixée jusqu'ici par le Gouvernement provisoire).

Il faut souligner que la caractérisation en termes de dualité du pouvoir ne se justifie pas comme simple application d'un schéma qui pourrait se référer à un quelconque contexte où le prolétariat atteindrait une position relativement puissante dans le rapport des forces face à la bourgeoisie. C'est seulement la façon particulière dont se déroulèrent concrètement les évènements, qui conduisit à une situation de double pouvoir, à savoir le fait que d'une part les Soviets constituaient la force organisée qui avait vaincu le régime tsariste et avait permis au Gouvernement provisoire de prendre le contrôle, tandis que d'autre part ce gouvernement, bien que bénéficiant du soutien des Soviets, représentait, de par sa composition et sa politique, la bourgeoisie. Certes, ce qui se produisit, ce fut le surgissement d'un nouveau pouvoir, celui des Soviets, mais cela ne se fit pas en opposition à un pouvoir de la bourgeoisie en place préalablement. Non, la présence d'un double pouvoir résultait d'une scission à l'intérieur des forces venant de mener à bien la révolution. La perspective des Soviets, remontant à 1905, n'impliquait pas en elle-même celle d'une dualité du pouvoir[35]:

Notre révolution a ceci de tout à fait original qu'elle a créé une dualité du pouvoir. C'est là un fait dont il faut saisir la portée avant tout; il est impossible d'aller de l'avant sans l'avoir compris. Il faut savoir compléter et corriger les vieilles "formules", par exemple celles du bolchevisme, car si elles se sont révélées justes dans l'ensemble, leur application concrète s'est révélée différente. Personne autrefois ne songeait, ni ne pouvait songer, à une dualité du  pouvoir.

Lénine insiste plus d'une fois sur le caractère particulier de la situation[36]: "Cette situation extrêmement originale, qui ne s'est encore jamais présentée sous cette aspect dans l'histoire, a donné lieu à un enchevêtrement, à un amalgame de deux dictatures [...]."

Au cours de la septième conférence de Russie du POSD(b)R tenue du 24 au 29 avril 1917, fut adoptée une résolution en vue de la révision du programme (cette question fut ensuite débattue lors du 6e congrès qui eut lieu du 26 juillet au 3 aout 1917, et un programme modifié fut adopté finalement au 8e congrès en mars 1919). À ce sujet, Lénine constate[37]: "Le programme doit être entièrement révisé car longtemps avant la guerre il était déjà considéré dans le Parti comme complètement dépassé." Voici quelques passages de la résolution[38]:

La conférence estime nécessaire la révision du programme du Parti dans le sens suivant:

[...]

2. rectification des thèses et des paragraphes concernant l'État, dans un sens correspondant à la revendication d'une république démocratique prolétarienne et paysanne (c'est-à-dire d'un type d'État sans police, sans armée permanente, sans corps privilégié de fonctionnaires), et non d'une république parlementaire bourgeoisie;

[...]

5. remaniement complet, en maints endroits, de la partie économique vieillie du programme minimum, [...];

[...]

Ce programme minimum concerne notamment le contrôle ouvrier et les nationalisations, comme le montre la résolution rédigée par Lénine à ce sujet suite à la conférence[39]:

4. Le contrôle ouvrier, déjà reconnu par les capitalistes lors de divers conflits, doit être transformé sans délai par une série de mesures murement réfléchies, appliquées graduellement mais sans aucune perte de temps, en une règlementation complète de la production et de la répartition par les ouvriers.

5. Le contrôle ouvrier doit être étendu de la même façon, avec les mêmes prérogatives, à toutes les opérations financières et bancaires, la situation financière devant être examinée dans son ensemble, et cela avec le concours des Soviets et des congrès des employés de banques, de syndicats patronaux, etc., qui seront organisés immédiatement.

Il ne s'agit pas d'exigences vis-à-vis du gouvernement capitaliste, mais des mesures dont le Parti se fixe l'exécution comme objectif immédiat de la prise du pouvoir. C'est ce que Lénine explique par exemple en septembre[40]:

Le gouvernement des Soviets doit sans délai déclarer que la propriété privée des grands domaines est abolie sans indemnité et il doit remettre ces terres en gestion aux comités de paysans, en attendant la décision de l'Assemblée constituante. Doit être également remis à la gestion de ces comités paysans le matériel appartenant aux propriétaires fonciers pour qu'il soit mis en tout premier lieu et gratuitement à la disposition des paysans pauvres.

[...]

Le gouvernement des Soviets doit instaurer sans délai le contrôle par les ouvriers de la production et de la consommation à l'échelle du pays tout entier. Sinon, ainsi que l'expérience nous l'a déjà montrée depuis le 6 mai, toutes les promesses, toutes les tentatives de réforme sont vaines et la famine, accompagnée d'une catastrophe sans précédent, menace chaque semaine tout le pays.

La nationalisation immédiate des banques et des compagnies d'assurances est indispensable, de même que celle des principales branches de l'industrie (pétrole, houille, métallurgie, sucre, etc.); il faut en même temps abolir complètement le secret commercial et instaurer la surveillance constante, par les ouvriers et les paysans, de l'infime minorité de capitalistes qui s'enrichissent grâce aux fournitures qu'ils font à l'État et se dérobent à tout contrôle et à toute imposition équitable sur leurs bénéfices et sur leurs biens.

Dans un autre texte datant de la même période Lénine aborde en détail la question du programme minimum. Il rejette la proposition de N. Bukharin et V. Smirnov de supprimer purement et simplement la formulation d'un programme minimum et d'énoncer uniquement les mesures correspondant au passage directe au socialisme. Il souligne la nécessité d'un programme minimum définissant les premiers pas à effectuer après l'établissement du pouvoir des Soviets[41]:

Prenez le programme minimum dans le domaine politique. Ce programme est celui qui convient dans une république bourgeoisie. Nous ajoutons que nous ne nous enfermons pas dans ses limites et que nous luttons d'ores et déjà pour un type d'État plus élevé, la république des Soviets. [...]

Il en va de même dans le domaine économique. [...] Nous sommes tous d'accord que parmi les premiers pas à faire dans cette voie, les mesures essentielles doivent être des mesures telles que la nationalisation des banques et des cartels. Commençons par prendre ces mesures et d'autres semblables, et nous verrons. [...] tant qu'existeront, ne fût-ce que ces petites séquelles des rapports bourgeois, pourquoi rejeter le programme minimum? [...]

Ce qui fonde le besoin de maintenir un programme minimum, c'est le fait que même après la prise du pouvoir par les Soviets, le socialisme ne pourra pas être instauré du jour au lendemain par simple décret gouvernemental, mais sera réalisé progressivement à travers une période de transition, au moyen de mesures plus ou moins limitées et partielles dans un premier temps[42]:

Peut-on garantir aujourd'hui qu'il [le programme minimum] est désormais superflu? Non, naturellement, pour la simple raison que nous n'avons pas encore conquis le pouvoir, que nous n'avons pas réalisé le socialisme et que nous ne sommes pas même arrivés au début de la révolution socialiste mondiale.

