Analyses

../../../../img/pag/entete.jpg

Accueil

 

Agitprop

English

Art

Français

Références

Español

Présentation

Plan site

 

 

 

 

 

Français   >   Présentation   >

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Patrick Kessel et le Collectif du Bulletin International

CONTRIBUTION À LA QUESTION D'UNE NOUVELLE INTERNATIONALE

Lettre ouverte à Ludo Martens, Président du Parti du Travail de Belgique, organisateur de la Conférence Internationale de Bruxelles.

(1997)

 

 

Parallèlement à la nécessité de la construction de partis communistes marxistes-léninistes authentiques, se pose celle de constituer une Internationale de même nature. Naturellement, ces deux aspects d'une même problématique doivent faire l'objet de la lutte idéologique en défense du marxisme-léninisme en la matière.

Les textes reproduits ici ont été publiés par le CEMOPI.

 

 

 

 

 

 

Source:

Bulletin international
Nouvelle série n° 4‑5 (86‑87), premier trimestre 1997
édité par le CEMOPI
(Centre d'étude sur le mouvement ouvrier et paysan international),
France

 

 

 

 

 

Version imprimable

 

 

 

 

 

 

Éditorial: Choisir son camp

Contribution à la question d'une nouvelle Internationale

I. "Rêve" marxiste-léniniste ou utopie réaliste révisionniste

II. Lutte antagonique ou unité entre révisionnisme, maoïsme et marxisme-léninisme

1. La situation internationale

2. Le mouvement marxiste-léniniste

3. Anti-impérialisme avant tout?

4. Nouveaux partis ou partis anciens sous un nouveau nom?

5. Il n'y a plus de base arrière

6. La Déclaration de Pyongyang (1992)

7. La prétention de Bruxelles à constituer un nouveau centre

 

Annexes

Enver Hoxha: Thèses sur l'unité du mouvement marxiste-léniniste international

Ludo Martens: Proposition pour l'unification du mouvement communiste international

Ernest Leroux: Quelques commentaires sur les "Propositions"

 

Éditorial

CHOISIR SON CAMP

Avec ce numéro spécial le Bulletin International intervient dans le cadre d'un débat qui s'aiguise au niveau international, débat qui a pour sujet majeur la tentative de création d'une nouvelle Internationale. De fait plusieurs initiatives s'opposent. On ne prendra en compte ici que deux d'entre elles[1].

La première est conduite par Ludo Martens, président du Parti du Travail de Belgique. La deuxième réunit des partis et organisations qui s'opposent aux conceptions et pratiques de Bruxelles, et qui se sont réunis en décembre 1995 à Ischia (Italie).

Invité une première fois à participer au Séminaire international de Bruxelles de mai 1995 par Ludo Martens, le Bulletin International a refusé, et motivé par écrit son refus. Nouvelle invitation pour le Séminaire de 1996, nouveau refus. Enfin, dans une lettre d'octobre 1996 Ludo Martens a proposé à Patrick Kessel de présenter le Rapport introductif au Séminaire qui doit se tenir en mai 1997. Et Ludo Martens a même fait l'annonce de cette proposition. Nous avons opposé un nouveau refus à cette nouvelle invitation.

Politiquement, le temps était donc venu d'exposer les raisons de notre divergence avec plus de précision et cette fois-ci publiquement, puisqu'aussi bien Ludo Martens n'avait pas attendu notre réponse pour rendre publique sa proposition[2]. Et c'est l'objet de ce numéro spécial du Bulletin International.

Nous devions participer à la Conférence de décembre 1995 qui s'est tenue à Ischia (Italie). Le Bulletin International n'a pas été en mesure de s'y faire représenter étant donné l'implication des membres de son Collectif dans le mouvement de grèves qui secouait la France, et dans la préparation du Congrès du syndicat CGT.

L'objet d'Ischia était double: la mise en perspective du rôle joué par Friedrich Engels et la création d'une revue internationale comme préalable au projet de construction d'une nouvelle Internationale. Par la suite nous avons approuvé les critiques exposées par certains partis et organisations, initiateurs de la Conférence, à l'égard du Séminaire de Bruxelles et des conceptions de Ludo Martens.

Le Bulletin International publie dans un Supplément l'Appel élaboré suite à la Conférence d'Ischia annonçant la parution de la revue International Struggle - Marxist-Leninist et les principes mis en avant concernant cette revue[3]. Initiative que nous soutenons. Principes que nous partageons.

Dans ce numéro spécial du Bulletin International, il ne s'agit que d'une première approche des problèmes soulevés par la création d'une nouvelle Internationale, problèmes qui concernent des questions théoriques, historiques, politiques. La lutte antagonique qui oppose le marxisme-léninisme au révisionnisme, quel que soit son masque, est au cœur du débat et fonde notre rejet des initiatives de Bruxelles qui tendent, au nom d'une unité qui ne peut alors être que factice, à refouler les divergences. Or il est bien clair que telle ou telle position idéologique sous-tend une conception du parti, de la stratégie internationale dont nous devons être partie prenante, de la tactique à mettre en œuvre quotidiennement dans nos pays respectifs.

L'ampleur du sujet, la complexité du contexte international dans lequel il se situe, appellera d'autres contributions de notre part, soit dans les prochains numéros du Bulletin International, soit dans la nouvelle revue internationale.

Prendre position est une chose, fonder une position, une ligne, est tout autre chose et qui demande aujourd'hui un travail collectif continu. Il s'agit d'étayer la théorie dont nous nous réclamons dans les conditions actuelles, c'est-à-dire de donner des bases matérielles à notre doctrine. En un mot il s'agit de dépasser le descriptif pour en arriver au stade de l'analyse. Une analyse qui doit mettre en œuvre la méthode du matérialisme dialectique et du matérialisme historique. Et ceci, là où nous sommes placés, là où nous participons à l'action révolutionnaire, sous quelque forme que ce soit.

La contribution présentée aujourd'hui par le Bulletin International a pour cible principale la résurgence théorique et pratique du maoïsme, telle qu'elle s'exprime dans les écrits de Ludo Martens, et dans sa manifestation la plus criante: la conception même d'une nouvelle Internationale telle que l'envisage le Séminaire international de Bruxelles, avec sa déification de l'Unité.

Le Bulletin International poursuit ainsi une lutte qu'il avait engagée en 1977 lors de la parution de son premier numéro, ainsi que dans certains livres publiés au Nouveau Bureau d'Édition (NBE), partageant notamment sur cette question du maoïsme, de la pensée-mao-tsé-toung, du révisionnisme moderne, les mêmes analyses que le Parti du Travail d'Albanie, les mêmes conclusions pratiques qui découlaient ‑ qui découlent toujours ‑ de ces analyses.

Certains critères nous paraissent indispensables pour bien mener cette lutte. Tout d'abord la nécessité de la polémique, au sens où l'entendait Lénine. Mais la critique des conceptions qui sont antagoniques aux nôtres, que cela soit celles de la bourgeoisie proprement dite, des réformistes, des révisionnistes ne se réduit pas à une confrontation. Comme l'écrivait Lénine lors de sa lutte contre les populistes, ce serait s'écarter de la méthode matérialiste si l'on se bornait à confronter les idées anti-marxistes et les idées marxistes. Il faut encore expliquer les idées qui nous sont opposées, "en montrer la base matérielle", dans les rapports économiques et sociaux d'aujourd'hui. Il y a unité de l'idéologie dans son ensemble avec la pratique qui la fonde. Une fois décelée "l'essence et la source" de l'idéologie adverse, il faut apprécier sa fonction sociale objective: dans le mouvement de la pratique sociale dont elle est issue.

Ce travail nous paraît également indispensable pour expliquer pourquoi, en Europe, ce que l'on appelait le "mouvement marxiste-léniniste" a été incapable de se développer à partir des années 60, pourquoi il en est resté à un stade embryonnaire, avant de s'émietter. Et pourquoi également la résurgence du maoïsme, aujourd'hui, avec une base de classe identique à celle des années 60‑70, est un obstacle non négligeable dans le processus de construction de partis marxistes-léninistes dans chaque pays.

On mettra en avant quelques-unes des positions de Ludo Martens, du Parti du Travail de Belgique, de certains autres. C'est un premier stade de travail.

Comme l'écrivait Lénine:

En politique l'important n'est pas tant de savoir qui se fait le défenseur direct de certaines opinions. L'important est de savoir à qui profitent ces opinions, ces propositions et ces mesures[4].

 

Bulletin International

 

CONTRIBUTION À LA QUESTION D'UNE NOUVELLE INTERNATIONALE

I. "RÊVE" MARXISTE-LÉNINISTE OU UTOPIE RÉALISTE RÉVISIONNISTE

De nombreux partis ou organisations dans le monde qui se réfèrent au communisme, ou au socialisme, ont cédé à la tentation du repliement dans leurs frontières nationales. Cependant, comme l'écrivait Marx:

Il va absolument de soi que, ne fût-ce que pour être en mesure de lutter, la classe ouvrière doit s'organiser chez elle en tant que classe et que les pays respectifs sont le théâtre immédiat de sa lutte. C'est en cela que sa lutte de classe est nationale, non pas quant à son contenu, mais, comme le dit le Manifeste communiste, "quant à sa forme"[5].

Au mieux, à l'internationalisme prolétarien s'est substitué une solidarité vague et sans contenu de classe.

C'est manifeste, par exemple, dans un pays comme la France, avec le Parti communiste français tel qu'il est, tel qu'il a été depuis des décennies. Encore faut-il pour que l'internationalisme prolétarien ne se réduise pas à une invocation idéaliste qu'il soit fondé sur une organisation effectivement internationale.

Il ne s'agit pas d'entretenir, de caresser une quelconque nostalgie par rapport au temps où le monde était divisé en deux, où face à l'impérialisme et au mode de production capitaliste, existait un camp socialiste. Les temps ont changé, et il ne s'agit pas non plus de vouloir revenir en arrière, de reprendre le cours de notre Histoire à la veille de ces années 1989‑1991 où s'est effondré de l'intérieur (pas uniquement de l'intérieur) ce qui n'était plus un "camp", du moins les vestiges de ce que d'aucuns nomment une "illusion". Dans sa dimension mondiale le conflit idéologique qui opposait capitalisme et communisme n'était certes plus qu'un leurre: là était l'illusion.

Si la référence historique n'avait plus de matérialité, ce qui demeurait était une conception du monde qui se nourrissait d'une perspective historique continue dans le temps, obscurcie certes par toutes les déviations révisionnistes qui l'ont déviée, qui la déviaient de son parcours.

Le révisionnisme au niveau mondial, principalement incarné par l'URSS et la Chine, était aussi un ennemi facile à désigner. Son existence même freinait la "mondialisation" du mode de production de type capitaliste classique, il y avait des interstices de liberté d'action entre les deux blocs, qui se réduisaient certes dans la mesure de leurs convergences toujours plus poussées. Cet équilibre entre capitalisme et révisionnisme a été rompu. Et les années 1989‑1991 n'ont été que l'aboutissement d'un long processus.

Le révisionnisme n'étant plus identifiable dans des États et des partis au pouvoir, la lutte idéologique a changé de niveau. Mais elle ne doit pas changer d'objet.

Reprendre le fil de notre Histoire, mais en tant que marxistes-léninistes, telle est notre tâche aujourd'hui. Et c'est cette tâche qui permettra non pas la reconstruction d'une Internationale, mais sa construction. De fait cette Histoire n'est pas écrite même si nous prétendons à sa continuité. Ce serait un contre-sens de dire que nous sommes les héritiers de ses victoires, de ses échecs, de toutes les déviations qui ont traversé le mouvement communiste international avant que ne triomphe le révisionnisme qui portait en lui les éléments de sa propre mort. Ce que nous revendiquons c'est d'être les continuateurs de cette Histoire, parce qu'elle est la nôtre. Et elle l'est dans sa totalité. Il ne peut être question de la reconstruire de manière linéaire, d'oblitérer ce que nous pouvons analyser comme des erreurs, des déviations, des trahisons. Mais de comprendre et ensuite seulement de dénoncer très clairement ce qui doit être dénoncé, rejeté, condamné.

La référence incantatoire au marxisme, au léninisme (ne parlons pas de ceux qui agitent le drapeau du maoïsme) ne servirait que de paravent à notre impuissance. Ce qu'il nous faut aujourd'hui c'est se réapproprier l'essence même du marxisme et du léninisme. Non pas appliquer mécaniquement les éléments de la doctrine à laquelle nous faisons référence mais, à partir de cette doctrine, analyser les problèmes qui nous sont posés et, à partir de cette analyse, justifier notre doctrine, ce qui fonde notre action[6].

Ceci implique un travail considérable qui n'est pas, aujourd'hui, à la mesure d'un seul parti, d'un seul individu. Seul un travail collectif peut nous permettre de résoudre les problèmes qui se posent aujourd'hui et qui, s'ils ne sont pas fondamentalement nouveaux, ont des différences avec ceux qui se posaient au début de ce siècle. Non pas de nature, mais de forme.

L'accumulation des expériences ne suffit pas. Encore faut-il dégager de toutes ces expériences, passées, présentes, la stratégie et la tactique nécessaires au niveau international, au niveau de chaque pays ou ensemble de pays. Ce qui implique une unité de pensée pour une unité d'action.

Dans cette mesure, et sur cette base, il est évident que s'impose un regroupement international de toutes les forces qui refusent la fatalité du capitalisme, pour qui le mot communisme est synonyme de destruction du monde capitaliste et non pas aménagement ou dépassement du capitalisme. L'alternative posée par Marx nous semble toujours juste: Socialisme ou barbarie. Et nous refusons de nous soumettre à une perspective que l'on pourrait résumer en cette autre formule: Capitalisme et barbarie.

La nécessité de l'unité idéologique ne s'impose pas en fonction des événements récents. Elle a été posée dans les années qui ont suivi le XXe Congrès du PCUS en 1956, principalement après la Conférence internationale de Moscou en novembre 1960. À cette Conférence les divergences idéo-politiques entre le Parti du Travail d'Albanie et le PCUS ont été posées. Ainsi que celles entre le Parti communiste chinois et le PCUS. Et Moscou a cessé d'être au niveau international la référence légitime et absolue.

