Enver Hoxha: Thèses sur l'unité du
mouvement marxiste-léniniste international
Ludo Martens: Proposition pour
l'unification du mouvement communiste international
Ernest Leroux: Quelques commentaires sur
les "Propositions"
Annexe I
Enver Hoxha
THÈSES SUR L'UNITÉ DU MOUVEMENT MARXISTE-LÉNINISTE INTERNATIONAL
10 octobre 1966[1].
Après la division, il faut l'unité.
La lutte contre le révisionnisme moderne ne peut être menée
sans l'unité marxiste-léniniste.
La Ie et la IIIe Internationale.
Il y a deux conceptions de l'unité:
1. L'unité révisionniste (avec ses variantes);
2. L'unité marxiste-léniniste.
Nous devons démasquer la première et consolider la seconde.
Existe-t-il une unité complète de pensée et d'action
marxiste-léniniste dans le mouvement marxiste-léniniste international?
Oui, peut-être, mais pas autant ni comme il faut, en raison de
la croissance de ce mouvement et du manque d'expérience, en raison des
positions isolées de chaque parti marxiste-léniniste ou groupe
révolutionnaire, de l'absence d'une identité complète de vues sur beaucoup de
questions capitales communes, et aussi à cause de la lutte organisée et
combinée que le révisionnisme et l'impérialisme livrent au
marxisme-léninisme.
Il est donc indispensable de trouver les formes et les
méthodes requises pour surmonter ces obstacles.
Le mouvement communiste international doit être guidé par le
marxisme-léninisme, interprété et appliqué correctement dans les conditions
générales actuelles et selon les positions particulières de chaque parti ou
groupe marxiste-léniniste. Il est donc exigé une analyse de la situation
actuelle, mais cette analyse ne peut pas être faite par un seul parti, dont
le point de vue servirait de phare aux autres. Il est également nécessaire
que les partis et les groupes marxistes-léninistes procèdent entre eux à des
consultations dont émergeraient de justes orientations pour la lutte à mener
dans les conditions générales ou particulières.
Problèmes fondamentaux qui doivent avoir une définition
commune, laquelle cimente l'unité et renforce la lutte contre le
révisionnisme moderne:
1. La séparation définitive d'avec les révisionnistes
exige une réunion particulière.
2. L'apparition du révisionnisme, ses causes, etc.
3. La question de Staline.
4. L'attitude envers l'Union Soviétique, en premier lieu,
et envers les autres pays où les révisionnistes sont au pouvoir.
5. Une attitude mieux étudiée relative à une aide
politique, idéologique, ainsi que technique et matérielle, mieux organisée à
prêter aux nouveaux partis, aux groupes marxistes-léninistes, à la lutte de
libération nationale, aux alliances avec la bourgeoisie progressiste
anti-impérialiste; et de nombreux autres problèmes de ce genre d'une grande
portée pour notre lutte commune.
Tous ces problèmes et d'autres encore sont connus, et dans l'ensemble
on s'attache à les résoudre, mais de manière non coordonnée.
Sur la question de Staline et sur les causes de l'apparition
du révisionnisme en Union Soviétique et ailleurs, beaucoup d'appréciations
concordent, mais il y en a aussi qui ne concordent pas. Si ces problèmes ne
sont pas éclaircis et si l'on n'arrive pas à une appréciation plus ou moins
identique, des contradictions peuvent surgir, car des prémisses de
contradictions existent, ce qui entrave le renforcement de l'unité.
La stratégie et les tactiques de notre lutte. La première doit
être identique pour tous, les tactiques peuvent être différentes, mais elles
doivent servir la première et se développer à travers la juste application du
marxisme-léninisme.
‑ Pourquoi le Parti Communiste Chinois a-t-il
publié ses 25 points[2]
et quel est leur sort?
‑ Les tactiques de la République Populaire de Chine
et de la République Populaire d'Albanie.
Les tactiques de tous les partis et groupes
marxistes-léninistes qui opèrent dans l'opposition ou dans la clandestinité.
a) La question des frontières avec l'Union Soviétique.
b) La question indienne.
c) La question de la Corée et du Japon.
d) La question du Parti Communiste de Pologne
(marxiste-léniniste)[3].
e) L'aide à prêter aux groupes marxistes-léninistes.
Le Parti Communiste Chinois se dérobe aux conférences
générales.
a) Il a proposé une réunion de nos 9 partis. Lorsque
nous avons accepté, il l'a annulée.
b) Il a proposé, sans une réunion préalable, la création
d'un "front uni anti-impérialiste incluant les révisionnistes",
puis il a reculé.
c) Il tient des réunions bilatérales avec d'autres
partis, ce qui est au demeurant admissible, et à l'issue de ce genre de
réunions, ces partis publient des déclarations et des articles qui
soutiennent tout ce que fait et dit la Chine.
d) Actuellement, toute la préoccupation du Parti
Communiste Chinois est que le mouvement communiste marxiste-léniniste
reconnaisse que la pensée de Mao Tsé‑toung guide le monde, qu'il
accepte le culte de Mao, la Révolution Culturelle Prolétarienne et toute la
ligne du Parti Communiste Chinois avec ses mérites et ses erreurs.
Tout cela comporte de grands dangers pour l'unité.
Nous devons avoir une claire vision de tous ces problèmes et
ne pas craindre de regarder la vérité en face. Entre nous aussi et les
camarades chinois des divergences ont commencé à poindre, en sourdine,
intérieurement, mais ces divergences risquent de grossir. Aussi devons-nous
agir de façon à ne pas être pris au dépourvu. Cela, nous l'avons fait et nous
continuerons de le faire. Mais comment nos deux partis peuvent-ils s'expliquer
franchement? Si ces discussions sont menées dans une voie entièrement
marxiste, les questions seront réglées. Sinon, elles grossiront; c'est ce qui
nous est arrivé avec les Soviétiques et nous n'avons rien résolu. Les
questions ont alors été réglées à la Rencontre de Bucarest et à la Conférence
de Moscou. Avec les Chinois on ne doit pas en arriver là, mais il se peut
aussi que l'on y arrive contre notre gré.