Cependant, bien qu'il s'agisse d'un programme minimum qui n'embrasse pas en soi l'édification complète du socialisme, sa mise en oeuvre est néanmoins indissolublement liée à l'instauration du pouvoir du prolétariat et de la paysannerie pauvre comme point de départ indispensable. C'est ce que Lénine réaffirme à maintes reprises.

Mai 1917[43]:

L'application méthodique et efficace de toutes ces mesures n'est possible que si le pouvoir passe entièrement aux prolétaires et aux semi-prolétaires.

Juin 1917[44]:

Mais nous affirmons le principe du contrôle des ouvriers, contrôle appelé à se transformer en une règlementation complète de la production et de la répartition par les ouvriers, [...]. [...] et nous exigeons "le passage de la totalité du pouvoir d'État aux Soviets des députés ouvriers, soldats et paysans".

Juillet 1917[45]:

L'insurrection armée ne peut avoir d'autre objectif que le passage du pouvoir au prolétariat soutenu par les paysans pauvres, en vue de l'application du programme de notre Parti.

Il en ressort que les mesures immédiates figurant au programme du Parti bolchevik ne sont pas transitoires comme mesures dont l'application devrait être obtenue progressivement avant la prise du pouvoir. Elles n'étaient pas conçues en ce sens, ni même selon un procédé pédagogique où le parti formulerait des revendications par principe, en utilisant leur non-satisfaction afin de montrer qu'il faut la révolution pour réussir. Il y avait bien évidemment des actes d'expropriation de terres, encouragés et soutenus d'ailleurs par le Parti, mais c'était tout simplement des faits accomplis. De même, en ce qui concerne les mesures de contrôle ouvrier imposées localement aux capitalistes dans les usines, il s'agissait de remédier à la désorganisation de l'économie causée par la guerre, c'est-à-dire elles s'inscrivaient dans un contexte très particulier dont on ne peut faire abstraction en cherchant à tirer les leçons de la révolution russe.

La signification du mot d'ordre "tout le pouvoir aux Soviets", variait en fonction des phases traversées par la révolution. D'abord, à partir de février, au cours d'un processus pacifique, il fallait travailler pour démasquer la nature du gouvernement qui bénéficiait de l'approbation des Soviets, au sein desquels le Parti était minoritaire. "Tout le pouvoir aux Soviets" signifiait que ceux-ci devaient retirer leur confiance au Gouvernement provisoire et le remplacer, c'est-à-dire prendre en main directement le pouvoir au nom des ouvriers et paysans pauvres qu'ils représentaient. Mais entre cette phase de la révolution et son aboutissement en octobre 1917, il n'y avait pas de développement linéaire et continu. En juillet, la situation changea, tout le pouvoir passa, bien au contraire, au Gouvernement provisoire représentant la bourgeoisie, et les Soviets se transformèrent en appendice de celui-ci. À ce moment, la dualité de pouvoir avait pris fin en faveur de la bourgeoisie.

Le mot d'ordre "tout le pouvoir aux Soviets" reprit ensuite un sens différent. La répression s'abattit sur le mouvement révolutionnaire et sur les bolcheviks, tandis que ceux-ci gagnèrent la majorité dans les Soviets. Le Parti adopta alors comme but l'insurrection contre le Gouvernement provisoire, pour que la plénitude du pouvoir dans le pays passe aux Soviets dirigés par les bolcheviks. C'est lui qui organisa dans la clandestinité la lutte pour cet objectif et la mena à bien en conduisant les ouvriers et les soldats dans leur combat contre le pouvoir de la bourgeoisie.

Ainsi, il est erroné d'établir à partir de ce contexte particulier de la Révolution russe un schéma universel pour la révolution socialiste, selon lequel celle-ci devrait traverser un processus de "double pouvoir" où les Soviets, conçus comme futurs organes administratifs, disputeraient le terrain du pouvoir d'État au gouvernement en place et imposeraient progressivement un appareil d'État alternatif, en évinçant peu à peu celui existant. Fondamentalement, l'acte de la prise du pouvoir est le point culminant de la révolution, un évènement situé précisément dans le temps, charnière entre deux périodes: celle de la lutte contre la bourgeoisie au pouvoir et celle de la transformation de la société. Pour cette victoire, est nécessaire un degré suffisant de préparation et de consolidation de formes et moyens de lutte, organisationnels et matériels, qui incarnent le pouvoir de la classe ouvrière ensemble avec ses alliés, c'est-à-dire la force qu'elle constitue face à l'ennemi de classe. Ce rôle, les Soviets l'accomplissent, au cours de l'ultime étape de la marche vers la révolution; par la victoire de l'insurrection, ils deviennent la base du nouveau pouvoir d'État. Voici ce que Lénine écrit, en 1915 déjà[46]:

Les Soviets des députés ouvriers et autres institutions analogues doivent être considérés comme des organes insurrectionnels, comme des organes du pouvoir révolutionnaire. C'est seulement en liaison avec le développement de la grève politique de masse et avec l'insurrection, et à mesure que celle-ci se préparera, se développera et remportera des succès, que ces institutions peuvent être réellement utiles.

En effet, le 25 octobre (7 novembre), le Parti bolchevik publia un appel "Aux citoyens de Russie" annonçant que le Gouvernement provisoire bourgeois était déposé, que le pouvoir d'État était passé aux Soviets. Le 2e congrès des Soviets entérina cette déclaration et constitua le premier gouvernement des Soviets, le Conseil des commissaires du peuple. Celui-ci était entièrement formé de bolcheviks, Lénine en fut élu président. Le congrès discuta et approuva la plateforme économique du Parti. Les points essentiels de celle-ci étaient ceux du programme minimum: confiscation de la terre des grands propriétaires fonciers et nationalisation de toute la terre dans le pays, nationalisation des banques, nationalisation de la grande industrie, contrôle ouvrier sur la production et la répartition.

Par ailleurs, la lettre adressée par Lénine aux membres du Comité central du Parti bolchevik, le 24 octobre 1917, montre les caractéristiques de la situation à la veille de la révolution[47].

Les perspectives illusoires d'un double pouvoir

Au niveau international, les positions propagées par le CMR ainsi que d'autres représentants du trotskisme au Venezuela, bénéficient de quelques appuis bienveillants, par exemple de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) en France, mais la plupart des groupes trotskistes, notamment en Amérique latine, les critiquent, entre autre en les qualifiant de centristes et en lui reprochant de s'adapter à la politique réformiste du gouvernement. Or les arguments employés pour établir une différentiation par rapport à des attitudes jugées trop favorables à H. Chávez vont en général de pair avec des analyses qui ne se distinguent pas fondamentalement de celles critiquées.

Originairement les positions des organisations trotskistes sont basées sur le "Programme de transition", rédigé par Léon Trotsky en vue de la conférence de fondation, en septembre 1938, de la "Quatrième Internationale". Cette référence est rappelée régulièrement, y compris à l'occasion de textes concernant concrètement la situation actuelle en Bolivie. Ainsi on peut lire par exemple[48]: "Nous soulignons la nécessité du programme de revendications transitoires, basée sur la méthode du programme fondateur de la IVe Internationale, qui lie les luttes immédiates à la mobilisation systématique des masses pour la révolution socialiste." Ou encore[49]: "Pour affronter l'attaque capitaliste, une nécessité impérieuse consiste à développer des organisations de masse afin de lutter pour les revendications ouvrières. En relation avec cela, les indications du Programme de transition revêtent toute leur actualité."