Contre les thèses avancées par Khrouchtchev et les dirigeants soviétiques qui le soutenaient, sur la voie pacifique du passage au socialisme, la coexistence pacifique sans principes, la mise en avant d'un affrontement à un niveau principalement économique, un regroupement international s'imposait. Au niveau des pays capitalistes où les partis communistes suivaient la ligne de Moscou, une telle organisation internationale était également primordiale pour appuyer l'émergence puis la consolidation de nouveaux partis. De fait, la tentative amorcée par le Parti du Travail d'Albanie dans les années 1965‑1966 fut repoussée par le Parti communiste chinois[7]. Les analyses des deux partis ne concordaient pas, et ils ne se situaient pas dans la même perspective: internationaliste pour le Parti du Travail d'Albanie, tiers-mondiste pour le Parti communiste chinois.

C'est ainsi que se constituèrent dans le début des années 60 deux pôles dont les principes pouvaient paraître communs, sinon identiques. En 1978, la rupture entre le PTA et le PCC provoqua l'éclatement de cette unité de façade, de fait une collaboration contre des ennemis communs, plus ou moins communs après la visite de Nixon à Pékin en 1972. Partis et organisations furent ainsi aimantés, non sans crises, entre les deux nouveaux centres: Pékin et Tirana, en même temps que Moscou demeurait, pour de nombreux partis, une référence obligée.

Les possibilités concrètes de la mise en place d'une nouvelle Internationale ‑ de nom ou de fait ‑ s'estompaient encore plus. L'époque qui s'ouvrait fut celle de regroupements antagoniques et d'un affrontement sur la "théorie des trois mondes" mise en avant par le Parti communiste chinois. Affrontement qui devint antagonique avec la mise en cause de Mao Zedong comme marxiste-léniniste par le Parti du Travail d'Albanie.

Du moins en Europe, c'est sans élans révolutionnaires et sans fureurs contre-révolutionnaires que le simple discours communiste s'est dissous et que les partis qui portaient encore ces discours ‑ ce qu'il en restait ‑ se sont empressés de mettre une dernière touche à leur reniement. Au dépérissement de la quasi-totalité des partis au pouvoir s'est parallèlement effectué le dépérissement révolutionnaire des partis communistes des pays capitalistes "avancés". Du marxisme-léninisme on est passé à un "composé" de marxisme-léninisme et de révisionnisme, puis à un révisionnisme "pur", et de là au réformisme. Et c'est cette trajectoire descendante qu'il faudra bien analyser, cas par cas, pour ne pas en rester aux généralités.

Les éléments constitutifs de la doctrine marxiste-léniniste ont un préalable, et leur négation implique une négation fondamentale, celle de la "mission historique du prolétariat", telle qu'elle a été mise en avant par Marx. Doit-on comptabiliser ce prolétariat pays par pays et dégager une doctrine, une stratégie et une tactique en fonction de la dimension éventuelle en nombre du prolétariat et de la classe ouvrière? ou bien doit-on adopter un point de vue en relation avec le prolétariat international? Ce qu'il faut noter, c'est qu'avant même cette diminution relative dans certains pays industrialisés, les partis révisionnistes s'étaient engagés dans des stratégies nationales et populistes. Le seul internationalisme se réduisant alors au soutien ‑ plus ou moins nuancé ‑ de l'URSS.

Ce que cette réduction relative ou non impose, c'est un examen mieux approfondi de nos rapports avec les partis marxistes-léninistes des pays où le prolétariat et la classe ouvrière sont en augmentation, les nouveaux pays capitalistes. Ce qu'elle impose également c'est de définir notre tactique dans les conditions actuelles. Il est bien évident, par exemple, dans des pays européens comme la France, que l'alliance entre la classe ouvrière et la paysannerie ne se pose plus dans les mêmes termes qu'il y a un demi-siècle[8]. Mais qui se soucie aujourd'hui du prolétariat rural?

La thèse révisionniste sur les "lois générales du socialisme" a fort bien été exprimée en novembre 1977 par un des dirigeants du Parti Communiste Français, Jean Kanapa, lors d'une Conférence sur "le mouvement communiste international hier et aujourd'hui":

Le caractère de ces lois est très général. Leur universalité tient à leur abstraction. Elles ne précèdent pas l'expérience, elles généralisent une expérience multiforme. À ce titre, elles sont historiquement relatives. C'est-à-dire, d'une part, qu'elles n'ont pas d'existence indépendante hors de la réalité concrète des luttes ouvrières, démocratiques, révolutionnaires; d'autre part, que plus l'expérience se diversifie et s'enrichit, plus le contenu de ces lois se relativise et plus de nouvelles lois s'ajoutent et se substituent à d'anciennes[9].

On verra que cette interprétation est proche des positions du Parti Communiste Chinois et de Mao Zedong. Elle se pare du rejet du "dogmatisme" pour ouvrir toutes les portes au révisionnisme.

Il n'y a certes pas que l'Europe[10]. Des hommes et des femmes luttent autrement que dans des formes légales et sont volontairement affrontés aux fureurs contre-révolutionnaires. Mais tout est brouillé: pour quelles raisons luttent-ils? Nationalisme, chauvinisme, conflits ethniques, extrémismes religieux, certains peut-être pour instaurer un régime socialiste, mais encore quel type de socialisme? Et ces luttes sont lointaines, isolées les unes des autres. Au mieux va-t-on les soutenir, les populariser, mais comme un phénomène étranger, un substitut à notre propre cause en tant que communistes marxistes-léninistes.

Ces luttes affaiblissent-elles en effet "notre" propre impérialisme? Mais cet affaiblissement aurait comme corollaire la mise à mal du capitalisme qui nous exploite, au risque d'une situation encore plus difficile si elle était sans perspectives. On parle certes, en tout état de cause, d'un risque "d'explosion sociale". Mais qui en tirerait profit, qui se serait préparé à cette explosion? Et certains peuvent même la craindre. Et si elle profitait à l'extrême droite? Qui, aujourd'hui, de ceux-là, prendrait le risque d'aiguiser la contradiction entre la bourgeoisie et le prolétariat, la classe ouvrière. La mise sous le boisseau de la lutte de classe témoigne bien du profil bas adopté. On se garde d'affronter, sur l'essentiel, les représentants de l'État bourgeois, pour ne pas parler de l'État lui-même! Comme si l'État capitaliste était un quelconque rempart contre la montée de l'extrême droite. Or on sait bien que de tels États, sous le couvert de la défense de la démocratie bourgeoise, peuvent ouvertement montrer leur visage de dictature. Pas besoin pour cela d'une prise de pouvoir fasciste.

Même s'ils ne les partagent pas consciemment, ces idées toutes faites (elles ne tombent pas du ciel, elles sont le produit de l'idéologie dominante) influencent à la longue nombre d'hommes et de femmes isolés dans leurs luttes, aussi dures soient-elles. La propagande anti-communiste ne désarme pas, elle tend à s'accentuer, même si, dans de nombreux pays, l'ennemi n'est pas matérialisé. C'est à l'idée même du communisme que cette propagande s'attaque. Il faut extirper cette idée de toutes les têtes. Et cette nouvelle Inquisition a pour objet de tuer tout espoir: un seul monde, celui du capitalisme, un seul système, celui du capitalisme. Un destin auquel on ne peut échapper.

Des hommes et des femmes rêvent à un monde autre. De franchir cette frontière invisible, mais tout à fait matérielle, qui les tient dans une servitude dont on voudrait qu'elle soit acceptée. Le fait est que, pour détruire ces barbelés, le rêve individuel est de peu de poids. L'un ou l'autre franchira la ligne, sera rejeté ou non, un jour ou l'autre. Des millions resteront parqués. Ce qu'il faut c'est retrouver le chemin d'un rêve collectif et non pas se cantonner dans le perfectionnement de soi-même.

Ce n'est qu'un "rêve"? Dans Que faire? en 1902 Lénine cite un article de Pissarev où il relève, entre autres, ce passage:

Le désaccord entre le rêve et la réalité n'a rien de nocif, si toutefois l'homme qui rêve croit sérieusement à son rêve, s'il observe attentivement la vie, compare ses observations à ses châteaux en Espagne, et, d'une façon générale, travaille en conscience à la réalisation de son rêve. Lorsqu'il y a contact entre le rêve et la vie, tout est pour le mieux.

"Des rêves de cette sorte, ajoute Lénine, il y en a malheureusement trop peu dans notre mouvement[11]."

Travailler à la réalisation de son "rêve" n'est pas une tâche solitaire. Elle implique de se grouper et chaque individu a son rôle à jouer dans cette conjonction des forces, qu'elle soit au niveau de chaque pays ou au niveau international.

Deux tactiques pourraient s'opposer: attendre que ne se développent des partis et organisations marxistes-léninistes avant de fonder une nouvelle Internationale, ou bien estimer que cette nouvelle Internationale aiderait à la création, à la consolidation de partis et organisations marxistes-léninistes là où ils ne sont qu'embryonnaires, sinon inexistants comme tels. Et pour ce choix il est clair que l'expérience de la Première, de la Deuxième et de la Troisième Internationale ne nous sont d'aucun secours tant les conditions historiques sont différentes.

La Première Internationale avait comme drapeau un brûlot, le Manifeste du Parti Communiste de Marx et Engels ‑ dont un siècle et demi nous séparent, et comme dirigeants, physiquement, les mêmes Marx et Engels.

Ce qui caractérise la période de création de la Deuxième Internationale, c'est l'existence de partis importants implantés en Europe. Quant à la Troisième, elle avait une base arrière, la Russie nouvelle, l'URSS, et Lénine comme théoricien et dirigeant avant que Staline ne prenne le relais.

D'un point de vue européen ‑ géographiquement s'entend ‑, il nous semblait erroné et euro-centriste de vouloir poser comme condition préalable le développement significatif, en Europe même, de partis et organisations. Mais il nous semblait tout aussi erroné de s'engager dans la construction d'une Internationale en réunissant sans conditions partis et organisations marxistes-léninistes, révisionnistes, maoïstes, anti-impérialistes de toute nature.

C'est ainsi que nous avons refusé de participer au Séminaire International organisé par Ludo Martens, président du Parti du Travail de Belgique, qui met en avant une plate-forme minimum tendant justement à réconcilier des positions antagoniques.

Il nous semble toujours préférable d'établir des réunions de travail plus réduites pour, au-delà des apparences d'unité idéologique et politique, confirmer cette unité en partant d'une analyse du contexte international dans lequel se mène notre lutte, en établissant le bilan sans fard des errances révisionnistes de toute nature qui ont conduit, là où il en est, le mouvement communiste international, et ce dans la perspective d'une nouvelle offensive.

Allant dans ce sens la réunion qui s'est déroulée à Ischia (Italie) en décembre 1995 offre une perspective positive et nous nous y associons. La décision prise de créer préalablement une revue internationale s'impose, face à celle qui existe déjà sous l'égide du Parti communiste des Ouvriers de France et d'autres partis (Unité et Lutte), et celle que prévoit de faire Ludo Martens sous le couvert du "Séminaire International de Bruxelles".

La tentative belge de créer dès maintenant une Internationale, les moyens dont le Parti du Travail Belge dispose pour faire sa "publicité", nécessitaient une riposte, et une riposte également organisée au niveau international.

Du moins les partis et organisations qui prétendent lutter contre le révisionnisme moderne, contre l'impérialisme, avoir comme raison d'être la préparation de la révolution prolétarienne dans leur propre pays, seront-ils obligées de s'avancer le visage découvert. On arrivera à débusquer de leurs terriers les révisionnistes honteux et masqués.

Il faut que les divergences se réaffirment ou s'affirment. Si elles sont inconciliables, les camps doivent être délimités. Et qu'il n'y ait aucune coexistence pacifique entre eux sur le plan idéologique et politique. Et c'est justement l'analyse de notre Histoire, et celle de la situation actuelle qui permettront de mettre en évidence les divergences et leur caractère.

La lutte engagée contre le révisionnisme moderne (et ancien), sous tous ses aspects, ne peut être une conversation de salon, se mener selon les principes de la politesse confucéenne. Il faut nommer l'ennemi et le combattre comme tel. Au niveau idéologique la confusion aujourd'hui est d'autant plus grande que le combat s'était estompé, que les nouvelles générations dans les pays capitalistes ignorent l'enjeu des luttes passées, que cet enjeu leur est caché ou travesti. Qu'elles n'en voient pas l'importance capitale dans la mesure même où il y a eu effondrement. Non pas, et c'est ce qu'elles ne savent pas, effondrement du communisme, du marxisme-léninisme, mais agonie et mort du révisionnisme d'État, des partis "historiques".

Ce que nous réfutons, par exemple, c'est la thèse ouvertement proclamée, ou dissimulée, selon laquelle la révolution est aujourd'hui (et demain) impossible dans les pays impérialistes, si elle est possible encore dans le "Tiers Monde". Cette thèse peut bien entendu être dissimulée sous des discours, des déclarations ultra-révolutionnaires. Ce qui permet de la démasquer c'est le légalisme qui accompagne ces proclamations[12].

Se réclamer du marxisme-léninisme[13] implique de mener le combat sur tous les fronts, en mettant sur le même plan la lutte politique, la lutte économique et la lutte théorique. Sinon il ne s'agirait encore une fois que d'une formule vide, mystificatrice, de la mise en avant d'un contre-feu.

Les durs échecs éprouvés par les communistes marxistes-léninistes dans le monde, la fin sans gloire du Parti Communiste d'Union Soviétique ‑ éclaté aujourd'hui en plusieurs fractions opposées ‑, l'arrogance de la bourgeoisie mondiale qui croit avoir échappé à son grand cauchemar, et qui prétend nous enterrer, rien de tout cela ne peut abolir le "rêve" que nous poursuivons, même si l'écart entre ce "rêve" et la réalité telle que nous pouvons l'analyser s'est agrandi. L'insuccès ne démontre pas l'erreur, comme le prétendent bourgeois et révisionnistes confondus. Des principes justes ‑ ceux du marxisme-léninisme ‑ peuvent ne pas aboutir à une réalisation concrète. Ce n'est pas l'échec qui doit permettre de les remettre en cause. Ils répondent à une nécessité toujours vivante, impérieuse[14].

