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V. Lénine: Quelques thèses de la rédaction

 

 

Le Social-Démocrate, n° 47, 13 octobre (30 septembre) 1915.

Conforme au texte du Social-Démocrate.

Oeuvres, tome 21, Editions Sociales, Paris, Editions du Progrès, Moscou, 1973, p. 416‑419.

 

 

 

 

 

 

 

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Textes de Vladimir I. Lénine - Sommaire

 

 

 

 

 

 

Le contenu de ce numéro montre le travail énorme accompli par le Comité de Pétersbourg de notre Parti. C'est vraiment, pour la Russie et pour toute l'Internationale, un modèle de ce que les social-démocrates peuvent faire pendant une guerre réactionnaire, dans les conditions les plus difficiles. Les ouvriers de Pétersbourg et de la Russie soutiendront de toutes leurs forces cette activité et la poursuivront plus énergiquement, plus vigoureusement, plus largement dans cette même voie.

En tenant compte des indications de nos camarades de Russie nous allons formuler quelques thèses concernant les problèmes d'actualité de l'activité social-démocrate: 1) Le mot d'ordre de “l'Assemblée constituante” en tant que mot d'ordre indépendant, est erroné, car à l'heure actuelle la question est de savoir qui la convoquera. Les libéraux avaient adopté ce mot d'ordre en 1905, car on pouvait alors l'interpréter dans le sens de la convocation par le tsar d'une assemblée qui s'entendrait avec lui. Les mots d'ordre les plus justes sont ceux des “trois piliers” (république démocratique, confiscation des terres des grands propriétaires fonciers, journée de 8 heures), en y ajoutant (voir le n° 9) l'appel à la solidarité internationale des ouvriers dans la lutte pour le socialisme, pour le renversement révolutionnaire des gouvernements belligérants et contre la guerre. 2) Nous sommes contre la participation aux comités des industries de guerre[1], qui aident à mener la guerre impérialiste réactionnaire. Nous sommes pour l'utilisation de la campagne électorale, par exemple pour la participation au premier stade des élections, uniquement dans un but d'agitation et d'organisation. Il ne saurait être question de boycotter la Douma d'Etat. Il est absolument nécessaire de prendre part aux élections. Tant que notre Parti n'a pas de députés à la Douma d'Etat, il nous faut mettre à profit tout ce qui s'y passe dans l'intérêt de la social-démocratie révolutionnaire. 3) Nous estimons qu'il est surtout urgent et essentiel d'intensifier et d'étendre l'action social-démocrate au sein du prolétariat, et ensuite dans le prolétariat rural, parmi les paysans pauvres et dans l'armée. L'objectif le plus important de la social-démocratie révolutionnaire est de développer le mouvement gréviste qui a commencé, en lui donnant pour mots d'ordre les “trois piliers”. La cessation immédiate de la guerre doit occuper dans l'agitation la place qui lui revient de droit. Parmi leurs autres revendications, les ouvriers ne doivent pas oublier celle du retour immédiat des députés ouvriers, membres de la Fraction ouvrière social-démocrate de Russie. 4) Les Soviets des députés ouvriers et autres institutions analogues doivent être considérés comme des organes insurrectionnels, comme des organes du pouvoir révolutionnaire. C'est seulement en liaison avec le développement de la grève politique de masse et avec l'insurrection, et à mesure que celle-ci se préparera, se développera et remportera des succès, que ces institutions peuvent être réellement utiles. 5) Le contenu social de la prochaine révolution en Russie ne peut être que la dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie. La révolution ne peut triompher en Russie sans renverser la monarchie et les grands propriétaires féodaux. Or, le prolétariat ne peut les renverser sans l'aide des paysans. La différenciation croissante de ces derniers en “fermiers- propriétaires” et prolétaires ruraux n'a pas aboli l'oppression des campagnes par les Markov et Cie. Nous avons toujours été et nous sommes, absolument et dans tous les cas, pour une organisation à part des prolétaires ruraux. 6) Le prolétariat de Russie a pour devoir de mener à son terme la révolution démocratique bourgeoise en Russie, afin d'allumer la révolution socialiste en Europe. Ce second objectif s'est aujourd'hui extraordinairement rapproché du premier, mais il n en reste pas moins particulier et second, car les classes collaborant avec le prolétariat de Russie diffèrent suivant les cas: pour le premier objectif, c'est la paysannerie petite-bourgeoise de Russie; pour le second, c'est le prolétariat des autres pays. 7) Nous continuons à estimer que les social-démocrates peuvent accepter de participer au Gouvernement révolutionnaire provisoire avec la petite bourgeoisie démocratique, à condition que ce ne soit pas avec les révolutionnaires-chauvins. 8) Sont révolutionnaires-chauvins, à nos yeux, ceux qui veulent vaincre le tsarisme pour vaincre l'Allemagne, pour piller les autres pays, pour renforcer la domination des Grands-Russes sur les autres peuples de Russie, etc. Le chauvinisme révolutionnaire a pour base la situation de classe de la petite bourgeoisie. Celle-ci oscille toujours entre la bourgeoisie et le prolétariat. De nos jours, elle oscille entre le chauvinisme (qui l'empêche d'être révolutionnaire d'une façon conséquente, même dans le sens de la révolution démocratique) et l'internationalisme prolétarien. Les porte-parole politiques de cette petite bourgeoisie en Russie sont actuellement les troudoviks, les social-révolutionnaires, le groupe de “Nacha Zaria”, la fraction Tchkhéidzé, le Comité d'organisation, M. Plékhanov et leurs pareils. 9) Si les révolutionnaires-chauvins triomphaient en Russie, nous serions contre la défense de leur “patrie” dans la guerre actuelle. Notre mot d'ordre est contre les chauvins, fussent-ils révolutionnaires et républicains, contre eux et pour l'alliance du prolétariat international en vue de la révolution socialiste. 10) Le prolétariat peut-il jouer le rôle dirigeant dans la révolution bourgeoise russe? Nous répondons par l'affirmative si, dans les moments décisifs, la petite bourgeoisie penche vers la gauche; or, elle est poussée vers la gauche non seulement par notre propagande, mais aussi par des facteurs objectifs économiques, financiers (les charges de la guerre), militaires, politiques, etc. 11) Que ferait le parti du prolétariat si la révolution le portait au pouvoir dans la présente guerre? Nous répondons que nous offririons la paix à tous les belligérants, à condition que soient libérés les colonies et tous les peuples dépendants, opprimés et lésés dans leurs droits. Ni l'Allemagne, ni l'Angleterre et la France, sous leurs gouvernements actuels, n'accepteraient cette condition. Nous serions alors obligés de préparer et de mener une guerre révolutionnaire, c'est-à-dire que non seulement nous appliquerions par les moyens les plus énergiques tout notre programme minimum, mais qu'aussi nous pousserions systématiquement à l'insurrection tous les peuples aujourd'hui opprimés par les Grands-Russes, toutes les colonies et les pays vassaux d'Asie (l'Inde, la Chine, la Perse, etc.); en même temps et au premier chef, nous appellerions à l'insurrection le prolétariat socialiste d'Europe contre ses gouvernements, malgré ses social-chauvins. Il est hors de doute que la victoire du prolétariat en Russie créerait des conditions extrêmement favorables au développement de la révolution en Asie et en Europe. Même 1905 l'a démontré. Et la solidarité internationale du prolétariat révolutionnaire est un fait, en dépit de la sale écume de l'opportunisme et du social-chauvinisme. Nous publions ces thèses en vue d'un échange d'opinions avec les camarades. Nos conceptions seront développées dans les numéros suivants de l'Organe central.