En pratique, il s'agit principalement, dans le domaine économique, de mesures de nationalisation et de contrôle ouvrier, sous différentes formes. On y trouve la formule du contrôle ouvrier, associée aussi bien à l'occupation qu'à la nationalisation: "[...] le contrôle ouvrier de la banque, de l'industrie et des transports [...][50]"; "[...] l'occupation d'usines et la gestion ouvrière [...][51]"; "[...] l'occupation de toute entreprise qui ferme ou licencie, et son fonctionnement sous contrôle ouvrier, en exigeant son expropriation[52]"; "[...] la nationalisation sans indemnisation de la banque, sous contrôle des travailleurs[53]"; "[...] l'occupation des mines et des gisements et raffineries de pétrole, pour leur nationalisation sans indemnisation [...][54]". En outre, il y a l'idée de la publicité des informations comptables: "[...] l'ouverture des livres de comptabilité des entreprises étatiques et privées en vue de leur contrôle par les syndicats[55]"; "[...] l'abolition du secret commercial [...][56]". Toutes ces prescriptions programmatiques se placent dans la perspective d'une application imposée au gouvernement en place plutôt que celle d'une anticipation d'une prise de pouvoir imminente.

L'objectif qui sous-tend ces revendications est double. Selon les analyses citées, d'une part, elles impliqueraient une remise en question du capitalisme. "[...] le processus [...] de l'occupation d'usines et de la gestion ouvrière [...] montrait une réponse indépendante à la crise capitaliste[57]." "Le processus d'occupation d'usines et de la mise en marche de la production par ses travailleurs [...] met directement en question la propriété capitaliste [...][58]." D'autre part, se déroulerait ainsi un processus de préparation au socialisme. "Sur la base de l'expérience du contrôle ouvrier, la classe travailleuse se préparera pour l'administration directe de l'industrie nationalisée quand arrivera le moment[59]." "Le contrôle ouvrier ou la gestion ouvrière directe dans les entreprises nationalisées seront une école de contrôle et d'administration socialistes, il éduquera les travailleurs au sujet des domaines qui antérieurement leur étaient interdits par les patrons [...][60]."

Voici une citation représentative de la confusion maintenue entre la période avant la prise du pouvoir et celle après (à noter en particulier la notion d'"État non-capitaliste")[61]:

Mais l'exigence de la nationalisation des entreprises en question [les banques et les grandes entreprises stratégiques] [...] va ensemble avec une série d'exigences programmatiques anticapitalistes et antiimpérialistes, c'est-à-dire un programme que seul un gouvernement des travailleurs pourrait réaliser. C'est-à-dire, c'est une exigence de nationalisation de la part d'un État non-capitaliste et sur la base d'une lutte révolutionnaire des masses. [...] Qu'il soit mis en oeuvre au niveau de l'État, celui privé ou transitoirement sous la forme autogestionnaire, le contrôle ouvrier peut être effectif s'il est orienté vers l'extension du mouvement et la remise en question du pouvoir capitaliste dans son ensemble.

Passant du plan économique à celui politique, on peut constater qu'il y a différentes nuances dans les formulations employées. Certains envisagent la formation d'une assemblée. "Tout le pouvoir à une Assemblée populaire avec des délégués élus et révocables par les organisations ouvrières et paysannes[62]." "[...] l'Assemblée nationale populaire autochtone est un élément historique et constitue le germe d'un pouvoir populaire qui doit être le gouvernement des majorités [...][63]." D'autres privilégient l'organisation sur les lieux de travail. "[...] il est nécessaire d'impulser avec audace des organisations ad hoc qui embrassent les masses les plus opprimées qui seulement se voient entrainées à la lutte dans des périodes d'essor exceptionnel du mouvement ouvrier: comités de grève, comités de chômeurs, comités d'usine, et finalement, Soviets. [...] nous luttons avec audace pour mettre sur pied des comités d'usine ou d'établissement, qui, élus par tous les travailleurs [...] se transforment en un véritable double pouvoir dans le lieu de travail [...][64]." À cela s'ajoute la question de l'armement. "Armement du peuple travailleur. Création de milices ouvrières et populaires[65]." "[...] l'armement généralisé de la population travailleuse, à travers l'organisation de milices ouvrières [...][66]."

Cette vision générale se concrétise au sujet des évènements de 2003 en Bolivie par des analyses en termes de "double pouvoir". Certains vont jusqu'à affirmer que la situation était alors mure pour le renversement de la bourgeoisie. "La situation était mure pas simplement pour se débarrasser d'une marionnette pour que l'impérialisme la remplace par une autre, mais plutôt pour renverser les capitalistes et établir un gouvernement ouvrier et paysan (dictature du prolétariat)[67]." D'autres sont plus prudents. "Politiquement, dans ces soulèvements se distinguèrent les Assemblées populaires qui étaient la forme politique du double pouvoir communal [...]. Les rébellions mirent en évidence des éléments de guerre civile aux “marges” du pays [...]. [...] Tout au plus, ils constituèrent une espèce de “commune” autodéterminée qui regroupait l'ensemble des secteurs sociaux dans l'assemblée populaire, étant régie par la logique de la démocratie directe citoyenne, c'est-à-dire, “un homme, un vote”[68]."

L'idée d'un double pouvoir, faute de mieux, s'accroche alors à des phénomènes limités et mélange la question du pouvoir avec celle du degré de violence marquant les affrontements. "[...] la résistance héroïque du peuple [...] affrontant à coups de pierres et de bâtons l'armée et la police [...] accéléra le murissement politique et organisationnel des masses (grève général, juntes vicinales comme organismes de double pouvoir, destruction des commissariats, etc.)[69]." C'est là une caractéristique constante des positions trotskistes. Citons à titre d'exemple une appréciation donnée en 1998 au sujet de la Russie. "On s'approche d'une situation révolutionnaire en Russie [...]. La crise économique, l'usure de Yeltsine, la grève des mineurs (qui avait pour mot d'ordre principal “À bas Yeltsine” et présentait en outre des éléments de double pouvoir, comme le contrôle du passage du Transsibérien par les grévistes) sont des indices d'une situation politique novelle qui est en gestation dans le pays[70]."