Il y a une phrase qui a fait les beaux jours du maoïsme dans le monde: La pratique est le critère de la vérité. Et les communistes marxistes-léninistes pourraient certes être désespérés de s'être battus, d'avoir vu mourir tant et tant de leurs camarades, sous l'étendard d'une "illusion" si la vérité en question était absolue. Or, si la vérité est absolue, elle est aussi relative. C'est ce que nous apprennent le matérialisme dialectique et le matérialisme historique.

La bourgeoisie, bien entendu, prétend par mille canaux de propagande (le révisionnisme, le réformisme ne sont pas les moindres) enchaîner à sa vérité les millions et les millions d'hommes et de femmes qu'elle exploite dans le monde, qu'elle rejette tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses frontières. La vérité, dit-elle, la vérité absolue comme l'a démontré l'échec du communisme, notre vérité, c'est le capitalisme. La guerre entre le capitalisme et le communisme (celui des précurseurs Marx et Engels, de leurs continuateurs Lénine et Staline), cette guerre, disent-ils, nous l'avons gagnée définitivement.

Dans ce cas non plus, il n'y a pas de vérité absolue. Comme est relatif notre échec, leur victoire est également relative. Et c'est de cela bien entendu dont nous sommes convaincus, fermement attachés à notre conception du monde. C'est ce qui fonde notre lutte actuelle, toutes les luttes futures, où qu'elles se déroulent dans le monde. Et c'est ce qui permettra à notre "rêve" de devenir réalité. Comme l'ont montré les échecs successifs des révisionnistes modernes, la modification du point de vue politique n'entraîne pas immédiatement la refonte radicale de la conception du monde philosophique. Il y a décalage plus ou moins long, c'est ce qui a permis la transition pacifique d'un communisme vidé de son contenu en un révisionnisme, un réformisme déclaré.

En quelques décennies, le rapport de forces entre communisme et capitalisme s'est inversé. Ce dont il s'agit c'est de redonner à nos idées la force matérielle qui permettra de retourner en notre faveur les termes de l'antagonisme entre bourgeoisie et prolétariat, et qui permettra que notre défaite se transforme en victoire.

Notre échec a suivi des voies sinueuses, des étapes plus ou moins perceptibles. Dans cette lutte où s'affrontent des contraires antagoniques ‑ le prolétariat et la bourgeoisie ‑, il y a des hauts et des bas, des périodes de relatif équilibre (qui paraissent telles) où chacun attend de l'autre qu'il commette l'erreur qui lui donnera la victoire, partielle ou non, où chacun pousse l'autre à l'erreur. Et c'est dans ce contexte que joue l'allié indispensable de la bourgeoisie, sous ses multiples visages de l'opportunisme au réformisme, de la trahison avérée au révisionnisme. Et ce sont là toute une série de relâchements, d'hésitations, de manque de vigilance qui contribuent à l'inversion des rapports de force.

C'est pourquoi la lutte contre le révisionnisme ne peut et ne doit à aucun moment s'assoupir, être tolérée, mise de côté, sous quelque prétexte que ce soit, celui de la faiblesse actuelle du mouvement communiste international, ou d'une prétendue force qui, dans l'avenir, verrait se séparer d'eux-mêmes vrais et faux communistes.

Au vu de notre faiblesse, de la force réelle de notre adversaire (et aujourd'hui son effondrement même pourrait nous entraîner avec lui) il est bien clair que nous devons être d'autant plus vigilants.

Le danger d'une initiative comme celle du Parti du Travail de Belgique et de son Président Ludo Martens peut paraître dérisoire, qui mêle révisionnistes de tout genre et marxistes-léninistes. Ce serait commettre une erreur aux conséquences dommageables. En effet, ce qui est en cause c'est la stratégie et la tactique même que nous devons adopter. Et les conséquences ne sont pas abstraites.

L'urgence, c'est de préserver et développer l'arme du marxisme, du léninisme, de ne pas laisser cette arme se rouiller, simple objet d'histoire, vénérée de quelques sectes impuissantes tandis que s'instaureraient de nouvelles doctrines hybrides, consensuelles.

II. LUTTE ANTAGONIQUE OU UNITÉ ENTRE RÉVISIONNISME, MAOÏSME ET MARXISME-LÉNINISME?

De 1991 à 1997 ont eu lieu un certain nombre de rencontres internationales entre partis et organisations se réclamant du marxisme-léninisme, du socialisme[15].

Il n'y a plus de référence à des États de dictature du prolétariat (ou qui se présentaient comme tels). Il est bien évident qu'il y a donc une différence fondamentale entre ces rencontres, et celles qui ont eu lieu dans le cours du conflit idéologique et politique entre le PTA et le PCC. Il s'agissait de Rencontres internationales à l'occasion principalement du Congrès de tel ou tel parti, ayant pour objet de défendre le PTA, d'attaquer les positions du PCC, notamment sur la question de la "théorie des trois mondes", de dénoncer Mao Zedong comme non marxiste-léniniste, ou bien de Rencontres destinées à défendre la "pensée de Mao Zedong" et attaquer le PTA. Tout n'était pas toujours aussi tranché: des partis et organisations qui prétendaient approuver les positions du PTA se livraient en même temps à de vives critiques contre lui et cherchaient à l'isoler. Elles réunissaient néanmoins des partis et organisations unis apparemment sur un même point de vue.

1. La situation internationale

L'implosion du "système socialiste"[16] ayant à sa tête l'URSS révisionniste, puis l'implosion de l'URSS et le démantèlement de la Fédération yougoslave continuent à provoquer des réactions en chaîne, des bouleversements, quelle qu'ait été la transformation de la nature de l'URSS et des Démocraties Populaires, pour ne pas parler de la Yougoslavie et du "titisme" dénoncés depuis 1948. On peut sommairement en distinguer cinq pour caractériser déjà la situation actuelle:

A. Les États-Unis d'Amérique prétendent matériellement (militairement, économiquement) et idéologiquement à la domination mondiale. La Guerre du Golfe a été une démonstration concrète de cette ambition. Il n'est même plus question du modèle mis en avant après la Deuxième Guerre mondiale dans le contexte de la Guerre froide, l'American way of life.

B. Même si l'URSS avait depuis longtemps cessé d'être la base arrière du mouvement révolutionnaire mondial, son existence fonctionnait encore: en tant que frein aux prétentions impérialistes des pays de l'Ouest, comme référence par rapport à son passé, comme obstacle au marché mondial triomphant et absolu.

C. De très nombreux partis communistes, mais le processus était largement engagé, ont encore plus ouvertement rompu avec leur passé et celui du mouvement communiste et ouvrier international, pour se placer sur l'idéologie de la social-démocratie, ne prétendant plus, au mieux, qu'à en être l'aile gauche.

D. Dans le contexte européen, le Parti du Travail d'Albanie et la République Populaire Socialiste d'Albanie se sont désagrégés sous la poussée de multiples facteurs objectifs (la pression idéologique, l'effondrement de son commerce extérieur, la position géographique de l'Albanie, etc.) et subjectifs: l'abandon progressif par Ramiz Alia[17] (le nouveau secrétaire général du Parti après la mort d'Enver Hoxha en 1985) et par d'autres dirigeants du Parti des principes marxistes-léninistes qui fondaient le Parti et la R.P.S.A., etc.

E. Il n'y a plus qu'un seul marché mondial, qu'il y ait ou non des survivances de "socialisme" dans un certain nombre de pays, la Chine, le Vietnam, la Corée du Nord, Cuba. Le capitalisme atteint les confins de la planète et instaure sans réelle opposition organisée son mode de production. Depuis longtemps déjà s'est éteinte la réalité des "Deux Mondes".

2. Le mouvement marxiste-léniniste

Cette situation nouvelle n'a pas été le seul élément désagrégateur au niveau international ‑ et principalement au niveau européen ‑ des partis et organisations se réclamant du marxisme-léninisme ou du maoïsme. Le déclin s'était amorcé bien avant. Les membres de ces partis et organisations, pour la plus grande part issus de la petite-bourgeoisie, étaient revenus à leur classe d'origine pour se fondre au mieux si l'on peut dire dans les rangs du révisionnisme ou de la social-démocratie, sinon dans la mouvance de la droite classique.

C'est d'évidence en France depuis 1981: les ex-révolutionnaires de tout acabit ont pu trouver refuge, avec bonne conscience, dans ce "peuple de gauche" qui n'était qu'un leurre mais qui leur permettait de situer leur action dans le cadre de la démocratie bourgeoise.

Si l'on peut constater une lente remontée depuis quelques années dans ce qu'il était convenu d'appeler le Mouvement marxiste-léniniste international, elle s'effectue en général dans des sens différents, contradictoires: soumise de fait aux événements internationaux et non pas encore dans un travail d'enrichissement du marxisme, du léninisme, fondé justement sur l'analyse de ces événements. Et il faut bien reconnaître que la lutte ouverte entreprise depuis le milieu des années 70 contre le révisionnisme du Parti Communiste Chinois et la "pensée de Mao Zedong" s'est en grande partie assoupie, dans le contexte d'un assoupissement théorique et politique général. On ne parle ici que d'un mouvement général, sans mettre en avant les exceptions notables qui font que le marxisme, le léninisme sont aujourd'hui toujours vivaces, même s'ils n'ont comme points d'appuis que des partis et des organisations encore isolés qui luttent à contre-courant, contre de multiples courants.

On doit se demander pourquoi le maoïsme, sous ses formes différentes, semble dans les années 90, sinon se développer, du moins retrouver les forces qu'il avait perdues et donner justement l'impression de son développement face à la relative absence de partis et d'organisations marxistes-léninistes. En ce qui concerne les pays industrialisés, on peut déjà envisager un début de réponse. De fait le "maoïsme" accueille les bras ouverts la "révolte" des classes moyennes non-dépendantes, pour reprendre une terminologie des années 30; c'est-à-dire les couches exerçant des professions libérales: enseignants, médecins, artistes, pour ne citer que les grandes catégories. Le "maoïsme" donne une valeur à cette "révolte", la légitime, la coordonne dans un objectif commun, le changement de société. Ce qui n'est pas la révolution prolétarienne. Être par exemple "au service" de la classe ouvrière (ou des travailleurs), "servir le peuple", ne signifie pas être sur la position de classe du prolétariat et de la classe ouvrière. Il s'agit d'une morale individuelle de vie, la lutte contre toutes les injustices. C'est la défense, pour simplifier, des Droits de l'Homme. Le retour à la Révolution bourgeoise de 1789[18].

Dans cette mesure également l'anti-impérialisme est fédérateur de cette "révolte", comme la lutte contre toutes les mesures discriminatoires, xénophobes, racistes, contre toute forme d´"exclusion", mesures qui touchent à la fois les réfugiés politiques et économiques de tous les pays, et, par le chômage, les "nationaux".

Peut-on qualifier de nouveau tiers-mondisme cette position? Sans doute. Il y a très nettement deux fronts de lutte: contre l'impérialisme, pris dans son sens réduit de domination coloniale ou néocoloniale, et, au niveau de chaque pays ‑ impérialiste ou non ‑, contre les formes antidémocratiques que prend le rejet des étrangers, des immigrés, des naturalisés. Au-delà de toute position politique, position qui mettrait au premier plan le soutien aux organisations ou partis des pays d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine ayant pour objet la libération politique, sociale et économique de ces pays. Ce qui est par contre mis en avant c'est l'aspect non-démocratique de ces pays, comme si la solution était de les ramener au niveau démocratique d'un pays, par exemple, comme la France, avec l'objectif de leur intégration dans le marché mondial. La nécessité de la Révolution est ainsi reléguée au deuxième plan, sinon totalement oblitérée, qu'elle passe ou non par une phase démocratique, ce qui est une autre question.

Quant à la réalité de la simple lutte de classes, lutte de classes qui n'est pas une "invention" de Marx, mais qui a été bel et bien décrite par des historiens bourgeois du XIXe siècle, elle est également contrebattue. En France, ce qui est mis en avant, c'est le "parti" de tous les citoyens, c'est le "tous ensemble", "tous solidaires"... De fait, la recherche, toujours et encore, du plus petit dénominateur commun pour se donner l'illusion de lutter contre les mesures ponctuelles avancées par le régime en place. De fait, un mouvement qui ne fait que retarder les mesures annoncées, programmées par la classe dirigeante, dont la stratégie est elle-même temporisatrice. Celle-ci peut donc se dédire si elle y trouve son intérêt à plus ou moins long terme. Apprécier ces reculs éventuels comme des victoires c'est se bercer d'illusions et entretenir ces illusions. Il ne s'agit que d'escarmouches dans la lutte économique.

Ces embryons de luttes, ces différents mouvements, ne sont certes pas inutiles. Mais ils peuvent se révéler dangereux parce qu'illusoires. Et dangereux parce qu'ils se posent au-dessus des classes. C'est une position de résistance[19], et aussi honnêtes et utiles au jour le jour que soient ses motivations, elle tend à se substituer à la lutte de classe et à son issue obligée ‑ d'un point de vue marxiste et léniniste: la dictature du prolétariat.

Des colères, des indignations, des révoltes, soit. Dans des limites "tolérables" par la fraction au gouvernement de la bourgeoisie. Mais les bons sentiments n'ont jamais changé la face du monde. De ces flux et reflux de mouvements qui parfois se superposent, le plus souvent s'enflent isolément, rien de durable, d'irréversible ne peut se constituer en tant que force réelle[20].

L'existence d'un parti révolutionnaire capable, à partir de cette situation, de donner l'impulsion politique décisive pour préparer la destruction du système capitaliste en place, accroché à sa place, n'a pas perdu de sa nécessité. Bien au contraire.

Et la menace très présente d'un néo-fascisme ultra-conservateur qui, en France, se nourrit du conservatisme de la droite "classique" (amplifié à d'autres couches sociales par une propagande permanente), que ce conservatisme prenne des formes modernes ‑ c'est-à-dire s'appuie sur les technologies dont il a besoin économiquement ‑ ne peut que souligner l'urgence d'une telle nécessité.