Pas plus qu'on ne peut accepter en bloc les idées d'un parti,
on ne peut accepter celles de deux partis. Tous doivent exprimer leur
opinion. C'est pourquoi il est important de tenir une réunion commune et d'arrêter
des décisions communes. Une telle réunion prendrait également connaissance
des formes de travail et d'organisation, elle les étudierait et elle
définirait des tâches pour chaque parti en particulier.
La Chine jusqu'à présent s'est dérobée à ce genre de réunion.
Pourquoi?
a) Dans la crainte d'être accusée d'hégémonisme, ce qui n'est
pas fondé.
b) Dans la crainte que nous, les autres, ne considérions
d'un mauvais œil son attitude sur ces réunions. (Pour notre part, nous avons
démontré notre internationalisme.)
c) Parce qu'elle ne veut pas avoir de partenaires dans la
prise des décisions. Une telle manière de juger et une telle attitude sont
nocives.
d) Parce qu'il n'y a pas encore d'unité chez elle. Alors
qu'elle nous le dise.
Au vu de tout ce qui précède:
Est-il juste et nécessaire que nous avancions cette idée dans
ses grandes lignes à notre Congrès? Je pense que oui. Cela est normal, c'est
une des formes de notre lutte.
Personne ne peut contredire cette idée sur le plan des
principes, tout au plus peut-on la laisser fondre dans l'eau. Mais, ce sont
eux qui se trompent et non pas nous. Dans cette situation, sans la Chine nous
ne pouvons tenir de telles réunions. La Chine peut continuer à s'y opposer.
Alors elle en portera la responsabilité. Mais, même si elle ne trouve pas
cette idée opportune, du moment que nous-mêmes la considérons juste à tous
égards, nous devons la lancer. Que la réunion se tienne lorsque les
conditions à cette fin auront mûri; quant aux formes d'organisation et
autres, qu'elles émergent de la lutte elle-même. Sur cette question nous nous
sommes acquittés envers la Chine en la mettant en garde plus d'une fois. C'est
elle qui a retardé la mise en œuvre de cette idée.
J'estime que les problèmes que je viens de poser et d'autres
du même genre sont très actuels pour le renforcement de l'unité
marxiste-léniniste du mouvement communiste international, et qu'ils ne
peuvent être résolus que par des réunions communes des partis. La Chine,
apparemment, n'en juge pas ainsi et elle pense qu'il suffit que tous soient
unanimes à approuver ce qui se passe aujourd'hui chez elle pour que par là
même notre unité soit cimentée. Aux controverses déjà existantes vient s'en
ajouter une nouvelle, et à en juger par la manière de procéder des Chinois
qui ne parlent qu'à l'oreille des gens, nous devons envisager qu'un beau jour
nous nous trouverons isolés par rapport à eux, bien que nous soyons dans la
juste voie. C'est pourquoi nous devons prévenir le danger. Les formes d'action
que je propose sont des formes légitimes, justes.
Sur la question de la Corée et du Japon c'est ainsi qu'il fut
procédé, de bouche à oreille, et c'est pourquoi les choses en sont arrivées
au point que l'on sait.
Des membres de nouveaux groupes et de nouveaux partis ont
parlé avec exaltation dans leurs organes de ce qui se passe en Chine, mais
lorsqu'ils viennent ici, ils nous disent qu'ils ne souscrivent pas à telle ou
telle idée du Parti Communiste Chinois. Et nous, que devons-nous leur dire?
Ces marxistes-léninistes viendront demain au Congrès de notre
Parti et ils y prendront la parole. Qui nous assure que, parmi eux, il n'y
aura pas de ceux qui, avec ou sans intention, parleront en termes exaltés de
certains aspects de la ligne chinoise et de l'évolution actuelle en Chine,
sur lesquels nos points de vue sont opposés? Alors émergeront deux attitudes.
Mais si, dans une bonne ou dans une mauvaise intention, ils nous interrogent
et sollicitent notre avis, que devrons-nous leur dire? Leur répondre? C'est
mal. Ne pas leur répondre? C'est encore mal. C'est pourquoi la thèse que nous
insérons dans le rapport est la réponse la plus juste, la plus
marxiste-léniniste que nous pouvons donner aux camarades étrangers.
* * *
Quelques jours plus tard, le 26 octobre, le P.T.A.
reçoit à Tirana la délégation du P.C.C. venue participer aux travaux du Ve Congrès
du P.T.A. Dans son Journal, daté du même jour, Enver Hoxha résume son
intervention lors des discussions qui viennent d'avoir lieu avec les
représentants du P.C.C.[4]:
Les camarades des partis frères et des groupes
marxistes-léninistes nous feront sûrement part, à vous comme à nous, de leurs
idées et de leurs propositions sur les problèmes communs du mouvement, mais
peut-être aussi sur des problèmes intérieurs qui leur sont propres.
Nous serons profondément touchés de la confiance qu'ils
témoignent à notre Parti, nous prêterons une oreille très attentive à leurs
jugements et à leurs propositions et nous ferons tout notre possible pour les
aider de nos modestes forces.
Mais nous considérons comme un devoir internationaliste et
comme étant de l'intérêt du renforcement de notre unité internationaliste, de
procéder avec vous à de fréquents échanges de vues afin de coordonner ces
vues concernant les problèmes que poseront les camarades des partis frères et
leurs sollicitations éventuelles. Nous espérons que vous n'aurez rien contre
cela.
Nous estimons que c'est à votre grand Parti et à notre Parti
qu'il incombe d'abord de faire les premiers pas afin d'établir des liens
concrets, plus étroits, plus efficaces, au sein du mouvement
marxiste-léniniste mondial pour cimenter encore plus notre unité
marxiste-léniniste et renforcer nos actions communes contre nos ennemis
communs.