Dans le cadre des positions trotskistes, le fait d'admettre le degré plus ou moins prononcé de ces limitations ne change cependant pas la vision sur le fond, puisque l'essentiel selon celle-ci réside dans la dynamique de développement concernant l'organisation des masses travailleuses. Pour résumer de façon terre-à-terre: l'important, c'est que les choses bougent. De même que le contrôle ouvrier au plan économique, l'exercice partielle du pouvoir politique constitue une préparation préalable progressive, qui devrait avoir atteint un certain niveau avant la prise du pouvoir[71]:

La lutte pour un nouveau type d'État implique la tendance à l'élimination de la division sociale du travail, la participation active de millions à l'administration de l'État et pour cela l'élévation de la culture générale des masses populaires. Ce n'est que de cette manière que l'on peut concevoir l'élévation du prolétariat à la position de classe dominante, c'est-à-dire comme sujet conscient de son propre destin. Mais cette condition exceptionnelle ne surgit pas du jour au lendemain, elle s'établit dès la veille de la révolution, progresse en murissant sur le terrain de sa propre expérience, se féconde au moyen de l'éducation pratique et politique que les organisations révolutionnaires aient réussi à dispenser au cours de l'étape préalable et avant tout est mise à l'épreuve dans l'exercice du pouvoir politique propre déjà dans l'antichambre de la révolution, dans la dualité des pouvoirs, en exerçant le contrôle des entreprises, de la distribution de la nourriture, de l'autodéfense, et en sélectionnant au nom de ce tribunal le programme et la stratégie politiques les plus adaptés au progrès de la perspective révolutionnaire. Sans toute cette expérience préalable le gouvernement des travailleurs n'est qu'une caricature de peu de valeur, et est soumis à l'autorité d'une bureaucratie toujours plus indépendante de la classe travailleuse elle-même.

La construction du parti d'avant-garde de la classe ouvrière n'est vue que comme élément accessoire. Ce n'est pas le parti à travers lequel la classe ouvrière se constitue un État-major capable de déterminer et de mettre en pratique le programme révolutionnaire. Non, le parti ne fait que s'agglutiner à des structures plus larges. Les formulations à cet égard sont parlantes. "[...] la nécessité d'un instrument politique des travailleurs, basé sur les syndicats et avec démocratie ouvrière, pour l'indépendance politique du prolétariat [...][72]." "[...] nous aspirons à combattre pour un regroupement politique de l'avant-garde, qui se verrait énormément amplifié et accéléré par l'apparition d'une assemblée populaire, une coordination ou autre forme organisationnelle de double pouvoir. [...] nous souhaitons que surgisse le “parti de l'assemblée populaire et du gouvernement ouvrier, paysan et autochtone” [...][73]."

Cette conception trouve son expression directe dans le fait de pousser les dirigeants comme Evo Morales à assumer le gouvernement. Elle s'apparente à une approche qui, au Venezuela, est en fait d'ores et déjà mise en œuvre par ceux qui soutiennent H. Chávez au nom d'un certain programme gouvernemental[74]:

Nous disons que ce sont les travailleurs des campagnes et des villes qui doivent gouverner. C'est-à-dire [...] les travailleurs et le peuple organisés dans la COB [Central Obrera Boliviana ‑ Centrale ouvrière bolivienne] avec à sa tête ses dirigeants, Solares, Evo, Loayza et “el Mallku” [Felipe Quispe]. Pour cela la tâche fondamentale, ensemble avec le renversement du gouvernement, est d'organiser la prise du pouvoir par la COB pour qu'elle remplace le gouvernement. [...] Nous exigeons des directions majoritaires de la COB, de Solares, Evo, “el Mallku”, Loayza, de rompre avec la bourgeoisie et de lutter, maintenant, pour ce débouché de classe, ouvrière et paysanne, [...].

L'axe Venezuela-Cuba

Au-delà du Venezuela, H. Chávez s'efforce d'impulser une association étroite entre les États du continent latino-américain.

Les 25‑27 novembre 2003 se tint à Caracas, au Venezuela, le Premier Congrès bolivarien des peuples[75], avec la participation d'organisations de 20 pays d'Amérique latine et des Caraïbes, notamment le Partido Comunista de Cuba (Parti communiste de Cuba, PCC) et le Movimiento Quinta República (Mouvement Cinquième République, MVR ‑ le parti, à cet époque, du président Chávez). Ce Congrès des peuples avait été précédé d'une rencontre réunissant plus spécifiquement des organisations de paysans, la Première rencontre internationale de la résistance et de la solidarité des peuples autochtones et paysans[76], tenue les 11‑14 octobre 2003, également à Caracas. La convocation à cette rencontre se termine par le mot d'ordre suivant[77]: "Globalisons la lutte! Globalisons l'espoir!"

À l'occasion d'une visite en Uruguay, effectuée le 18 aout 2003 sur invitation de la Asociación Latinoamericana de Integración (Association latino-américaine d'Intégration, ALADI), H. Chávez annonça le projet d'impulser la constitution d'un regroupement régional désigné comme Alternativa Bolivariana para las Américas (Alternative bolivarienne pour les Amériques, ALBA). La déclaration finale du Congrès des peuples mentionné plus haut intègre cette proposition[78]. Au plan politique, cette perspective de regroupement s'adresse notamment aux organisations participant au Forum de São Paulo (une rencontre annuelle associant depuis 1990 des organisations, partis et fronts de gauche d'Amérique latine et des Caraïbes[79]), avant tout au Parti communiste de Cuba. L'orientation assumée par le Congrès des peuples va explicitement dans ce sens[80]:

La ratification de la défense de la révolution cubaine et de la révolution bolivarienne apparait clairement. Outre l'intégration continentale, la consolidation de ces processus met en jeu le sort de la révolution latino-américaine. Si la lutte révolutionnaire continue à être essentiellement internationaliste, nous considérons comme opportune et nécessaire l'initiative formulée par le Président Hugo Chávez en faveur de la création d'une “Internationale démocratique révolutionnaire” qui articule la lutte antiimpérialiste avec la lutte pour le socialisme.

C'est ainsi que les deux principaux protagonistes multiplient les échanges d'amabilités.

H. Chávez[81]:

Fidel Castro est chrétien maintenant, mais je précise ‑ toujours je précise, pour dire les choses comme elles sont ‑, il m'a dit: "Chávez, je suis chrétien, mais dans le domaine du social", et je lui ai dit: "Ca me suffit, ça me suffit comme ça", chrétien dans le domaine du social.

Abel Prieto, ministre de la Culture de Cuba[82]:

Je pense que chaque peuple d'Amérique latine va trouver son chemin. Une des choses dont nous sommes convaincus au Cuba, c'est que les gens vont arriver par des chemins très différents à ce que se nomme “la société future”, que l'on l'appelle “socialisme” ou autrement, comme on préfère ‑ nous l'appelons socialisme, directement ‑, les gens vont y arriver par des chemins très différents.

H. Chávez[83]:

Fidel Castro a dit à une certaine occasion: "Vous là-bas au Venezuela, la lutte pour la justice, pour l'égalité et pour la liberté, vous l'appelez bolivarianisme. Ici nous l'appelons socialisme." En réalité il ne s'agit pas de savoir comment cela s'appelle, bien que le nom en donne une définition. L'idéologie bolivarienne s'appuie sur des principes révolutionnaires, sociaux, humanistes, égalitaires.