Or le point d'appui de la résistance à cette menace est délimité par un thème qui est celui de l'ennemi, celui de la "préférence nationale".

Un mot sur ce slogan qui, en France, n'est pas nouveau. Et qui n'est pas nouveau au niveau européen. On a déjà conjugué le mot "national" dès la fin des années 20, qu'il s'agisse de "travail national", de "production nationale", de "consommation nationale", de "culture nationale". C'est aussi une vision de l'Europe, le vieux slogan de l'Europe blanche et, au niveau mondial, celui de la défense du Blanc.

Telle qu'elle est exprimée, revendiquée, la "préférence nationale" mobilise les forces les plus réactionnaires, chauvines et sert à camoufler de fait le racisme et la xénophobie, ce qui est les justifier. Non exprimé, non dit, il caractérise la politique menée par les gouvernements démocratiques bourgeois, de gauche et de droite. Convergence dans les faits qui sert à la banalisation de l'extrême droite. En effet on ne peut caractériser de réactionnaires et de fascistes tous ceux qui vivent intimement cet ensemble de préjugés, ensemble qui concrétise une forme d'espoir ‑ une solution immédiate ‑ face à des conditions de vie, de survie, immédiates. En France, à la propagande de l'extrême droite, la seule réponse est idéologique.

Il est cependant clair qu'aucun rappel aux droits de l'homme, à la démocratie, à la république, à ces valeurs que la vie elle-même dévalorise quotidiennement ne saurait venir à bout d'une telle question, dont les bases sont concrètes. Ce sont les luttes internes au capitalisme, comme système économique mondial, qui rendent plus ou moins aiguë la question de l'extrême droite. Et l'incapacité des forces politiques conventionnelles (dont le Parti Communiste Français), engluées dans leurs scandales, à mettre en avant une alternative. Pour ne parler que du chômage, il est évident qu'aucune solution capitaliste, plus ou moins capitaliste, ne peut y remédier. Dans le cadre du système capitaliste, le chômage n'est pas seulement conjoncturel, il est bel et bien organique. C'est donc au capitalisme, de front, qu'il faut s'attaquer. Il a certes une "solution", le déclenchement de la guerre.

Et pour répondre à cette menace l'internationalisme prolétarien se transforme en humanitarisme, en solidarité de cœur et d'esprit, dont les sources chrétiennes ne sont pas loin. Et ce "solidarisme" "oublie" une des luttes essentielles, dans le cadre même de son action, qui est la destruction (mais elle ne s'opérera pas par l'opération du Saint-Esprit!) de la xénophobie et du racisme au sein même du prolétariat et de la classe ouvrière, pour ne pas parler du chauvinisme de petite ou grande puissance, xénophobie et racisme que nourrissent la situation économique, et le chômage.

La solidarité ne peut se substituer à l'internationalisme prolétarien. Elle n'a pas le même objet: elle est globalisante, au-dessus des classes. Mais par sa nature de classe justement, elle est amenée à choisir ses cibles, et principalement à "soigner" les effets plutôt que de s'attaquer aux causes elles-mêmes. Ce n'est pas son rôle, et elle n'a pas les armes adaptées. Ses solutions ne peuvent être qu'idéalistes. D'une certaine façon rassurantes parce que la solidarité se contente d'opposer une "nature humaine" bonne à une "nature humaine" qui n'est plus humaine, à une contre-nature, la figure du diable. Sans oublier que l'extrême droite peut également mettre en avant la solidarité, cette fois-ci confinée aux frontières nationales, la solidarité du sang.

3. Anti-impérialisme avant tout?

Les luttes contre l'impérialisme, qu'elles soient le fait de pays ou non, de mouvements qui s'opposent les armes à la main aux dictatures militaires, ouvertes ou non, n'ont par contre jamais cessé. Si le devoir internationaliste est de les soutenir, quand elles ne nuisent pas aux intérêts du prolétariat mondial ‑ mais ce sont des analyses qui restent à faire ‑ il y aurait un risque idéologique certain à qualifier indistinctement ceux qui les mènent de communistes ou de marxistes-léninistes, de confondre ces luttes avec celles du prolétariat mondial, de leur soumettre ces dernières.

De fait, la référence à Mao Zedong ou à Che Guevara qui souvent anime ces révolutionnaires a des raisons objectives qu'il ne faut pas sous-estimer: l'expérience de la prise du pouvoir en Chine, des guerres menées sous la direction entre autres de Mao Zedong et concrétisées dans nombre de ses écrits, tous ces facteurs ne peuvent qu'inciter ces révolutionnaires à se réclamer effectivement de sa doctrine et de ses succès sur le terrain. De même le "guévarisme", qui a enflammé l'Amérique latine, fondé sur la prise du pouvoir à Cuba, et sur le manuel même du Che sur la guerre de guérilla[21].

De là à remettre comme thèse généralisable la thèse de l'encerclement des villes par les campagnes, il y a certes un pas que nous n'avons pas l'intention de franchir. Pas plus aujourd'hui qu'hier, alors que la Chine s'était intégrée dans le "Tiers Monde" [22] lors de la Conférence de Bandung (1955) et se présentait comme une base arrière des mouvements de libération nationale[23]. Cela équivaudrait à ne pas tenir compte de l'augmentation du prolétariat et de la classe ouvrière dans de nombreux pays du dit Tiers Monde, à ce déplacement géographique qui s'opère quant aux luttes, des campagnes dans les villes elles-mêmes, ce qui peut tendre à l'affaiblissement progressif du rôle historique qu'ont joué les partis du prolétariat dans leur matrice européenne. Et ce rôle, il reste à l'analyser, tant dans le contexte européen que dans celui de la décolonisation, du néo-colonialisme issus de la Deuxième Guerre mondiale.

Dans quelle mesure la référence militaire à Mao Zedong a-t-elle entraîné l'adoption de ses thèses en général, c'est une question que l'on doit se poser: cette adoption ne doit pas conditionner notre absence de soutien (ce qui détermine ce soutien est l'affaiblissement que ces luttes peuvent causer aux différents impérialismes), elle pose le problème des relations que les partis et organisations marxistes-léninistes ‑ qui refusent de voir en Mao un marxiste-léniniste ‑ doivent entretenir avec ces mouvements révolutionnaires et les autres organisations et partis qui mènent leurs luttes, soit en référence à Mao soit sans références. Elle pose donc la question de la nature de ces relations.

Il est évident que ces relations ne peuvent avoir une base idéologique commune.

Si la question doit être posée, c'est qu'elle se situe dans le contexte de différentes tentatives actuelles de créer ou recréer un centre au niveau mondial, qu'on présente ce centre, dans un premier temps, comme un simple regroupement ou déjà comme une nouvelle Internationale.

Pour anticiper on peut déjà dire que l'initiative prise par le Parti du Travail de Belgique de convoquer en 1996 à une réunion internationale censée regrouper des partis se réclamant du marxisme-léninisme (quelle que soit la réalité de cette "réclamation"), des partis révisionnistes déclarés ou non, de convoquer donc à ce type de réunion destinée à constituer une nouvelle Internationale, des partis et organisations anti-impérialistes qui n'ont rien de marxistes-léninistes, sous quelque référence que ce soit, est une initiative pour le moins curieuse, pour ne pas dire douteuse. Ce n'est de fait que la reprise d'initiatives chinoises tendant à former, sous sa direction de fait, un Front Uni anti-impérialiste indistinctement composé[24], avant même que n'existe une Internationale capable de diriger d'un point de vue communiste un tel Front dans le cadre des intérêts mondiaux du prolétariat. C'est déplacer la responsabilité des marxistes-léninistes quant à leur lutte contre leur propre impérialisme. C'est faire une confusion manifeste entre ce que doit être une Internationale communiste stricto sensu, et une organisation anti-impérialiste sous sa direction.

Quitte à rabâcher, faut-il redire encore une fois que le meilleur soutien à la lutte des peuples soumis aux impérialismes est de faire la révolution dans son propre pays impérialiste[25]. Et là se pose bien entendu la question de la lutte contre l'opportunisme, qui est indissolublement liée à la lutte contre les impérialismes. Ce qui induit déjà une autre question: comment pourrait-on allier marxistes-léninistes et révisionnistes dans ce même combat!

De fait, Ludo Martens et le Parti du Travail de Belgique reprennent à leur compte ce qu'écrivait Mao Zedong en janvier 1940 dans La Démocratie nouvelle:

Peu importe, chez les peuples opprimés, quelles classes, quels partis ou individus participent à la révolution, et peu importe qu'ils soient conscients ou non de ce que nous venons d'exposer, qu'ils le comprennent ou non, il suffit qu'ils s'opposent à l'impérialisme pour que leur révolution devienne une partie de la révolution mondiale socialiste prolétarienne et qu'ils en soient les alliés[26].

De quel type de "révolution" peut-il s'agir pour ces différentes classes, partis et individus! De ce point de vue on comprend bien entendu les positions du Parti Communiste Chinois et de la Chine quant au soutien de l'Unita en Angola, de Pol Pot et des Khmers rouges au Cambodge[27], etc.

Comme le disait déjà Staline:

Il est des cas où les mouvements nationaux de certains pays opprimés entrent en conflit avec les intérêts du développement du mouvement prolétarien. Il va de soi que dans ces cas-là, on ne saurait parler de soutien[28].

Ni admettre que ces mouvements indistinctement révolutionnaires deviennent "partie de la révolution mondiale". Quant aux alliances possibles, elles ne sont envisageables que si la "révolution" triomphante dans ces pays accède, après l'indépendance politique, à une indépendance économique vis-à-vis de l'impérialisme. Ce qui n'était envisageable qu'avec le soutien de tel ou tel pays socialiste dans le cadre d'un marché mondial socialiste opposé au marché mondial capitaliste. Non pas au nom des intérêts politiques ou économiques de ces pays socialistes, mais dans la perspective de la révolution prolétarienne mondiale.

La lutte pour l'hégémonie entre l'URSS et la Chine, manifeste depuis Bandung en 1955, a été désastreuse. Tandis que l'impérialisme américain tirait les marrons du feu.

Alors que Brejnev mettait en avant sa "théorie" de la souveraineté limitée, la Chine appliquait ce précepte de Mencius selon lequel les petits pays doivent obéir aux grands pays!

4. Nouveaux partis ou partis anciens sous un nouveau nom?

Un autre problème est posé par ce que la presse bourgeoise appelle la "renaissance" du communisme en Russie et dans les autres pays que l'on désignait autrefois comme de l'Est[29]. De quel communisme s'agit-il? les nouveaux partis qui apparaissent, par exemple ceux qui ont signé la Déclaration de Pyongyang (1992), sont-ils la continuation des anciens partis révisionnistes, ou bien de nouveaux partis, dont les dirigeants et les membres étaient alors minoritaires dans les partis auxquels ils appartenaient ou bien qui, avant leur disparition, avaient rompu idéologiquement avec eux? Si la lutte contre le capitalisme mondial et les différents impérialismes occidentaux implique, quoi qu'il en soit, de populariser leur existence et leurs actions contre la restauration du capitalisme classique dans leurs pays respectifs, la question de l'unité organisationnelle, politique avec ces partis ne peut être une question réglée qu'en connaissance de cause, sans préjugés: ni favorables, ni défavorables[30].

Il serait bien sûr extravagant de penser que dans ces partis au pouvoir il n'existait aucun marxiste, aucun léniniste, pourrait-on dire de "culture". Quant à leur fonction au sein même des partis révisionnistes, elle est ambiguë pour ceux qui n'ont pas été purement et simplement écartés de toute intervention théorique et politique publique. En effet la connaissance du marxisme, du léninisme pouvait servir d'habillage au discours révisionniste, à légitimer ce dernier. Opération à usage interne et, plus important peut-être, à usage externe. Pour ne parler que de l'URSS, le PCUS avait besoin tout à la fois, après 1956, de lutter contre le polycentrisme et contre les revendications théoriques des partis qui défendaient ou prétendaient défendre le marxisme-léninisme contre le révisionnisme. C'est ainsi que la question de l'interprétation du marxisme, du léninisme devait être confiée entre des mains "compétentes", en même temps que l'expression de positions correctes et erronées pouvait se trouver en juxtaposition dans nombre de textes. Fils noirs et fils rouges se trouvaient ainsi mêlés, par exemple dans les Déclarations internationales de Moscou en 1957 et 1960, qui donnaient deux fronts de lutte: celui contre le dogmatisme, celui contre le révisionnisme. Par dogmatisme, bien entendu, il fallait entendre la référence figée au marxisme et au léninisme, ce qui impliquait la nécessité d'un développement créateur sans références, opposé à toutes références. Selon les besoins du moment. Un "moment" qui exigeait une véritable réécriture de la doctrine sur des points essentiels, d'abord concernant le niveau international ‑ mise en avant du passage pacifique au socialisme (négation des leçons d'Octobre 1917) et une conception de la coexistence pacifique excluant l'inéluctabilité de la guerre entre les "deux mondes". Fallait-il encore que l'existence de ces "deux mondes" soit toujours réelle!

Quant à la lutte contre le révisionnisme, elle avait pour cible immédiate la parodie yougoslave du socialisme. Mais elle ouvrait, pour les partis qui avaient une conception plus large de cette lutte, la possibilité d'une action effectivement multiple, et, en même temps, pouvait permettre de mettre en cause les "contours" du dogmatisme tel que l'entendait le parti soviétique, de mettre à nu ses thèses et ses actions révisionnistes.

La question se pose également des scissions dans les partis des pays capitalistes, ou des regroupements à l'intérieur ou à l'extérieur de ces partis.

Contre l'alignement de ces partis sur des positions social-démocrates une "résistance" s'est mise en place. En France, la tentative de "redresser" de l'intérieur le Parti Communiste Français est principalement le fait de Coordination Communiste. Il lui faut à la fois s'en prendre aux positions officielles du Parti et à des fractions qui tendent à le conduire plus ouvertement dans la voie de la collaboration de classe ouverte. Cette Coordination ne présente cependant pas encore, de notre point de vue, une ligne idéologique bien définie: on y trouve quant à l'analyse de l'histoire du PCF, de la IIIe Internationale, du rôle de Staline, etc., des divergences marquées, sous une référence de principe à Lénine et à la Révolution d'Octobre, référence qui fonctionne, pourrait-on dire, comme drapeau. Son objet: "Pour la renaissance léniniste et la continuité révolutionnaire du PCF".