Nous considérons, en particulier, que le moment est venu pour
nos partis marxistes-léninistes de développer entre eux diverses formes de
contacts de travail, des plus appropriées et des plus fructueuses. En posant
cet important problème, nous ne nous attendons pas à le voir résolu
maintenant, à l'occasion de notre Congrès. Non. Ce problème, nous l'avons
soulevé aussi devant le camarade Chou En-laï, lors de sa visite chez nous[5],
et nous le soulevons à nouveau devant vous. Nous serions heureux d'avoir avec
vous un échange de vues à ce propos et, si votre Parti le juge nécessaire,
nous sommes même prêts à envoyer, au moment où il le jugera opportun, une
délégation de notre Parti à Pékin afin de discuter particulièrement de cette
question.
Il nous semble important et nécessaire de discuter de ce
problème et de le concrétiser, fût-ce dans des formes initiales et
rudimentaires, car les révisionnistes modernes et leurs patrons capitalistes
s'emploient de toutes leurs forces, démagogiques et économiques, en
pratiquant toutes les pressions et tous les chantages, à frapper durement
tout renforcement de notre unité marxiste-léniniste, à frapper notre
mouvement de dedans par la diversion idéologique et de dehors en cherchant à l'isoler[6].
* * *
Le "Rapport d'activité du Comité Central du P.T.A.",
présenté au Ve Congrès du Parti le 1er novembre 1966, va
effectivement développer les thèses ébauchées par Enver Hoxha dans son
Journal Politique ("Réflexions sur la Chine").
Certains passages expriment une critique ouverte du Parti
Communiste Chinois, notamment en ce qui concerne les tentatives de
rapprochement avec l'U.R.S.S., cette "unité d'action" avec les
révisionnistes qui s'est soldée par un échec lors du voyage de Chou En-laï à Moscou,
cette "unité d'action" contre les impérialistes mise en avant par
Moscou. Il est également largement question dans le "Rapport" de l'unité
des marxistes-léninistes. On insistera ici principalement sur cette question:
Dans la lutte contre le révisionnisme moderne, comme du reste
sur toutes les autres questions, l'unique attitude juste est l'attitude de
principe. Il n'est pas permis de marchander avec les principes, on ne doit
pas s'arrêter à mi-chemin, on ne doit jamais avoir une attitude vacillante et
opportuniste dans la défense des principes. La lutte entre le
marxisme-léninisme et le révisionnisme est une manifestation de la lutte de
classes qui se livre entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre le
socialisme et le capitalisme. Il n'y a pas de milieu dans cette lutte. La
ligne du "juste milieu", ainsi qu'il a été prouvé par l'expérience
historique de plusieurs années, est la ligne de la conciliation des
contraires, de tout ce qui est irrémédiablement inconciliable, une attitude
instable et provisoire. Cette ligne intermédiaire ne saurait non plus servir
à camoufler les déviations des principes marxistes-léninistes, car la lutte
contre le révisionnisme, si elle ne s'inspire pas de motifs idéologiques mais
uniquement de quelques contradictions économiques et politiques, de bases
nationalistes et chauvines, se réduit à un bluff qui n'ira pas loin.
Quiconque s'en tient à cette ligne dans la lutte contre les renégats du
marxisme-léninisme risque de glisser lui-même tôt ou tard sur les positions
de ces derniers.
"Il n'existe pas, il ne peut exister de ligne "moyenne"
dans les questions de principe ‑ a souligné avec force J. V. Staline. ‑
Tels principes ou tels autres doivent être mis à la base du travail du Parti.
La ligne "moyenne" dans les questions de principe est la "ligne"
qui consiste à encrasser le cerveau, la "ligne" qui tend à estomper
les divergences, c'est la "ligne" de la dégénérescence idéologique
du Parti, la "ligne" de la mort idéologique du Parti[7]."
Au jugement de notre Parti, le problème à l'ordre du jour qui
se pose aujourd'hui avec force, comme un problème actuel de grande acuité, n'est
pas la réconciliation et l'unité avec les révisionnistes, mais bien la
rupture et la séparation définitive avec eux.
Lénine disait: "L'unité est une grande chose et un grand
mot d'ordre! Mais ce qu'il faut à la cause ouvrière, c'est l'unité des
marxistes, et non l'unité des marxistes avec les ennemis et les
falsificateurs du marxisme[8]."
L'unité avec les opportunistes et les révisionnistes, souligne Lénine, "c'est
l'unité du prolétariat avec la bourgeoisie nationale et la scission du
prolétariat international, l'unité des laquais et la scission des
révolutionnaires[9]".
Le communisme mondial actuel doit être caractérisé par l'esprit
révolutionnaire et combatif des temps héroïques de Lénine et de Staline, du
Komintern [IIIe Internationale]. Non sans des desseins hostiles
déterminés, N. Khrouchtchev et ses acolytes ont entrepris la lutte pour
jeter le discrédit sur le Komintern et son œuvre immortelle. Les temps ont
changé, certes, et il ne s'agit pas pour nous d'adopter ou de copier les
formes et les méthodes de travail, d'organisation et de direction du
Komintern, justifiées à l'époque, avec leurs bons et leurs mauvais côtés[10].
Mais de l'avis de notre Parti, la création de liens de coopération et de
coordination, conformes aux conditions nouvelles présentes, constitue une
question indispensable et urgente. (Applaudissements.)
Ils [les marxistes-léninistes] doivent renforcer leur
coopération et coordonner leurs activités, ils doivent élaborer une ligne
commune et une attitude commune sur les questions les plus fondamentales,
notamment au sujet de la lutte contre l'impérialisme et le révisionnisme
moderne, au sujet des nouvelles alliances, une ligne et une attitude qui
concrétisent les conditions réelles de la situation actuelle, mais fondées en
toute occasion sur les principes marxistes-léninistes[11].
* * *
À côté de critiques implicites contre la politique
étrangère du Parti Communiste Chinois, qui pouvaient être parfaitement
comprises, on trouve également dans le Rapport du C.C. du P.T.A. un hommage
appuyé à Mao Tsé‑toung, à sa "pensée" et au rôle
révolutionnaire du P.C.C. et de la R.P.C. Également un appel au soutien de la
Révolution Culturelle. Et cette déclaration:
Le Parti du Travail d'Albanie estime que tous les partis et
les forces marxistes-léninistes, sur un pied d'égalité et en toute
indépendance (souligné par nous, B.I.), doivent s'unir étroitement au Parti
Communiste Chinois et à la République Populaire de Chine et former avec
ceux-ci un bloc d'acier sur lequel tous nos ennemis viendront se briser.