L'émerveillement autour de la révolution bolivarienne au Venezuela donne en particulier une vigueur renouvelée à la ferveur de solidarité avec le régime cubain. Il s'agit en fait d'une attitude prenant le contrepied de la propagande de l'impérialisme US au sujet de l'axe Cuba-Venezuela. La politique résolument hostile des USA vis-à-vis de Cuba est bien connue. Depuis quelques années, elle y associe souvent le Venezuela. On peut citer la lettre adressée au président George Bush par Henry J. Hyde, président du Comité des relations internationales de la Chambre des représentants, le 27 octobre 2002, dans laquelle il se réfère à Cuba, Brésil et Venezuela comme un "axe du mal" potentiel en Amérique[84]. Autre exemple, Otto J. Reich, qui a fait partie de l'équipe du président Bush entre 2001 et 2004, d'abord comme sous-secrétaire d'État pour l'hémisphère occidental, puis au Département d'État comme envoyé spécial pour l'hémisphère occidental, et qui occupe également un poste à la direction de l'Institut de l'Hémisphère Occidental pour la Coopération en matière de Sécurité (anciennement École des Amériques). Par ailleurs, il dirige sa propre entreprise de relations gouvernementales internationales, à Washington. Il écrit[85]:

[...] le défi spécifique le plus pressant pour nous est de neutraliser ou vaincre l'axe Cuba-Venezuela. Avec l'association entre le mauvais génie, l'expérience en matière de guerre politique et le désespoir économique, de Castro, et l'argent et la témérité sans limites, de Chávez, la paix de cette région est en danger.

[...]

La première tâche des USA, et d'une quelconque coalition à laquelle ils pourraient rallier ceux qui sont disposés favorablement dans la région, est d'affronter l'alliance dangereuse formée par Cuba et Venezuela. Le détournement par Chávez de l'extraordinaire richesse pétrolière de Venezuela et son consentement à la subordination de la souveraineté nationale aux ambitions de Castro, sont en train d'enhardir des mouvements antiaméricains qui, il y a quelques années encore, étaient faibles, en faillite et démoralisés. [...]

Et si les nouveaux dirigeants sont comme Luiz Inácio Lula da Silva du Brésil, nous pouvons être également tranquilles puisque, jusqu'à maintenant, Lula, tel qu'il est connu, a gouverné sans violer un quelconque droit politique ou économique des Brésiliens. [...]

Le danger véritable pour la paix et la stabilité régionales aujourd'hui n'émane pas tant de ces présidents relativement nouveaux, démocratiquement élus, que de deux démagogues qui ont été en place plus longtemps: Fidel Castro et Hugo Chávez. L'axe de subversion émergeant en train de prendre forme entre Cuba et Venezuela doit être affronté avant qu'il ne puisse miner la démocratie en Colombie, au Nicaragua, ou chez un autre voisin vulnérable. [...]

De façon symétrique, chez les opposants à l'impérialisme américain, cette association entre Cuba et Venezuela est également répandue. Par exemple: "[...] c'est le consensus US qui domine le monde (avec la seule exception de Cuba et, partiellement, de Venezuela)[86]." Et la perspective de l'intégration continentale est reprise par les mouvements trotskistes sous la forme du mot d'ordre "pour une Fédération de Républiques ouvrières latino-américaines[87]", "les États-Unis socialistes d'Amérique latine[88]". Le triomphalisme mystificateur est particulièrement prononcé chez ceux qui au Venezuela se mettent dans le sillage du régime. Voici comment le CMR peint le tableau[89]:

Tous ces processus qui ont lieu sur le continent ainsi que les révolutions cubaine et bolivarienne exercent une influence réciproque, en se nourrissant mutuellement en retour. Une victoire au Cuba ou au Venezuela se convertit en aiguillon de lutte pour le reste des peuples latino-américains, et la même chose arrive dans l'autre sens. C'est pour cela que la défense et l'approfondissement du point de référence que les révolutions cubaine et vénézuélienne constituent en tant que paradigme, sont une tâche de premier ordre pour les révolutionnaires du continent et du monde entier.

Une vague révolutionnaire triomphante en Amérique latine, résultant en la formation d'une fédération latino-américaine de républiques socialistes, aurait des effets positifs de proportions incalculables auprès des classes travailleuses du reste du Tiers Monde, d'Europe, des États-Unis. Le germe de cette vague se trouve aujourd'hui dans les patries de Bolívar et de Martí, et en cela il est important de veiller au sort de ces deux processus révolutionnaires et de leur intégration croissante.

Venezuela et Cuba selon le point de vue trotskiste

Les analyses des trotskistes concernant le Venezuela reprennent le thème du contrôle ouvrier. "À partir du contrôle ouvrier, et par conséquent de l'occupation d'usines, se développera un double pouvoir, en référence non seulement à la bourgeoisie conspiratrice mais au gouvernement lui-même[90]." Plus encore que dans le cas de la Bolivie, il y a un décalage marqué entre la situation réelle dans laquelle s'inscrivent les occupations d'usines, et les interprétations théoriques y voyant  des éléments de double pouvoir. Or, y compris ceux qui rejettent la revendication de cogestion mise en avant par le CMR, ont pour perspective un processus de contrôle ouvrier comme substitut à la révolution politique: "[...] l'option de contrôle ouvrier, qui est une politique prolétarienne, [...] alternative révolutionnaire en opposition à la cogestion[91]."

Certains adoptent une attitude relativement critique au sujet du gouvernement et exhibent des orientations en apparence plus radicales que d'autres, mais les revendications, sous prétexte d'être de transition, restent néanmoins dans le cadre du régime établi. Simplement, en ce qui concerne H. Chávez, il y a deux variétés de supporteurs: les inconditionnels et les râleurs.

On peut observer diverses façons de camoufler l'absence d'opposition directe vis-à-vis de H. Chávez. D'une manière ou d'une autre il s'agit de prendre la tangente. Ainsi parfois la conversation est simplement détournée en traitant la question de Chávez comme secondaire. "Les demandes et revendications en relation avec la situation actuelle ne doivent avoir pour but la pression sur le chavisme en tant qu'objectif stratégique, mais la formation d'une avant-garde ouvrière et d'un parti révolutionnaire[92]." Ou la fuite en avant en matière de formulation des revendications est utilisée pour devancer Chávez. "Demander la rupture des relations avec le FMI et appeler à un mouvement continental contre l'ALCA, le FMI et pour le non-paiement de la dette extérieure en tant que moyen pour avancer vers la véritable intégration socialiste du continent latino-américain[93]." Y compris au plan organisationnel, la justification des objectifs s'abrite de préférence derrière l'attitude de défense du régime. "[...] impulser la plus ample auto-organisation des masses [...], y compris la nécessité de leur armement, pour affronter le coup d'état[94]."

Fondamentalement, c'est le processus de la révolution cubaine qui sert d'archétype pour ce qui selon les trotskistes devra se passer au Venezuela, H. Chávez prenant la place de F. Castro. La mise en parallèle ressort clairement de la façon dont les trotskistes interprètent les évènements qui se sont déroulés au Cuba entre la prise du pouvoir et la proclamation officielle du socialisme.