5. Il n'y a plus de base arrière

Du temps de la IIIe Internationale qui, faut-il le rappeler, était le Parti mondial du prolétariat, le mouvement communiste international avait une base arrière, l'URSS. Le Bureau d'Information, créé en 1947, ne réunissait plus que quelques partis communistes européens. Il était quasiment mort avant que sa revue ne soit purement et simplement supprimée par Khrouchtchev en 1956.

Moscou étant devenu après le XXe Congrès du PCUS la base arrière du révisionnisme mondial[31], ceux qui refusaient tout au moins le révisionnisme de l'Union Soviétique se replièrent dans un premier temps vers Pékin et Tirana (dont la lutte semblait commune) puis à partir de 1978 vers Pékin ou Tirana, après la dénonciation par le PTA de l'idéologie et de la ligne politique du PCC incarnée par Mao Zedong[32].

Cette organisation internationale doit se construire sans base arrière, elle ne peut bénéficier d'aucun soutien qui soit à la fois idéologique et matériel.

6. La Déclaration de Pyongyang (1992)

Le danger, aujourd'hui, serait de chercher à tout prix ‑ c'est-à-dire à n'importe quel prix ‑ une nouvelle base arrière pour le développement d'une nouvelle Internationale. Et ce n'est pas par pur hasard que la première réunion internationale importante, en avril 1992, s'est tenue en Corée du Nord, qui réunira, sur sa Déclaration de Pyongyang ‑ Défendons et faisons progresser le socialisme, plus de 197 signatures de groupes, organisations et partis[33].

La réunion d'un certain nombre de partis pouvait bien entendu se comprendre, qu'il s'agisse soit de ceux qui étaient touchés par l'implosion de l'URSS, soit de ceux qui devaient se concerter pour analyser la situation nouvelle créée au niveau international et rompre enfin l'isolement où ils s'étaient relativement tenus. De fait la Déclaration de Pyongyang ne tend qu'à faire perdurer un révisionnisme, que l'on ne peut même pas qualifier de gauche, qui peut apparaître de "gauche" face au réformisme.

On ne retiendra ici de cette Déclaration qu'un passage qui ‑ en un raccourci saisissant ‑ est en opposition totale avec la conception léniniste du Parti, qui n'est qu'une profession de foi identique à celles mises en avant par la social-démocratie contre le Parti bolchévik et ce, pour la France, depuis 1920:

Chaque parti est invité à élaborer sa politique en fonction de la réalité de son pays et des aspirations de son peuple, et à l'appliquer en prenant appui sur les masses populaires[34].

Quant à cette "invitation", elle suggère une sérieuse ingérence dans la vie même des partis. On remarquera également que, dans cette Déclaration, le mot communisme n'est pas utilisé une seule fois. La seule recommandation qui y est incluse, c'est de ne pas "abandonner les principes révolutionnaires". Faudrait-il encore savoir lesquels. De fait c'est laissé à l'appréciation de chacun!

Signer un tel texte ‑ d'où le mot classe est également exclu au profit de ces "masses populaires" indistinctes et aux intérêts opposés, chères aux différentes espèces de maoïstes[35] (et aux autres révisionnistes modernes), de ce "peuple" étendu jusqu'à quelles couches sociales à chacun de le délimiter ou non ‑ est un compromis peu compréhensible. Quant au socialisme dont il est question à tout propos dans cette Déclaration, qui ressemble plus à une incantation qu'à un texte politique, de quel socialisme s'agit-il?

Friedrich Engels avait certes raison de s'irriter quand il écrivait il y a plus de cent ans:

Socialisme de toutes nuances, socialisme conscient et inconscient, socialisme en vers ou en prose, socialisme de la classe ouvrière et de la classe moyenne, vraiment cette abomination de toutes les abominations, le socialisme n'est pas seulement devenu respectable mais a déjà revêtu sa toilette de société, et traîne comme affalé sur un divan, dans tous les salons[36].

7. La prétention de Bruxelles à constituer un nouveau centre

D'autres réunions internationales et déclarations se sont succédées après celle de Pyongyang, après l'échec en 1991 de la "multilatérale" réunie en marge du Congrès du Parti Communiste du Brésil (PC do B): Séminaire International de Bruxelles (PTB), mai 1992 et mai 1993 (Sept propositions pour l'unité du mouvement communiste international); Meeting européen de novembre 1993; Proclamation communiste de Quito, août 1994[37]; Déclaration du Parti du Travail de Belgique, Bruxelles, mai 1994 (Propositions pour l'unité du mouvement communiste international); Séminaire international sur la Question Nationale, Delhi, février 1995[38]; Résolutions du Séminaire Staline, Moscou, novembre 1994; Séminaire international de Bruxelles organisé par le PTB ‑ Propositions pour l'unification du Mouvement communiste international, Bruxelles, mai 1995 (PTB)[39]; Réunion de Sofia, 1995[40]; Réunion internationale d'Ischia (Italie), décembre 1995, avec certains partis ayant critiqué, entre autres, les positions maoïstes et révisionnistes du PTB et de son Président, Ludo Martens[41]; Séminaire international de Bruxelles, mai 1996, organisé par le PTB, Réunion de Moscou, novembre 1996[42]; etc.

A. Bruxelles et la question de l'unité

Comme on peut s'en rendre compte après cette énumération de rencontres le Parti du Travail de Belgique de Ludo Martens (présent à Pyonyang en avril 1992), semble vouloir jouer un rôle dirigeant et moteur dans la perspective de la création d'une nouvelle Internationale. Du moins poursuit-il depuis 1992 il poursuit un travail tenace à cet effet. En 1995 le Séminaire a décidé qu'il devait rester sous la responsabilité du PTB, laissant au PTB la faculté d'organiser des "réunions de consultation" qui, sans être "un organe formel du séminaire" doivent permettre "de réunir des idées et des propositions et de les discuter[43]". C'est laisser au PTB et à Ludo Martens une marge d'initiative qui renforce sa position dominante. Elle est d'ailleurs évidente quand on constate l'exercice de censures et les admonestations publiques que Ludo Martens se permet d'adresser à certains partis au nom de la conception de l'unité qui prévaut à Bruxelles[44].

Cette conception de l'unité a été bien définie en 1995 dans une Lettre du PTB:

Comme l'écrit Kurt Grossweiler [professeur d'histoire, ex-SED, RDA], "unité" veut dire essentiellement "accord pour des échanges d'expériences et des activités communes entre des partis appartenant auparavant [!] à des tendances différentes et opposées, accord basé sur une plate-forme anti-révisionniste minimale". Il est évident que les circonstances actuelles ne sont pas celles des années vingt et trente lorsque l'expérience soviétique [la Révolution d'Octobre?] et la grande autorité de Lénine et de Staline rendaient possible une unité idéologique, politique et organisationnelle au sein de l'Internationale Communiste. Nous nous trouvons aujourd'hui face à un mouvement marxiste-léniniste effrité et il faut définir un cadre commun qui permet d'entamer un processus d'unification idéologique et politique par l'échange d'expériences et d'analyses, par la critique et la contre-critique et par des actions communes.

Les principes définis par Lénine pour réaliser l'unité du parti bolchevik ne peuvent pas être transposés mécaniquement au processus d'unification qui s'impose aujourd'hui à tous les marxistes-léninistes authentiques du monde[45].

De ce texte et d'autres textes de Ludo Martens il apparaît que la question du Parti est essentielle ‑ ce qui est parfaitement juste dans la mesure où, comme le disait Lénine:

Toute institution a sa structure naturellement et inévitablement déterminée par le contenu de son action[46].

Que cette structure soit celle d'un Parti ou d'une quelconque organisation internationale. Si le Parti est le parti de l'époque de la pensée de Mao Zedong, il est bien évident que l'unité du mouvement marxiste-léniniste (sic) international va suivre d'autres critères que les critères léninistes et que la nouvelle Internationale n'aura aucune chance de devenir un jour le Parti mondial du prolétariat.

Comme l'écrivait Karl Kautsky, encore marxiste en 1904:

Dans aucune question peut-être, le révisionnisme international, en dépit de toutes ses diversités et nuances, ne signale pas autant d'homogénéité que dans la question d'organisation.

Au Séminaire de Bruxelles de mai 1996 Ludo Martens se félicite de la diversité idéologique des participants:

Au séminaire ont participé des partis qui ont suivi la tendance dite soviétique (le Parti Communiste Syrien, le Parti Communiste des Bolcheviks de Toute l'Union, la Coordination Communiste au sein du Parti Communiste Français), d'autres qui étaient de la tendance dite albanaise (le Parti Communiste du Brésil, le Parti Communiste de Colombie‑Marxiste-Léniniste) et d'autres encore qui appartenaient à la tendance dite chinoise (le Parti Communiste des Philippines, le journal El Diario, proche du Parti Communiste Péruvien‑Sendero Luminoso). Des représentants du Parti Communiste Cubain et du Parti du Travail de Corée ont également participé au séminaire[47].

On remarquera en passant que "maoïste" est traduit ici par "chinois". Mais comment Ludo Martens qualifie-t-il ces différents partis? Ils "ont appartenu à des tendances historiques différentes". C'est ainsi que marxisme-léninisme et révisionnisme se réduisent à des "tendances historiques"!

Dans un autre texte de Ludo Martens, il s'agit d´"écoles": les partis qui ont été

à l'école de Mao Zedong au cours des années 1963‑1976 partagent un certain nombre de positions politiques qui ont été âprement contestées par des communistes d'autres écoles[48].

Ici le pluriel ne manque pas d'intérêt: quelles sont ces "autres écoles" mises, entre elles, sur le même pied?

B. Divergences "graves" ou "antagoniques"

Certes Ludo Martens ne nie pas l'existence de "divergences graves". Certes, écrit-il,

les anciennes divisions se font encore fortement sentir. À l'époque elles ont introduit un tas de préjugés et d'opinions toutes faites qui continuent à alimenter et consolider les divisions[49].

"Préjugés"! "opinions toutes faites"! Mais de quoi s'agit-il?! Sur quoi étaient fondées ces "divisions"? Elles étaient fondées sur des divergences fondamentales. C'est annuler d'un trait de plume la lutte entreprise dans ces années-là par de nombreux partis et organisations marxistes-léninistes contre toutes les formes de révisionnisme moderne[50]. Faut-il atténuer ces divergences? Est-ce du choc des opinions que jailliront les idées justes? Il faudrait, selon lui, que ces divergences soient résolues de "façon positive". Il suffirait sans doute de reconnaître les "mérites" de Staline, Mao Zedong, Enver Hoxha, Castro, Kim Il Sung, etc., et de débattre quant aux "divergences importantes" qui "subsisteront longtemps". Le seul problème c'est que ces divergences sont plus qu´"importantes" ou "graves": elles sont antagoniques. Et la résolution "positive" de ces divergences c'est le refus de cohabiter avec elles, d'attendre "longtemps" pour trancher entre elles et choisir son camp.

Ce que sous-entend la position de Ludo Martens, c'est qu'il s'agit de contradictions au sein du peuple, selon la thèse de Mao Zedong telle qu'il l'a exprimée en 1957, après le retour de Gomulka à la tête du Parti polonais et l'échec de la contre-révolution hongroise[51].

Le retour de Deng Xiaoping après la mort de Mao Zedong montre de toute évidence la faiblesse de la thèse de ce dernier. C'est hors de tout contexte historique et politique que Ludo Martens peut encore affirmer que Mao Zedong "a enrichi la théorie de la continuation de la lutte de classe sous la dictature du prolétariat". Et puis, peut-on parler de "dictature du prolétariat" en Chine?

Dans son éventail de partis ‑ toutes "écoles" confondues ‑ Ludo Martens ne situe pas le Parti du Travail de Belgique. Il est vrai que c'est inutile: la référence du PTB, comme aux plus belles époques de confusion idéologique, ce sont Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong[52]. Pour ce dernier la référence n'est pas formelle.

Le Parti du Travail de Belgique prend le marxisme-léninisme et la pensée de Mao Zedong pour guide idéologique[53].

III. LUDO MARTENS, LE PTB ET LA PENSÉE DE MAO ZEDONG

L'œuvre de Mao, c'est comme la Bible, on y trouve tout. Han Suyin[54]

1. Définitions chinoises de la pensée de Mao Zedong

Il n'est pas inutile de donner ici quelques précisions sur la naissance du concept pensée Mao Zedong, et le contenu qui lui a été attribué. On le découvre dans le Rapport de Liou Chao‑chi au VIIe Congrès du Parti Communiste Chinois de mai 1945:

La Pensée de Mao Zedong, c'est la pensée qui unit la théorie marxiste-léniniste à la pratique de la révolution chinoise; c'est le communisme chinois, le marxisme chinois.

La Pensée de Mao Zedong, c'est un nouveau développement du marxisme dans la révolution nationale-démocratique de l'époque actuelle dans les pays coloniaux, semi-coloniaux et semi féodaux. C'est un modèle admirable de la nationalisation du marxisme... Elle est chinoise, et en même temps elle est entièrement marxiste. [...].

La Pensée de Mao Zedong, de sa conception de l'univers jusqu'à son style de travail, c'est le marxisme sinisé en voie de développement et de perfectionnement... Toutes ces théories et ces politiques sont entièrement marxistes et en même temps entièrement chinoises. Elles sont la plus haute expression et le niveau théorique le plus élevé de la sagesse nationale chinoise[55].

Pour certains le léninisme est asiatique, et ne convient donc pas à l'Europe. Pour Liou Chao‑chi, dans une interview accordée à Anna‑Louise Strong en 1946:

La grande contribution de Mao Zedong a été de transformer le marxisme d'une forme européenne en une forme asiatique. Marx et Lénine furent des Européens; ils écrivirent dans des langues européennes sur l'histoire des pays d'Europe et les problèmes européens, parlant rarement de l'Asie ou de la Chine. Les principes fondamentaux du marxisme sont incontestablement adaptés à tous les pays, mais ce n'est pas chose facile que d'appliquer cette vérité générale à la pratique révolutionnaire concrète de la Chine[56].