Cette unité mise en avant par le P.T.A. va de pair avec les
objectifs qui sont les siens, c'est-à-dire la lutte "contre l'impérialisme,
ayant à sa tête les États-Unis d'Amérique, et contre le révisionnisme moderne
conduit par les dirigeants soviétiques", le soutien "sans réserve"
à la "juste lutte révolutionnaire des partis et des forces
marxistes-léninistes", et le P.T.A. se donne également comme tâche d'œuvrer
"sans relâche à la consolidation et au resserrement de l'unité
anti-révisionniste du mouvement marxiste-léniniste et de l'unité
anti-impérialiste des peuples du monde"[12].
* * *
Dans le "Rapport du Comité central du Parti du Travail
d'Albanie" qu'Enver Hoxha présente au VIIe Congrès le 1er novembre
1976 on peut lire:
La situation actuelle dans le mouvement communiste
international ressemble à celle de la période héroïque où luttèrent et
ouvrèrent Marx et Engels. Le prolétariat mondial, nous, les marxistes-léninistes,
devons étudier sans cesse Marx et Engels, étudier leur doctrine, leur
stratégie et leur tactique de lutte et de victoire. Aujourd'hui Marx et
Engels ne vivent plus, mais leur doctrine, elle, est vivante, et elle doit
nous guider. Ce sont nos guides irremplaçables.
La situation actuelle dans le mouvement communiste
international s'apparente à la période de la lutte révolutionnaire de
principe de Lénine, de Staline et du Parti bolchevik. [...]
L'étude et la correcte application du marxisme-léninisme par
le prolétariat et les partis communistes révolutionnaires, sur la base de la
situation de chaque pays et de la situation internationale, la lutte
impitoyable contre le révisionnisme moderne sous quelque forme qu'il se
manifeste, la dénonciation de l'idéologie bourgeoise, le combat contre les
menées de scission, de répression et d'exploitation de la part des ennemis de
la classe ouvrière, ce sont là autant d'aspects de la lutte pour la cohésion
et pour l'union du prolétariat mondial. C'est la condition indispensable de
la victoire dans la lutte contre l'impérialisme mondial, le
social-impérialisme, la bourgeoisie capitaliste, la réaction mondiale. Dans
cette lutte de grande ampleur et ardue, le prolétariat doit se battre en
rangs compacts, mais il ne réalisera l'unité de ses rangs qu'en suivant et en
appliquant fidèlement la doctrine marxiste-léniniste[13].
Annexe II
Ludo Martens
PROPOSITIONS POUR L'UNIFICATION DU MOUVEMENT COMMUNISTE INTERNATIONAL
(Séminaire de Bruxelles, 4 mai 1995)[14]
Introduction
1. L'éclatement de l'Union Soviétique et l'introduction d'un
capitalisme sauvage dans ce pays et en Europe de l'Est suite à la politique
contre-révolutionnaire de Gorbatchev et d'Eltsine ont marqué un tournant dans
la situation internationale. Il s'agit d'une victoire de l'impérialisme et de
la réaction.
2. Ces événements contre-révolutionnaires ont exacerbé
toutes les contradictions fondamentales dans le monde: la contradiction entre
les pays socialistes et l'impérialisme, la contradiction entre les peuples
opprimés d'Asie, d'Afrique et d'Amérique Latine et l'impérialisme, les
contradictions entre les monopoles et entre les puissances impérialistes et
la contradiction entre la classe travailleuse et la bourgeoisie. Les forces
de la réaction, le racisme, le fascisme et la guerre ont entamé une offensive
à l'échelle mondiale.
3. Dans cette situation, les partis et organisations
fidèles aux principes révolutionnaires du marxisme-léninisme s'efforcent de
tirer les leçons des processus contre-révolutionnaires qui ont détruit le
socialisme en Union Soviétique. Face à l'offensive déchaînée par la réaction,
ils ressentent la nécessité de s'unir pour mener une contre-offensive en
faveur des intérêts des masses exploitées et opprimées, pour continuer à
brandir bien haut le drapeau du socialisme et du communisme et pour redonner
à tous ceux qui se battent contre le capitalisme et l'impérialisme confiance
dans l'avenir socialiste de l'humanité.
4. Nous avons tracé un cadre minimal commun qui permet à
des organisations marxistes-léninistes de différentes tendances de se
rencontrer, d'échanger des expériences et des analyses et de prendre des
initiatives communes.
5. Ce cadre minimal commun, qui est formulé dans ce
document, nous permettra de discuter de façon franche et avec un esprit
ouvert les importantes divergences idéologiques et théoriques et d'aborder
les questions actuelles de politique et de tactique. Ce cadre minimal commun
permettra par conséquent d'entamer un processus d'unification théorique et
politique.
Les anciennes divisions entre partis marxistes-léninistes peuvent être
surmontées
1. Depuis 1956, le mouvement communiste international s'est
divisé et a éclaté. La ligne révisionniste adoptée par Khrouchtchev est la
cause première et principale de la division. Plus tard, le mouvement
antirévisionniste s'est divisé à son tour sous l'influence d'attitudes d'ultra-gauche.
2. Aujourd'hui, résultat de la destruction complète du
socialisme sous Gorbatchev, la tendance dite "pro-soviétique" a
éclaté en d'innombrables tendances. Dans les années 60, une tendance
dite "pro-chinoise" s'est manifestée, qui s'est elle-même scindée
en plusieurs tendances après la mort de Mao Tsé-toung. Il y a eu le courant
dit "pro-albanais", qui a aussi connu des divisions après la chute
du socialisme en Albanie, et une tendance dite "pro-cubaine" est
apparue, principalement en Amérique latine. Enfin, certains partis ont
maintenu une position "indépendante" par rapport aux tendances
mentionnées.