Notes

 

 

 

 



[1]. Les comités des industries de guerre furent formés en Russie par la grande bourgeoisie impérialiste en 1915. Voulant soumettre les ouvriers à son influence et leur inculquer un état d'esprit jusqu'au-boutiste, la bourgeoisie imagina d'organiser des “groupes ouvriers” auprès de ces comités. Elle avait tout intérêt à attirer dans ces groupes des représentants des ouvriers qui auraient appelé les masses à accroître la productivité du travail dans les usines de guerre. Les mencheviks participèrent activement à cette entreprise pseudo-patriotique lancée par la bourgeoisie. Les bolcheviks boycottèrent les comités des industries de guerre avec le soutien de la majorité des ouvriers. A la réunion des délégués des ouvriers de Petrograd, le 10 octobre (27 septembre) 1915, la résolution bolchevik, qui appelait à boycotter les comités des industries de guerre et à mettre fin à la guerre par la révolution, recueillit 90 voix, et la résolution menchevik 81. Ce n'est qu'à une seconde réunion que les mencheviks, conduits par Gvozdev et le provocateur Abrossimov, réussirent, à la suite du départ des ouvriers partisans des bolcheviks, à élire 10 personnes au “groupe ouvrier”. Grâce au travail d'explication effectué par les bolcheviks, sur un total de 239 comités des industries de guerre régionaux et locaux, les élections n'eurent lieu que dans 70 comités, et des représentants ouvriers ne furent élus que dans 36 d'entre eux.