[Mao Zedong] a créé une forme chinoise ou asiatique du marxisme. [...] Les conditions dans d'autres pays de l'Asie du Sud-est sont semblables. La voie chinoise choisie par la Chine les influencera tous[57].

Les déboires de Liou Chao‑chi lors de la Révolution culturelle, puis sa réhabilitation, ont-ils remis en cause ses définitions de 1945 et 1946? Il n'en a rien été sur le fond, comme le montre la Résolution sur l'histoire du Parti Communiste Chinois (1949‑1981), adoptée à l'unanimité le 27 juin 1981 à la sixième session plénière du Comité Central issu du XIe Congrès du Parti Communiste Chinois[58].

Se fondant sur les principes fondamentaux du marxisme-léninisme, les communistes chinois, avec le camarade Mao Zedong comme principal représentant, ont fait une synthèse théorique de notre expérience unique acquise au cours d'une longue pratique révolutionnaire, ce qui a abouti à la formation d'une pensée directrice scientifique adaptée aux conditions du pays. Cette synthèse, c'est la pensée de Mao Zedong, née de l'union des principes généraux du marxisme-léninisme à la pratique concrète de la révolution chinoise. [...]

La pensée de Mao Zedong, c'est le marxisme-léninisme développé et appliqué en Chine; elle constitue un ensemble de principes théoriques et le bilan de l'expérience de la révolution chinoise dont la pratique a prouvé la justesse [...].

La "sinisation du marxisme" n'est pas une extrapolation de la pensée de Mao Zedong. Il suffit de se reporter au Rapport présenté par Mao Zedong au VIe Plénum du C.C. du Parti Communiste Chinois en 1938.

Un communiste est un marxiste internationaliste, mais il faut que le marxisme prenne une forme nationale avant qu'il ne puisse être appliqué dans la pratique. Il n'existe point de marxisme abstrait, mais seulement du marxisme concret. Ce que nous appelons marxisme concret est le marxisme qui a pris une forme nationale, le marxisme appliqué à la lutte concrète dans les conditions concrètes de la Chine, et non pas utilisé de façon abstraite. Si les communistes chinois, qui sont une partie intégrante du grand peuple chinois, liés à ce peuple par la chair et le sang, parlent du marxisme en dehors des particularités de la Chine, il ne s'agit que d'un marxisme abstrait et vide. Par conséquent, la sinisation du marxisme ‑ le fait de lui faire porter dans toutes ses manifestations la marque des particularités de la Chine, c'est-à-dire de l'utiliser conformément aux particularités de la Chine ‑ devient un problème que tout le Parti doit comprendre et résoudre sans délai. Il faut en finir avec les formules toutes faites de l'étranger, il faut chanter un peu moins de refrains vides et abstraits. Il faut cesser notre dogmatisme et le remplacer par quelque chose de neuf et de vivant, par un style chinois et une manière chinoise, agréables à l'oreille et à la vue des simples gens de Chine[59].

Que disait donc l´"européen" Lénine en novembre 1919, dans son Rapport au IIe Congrès National Russe des Organisations communistes des Peuples d'Orient?

Une tâche ici se pose pour vous qui ne s'était pas encore posée aux communistes du monde entier: sur la base de la théorie et de la pratique générale du communisme, il vous faut, en vous adaptant aux conditions spécifiques inexistantes dans les pays d'Europe, apprendre à appliquer cette théorie et cette pratique là où la paysannerie forme la masse principale, où il s'agit de lutter non contre le capital, mais contre les vestiges du moyen âge[60].

Dans les années 50, la pensée de Mao Zedong va être principalement décrite comme l'application des vérités universelles du marxisme-léninisme à la pratique concrète de la révolution chinoise. On évite alors de parler de "sinisation du marxisme". En 1966 apparaît une nouvelle formulation, qui sera reprise et chantée durant la Révolution Culturelle: la pensée de Mao Zedong n'est plus une application du marxisme-léninisme aux conditions concrètes de la Chine, elle est le marxisme-léninisme. C'est le sens du concept "le marxisme-léninisme, la pensée de Mao Zedong".

Le camarade Mao Zedong est le plus grand marxiste-léniniste de notre époque. Il a continué, sauvegardé et développé le marxisme-léninisme de façon géniale, créatrice et intégrale; il a porté le marxisme-léninisme à une phase toute nouvelle. La pensée de Mao Zedong est le marxisme-léninisme de l'époque où l'impérialisme va à son effondrement total et où le socialisme marche vers la victoire dans le monde entier[61].

La "voie chinoise" n'a plus seulement vocation à influencer les autres pays de l'Asie du Sud-est, puis ceux du Tiers Monde, comme l'impliquait l'engagement de la Chine à Bandung en 1955. Elle a vocation universelle. C'est ce qui est clairement affirmé en novembre 1967:

Tout comme la Révolution d'Octobre qui ne peut être considérée uniquement comme une révolution "dans le cadre national", la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne est, elle aussi, une révolution qui ne se limite pas au "cadre national"; elle est également une révolution d'ordre international.

La Révolution d'Octobre d'il y a 50 ans avait donné une immense impulsion à la diffusion du marxisme-léninisme, offrant ainsi un aspect tout nouveau à la révolution mondiale. La victoire de la révolution chinoise en 1949 sous la direction du camarade Mao Zedong a changé encore davantage et considérablement la physionomie du monde[62].

C'est cette vocation universelle qui disparaît dans la Chine de 1981, mais qui survit dans les partis et organisations maoïstes hors de Chine, étrangement jusqu'en Europe.

2. Sur quelques textes de Ludo Martens.

Goûtons à cette étrange littérature ensemble,
Et, ensemble, analysons ses obscurités.
Distique chinois

Le Rapport présenté au Séminaire international organisé par le P.C. Indien marxiste-léniniste en mars 1995[63] par Ludo Martens, Président du Parti du Travail de Belgique (PTB), peut être considéré comme l'expression la plus fidèle de sa pensée[64], bien qu'il paraisse parfois contradictoire avec certaines positions de Ludo Martens défendues dans d'autres textes. Il faut souligner que ce texte critique "certaines positions du Parti Communiste Chinois que le Parti du Travail de Belgique a partagées dans le passé", et il ne s'agit pas de positions sans importance, bien qu'elles ne touchent pas directement à des problèmes théoriques majeurs. Et puis, comme l'écrira Ludo Martens un peu plus tard: "Nous avons publié ces critiques, entre autre pour rendre la discussion avec les autres courants communistes plus facile[65]."

A. Quand la pensée de Mao Zedong montre la "voie" universelle

Face aux gouffres de chômage, de misère, d'exploitation et de violence qui s'ouvrent devant les masses travailleuses du monde entier, seul le marxisme-léninisme-pensée de Mao Zedong pourra montrer la voie de la libération nationale et sociale[66].

Le marxisme-léninisme-pensée de Mao Zedong est ici présenté comme la panacée universelle, alors qu'il ne s'est agi selon le Parti Communiste Chinois ‑ sauf pendant la Révolution Culturelle ‑ que d'une adaptation du marxisme-léninisme aux spécificités de la Chine, et ceci en réaction et au refus du "modèle soviétique", "stalinien". Quant à l'adaptation de la pensée de Mao Zedong (le marxisme-léninisme sinisé) à la situation européenne, elle nécessiterait pour le moins une reconversion! Il n'en est pas question dans le texte de Ludo Martens.

On aura remarqué d'autre part la prééminence donnée à la "libération nationale" par rapport à la "libération sociale". Or on sait bien qu'indépendance politique ne signifie pas indépendance économique. Elle ne peut qu'être relative, conditionnée[67]. Que peut signifier, en Europe, aujourd'hui, la seule "libération nationale", et quelle que soit la forme politique de l'Europe.

B. Sur le mérite historique de Mao Zedong et du Parti Communiste Chinois dans la lutte contre le révisionnisme.

Après l'arrivée au pouvoir de Khrouchtchev en URSS, Mao Zedong a dirigé la lutte contre le révisionnisme moderne en développant la révolution culturelle, il a enrichi la théorie de la continuation de la lutte de classes sous la dictature du prolétariat[68].

Mao Zedong et le Parti Communiste Chinois ont eu le mérite historique de défendre de façon conséquente le marxisme-léninisme contre le révisionnisme khrouchtchévien dans le livre Débat sur la ligne générale[69]. Trente ans après sa publication, ce document n'a rien perdu de son actualité, bien au contraire: l'effondrement de l'URSS est venu en souligner la clairvoyance[70].

Il faut souligner que les textes contenus dans le recueil que cite Ludo Martens datent, à trois exceptions près, de 1963. Que s'est-il donc passé de 1953 à 1963[71]?

C'est à propos de la Yougoslavie, de Tito, que les premiers signes extérieurs du révisionnisme khrouchtchévien firent leur apparition. En septembre 1954, Moscou interrompt les émissions de Yougoslavie libre ainsi que les publications anti-titistes de Yougoslaves émigrés en Union Soviétique. Khrouchtchev prépare son voyage à Belgrade, qu'il effectuera en 1955, réhabilitant ainsi Tito et la L.C.Y. après les condamnations de 1948 et 1949.

Que ce soit à ce propos, face aux événements de Pologne et de Hongrie en 1956, seule la position du PTA a été conséquente.

Quant à la lutte ouverte au sein du mouvement communiste contre le révisionnisme moderne, elle a été engagée à la Conférence de Bucarest (juin 1960) où le PTA s'est opposé à la condamnation de la Chine préparée par Khrouchtchev, et a empêché cette condamnation[72]. Et c'est à la Conférence de Moscou en novembre 1960 qu'Enver Hoxha, au nom du Parti du Travail d'Albanie, a mené devant tous les partis réunis la dénonciation du révisionnisme khrouchtchévien. Et c'est Enver Hoxha qui a été attaqué, cette fois-ci sur la place publique, dans un article de W. Ulbricht publié dans la presse de la RDA en décembre 1960[73] et ensuite par Khrouchtchev en 1961, au XXIIe Congrès du PCUS.

Le PCC et Mao Zedong n'entrent que tardivement dans la lutte, et encore de façon discontinue. Quant aux œuvres de Mao Zedong et aux textes dont on dit qu'il les a cautionnés, sur lesquels s'appuient les révisionnistes modernes, il serait également utile de les relire ou de les lire et de confronter leurs différentes versions. On éviterait ainsi d'affirmer que Mao Zedong et le Parti Communiste Chinois ont conduit une défense "conséquente du marxisme-léninisme contre le révisionnisme", etc. Et comment peut-on parler de la "clairvoyance" qui se dégagerait de ces textes quand on lit par exemple:

La couche privilégiée soviétique que représente la clique révisionniste de Khrouchtchev ne constitue qu'un faible pourcentage de la population soviétique. Elle n'est qu'une infime minorité des rangs des cadres soviétiques. Elle est diamétralement à l'opposé du peuple qui constitue plus de 90 % de la population, elle est à l'opposé des larges masses des cadres et des communistes soviétiques[74].

Que l'on sache, le limogeage de Khrouchtchev en 1964 et son remplacement par Brejnev (et sa couche privilégiée?) n'a pas remis le PCUS dans une voie non-révisionniste. Même si le Parti Communiste Chinois et Mao Zedong l'ont cru, arrêtant unilatéralement la polémique contre le révisionnisme de Moscou.

Avant même le limogeage de Khrouchtchev à la fin de l'année 1964, Chou En‑laï pouvait déclarer fin 1963, dans une interview:

Les deux grands pays que sont la Chine et l'Union Soviétique font tous deux partie du camp socialiste.

Quelques mois plus tard, début 1964, Mao Zedong affirmait quant à lui:

En Union Soviétique, à l'heure actuelle, c'est la dictature de la bourgeoisie, celle de la grande bourgeoisie, une dictature de type fasciste allemand, une dictature de type hitlérien[75].

Pauvre camp socialiste!

La direction du PCC a fait une auto-critique sur cette période en juin 1965:

Nous nous étions abstenus pendant assez longtemps de critiquer publiquement le révisionnisme khrouchtchévien. Tout en maintenant notre position de principe, nous fîmes des compromis avec Khrouchtchev sur certains problèmes. Notre but était de faire revenir la direction du PCUS dans la voie du marxisme-léninisme[76].

C. L'Unité des contraires: relative ou absolue?

Ludo Martens met en valeur la citation suivante de Mao Zedong dans son Rapport:

Mao Zedong déclara en 1957: "Le but de la lutte, c'est de maintenir les principes du marxisme, ce qui signifie fermeté sur les principes; c'est là un aspect du problème. L'autre aspect, c'est de faire l'unité. L'unité a pour but d'offrir une issue à l'autre, de réaliser un compromis avec lui; c'est ce qu'on appelle souplesse. L'union entre principe et souplesse est un principe marxiste-léniniste, elle constitue une unité des contraires[77].

Ce texte de Mao Zedong (Ludo Martens fait une citation fausse[78]) mêle de fait deux types de situations: au sein du PCC et dans le contexte de la Conférence de Moscou de 1957. On n'envisagera ici que son aspect philosophique, sans entrer pour autant dans le détail des conceptions de Mao Zedong et de leur écart par rapport à Marx et à Lénine[79].

Ce qui compte, c'est que Ludo Martens, reprend à son compte cette citation. Mais quand il met en avant comme un principe "l'union entre principe et souplesse", et qu'il définit la "souplesse" comme un "compromis" face "aux principes du marxisme", on n'est guère avancés. Puisqu'il y a compromis, il s'agit d'un compromis sur les principes du marxisme. On défend certains de ces principes, et on est souples quant aux autres. Mais lesquels? Ceux du marxisme-léninisme, ceux de Mao Zedong, du révisionnisme ancien et de son enrichissement par les révisionnistes modernes? Ces principes sont-ils des lois, une doctrine? De fait l'unité proposée est une unité entre des termes que l'on ne peut mettre sur le même plan (à moins qu'il ne s'agisse de compromis sur les principes), alors que compromis et principes constituent selon Mao Zedong une unité des contraires. Ces contraires vont-ils fusionner ou bien se diviser[80]. De fait il s'agit de laisser certains principes au bord de la route.