3. Quelle que soit l'opinion qu'on peut exprimer quant au
bien-fondé ou à la nécessité de ces scissions à un certain moment de l'histoire,
la possibilité existe aujourd'hui de surmonter ces divisions et d'unir les
partis marxistes-léninistes divisés en différents courants.
4. Tous les partis qui sont restés fidèles au
marxisme-léninisme sont conscients du fait que le révisionnisme a affaibli et
divisé le mouvement communiste international et finalement dégénéré en une
trahison ouverte.
5. Après la restauration complète du capitalisme en Union
Soviétique, tous les communistes doivent admettre que le révisionnisme est l'ennemi
idéologique le plus dangereux du marxisme-léninisme. La vie a prouvé que le
révisionnisme représente la bourgeoisie au sein du mouvement communiste.
6. Dans le passé, des regroupements de partis et d'organisations
se sont produits sur base d'une orientation politique et idéologique
spécifique. Au sein de ces différents regroupements, certains partis ont
réussi à s'enraciner profondément dans les masses; ils ont acquis des
expériences révolutionnaires qui leur sont propres; ils ont réussi à intégrer
le marxisme-léninisme à la réalité de leur propre pays. Dans chacun de ces
regroupements, certaines organisations ont viré vers l'opportunisme de droite
ou de gauche, et ont fini par vivoter sans emprise sur les luttes et par
disparaître.
7. Dans la situation actuelle, tous les partis restés
fidèles aux principes révolutionnaires du marxisme-léninisme ressentent la
nécessité de surpasser leurs anciennes divisions et de s'unir.
8. Les communistes doivent s'unir sur base du
marxisme-léninisme et de l'internationalisme prolétarien. Lorsqu'il s'agit d'unir
au niveau international des partis et organisations marxistes-léninistes
ayant des histoires fort différentes, on ne peut pas exiger une unité
idéologique au préalable. Nous devons accepter que des divergences, même
extrêmement graves, existent sur une longue période, accepter la critique et
la contre-critique, tenir compte des intérêts d'ensemble du mouvement et
maintenir l'unité. La défense du marxisme-léninisme et la défense de l'unité
sont deux aspects d'une politique révolutionnaire conséquente.
Combattre le révisionnisme et défendre le marxisme-léninisme
1. Depuis sa création en 1919, l'Internationale
Communiste a bouleversé l'histoire et changé la physionomie du monde. Le IIe Congrès
de l'Internationale Communiste, en juillet 1920, a adopté des Statuts, les
Conditions d'admission, le Manifeste et d'autres résolutions essentielles qui
ont défini la spécificité du Mouvement Communiste International face à la
social-démocratie. Jusqu'en 1956, il a maintenu son orientation
révolutionnaire et son unité; sa force et son influence dans le monde n'ont
cessé de s'étendre.
2. Pour réapparaître sur la scène mondiale, le Mouvement
Communiste International doit se revendiquer de son histoire commune.
3. Lénine a poursuivi l'œuvre révolutionnaire de Marx et
d'Engels et l'a développée sous les nouvelles conditions de l'impérialisme.
Il a énoncé les principes de l'édification du Parti Communiste, élaboré la
stratégie et la tactique de la révolution socialiste et les a mises en
pratique. Il a dénoncé la social-démocratie comme étant l'idéologie de la
bourgeoisie et de l'impérialisme au sein du mouvement de la classe ouvrière.
Il a formulé les lignes directrices de la construction socialiste sous la
dictature du prolétariat. Il a fondé l'Internationale Communiste et défendu
avec fermeté les principes de l'internationalisme prolétarien.
4. Staline a appliqué les principes léninistes et, sous
sa direction, le Parti Bolchévik a transformé un pays arriéré et ruiné en un
pays socialiste industrialisé. La collectivisation et la modernisation de l'agriculture
soviétique, l'industrialisation socialiste, la révolution culturelle, l'édification
de forces défensives puissantes, la victoire dans la guerre patriotique
antifasciste, la reconstruction du pays et l'adoption d'une politique
étrangère conséquente défendant la paix mondiale et soutenant les luttes
anti-coloniales et anti-néocoloniales en Asie, en Afrique et en Amérique
latine sont des réalisations d'une importance historique et mondiale.
5. Staline a maintenu l'idée que la lutte de classe
continue sous le socialisme. Il a souligné que les anciennes forces féodales
et bourgeoises ne cessent pas leur lutte pour la restauration et que les
opportunistes au sein du Parti, les trotskistes, les boukhariniens, les
nationalistes bourgeois et les éléments bureaucratiques aident les classes et
les strates antisocialistes à regrouper leurs forces.
6. Khrouchtchev a imposé sa ligne révisionniste au Parti
soviétique et à une partie du Mouvement Communiste International. Cette ligne
a été formulée dans son rapport au XXe Congrès, dans son rapport secret
sur Staline et dans son rapport au XXIIe Congrès.
7. En 1956, Khrouchtchev s'est attaqué à la politique
intérieure et étrangère de Staline pour changer la ligne idéologique et
politique fondamentale du Parti. Une dégénérescence progressive du système
politique et économique s'en est suivie. Les théories de Krouchtchev sur l´"État
du peuple tout entier" et le "Parti du peuple tout entier" ont
conduit à la destruction de la dictature du prolétariat et à la cessation de
la lutte de classe contre les forces et influences bourgeoises. La théorie
sur "la coopération entre l'Union Soviétique et les États-Unis dans la
lutte pour la paix et la sécurité des peuples" a porté des coups à la
lutte anti-impérialiste. Sa théorie sur "la voie parlementaire et
pacifique vers le socialisme" a renforcé les courants sociaux-démocrates
au sein de plusieurs partis communistes.
8. Brejnev n'a jamais mis en cause le programme
révisionniste des XXe et XXIIe Congrès et il a même "développé"
les thèses sur "l'État et le Parti du peuple tout entier", en
affirmant que la restauration du capitalisme en Union Soviétique était
désormais impossible. Ainsi, il a détruit toute vigilance révolutionnaire et
développé le bureaucratisme, le technocratisme, le carriérisme et la
corruption. Vis à vis des autres partis communistes et des pays socialistes,
il a souvent pratiqué une politique d'ingérence et de contrôle.