Tous les éléments sont là. D'abord, en ce qui concerne Cuba, le point de départ est une révolution démocratique antiimpérialiste qui ne se déclare nullement socialiste. "C'était une révolution démocratique qui, sous les pressions de l'impérialisme et du grand capital, allait prendre des mesures radicales y expropria les capitalistes[95]." Sont évoquées des prises de positions datant de 1959 de F. Castro, qui font effectivement penser au H. Chávez d'avant le socialisme du 21e siècle. F. Castro dit[96]: "La démocratie est mon idéal, mais beaucoup de gens appellent démocratie des choses qui ne sont pas de la démocratie [...]. Je ne suis pas communiste, je ne suis pas d'accord avec le communisme [...] la démocratie et le communisme ne sont pas la même chose pour moi."

En progressant dans l'exposé des évènements, on en vient donc à l'étape suivante. "[...] tenaillé entre la pression impérialiste et l'éveil révolutionnaire du mouvement de masses [...] le processus cubain débouche sur la naissance du premier État ouvrier d'Amérique latine[97]." Mais il n'est pas pour autant considéré que cette révolution aurait été menée sous la direction de la classe ouvrière. "La classe ouvrière cubaine arrive à la révolution comme une composante parmi d'autres du bloc de forces sociales placé sous l'hégémonie de la petite bourgeoisie[98]." Néanmoins, elle parvient à jouer un rôle prépondérant. "La direction du M-26 [le mouvement de F. Castro] [...], contrainte de s'adapter au nouveau rapport de forces, se trouvant dans l'impossibilité de mener à bien son programme, doit prendre à son compte le programme de la classe ouvrière[99]."

Nous n'analyserons pas ici ces évènements, situés dans le contexte particulier des années 1950‑60. On constate toutefois qu'à travers le schéma de la révolution permanente et du programme de transition, les trotskistes propagent une orientation radicale en apparence mais qui en réalité suit la social-démocratie et le réformisme. Le raisonnement appliqué suggère que H. Chávez, comme F. Castro, poussé par la main invisible de la révolution permanente, s'engage dans la construction du socialisme. Il est vrai que sa politique vise à gagner une marge de manoeuvre vis-à-vis de l'impérialisme américain, et que pour cela il cherche le soutien des masses populaires. Mais rien dans la réalité concrète actuelle n'indique que l'on pourrait compter sur lui pour aller vers le socialisme, bien au contraire.

D'ailleurs, après avoir vu dans la première période du régime de Castro une dynamique de progrès vers le socialisme, les trotskistes sont amenés à interpréter la politique ultérieure de Castro sous un angle négatif. Le même schéma est alors appliqué invariablement: il faut opposer au régime des revendications de transition. Vient en premier lieu l'exigence de pluralité des partis: "légalité pour tous les partis qui disent défendre les principes de la révolution socialiste[100]"; "légalité des courants qui défendent la révolution[101]"; "[...] le passage des décisions économiques et politiques (le pouvoir réel) aux mains des organisations ouvriers [...][102]". De même la perspective de contrôle ouvrier s'applique encore et toujours: "droit au contrôle ouvrier sur les industries nationales et privées[103]"; "les travailleurs [...] doivent avoir le droit de contrôler et décider sur toutes les questions vitales de la production et de l'approvisionnement, dans l'usine et nationalement[104]".

On voit qu'en emboitant le pas aux trotskistes, le mouvement ouvrier se condamnerait sinon à piétiner, du moins à tourner en rond, évidemment à la grande satisfaction de la bourgeoisie. Ce constat se réfère ici au contexte propre au Venezuela et à Cuba. Toutefois, les positions particulières évoquées sont conformes aux orientations de base du trotskisme. Analyser plus longuement cette question dépasserait le cadre du présent texte. Nous nous contenterons de citer le point suivant du "Programme de transition"[105]:

Sous peine de se vouer lui-même à la dégénérescence, le prolétariat ne peut tolérer la transformation d'une partie croissante des ouvriers en chômeurs chroniques, en miséreux vivant des miettes d'une société en décomposition. Le droit au travail est le seul droit sérieux que l'ouvrier ait dans une société fondée sur l'exploitation. Cependant, ce droit lui est enlevé à chaque instant. Contre le chômage, tant "structurel" que "conjoncturel", il est temps de lancer, en même temps que le mot d'ordre des travaux publics, celui de l'échelle mobile des heures de travail. Les syndicats et les autres organisations de masse doivent lier ceux qui ont du travail et ceux qui n'en ont pas par les engagements mutuels de la solidarité. Le travail disponible doit être réparti entre tous les ouvriers existants, et cette répartition déterminer la longueur de la semaine de travail. Le salaire moyen de chaque ouvrier reste le même qu'avec l'ancienne semaine de travail! Le salaire, avec un minimum strictement assuré, suit le mouvement des prix. Aucun autre programme ne peut être accepté pour l'actuelle période de catastrophes.

Nous avons eu à de multiples reprises l'occasion, ces dernières années, d'observer concrètement la signification pratique de cette proposition. Elle a été mise en avant périodiquement, notamment sous la forme du mot d'ordre "travailler moins pour travailler tous". Or, au lieu de faire avancer le combat solidaire des travailleurs, qu'ils aient un emploi ou qu'ils soient au chômage, cette revendication a servi de couverture à l'approfondissement des mécanismes d'exploitation, à travers la flexibilité et la précarité. Ainsi, ce qui est permanent, ce n'est nullement la révolution, mais la transition, dont l'issue est maintenue bouchée par la bourgeoisie avec la complicité des réformistes.

 

 

 

 

 

Notes



[1]Marta Harnecker, Hugo Chávez Frías. Un hombre. Un pueblo (Entretiens avec H. Chávez), Venezuela, Editorial Asociación Civil Universitaria por la Equidad, 2002.

http://biblioteca.clacso.edu.ar/ar/libros/martah/entrevise.doc, p. 71.

Sauf quand une traduction officielle existe, les textes cités sont traduits de l'Espagnol par nous.

[2]. Paroles inaugurales du 4e Sommet de la Dette sociale, Caracas, 25 février 2005.

http://www.formacion.psuv.org.ve/wp-content/uploads/2013/09/Año-del-Salto-Adelante-Hacia-la-Construcción-del-Socialismo-del-Siglo-XXI.pdf, p. 160.

[3]Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 27 février 2005.

http://www.alopresidente.gob.ve/materia_alo/25/1273/?desc=Alo_Presidente_214.pdf, p. 90.

[4] Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 17 juillet 2005.

http://www.alopresidente.gob.ve/materia_alo/25/1286/?desc=Alo_Presidente_229.pdf, p. 43.

[5] Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 27 février 2005, loc. cit.

[6]Paroles inaugurales..., loc. cit.

[7]Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 10 avril 2005.

http://www.alopresidente.gob.ve/materia_alo/25/1277/?desc=Alo_Presidente_218.pdf, p. 91.

[8]Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 31 juillet 2005.

http://www.alopresidente.gob.ve/materia_alo/25/1287/?desc=Alo_Presidente_230.pdf, p. 102.

[9]Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 24 avril 2005.

http://www.alopresidente.gob.ve/materia_alo/25/1279/?desc=Alo_Presidente_220.pdf, p. 69.

[10]Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 3 avril 2005.

http://www.alopresidente.gob.ve/materia_alo/25/1276/?desc=Alo_Presidente_217.pdf, p. 60.

[11]. Paroles inaugurales..., op. cit., p. 158.