Laisser entendre que cette unité des contraires n'aboutira pas à la destruction de l'un des deux termes (révisionnisme ou marxisme-léninisme), c'est défendre le point de vue selon lequel il n'y a pas urgence à détruire le révisionnisme, c'est se placer hors du monde réel de la guerre entre le prolétariat et la bourgeoisie. C'est éterniser la contradiction qui alors tourne sur elle-même et se répète indéfiniment avec ses hauts et ses bas, la victoire alternée de l'un ou de l'autre sans que jamais l'un l'emporte sur l'autre.

Pour Marx et pour Lénine le concept d'unité des contraires est diamétralement opposé à la conception mise en avant par ceux qui se réclament du "marxisme-léninisme et de la pensée de Mao Zedong", une autre unité des contraires[81].

Pour Lénine, "l'esprit humain ne doit pas prendre ces contraires pour morts, figés, mais pour vivants, conditionnés, mobiles, se changeant l'un en l'autre[82]". Et bien sûr c'est sur cette note marginale de Lénine que Mao Zedong s'appuie. Mais Lénine écrit d'autre part:

L'identité des contraires (leur "unité" dirait-on peut-être plus exactement, bien que la distinction des termes identité et unité ne soit pas ici particulièrement essentielle; en un certain sens, les deux sont justes) est la reconnaissance (la découverte) des tendances contradictoires, s'excluant mutuellement, opposées, dans tous les phénomènes et processus de la nature (dont ceux de l'esprit et de la société). La condition pour connaître tous les processus de l'univers dans leur "automouvement", dans leur développement spontané, dans leur vie vivante, est de les connaître comme unité de contraires. Le développement est "lutte" des contraires. Les deux conceptions fondamentales (ou les deux possibles? ou les deux observées dans l'histoire) du développement (de l'évolution) sont: le développement comme diminution ou augmentation, comme répétition, et le développement comme unité des contraires (dédoublement de l'un en contraires s'excluant mutuellement et rapports réciproques entre eux).

La première conception du mouvement laisse dans l'ombre l'automouvement, sa force motrice, sa source, son motif (ou bien transporte cette source en dehors: dieu, sujet, etc.). La deuxième conception dirige l'attention principale précisément sur la connaissance de la source de l´"auto"-mouvement.

La première conception est morne, terne, desséchée. La deuxième est pleine de vie. Seule la deuxième donne la clef de l´"automouvement" de tout ce qui est; seule elle donne la clef des "sauts", de l´"interruption dans la gradation", du "changement des contraires", de l'abolition de l'ancien et de la naissance du nouveau.

L'unité (coïncidence, identité, équivalence) des contraires est conditionnelle, temporaire, transitoire, relative. La lutte entre contraires s'excluant mutuellement est absolue, comme sont absolus le développement et le mouvement[83].

Pour Karl Marx la lutte antagonique entre le prolétariat et la bourgeoisie se situe dans une unité des contraires:

Le prolétariat et la richesse sont des contraires. Comme tels ils constituent une totalité, ils sont tous deux des formations du monde de la propriété privée. La question est de savoir quelle place déterminée chacun d'eux occupe dans cette contradiction. Dire que ce sont deux faces d'un tout ne suffit pas.

La propriété privée en tant que propriété privée, en tant que richesse est forcée de perpétuer sa propre existence; et par là même celle de son contraire, le prolétariat. La propriété privée qui a trouvé sa satisfaction en soi-même est le côté positif de la contradiction.

Inversement, le prolétariat est forcé, en tant que prolétariat, de s'abolir lui-même et du coup d'abolir son contraire dont il dépend, qui fait de lui le prolétariat: la propriété privée. Il est le côté négatif de la contradiction, l'inquiétude au cœur de la contradiction, la propriété privée dissoute et se dissolvant.

La classe possédante et la classe prolétaire représentent la même aliénation humaine. Mais la première se sent à son aise dans cette aliénation; elle y trouve une confirmation, elle reconnaît dans cette aliénation de soi sa propre puissance, et possède en elle l'apparence d'une existence humaine; la seconde se sent anéantie dans cette aliénation, y voit son impuissance et la réalité d'une existence inhumaine. Elle est, pour employer une expression de Hegel, dans l'avilissement, la révolte contre cet avilissement, révolte à laquelle la pousse nécessairement la contradiction qui oppose sa nature humaine à sa situation dans la vie, qui constitue la négation franche, catégorique, totale de cette nature.

Au sein de cette contradiction, le propriétaire privé est donc le parti conservateur, le prolétaire le parti destructeur. Du premier émane l'action qui maintient la contradiction, du second l'action qui l'anéantit[84].

D. De quatre thèses de Ludo Martens.

Ludo Martens poursuit ainsi sa mise en situation de Mao Zedong:

La plupart des partis qui se réclament de la pensée de Mao Zedong ont adopté un certain nombre de thèses, la lutte entre deux lignes comme principe conducteur de la construction du parti, la valeur universelle de la révolution culturelle, l'émergence du social-impérialisme à partir de 1968, la pensée de Mao Zedong comme phase supérieure du développement du marxisme-léninisme, etc.[85]

Voilà donc quatre thèses essentielles auxquelles se réfèrent Ludo Martens et le Parti du Travail de Belgique. Sans oublier celles énoncées plus haut quant au rôle attribué à Mao Zedong dans la lutte contre le révisionnisme moderne.

a) On a vu ce qu'était pour le Parti Communiste Chinois lui-même, avant et après la mort de Mao Zedong, la portée de la pensée de Mao Zedong: non pas un modèle universel, mais une adaptation, par ajouts et retraits, des principes marxistes-léninistes à la Chine et à l'Asie. L'universalisation de cette pensée n'a été qu'un avatar de la Révolution Culturelle.

b) Pour la Révolution Culturelle, également universalisée par Ludo Martens, on ne rentrera pas ici dans le détail des appréciations que nous portons: tant sur son déroulement et ses effets en République Populaire de Chine que sur ses conséquences particulièrement négatives telle qu'elle a été reprise notamment en Europe par de nombreux partis et organisations se réclamant du marxisme-léninisme[86]. Ce que l'on peut déjà indiquer c'est que la politique extérieure de la Chine, dès 1965, a été source en France de déviations graves, notamment à propos de la grande faveur accordée par Pékin à la politique extérieure de De Gaulle[87].

c) Quant à l'émergence du concept de social-impérialisme en 1968 pour caractériser l'Union Soviétique, à propos de l'intervention militaire en Tchécoslovaquie, il nous paraît réducteur. Ce n'est considérer le social-impérialisme que sous son aspect armé ‑ un des aspects de l'impérialisme ‑ et non pas tel qu'il avait été défini par Lénine en son temps dans le contexte de la Première Guerre mondiale[88]. C'est une réduction qui peut permettre d´"ignorer", donc d'excuser de fait, d'autres aspects certes moins visibles d'une politique de grande puissance et qui ne permet pas de distinguer les principaux aspects de tel ou tel impérialisme. C'est surtout définir encore, en 1968, l'Union Soviétique comme socialiste.

E. La question du Parti

a) La lutte entre deux lignes

Ludo Martens met en avant une thèse maoïste très particulière quant au Parti:

Organiser la lutte entre deux lignes de façon consciente et permanente[89].

De fait, c'est cette conception que Ludo Martens entend mettre en œuvre dans "son" Internationale. On doit souligner que cette "lutte entre deux lignes" qui doit être organisée et permanente (éternelle?) n'a été mise en avant, pour le Parti Communiste Chinois, que lors du déclenchement de la Révolution Culturelle. Et la presse chinoise, alors, en comptabilise onze dans l'histoire du Parti! La lutte entre deux lignes c'est l'existence à plus ou moins long terme de deux conceptions au sein du Parti ‑ celle qui est "juste" (Mao Zedong par exemple) ‑ contre d'autres qui la contredisent. Mais qui aurait l'idée de décrire le conflit entre Lénine et Trotsky, entre Staline et Boukharine, comme une lutte entre deux lignes, de placer ces "lignes" en situation de coexistence. Les erreurs de Trotsky quant au Parti, celles de Boukharine quant à l'intégration du capitalisme dans le socialisme, se cristalliseraient-elles dans des fractions, ce ne sont que des déviations opportunistes, non pas face à un dirigeant, mais à la politique du Parti dans tel ou tel domaine. Dans un parti léniniste il n'y a qu'une seule ligne. Et c'est le Congrès du Parti qui tranche en cas de besoin.

Revenons un peu à Lénine et à Staline ‑ non pas pour appuyer nos propres positions ‑ mais bien parce que nous sommes fondamentalement en accord avec la conception léniniste du Parti telle qu'elle est exposée par Staline en 1924[90]:

Le Parti se fortifie en s'épurant des éléments opportunistes. Les éléments opportunistes du Parti, voilà la source du fractionnisme. Le prolétariat n'est pas une classe fermée. Sans cesse, on voit affluer vers lui des éléments d'origine paysanne, petite-bourgeoise, des intellectuels prolétarisés par le développement du capitalisme. En même temps, s'opère un processus de décomposition des couches supérieures du prolétariat, principalement parmi les dirigeants syndicaux et les parlementaires que la bourgeoisie entretient avec le surprofit[91] tiré des colonies.

Cette couche d'ouvriers embourgeoisés, dit Lénine, ou de l´"aristocratie ouvrière", entièrement petits-bourgeois par leur mode de vie, par leurs salaires, par toute leur conception du monde, est le principal soutien de la IIe Internationale, et de nos jours le principal soutien social (pas militaire) de la bourgeoisie. Car ce sont de véritables agents de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier, des commis ouvriers de la classe des capitalistes, de véritables propagateurs du réformisme et du chauvinisme[92]."

Tous ces groupes petits-bourgeois pénètrent d'une façon ou de l'autre dans le Parti; ils y apportent l'esprit d'hésitation et d'opportunisme, l'esprit de démoralisation et d'incertitude. Ce sont eux principalement qui représentent la source du fractionnisme et de la désagrégation, la source de désorganisation du Parti qu'ils sapent du dedans. Faire la guerre à l'impérialisme en ayant de tels "alliés" à l'arrière, c'est s'exposer à essuyer le feu de deux côtés, du côté du front et de l'arrière. Aussi, la lutte sans merci contre de tels éléments et leur expulsion du Parti sont-elles la condition préalable du succès de la lutte contre l'impérialisme.

La théorie selon laquelle on "peut venir à bout" des éléments opportunistes par une lutte idéologique au sein du Parti, selon laquelle on doit "surmonter" ces éléments dans le cadre d'un parti unique, est une théorie pourrie et dangereuse, qui menace de vouer le Parti à la paralysie et à un malaise chronique; elle menace de donner le Parti en pâture à l'opportunisme; elle menace de laisser le prolétariat sans parti révolutionnaire, elle menace de priver le prolétariat de son arme principale dans la lutte contre l'impérialisme.

Mais encore que faut-il entendre par "lutte entre les deux lignes"? En 1938, Mao Zedong parle encore de "lutte sur deux fronts":

En dix-sept ans notre Parti a appris, d'une manière générale, à se servir de l'arme marxiste-léniniste de la lutte idéologique pour combattre les conceptions erronées à l'intérieur du Parti, sur les deux fronts ‑ l'opportunisme de droite et l'opportunisme "de gauche"[93].

La "thèse" serait apparue dans le Rapport présenté par Mao Zedong le 5 mars 1949 à la deuxième session plénière du Comité Central issu du VIIe Congrès du Parti Communiste Chinois, et a été remise en avant lors de la Révolution Culturelle fin 1968. De fait le texte de Mao Zedong tel qu'il a été publié dans les Œuvres choisies ne comporte pas la formule en question[94]. On la trouve par contre fin 1968, dans un texte qui annonce la republication du Rapport de Mao Zedong et publié sous le titre suivant: Étudions consciencieusement l'histoire de la lutte entre les deux lignes[95]:

La lutte entre les deux lignes au sein du Parti reflète la lutte des classes qui se déroule dans la société. L'histoire de notre parti est en fait une histoire de lutte entre les deux lignes. La ligne révolutionnaire prolétarienne correcte, incarnée par le président Mao, s'est développée dans la lutte contre la ligne réactionnaire bourgeoise erronée représentée sous diverses formes. (...). On peut affirmer que dans le cours du développement de la révolution chinoise, une lutte exacerbée a invariablement mis aux prises à chaque moment crucial et sur chaque problème important, la ligne révolutionnaire prolétarienne incarnée par le président Mao et la ligne réactionnaire bourgeoise représentée par Liou Chao-chi.

On peut dater l'apparition de la "ligne Liou Chao-chi": 1949. C'est ce qui ressort d'un article publié dans Renmin Ribao et traduit en anglais, avec d'autres textes, sous le titre général de Three major Struggles on China's Philosophical Front (1949‑64)[96]. On lit en effet dans cet article que durant cette période il y a eu

"lutte entre les deux classes (le prolétariat et la bourgeoisie)", entre "les deux voies (socialisme et capitalisme)" et entre les "deux lignes (la ligne révolutionnaire prolétarienne du Président Mao Zedong et la ligne contre-révolutionnaire révisionniste de Liu Shao-chi)"[97].

C'est ainsi que pendant quinze ans il y aurait eu coexistence de deux lignes au sein du PCC! De la proclamation de la République en 1949 à la Révolution Culturelle!

Sur cette question de la lutte de lignes également s'opposent les conceptions idéologiques du PCC et du PTA.

La lutte de classes au sein du parti marxiste-léniniste ne peut donc être qualifiée de lutte de lignes contraires, et encore moins cette "lutte de lignes" ne peut être qualifiée de phénomène objectif. La lutte de classes dans le parti est effectivement un phénomène objectif tout comme la lutte de classes en général, mais cette lutte n'est pas obligatoirement une lutte entre des lignes opposées. [..].