9. Sous Gorbatchev et Eltsine, le révisionnisme a été
poussé jusqu'à ses conséquences ultimes, l'Union Soviétique a été démantelée
et un capitalisme sauvage s'est instauré.
10. Dans le monde entier, la bourgeoisie célèbre la
défaite du socialisme. En fait, nous avons été témoins de la défaite du
révisionnisme initié par Khrouchtchev il y a 35 ans. Ce révisionnisme a
débouché sur un échec économique complet, sur la capitulation face à l'impérialisme,
sur la restauration capitaliste, sur une catastrophe sociale et sur des
guerres civiles réactionnaires.
11. Khrouchtchev a entamé son travail destructeur en
affirmant qu'il critiquait les erreurs de Staline dans le but de restaurer le
léninisme dans sa pureté originelle. Gorbatchev a fait les mêmes promesses
démagogiques pour désorienter les forces de gauche. Mais la critique du "stalinisme"
n'était qu'un artifice pour camoufler les attaques contre tous les principes
marxistes-léninistes. Après avoir complétement détruit le "stalinisme",
Gorbatchev a déclaré ouvertement son hostilité au léninisme et son adhésion à
la social-démocratie.
12. La discussion sur l'expérience du P.C.U.S. sous
Staline doit être relancée au sein du Mouvement Communiste International. L'anti-stalinisme
a été le cheval de Troie de l'anticommunisme, introduit au sein du Mouvement
Communiste International.
13. Pendant une certaine période, des divergences
continueront à exister quant à l'appréciation des différentes politiques
mises en œuvre par le camarade Staline. Il s'agit de les discuter d'une façon
scientifique et dans un esprit révolutionnaire et de classe.
14. En jetant un coup d'œil sur l'histoire, nous pouvons
dire qu'après le XXe Congrès du P.C.U.S., la plupart des partis
communistes ont gravement sous-estimé le danger que représentait le
révisionnisme propagé par Khrouchtchev.
15. Dans les années 60, ce sont Mao Tsé‑toung
et Enver Hoxha qui ont le mieux compris le danger du révisionnisme. Ho Chi
Minh, Kim Il Sung, Che Guevara et d'autres dirigeants communistes ont apporté
leurs contributions à la lutte contre le révisionnisme.
16. À la lumière de la dégénérescence en Union
Soviétique, il faut émettre une nouvelle appréciation de l'œuvre du camarade
Mao Tsé‑toung. En dirigeant la révolution nationale et démocratique et
sa transformation en révolution socialiste, dans un grand pays du tiers
monde, il a apporté une contribution d'importance mondiale. Mao Tsé‑toung
a résisté au révisionnisme de Khrouchtchev, puis de Brejnev. Il a dirigé la
première tentative historique d'impliquer les masses dans la lutte contre les
tendances de dégénérescence au sein du Parti.
17. Différentes opinions subsisteront pendant un certain
temps au sein du Mouvement Communiste International sur les mérites de Mao.
Il faut les traiter de manière scientifique, en cherchant la vérité dans les
faits et dans un esprit révolutionnaire et de classe.
18. La lutte idéologique contre le révisionnisme est une
tâche complexe et de longue haleine. Le révisionnisme, qui a détruit tant de
partis, ne mourra pas de lui-même. Le révisionnisme de Tito a été critiqué
par le Mouvement Communiste International dès 1948. Khrouchtchev, lorsqu'il a
développé son orientation opportuniste, n'a fait que reprendre, pour l'essentiel,
les thèses révisionnistes du titisme. Si les idées et les thèses
révisionnistes ne sont pas critiquées et analysées en profondeur, elles
continueront à survivre et le courant liquidateur frappera encore, faisant de
nouvelles victimes. La relation entre les lignes de Khrouchtchev et de
Brejnev et la politique de Gorbatchev doit être analysée en profondeur ainsi
que le développement du processus de dégénérescence, depuis son origine jusqu'à
son aboutissement.
19. L'influence néfaste du révisionnisme a provoqué un
regain de vigueur de l'idéologie social-démocrate, courant bourgeois, et du
trotskisme, courant anticommuniste. La lutte contre les idéologies
social-démocrate et trotskistes est une condition pour le développement du
mouvement marxiste-léniniste.
Lutter contre le scissionnisme et maintenir l'unité
1. Khrouchtchev a entamé son œuvre de destruction de l'unité
du Mouvement Communiste International en rompant les relations avec les
partis qui s'opposaient à son révisionnisme. Dans certains pays où la
direction du Parti Communiste a suivi le révisionnisme de Khrouchtchev, les
communistes ont eu raison de créer de nouveaux partis marxistes-léninistes.
2. Par la suite, le sectarisme et l'ultra-gauchisme ont
conduit à d'innombrables scissions injustifiées. Des divergences d'analyse et
d'appréciation, réelles, ont été exacerbées jusqu'à l'antagonisme et la
rupture. Des conflits idéologiques et politiques importants se sont
manifestés à propos de la Tchécoslovaquie en 1968, du Cambodge en 1979, de l'Afghanistan
en 1980, de l'élimination de la tendance autour de Chiang Ching en 1976, de
la théorie des Trois Mondes en 1977, de la ligne de Deng Xiaoping au début
des années 80, etc.
3. Tous ces conflits étaient importants. Certes, les
divergences de fond devaient être clarifiées, mais il fallait prendre son
temps et faire des analyses matérialistes et dialectiques, tout en maintenant
l'unité entre communistes. Chaque parti aurait dû étudier très sérieusement
les différents points de vue en présence, formuler son propre point de vue
tout en préservant l'unité du mouvement.
4. Chaque parti applique les principes
marxistes-léninistes à la réalité présente selon sa propre conception.
Personne ne peut lui demander de faire des concessions qu'il juge de
principe. Chaque parti définit sa position en toute indépendance. Mais cela n'est
pas en contradiction avec son devoir de maintenir l'unité du Mouvement
Communiste International, puisque cette unité est, elle aussi, une question
de principe primordiale.