[12]. Le Président parle avec les entrepreneurs, Caracas, 8 septembre 2004.

http://www.urru.org/videosbolibananos/discursos/Presidente_Habla_Empresarios_Hotel_Caracas_Hilton_08sept2004.pdf, p. 15.

[13]Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 12 juin 2005.

http://www.alopresidente.gob.ve/materia_alo/25/1283/?desc=Alo_Presidente_225.pdf, p. 99.

[14]Marta Harnecker, Hugo Chávez Frías..., op. cit., p. 72.

[15]Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 12 juin 2005, loc. cit.

Discours aux jeunes et aux étudiants, Université nationale d'Asunción, Paraguay, 20 juin 2005.

http://buenosdiasamerica.blogia.com/2005/071201--hay-que-ir-organizando-un-gran-movimiento-continental-..php

[16]István Mészáros: Beyond Capital ‑ Towards a Theory of Transition, New York, Monthly Review Press, 1995, p. 904‑905.

Traduit de l'Anglais par nous.

[17]István Mészáros: The challenge and burden of historical time: socialism in the twenty-first century, New York, Monthly Review Press, 2008, p. 63.

Traduit de l'Anglais par nous.

[18]. À l'occasion du congrès mondial de l'IMT tenu en 2009, le regroupement a subi un éclatement. Le "Courant Marxiste Révolutionnaire" s'est séparé de l'IMT; il comprend les organisations dénommées "El Militante" au Venezuela, en Espagne, en Colombie et au Mexique. L'IMT est présent au Venezuela avec le courant "Lucha de clases" à l'intérieur du PSUV. Le Partido Socialista Unido de Venezuela (PSUV) a été constitué en 2008 pour doter H. Chávez d'une base organisée en tant que parti. L'objectif était à la fois de former une organisation de masse et de réunir dans ce cadre l'ensemble des forces politiques alliées. Cependant certains partis soutenant le régime, notamment le PCV, n'ont pas intégré le PSUV.

[19]Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 21 mars 2004.

http://www.alopresidente.gob.ve/materia_alo/25/1570/?desc=alo_presidente_185.pdf, p. 28.

[20]. http://www.talcualdigital.com/Especiales/Protagonistas_marta.asp.

[21]. http://www.rebelion.org/noticia.php?id=19420

[22]. "La Revolución Mundial pasa por Hugo Chávez".

http://www.rebelion.org/noticia.php?id=12155

[23]. Ignacio Cirio, "En el laboratorio de una revolución" (Interview avec Marta Harnecker).

http://www.rebelion.org/noticia.php?id=19420

[24]Marta Harnecker, "Venezuela: una revolución sui géneris" (Exposé au 3e Forum Social Mondial), Porto Alegre, 17 juin 2003.

http://bibliotecavirtual.clacso.org.ar/ar/libros/cuba/mepla/venezu/artic5.pdf, p. 12.

[25]. Fernando Ramón Bossi, "Nuestro Socialismo ‑ Reflexiones sobre el Socialismo del siglo XXI", 16 mai 2005.

http://www.aporrea.org/actualidad/a14112.html

[26]. "¿Cómo construir el socialismo del siglo XXI?", 7 avril 2005.

http://www.elmilitantevenezuela.org/index.php?view=article&id=4794:icomo-construir-el-socialismo-del-siglo-xxi

[27]Idem.

[28]Idem.

[29]. Emilia Lucena, "América latina hacia la revolución ‑ La clase obrera derrota el golpe en Venezuela", 1er mai 2002.

http://www.elmilitante.net/index.php?option=com_content&view=article&id=44:la-clase-obrera-derrota-el-golpe-en-venezuela&catid=1019:venezuela&Itemid=100042

[30]. Frank. J. Solar, "Carta desde La Habana", 9 mai 2005.

http://www.elmilitantevenezuela.org/index.php?option=com_content&view=article&id=4857:carta-de-frank-j-solar-desde-la-habana&catid=1015:cuba&Itemid=100014

[31]. Pour quelques indications chronologiques, voir Cronología política de Bolivia, Siglo XX, Los sucesos de febrero 2003 en Bolivia, Los sucesos de septiembre-octubre 2003 en Bolivia.

[32]Vladimir I. Lénine, "Rapport sur la Révolution de 1905", avant le 22 (9) janvier 1917, Oeuvres, tome 23, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1974, p. 271-272.

Rapport sur la Révolution de 1905.

[33]Vladimir I. Lénine, "Les tâches du prolétariat dans notre révolution", 23 (10) avril 1917, Oeuvres, tome 24, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1966, p. 49.

Les tâches du prolétariat dans notre révolution.

[34]Vladimir I. Lénine, "Les tâches du prolétariat ...", op. cit., p. 52.

[35]Vladimir I. Lénine, "Sur la dualité du pouvoir", avril 1917, Oeuvres, tome 24, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1966, p. 28.

[36]Vladimir I. Lénine, "Les tâches du prolétariat ...", op. cit., p. 53.

[37]Vladimir I. Lénine, "Rapport sur la révision du programme du Parti", avril 1917, Oeuvres, tome 24, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1966, p. 279.

[38]. "Résolution sur la révision du programme du Parti", avril 1917, V. Lénine, Oeuvres, tome 24, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1966, p. 282.

[39]Vladimir I. Lénine, "Résolution sur les mesures à prendre contre le débâcle économique", mai 1917, Oeuvres, tome 24, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1966, p. 530.

[40]Vladimir I. Lénine, "Les tâches de la révolution", septembre 1917, Oeuvres, tome 26, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1967, p. 58‑59.

[41]Vladimir I. Lénine, "Pour une révision du programme du Parti", 19‑21 (6‑8) octobre 1917, Oeuvres, tome 26, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1967, p. 174‑175.

Pour une révision du programme du Parti.

[42]Vladimir I. Lénine, "Pour une révision ...", op. cit., p. 173.

[43]Vladimir I. Lénine, "Résolution sur les mesures à prendre ...", op. cit., p. 530.

[44]Vladimir I. Lénine, "La débâcle économique et la façon prolétarienne de la combattre", juin 1917, Oeuvres, tome 25, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1971, p. 40.

[45]Vladimir I. Lénine, "La situation politique", juillet 1917, Oeuvres, tome 25, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1971, p. 191.

[46]. Vladimir I. Lénine, "Quelques thèses de la rédaction", 13 octobre (30 septembre) 1915, Oeuvres, tome 21, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1973, p. 417.

Quelques thèses de la rédaction.

[47]Vladimir I. Lénine, "Lettre aux membres du Comité central", 6 novembre (24 octobre) 1917, Oeuvres, tome 26, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1967, p. 240‑241.

Lettre aux membres du Comité central.

[48]. Rafael Fernández, "La clase obrera boliviana debe poner en pie su propio partido para derrocar al poder burgués y establecer el gobierno obrero y campesino (dictadura proletaria)", Prensa Obrera (Argentina), n° 838, 19 février 2004.

http://prensa.po.org.ar/archivo/edm/edm32/ivinternacional.htm

[49]. Christian Castillo, "Premisas objetivas y subjetivas de la revolución socialista a las puertas del siglo XXI", 17 octobre 1998, Estrategia Internacional n° 10, novembre-décembre 1998.

http://www.ft.org.ar/estrategia/ei10/ei10programa.html

[50]Idem.