5. Il existe une ample documentation sur l'habitude de la
C.I.A. et d'autres services secrets d'utiliser systématiquement les
divergences entre Partis Communistes. Parce qu'il connaît l'importance de l'unité
du mouvement communiste, l'ennemi soutient toutes les tendances centrifuges,
appuyant souvent aussi bien le révisionnisme de droite que les positions
gauchistes pour précipiter l'éclatement.
6. Maintenir l'unité du mouvement permet à chaque parti d'apprendre
plus et plus vite. Non seulement les partis avec lesquels on a un accord
global peuvent nous apprendre beaucoup, mais aussi les partis avec lesquels
on a des divergences importantes.
7. D'abord, nous pouvons nous tromper dans notre
jugement.
Ensuite, l'expérience a montré que nous pouvons tirer profit
de certains aspects du travail dans les masses, des expériences, des travaux
théoriques, etc. de partis avec lesquels nous avons des divergences.
Troisièmement, des divergences fondamentales ne doivent pas
empêcher certaines formes de coopération et de luttes communes dans les
domaines du racisme, des droits syndicaux, du combat anti-impérialiste, etc.
Quatrièmement, nous devons tenir compte des évolutions
possibles.
Certains partis dont nous ne partageons pas tous les points de
vue, ou certaines fractions de ces partis, peuvent évoluer positivement.
Enfin, des partis peuvent dégénérer complétement et passer
ouvertement du côté de l'ordre bourgeois. Le fait d'avoir gardé des rapports
avec ces partis peut aussi nous apporter des leçons utiles par l'exemple
négatif.
Propositions organisationnelles
1. Nous avons décidé d'organiser une initiative centrale,
commune, qui soit réaliste, adaptée à la réalité et aux besoins actuels, pour
rassembler chaque année, ou tous les deux ans, tous les partis communistes
fidèles au marxisme-léninisme et à l'internationalisme prolétarien.
Une telle initiative peut garantir une efficacité optimale et
des résultats maximaux moyennant un investissement rationnel en temps et en
cadres supérieurs.
La plupart des partis communistes, surtout dans le tiers
monde, n'ont ni les moyens financiers ni les cadres disponibles pour faire
chaque année plusieurs séjours à l'étranger afin d'y rencontrer les
différentes composantes du mouvement communiste international.
Les moyens de chacune de nos organisations sont limités. Nous
ne pouvons pas réaliser des études en profondeur sur tous les sujets
essentiels. Nous ne pouvons faire qu'un certain nombre d'expériences valables
par an. Cela veut dire que chacun de nous, pour avancer plus vite dans son
travail, doit s'efforcer d'assimiler les meilleurs travaux théoriques et les
meilleures expériences pratiques des autres. Ceci aussi plaide en faveur d'une
initiative centrale, commune.
2. Dans la situation actuelle, il n'est pas possible de
construire une nouvelle organisation internationale sur le modèle de la
Troisième Internationale, avec un organe dirigeant et une discipline commune
pour tous les membres. L'objectif de base de l'initiative communiste commune
est de stimuler les échanges et la coopération.
3. Pour le moment, la forme organisationnelle la plus
adaptée de l'initiative commune est celle de séminaires dont le premier but
est l'échange des informations, des documents et des analyses. Grâce à la
présentation d'analyses politiques et théoriques et de rapports d'expériences
pratiques, les différents partis apprendront à se connaître l'un l'autre et à
partager leurs connaissances.
Ensuite, des débats sur des problèmes cruciaux ou d'intérêt
commun seront organisés.
Troisièmement, la coordination d'actions et d'activités sera
organisée sur une base volontaire. Des résolutions seront élaborées dans un
esprit de large consensus. Chaque parti et organisation a le droit de signer
ou de ne pas signer une résolution présentée et de participer ou ne pas
participer aux actions ou activités proposées.
Les propositions de résolutions doivent être soumises avant le
début du séminaire.
Annexe
Décisions pratiques
1. Comme la lutte contre l'impérialisme et les agressions
impérialistes a pris une importance particulière dans la situation présente,
le séminaire de Bruxelles de mai 1996 sera consacré à ces questions. Y seront
soumis des rapports sur l'expérience révolutionnaire de certains partis, des
analyses sur la stratégie actuelle de l'impérialisme, des résolutions et des
propositions d'action. Un groupe de coordination sera mis sur pied pour la
réalisation de ce séminaire et des autres tâches formulées d'un commun
accord. Les camarades du P.T.B. sont chargés de l'exécution de cette
décision.
2. Le séminaire de 1997 prendra la forme d'une conférence
internationale du Mouvement Communiste tenue à l'occasion du 80e anniversaire
de la Grande Révolution d'Octobre. Nous émettons le souhait que cette
conférence puisse avoir lieu en ex-Union Soviétique et que les partis
marxistes-léninistes de l'ex‑U.R.S.S. puissent être associés à sa
préparation.
3. L'ordre du jour de la conférence de 1997 comprendra,
entre autres, les points suivants:
‑ L'histoire du Parti Communiste d'Union Soviétique
sous Lénine, Staline, Khrouchtchev, Brejnev et Gorbatchev, le développement
du révisionnisme et l'effondrement final.
‑ L'expérience spécifique de certains pays de l'Europe
de l'Est.
‑ Lénine et la Révolution d'Octobre[15].
4. En guise de préparation à la Conférence, au cours de l'année
1995‑1996, le groupe de coordination publiera un recueil contenant une
série d'analyses, réalisées par différents partis, sur les deux premiers
points indiqués.
5. La nécessité se fait sentir d'éditer une revue
théorique qui permettra de maintenir le contact avec les différents partis, d'échanger
régulièrement des expériences et analyses et d'en débattre. Le groupe de
coordination étudiera les possibilités et les modalités d'une telle
entreprise[16].
6. Des organisations révolutionnaires anti-impérialistes
qui n'adoptent pas le marxisme-léninisme, pourront être invitées au séminaire
de 1996 en tant qu'observateurs.
* * *
Ernest Leroux
QUELQUES COMMENTAIRES SUR LES "PROPOSITIONS"
Les "Propositions" visent à unir les "partis et
organisations fidèles aux principes révolutionnaires du marxisme-léninisme".
Il est évident qu'en l'état actuel des choses, ce qualificatif peut être
attribué à telle ou telle organisation au mieux à titre d'hypothèse. Ensuite,
la question est de savoir comment il faut concevoir l'évolution de la
situation au sein d'un regroupement constitué sur ces bases.
Les "Propositions" affirment que "Khrouchtchev
a entamé son œuvre de destruction de l'unité du Mouvement Communiste
International en rompant les relations avec les partis qui s'opposaient à son
révisionnisme". En toute logique cela signifie qu'il aurait été
souhaitable d'éviter cette rupture, c'est-à-dire de maintenir l'appartenance
du PCUS. révisionniste au sein d'un prétendu "mouvement communiste
international". Cela est évidemment tout à fait absurde, à moins de
traiter la relation entre partis communistes comme une formalité
diplomatique, protocolaire. Fondamentalement, l'interprétation proposée par
les "Propositions" se rapproche de la vision métaphysique de "l'unité
des contraires" selon laquelle l'esclave aurait besoin du maître, le
prolétaire du capitaliste, et le marxisme-léninisme du révisionnisme. Ainsi,
en envisageant la possibilité que "des partis peuvent dégénérer
complétement et passer ouvertement du côté de l'ordre bourgeois", les "Propositions"
avancent l'argument que "le fait d'avoir gardé des rapports avec ces
partis peut aussi nous apporter des leçons utiles par l'exemple négatif".
Certes, les "Propositions" camouflent cette position
en parlant non pas de positions contradictoires, mais de "tendances",
de "courants", de positions "indépendantes", d'orientations
"spécifiques". Cependant, quand par exemple elles citent, parmi les
"conflits idéologiques et politiques importants", ceux qui "se
sont manifestés à propos de la Tchécoslovaquie en 1968", on ne peut que
constater qu'il s'agit d'une question qui oppose révisionnistes et
marxistes-léninistes... à moins d'avoir en vue les appréciations portées sur
les événements par les révisionnistes, respectivement d'URSS et de
Tchécoslovaquie.
Que 1968 fasse partie d'un passé plus ou moins lointain n'y
change rien. Aucun miracle ne peut permettre à des révisionnistes de se faire
une virginité "marxiste-léniniste". En 1915, Lénine dénonçait, à
propos notamment de Kautsky, l'attitude s'efforçant d'accréditer l'idée qu'il
puisse y avoir ce genre de revirements salutaires:
Que faut-il entendre par internationalisme? Peut-on, par
exemple, considérer comme des internationalistes les partisans de la
restauration de l'Internationale d'après le principe d'une "amnistie"
réciproque? [...] Nous estimons que les partisans de l'amnistie sont les
adversaires les plus dangereux de l'internationalisme[17].
Il faut constater que l'obsession unitaire en question
détermine l'analyse de la réalité elle-même. Les "Propositions"
énoncent, au sujet de l´"éclatement de l'Union Soviétique", que "ces
événements contre-révolutionnaires ont exacerbé toutes les contradictions
fondamentales dans le monde". Cela voudrait dire que l'existence de l'U.R.S.S.
correspondait à une situation moins contradictoire. Faudrait-il alors
féliciter Khrouchtchev pour avoir en son temps apaisé le monde par le respect
de la coexistence pacifique? Les marxistes-léninistes savent en tout cas que
la Révolution d'Octobre et la création de l'URSS, État de dictature du
prolétariat, ont accentué de manière décisive l'antagonisme principal de l'époque
actuelle, et qu'il n'y a là, bien entendu, absolument rien de regrettable.
Les "Propositions" se fixent certes, en paroles, l'objectif
de combattre le révisionnisme. Or il ressort de ce qui précède que les "Propositions"
préconisent une attitude purement négative au sujet des scissions. Il s'agirait
de les éviter, de ne pas les provoquer, en un mot elles seraient prohibées.
La position marxiste-léniniste, bien au contraire, exige de prendre partout
et toujours l'initiative du combat contre l'ennemi, y compris contre les
tentatives de détruire le mouvement communiste international de l'intérieur.
L'une des principales lacunes de Zimmerwald et de Kienthal,
l'une des causes fondamentales du fiasco possible de ces embryons d'une IIIe Internationale,
tient justement au fait que la question de la lutte contre l'opportunisme n'y
a même pas été posée ouvertement, encore moins l'a-t-on résolue dans le sens
de la nécessité d'une rupture avec les opportunistes[18].
À partir du moment où les "Propositions" prétendent
baser ainsi l'unité sur la diversité, il leur faut forcément accorder à
chaque composant du mouvement son autonomie: "Chaque parti définit sa
position en toute indépendance." À défaut d'être un principe
marxiste-léniniste, cela découle du point de vue adopté. Mais les "Propositions"
glissent vers l'incohérence pure et simple, lorsqu'elles abordent la question
de l'unité du mouvement communiste international en tant que "question
de principe", et exigent que le "devoir de maintenir l'unité du
Mouvement Communiste International" s'impose à tous comme dogme
préalable.
Les "Propositions" évoquent la "spécificité du
Mouvement Communiste International face à la social-démocratie", ce qui
est une façon de faire de la social-démocratie un "courant", une "tendance"
à côté des autres. On pourrait alors se demander si le Congrès de Tours ne
constituait pas aussi une "scission injustifiée", au même titre que
celle survenue à partir de 1956, que les "Propositions" désignent
par ce terme.
Pour couronner le mélange des genres, les "Propositions"
envisagent finalement la mise en œuvre de "certaines formes de
coopération et de luttes communes dans les domaines du racisme, des droits
syndicaux, du combat anti-impérialiste" ‑ ce qui vise certes
des objectifs tout à fait louables, mais n'a absolument rien à voir avec un
mouvement réunissant les "partis fidèles au marxisme-léninisme".
Ernest
LEROUX
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