[51]. Facundo Aguirre, Ruth Werner, "Argentina: El Partido Obrero y el movimiento de los desocupados ‑ Mitos y Justificaciones sobre el “piqueterismo”", Estrategia Internacional, n° 21, aout 2004.

http://www.ft.org.ar/estrategia/ei21/EI21podesocupados.htm

[52]. Rafael Fernández, op. cit.

[53]Idem.

[54]Idem.

[55]Idem.

[56]. Christian Castillo, op. cit.

[57]. Facundo Aguirre, Ruth Werner, "Argentina: El Partido Obrero...", op. cit.

[58]. Jorge Sanmartino, "A un año de las Jornadas Revolucionarias en Argentina ‑ Un balance de las estrategias políticas en la izquierda", Estrategia Internacional, n° 19, janvier 2003.

http://www.ft.org.ar/estrategia/ei19/ei19argentina.htm

[59]. Christian Castillo, op. cit.

[60]Jorge Sanmartino, op. cit.

[61]Idem.

[62]. Rafael Fernández, op. cit.

[63]. "Bolivia y la ausencia del partido revolucionario", Econoticias Bolivia, 26 juillet 2005.

http://www.rebelion.org/noticia.php?id=18392

[64]. Christian Castillo, op. cit.

[65]. Rafael Fernández, op. cit.

[66]. Christian Castillo, op. cit.

[67]. Rafael Fernández, op. cit.

[68]. Facundo Aguirre, Ruth Werner, "Argentina: El movimiento piquetero ‑ Entre la lucha de clases y la institucionalización", Estrategia Internacional, n° 21, aout 2004.

http://www.ft.org.ar/estrategia/ei21/EI21movpiquetero.htm

[69]. Rafael Fernández, op. cit.

[70]. Juin 1998.

http://www.litci.org/koorkom1esp.htm

[71]. Jorge Sanmartino, op. cit.

[72]. Eduardo Molina, "Altamira vota por Evo Morales, el aliado de Lula, Kirchner y Chávez", 10 décembre 2005.

http://www.lorci.org/article.php3?id_article=118

[73]. "Notas de un publicista de Bolivia sobre la situación y las tareas de los marxistas hoy", 3 juin 2005.

http://www.ft.org.ar/Notascft.asp?ID=4518.

[74]. Movimiento Socialista de los Trabajadores ‑ Bolivia, "Pronunciamiento público", 15 octobre 2003.

http://www.mstbolivia.org/documentos/162-declaracion-dell-movimiento-socialista-de-los-trabajadores-mst.html

[75]http://www.indybay.org/newsitems/2003/11/13/16591561.php

http://www.rebelion.org/hemeroteca/sociales/031130congreso.htm

[76]. http://www.indigenacampesino.org/

[77]. http://www.indigenacampesino.org/convocatoria.html

[78]http://www.rebelion.org/hemeroteca/sociales/031130congreso.htm

[79]http://peppersp.com.br/forodesaopaulo/?page_id=52

http://www.contextolatinoamericano.com/documentos/cronologia-del-foro-de-sao-paulo-1990-2007/#

[80]. "Construcción del socialismo en América latina ‑ Llamamiento de Montevideo", 19 juin 2005.

http://www.aporrea.org/actualidad/n62266.html

[81]Émission "Aló Presidente", Venezolana de Televisión (VTV), 17 juillet 2005, op. cit., p. 92.

[82]Intervention dans l'atelier "El Che en la Revolución cubana y la lucha actual por la hegemonía socialista", Chaire de formation politique Ernesto Che Guevara, Buenos Aires, 20 avril 2004.

http://www.rebelion.org/hemeroteca/argentina/040503ab.htm

[83]. "América Latina vive un momento de transformaciones" (Interview de Kintto Lucas), Brecha (Uruguay) et Tintají (Équateur), aout 2002.

http://www.catedranacional.4t.com/Autores/Chavez/entre.htm

[84]http://www.hartford-hwp.com/archives/27c/047.html

[85]"Latin America's Terrible Two: Fidel Castro and Hugo Chávez constitute an axis of evil", National Review (New York), 11 avril 2005.

http://ottoreich.com/NR_AxisofEvil.html.

Traduit de l'Anglais par nous.

[86]. Rafael Hernández, "Empire and Resistance" (Interview avec Tariq Ali, écrivain pakistanais), 20‑21 décembre 2003.

http://www.counterpunch.org/2003/12/20/empire-and-resistance-an-interview-with-tariq-ali/

Traduit de l'Anglais par nous.

[87]. Rafael Fernández, op. cit.

[88]. José Capitan, "Construir la sección venezolana de la IV Internacional", Prensa Obrera, n° 850, 13 mai 2004.

http://prensa.po.org.ar/archivo/po/po850/pco.htm

[89]. Frank. J. Solar, op. cit.

[90]. Jorge Altamira, "Colapsó el golpe gorila en Venezuela", Prensa Obrera, n° 789, 7 février 2003.

http://prensa.po.org.ar/archivo/po/po789/colapsel.htm

[91]. "Venezuela: El centrismo “trotskista” y la lucha de las fábricas tomadas", 20 avril 2005.

http://www.ft.org.ar/Notascft.asp?ID=4461

[92]. Jorge Altamira, op. cit.

[93]Joseph Weil, "¿Cuál es la estrategia revolucionaria en Venezuela? Una discusión con la izquierda", Marxismo Vivo, n° 10, 2004.

https://www.archivoleontrotsky.org/download.php?mfn=007380

[94].  "Venezuela: ante el plebiscito ‑ Derrotar el golpe institucional", Correo Internacional, aout 2004.

http://phl.bibliotecaleontrotsky.org/arquivo/ciesp/ciesp108/ciesp108-01v.pdf

[95]. Rafael Santos, "Antecedentes de la restauración capitalista en Cuba", En defensa del Marxismo, n° 16, mars 1997.

http://prensa.po.org.ar/archivo/edm/edm16/antecede.htm

[96]. Gustavo Dunga, Facundo Aguirre, "La revolución permanente en Cuba", Estrategia Internacional, n° 20, septembre 2003.

http://www.ft.org.ar/estrategia/ei20/ei20CubaPermanente.htm

[97]Idem.

[98]Idem.

[99]Idem.

[100]. Rafael Santos, op. cit.

[101]. Eduardo Molina, "Cuba en la encrucijada", Estrategia Internacional, n° 20, septembre 2003.

http://www.ft.org.ar/estrategia/ei20/ei20CubaEncrucijada.htm

[102]. Olmedo Beluche, "¿Qué es cuba hoy?", Marxismo Vivo, n° 4, décembre 2001.

https://www.archivoleontrotsky.org/download.php?mfn=006568

[103]. Rafael Santos, op. cit.

[104]. Eduardo Molina, "Cuba...", op. cit.

[105]. Léon Trotsky, "Programme de transition ‑ L'agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale", 1938.

http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/trans/tran.htm