Il ne faut pas confondre la lutte entre deux voies avec la lutte entre deux lignes. La lutte entre la voie socialiste et la voie capitaliste de développement, qui englobe aussi la lutte entre l'idéologie prolétarienne et l'idéologie révisionniste, est une loi objective, alors que la lutte entre des lignes politiques opposées est un phénomène subjectif, qui se manifeste et se développe dans des conditions déterminées, quand le parti permet que se créent des courants fractionnels, une ligne anti-marxiste, en son sein. De tels courants et de telles lignes, opposées, révisionnistes, réussissent généralement à se cristalliser quand le parti de la classe ouvrière ne mène pas une lutte de classe, juste, décidée et conséquente en son propre sein[98].

b) L'indépendance des partis

Chaque parti définit sa position en toute indépendance. Mais ce n'est pas en contradiction avec son devoir de maintenir l'unité du mouvement communiste international, puisque cette unité est, elle aussi, une question de principe[99].

Que signifie pour Ludo Martens "position"? S'agit-il d'une position par rapport aux principes? En toute indépendance, effectivement, un parti peut se référer à tel ou tel principe, extrait du corpus bigarré que lui a légué le passé et se singulariser ainsi par un éclectisme soi-disant éclairé par les nouvelles conditions de la nouvelle époque[100]. On pourrait alors parler d'une adaptation à la situation nouvelle. S'il n'est pas question de s'accrocher comme des tiques à l'invariance des principes marxistes-léninistes en général, c'est-à-dire indéfinis, du moins, puisque l'on parle de principes, certains doivent pour le moins nous sembler justes, c'est-à-dire capables de nous diriger dans nos analyses et notre action dans le stade de développement du capitalisme, l'impérialisme, qui caractérise toujours notre époque. L'indépendance en question, mise en avant par Ludo Martens, consiste donc soit à réfuter ‑ sans explication ‑ certains de ces principes, soit à les enrichir de nouveaux, soit réfuter et enrichir. Soit encore pratiquer, comme le notait Enver Hoxha en 1957, l'extension dans un sens révisionniste de thèses justes[101].

Ce qu'il faut souligner c'est que la pratique de tel ou tel parti, dans ses luttes quotidiennes, dans sa tactique sinon dans sa stratégie sont le résultat des principes auxquels il se réfère. Encore faut-il examiner la mise en œuvre de ces principes: tel parti qui dénonce la thèse du passage pacifique au socialisme peut en même temps s'accommoder de la légalité et ne pas préparer la rupture violente qu'il défend "théoriquement".

Si la "définition" d'un parti s'oppose à la "définition" d'un autre parti, chacun doit-il rester sur son interprétation? sur les principes qu'il reconnaît? Quant au mouvement communiste international en gestations multiples et contradictoires, est-il fondé sur des principes communs, donc impératifs, ou bien son existence même, son unité en dehors de tout principe, est-elle un principe en soi? Mais alors au nom de quels principes?

Cette indépendance que Ludo Martens met en avant n'est pas une idée qui tombe du ciel. Elle est induite par les analyses de Mao Zedong quant à la IIIe Internationale et qu'il a exprimées lors de sa dissolution en 1943:

Les mouvements révolutionnaires ne peuvent ni être exportés ni être importés. Malgré le concours de l'Internationale Communiste, la naissance et le développement du Parti Communiste Chinois sont plutôt dus à l'existence en Chine même d'une classe ouvrière chinoise dont la conscience s'était éveillée, et c'est la classe ouvrière chinoise qui a fondé son propre parti, le Parti Communiste Chinois. [...] Actuellement, l'Internationale Communiste est une forme d'organisation révolutionnaire qui n'est plus adaptée aux exigences de la lutte. Si l'on continuait à conserver cette forme d'organisation, cela reviendrait à entraver le développement de la lutte révolutionnaire dans chaque pays, tout au contraire. Actuellement l'impératif est de renforcer les partis communistes nationaux dans chaque pays; on n'a donc plus besoin de ce noyau dirigeant international. [...] L'Internationale Communiste, très éloignée des luttes réelles de chaque pays, convenait à une époque révolue où la situation était relativement simple et où les changements survenaient à un rythme relativement peu accéléré, mais maintenant elle n'est plus adaptée. [...]

Depuis 1935, date du VIIe Congrès mondial de l'Internationale Communiste, celle-ci ne s'est plus ingérée dans les affaires intérieures du Parti Communiste[102] et pourtant le Parti Communiste Chinois durant toute la guerre de libération nationale anti-japonaise [a très bien fait son travail][103].

Beaucoup de questions se posent à propos du VIIe Congrès de l'Internationale Communiste, notamment en ce qui concerne le rôle de Dimitrov quant à sa conception du Front Unique "nouvelle manière", dont l'application demandera de la part des communistes un redoublement de vigilance, car "le danger de droite ira croissant"[104].

Une autre question est d'actualité notamment en Europe. Dans la Résolution sur le rapport de Dimitrov on lit en effet:

Le congrès met en garde contre toute attitude dédaigneuse à l'égard de la question de l'indépendance nationale et des sentiments nationaux des grandes masses populaires, attitude qui facilite le développement des campagnes chauvines du fascisme [...][105].

Certes, le Congrès "insiste sur la nécessité d'une application juste et concrète de la politique nationale léniniste-staliniste". On connaît les déviations de trop nombreux partis sur la question du Front Unique et celle de l'indépendance nationale. Y a-t-il deux lectures possibles du VIIe Congrès de l'I.C., ou bien une lecture unique, marxiste-léniniste[106]? Doit-il être complétement détaché de l'histoire antérieure de la IIIe Internationale, ou bien est-il une continuité légitime de cette histoire? Et puis, quel a été le rôle de Dimitrov comme dirigeant de l'Internationale?

Quand Ludo Martens reprend, après Mao Zedong, la thèse de l'indépendance des partis, en référence implicite au VIIe Congrès de l'I.C., en dehors du contexte de la bolchévisation des partis menée sur de nombreuses années par l'Internationale (avec plus ou moins de succès il faut le dire), on doit certes se demander quel serait le sens d'une nouvelle Internationale!

Certes Mao Zedong a dirigé la pensée de nombreux partis dans le monde, mais est-ce contre le révisionnisme ou en substituant à l´"école" du révisionnisme khrouchtchévien (et de ses successeurs) l´"école" du révisionnisme maoïste?

F. Lutte et compromis ou Lutte sans compromis

Dans son intervention de conclusion au Séminaire de mai 1996 Ludo Martens écrit:

Nous savons que la lutte politique et idéologique est le moteur du progrès, mais la lutte n'est pas le seul aspect, il y a lutte et unité, lutte et compromis. Bien sûr, il faut une unité sur un certain nombre de principes, il faut une ligne de démarcation. Le point est que dans chaque situation historique il faut savoir où tracer cette ligne de démarcation.

À quoi on doit répondre: Il faut lutte pour l'unité idéologique sans compromis. Et non pas unité "sur un certain nombre de principes", mais sur les principes qui fondent le marxisme, le léninisme et à partir desquels doivent se développer nos analyses et notre action.

Si des "principes" sont remis en cause, il faut le dire clairement, et bien sûr le justifier. Ce n'est pas être révisionniste que de développer le marxisme, le léninisme, si l'on s'en tient à la stratégie et aux objectifs des communistes marxistes-léninistes dans le monde, c'est-à-dire la destruction du mode de production capitaliste. Encore faut-il que l'unité se fasse sur cette stratégie et ces objectifs, et qu'elle ait une base commune, les principes du marxisme et du léninisme que nous estimons toujours fondés aujourd'hui. On connaît depuis fort longtemps la pratique qui consiste à brandir Staline contre Staline, à se réclamer de Lénine contre Lénine. Et on peut jouer le même jeu avec Mao Zedong, avec Enver Hoxha, etc. Le manque d'éducation théorique et historique permet effectivement de racoler autour d'icônes.

Quant à cette "ligne de démarcation" flottante au gré du vent de l'histoire elle ne peut conduire qu'à l'opportunisme. Ce qui ne signifie pas qu'on ne peut accepter ‑ ou provoquer, des compromis tactiques, quand ils ne mettent pas en cause les principes. Il ne s'agit pas alors d'unité, mais d'alliances dont le destin est d'être temporaires dans la mesure même où les protagonistes qui participent à ces alliances se réfèrent à des principes différents, antagoniques.

Dans son texte de présentation pour le Séminaire de mai 1997 à Bruxelles, Ludo Martens exclut toute discussion qui ne serait que théorique: dans ces conditions, puisqu'il met en avant l'unité "sur un certain nombre de principes", comment va s'établir la "ligne de démarcation"? Qui va poser les bornes, et où? qui va choisir les "bons" et les "mauvais" principes? Est-ce la pratique (et ses succès) qui détermine la validité de la théorie? La discussion (ne parlons pas de débat!) va-t-elle consister à ne retenir que les principes acceptables par le plus grand nombre? De même, puisque c'est un "cadre minimum contre le révisionnisme" qui est proposé à Bruxelles, y aura-t-il une discussion sur ce que la majorité, révisionnistes y compris, considérera comme révisionniste?

Lutte entre les deux lignes, qui ne peut être que permanente, ou Lutte sur les deux fronts qui doit être ininterrompue, sur la base de l'unité idéologique et politique du Parti. On peut résumer ainsi sommairement la divergence antagonique qui sépare, sur cette question du Parti, révisionnistes et marxistes-léninistes.

Sans oublier, bien entendu, la question, dans un État de dictature du prolétariat, du parti unique. On peut certes discuter de la nécessité ou non, dans la Chine de 1949, de l'existence d'une multiplicité de partis représentant des forces sociales opposées, "du contrôle mutuel" exercé en principe par ces partis, dans cette étape particulière de la Révolution chinoise où au prolétariat et à la classe paysanne on adjoignait la bourgeoisie nationale et la petite-bourgeoisie des villes comme parties constitutives du nouveau pouvoir[107]. Est-ce l'exemple chinois que l'on tend à appliquer en Europe? Si on parle de l'Europe c'est que le Parti du Travail de Belgique se trouve en Europe. Et nous aussi, affrontés à des thèses semblables, véhiculées en France par le Parti Communiste Français[108]. On rappellera simplement que, pour Lénine, le véritable point de départ de la Révolution bolchévique, plus encore qu'Octobre 17, a été, en 1918, la liquidation de l'Assemblée Constituante, c'est-à-dire la liquidation de la pluralité des partis.

Entre l'État capitaliste et l'État de dictature du prolétariat, Mao Zedong instaure un État "conjoint". On qualifie parfois ce type d'État comme étant issu et porté par un Front Populaire. La question se pose bien entendu de savoir si ce type d'État est encore valable aujourd'hui, dans quelles conditions, etc., selon l'analyse de telle ou telle situation donnée, dans un pays ou un autre.

G. Un mauvais exemple: Lénine et la IIe Internationale

Dans le même texte Ludo Martens, pour justifier sa position, tente de prendre appui sur l'expérience de la Première, de la Deuxième et de la Troisième Internationales. On ne s'arrêtera ici que sur le passage concernant la Deuxième (ce qui n'est pas approuver son interprétation quant à la Première et la Troisième):

[...] au sein de la Deuxième Internationale, de 1900 à 1914, il [Lénine] a fermement défendu l'essence révolutionnaire du marxisme, tout en maintenant l'unité du mouvement. Pourtant, de forts courants, ouvertement bourgeois, comme celui de Bernstein, minaient déjà le parti social-démocrate allemand, le principal parti de la Deuxième Internationale. En maintenant l'unité, Lénine a œuvré au mieux pour aider au développement de l'aile gauche de la Deuxième Internationale[109].

Dans un texte plus récent, Ludo Martens est encore plus explicite:

Au sein de la Deuxième Internationale, jusqu'en 1914, Lénine a appliqué le principe de la lutte et du compromis afin de renforcer l'aile gauche de cette Internationale déjà fortement atteinte par le révisionnisme[110].

Il s'agit là d'un détournement de la position de Lénine et des bolcheviks durant cette période, d'un amalgame entre deux séries de faits: le rôle des bolcheviks au sein de la IIe Internationale et leur jugement sur sa dite "aile gauche", dont la représentante la plus connue aujourd'hui demeure Rosa Luxemburg. Et c'est justement sur cette soi-disant position centriste de Lénine (lutte et compromis) que se sont appuyés trotskystes et semi-trotskystes pour affirmer que Lénine sous-estimait alors le danger de la conciliation avec l'opportunisme, qu'il n'était pas un véritable bolchévik, qu'il n'aidait pas l'aile gauche de la social-démocratie allemande. C'est contre cette thèse que Staline s'était élevé en 1931 dans sa lettre à la rédaction de la revue soviétique La Révolution prolétarienne[111]. Qu'écrit Staline?

Tout bolchevik sait, s'il est réellement un bolchevik, que Lénine, bien avant la guerre, depuis à peu près 1903-1904, lorsque se cristallisa en Russie le groupe bolchevik et que se firent connaître pour la première fois les gauches au sein de la social-démocratie allemande, s'était orienté vers une rupture, vers la scission avec les opportunistes chez nous, dans le Parti social-démocrate de Russie, et là-bas, dans la IIe Internationale, notamment dans la social-démocratie allemande. Tout bolchevik sait que précisément pour cette raison les bolcheviks, dès cette époque (1903‑1905), s'étaient acquis dans les rangs des opportunistes de la IIe Internationale, le titre glorieux de "scissionnistes" et de "désorganisateurs". Mais que pouvait faire Lénine, que pouvaient faire les bolcheviks, si les social-démocrates de gauche au sein de la IIe Internationale, et d'abord au sein de la social-démocratie allemande, représentaient un groupe faible, débile, encore informe au point de vue de l'organisation, un groupe peu ferré idéologiquement, craignant même d'articuler le mot "rupture", "scission"!

Dans cette mesure, le soutien de Lénine et des bolcheviks à la gauche de la IIe Internationale ne pouvait être "sans de sérieuses réserves, sans une sérieuse critique de leurs fautes, à moins de trahir les intérêts de la classe ouvrière, à moins de trahir les intérêts de la révolution, à moins de trahir le communisme". Même si les "gauches d'Allemagne", comme le rappelle Staline, avaient "à leur actif de grandes et sérieuses actions révolutionnaires".

Ces fautes de la gauche de la IIe Internationale ne sont pas mineures, qu'il s'agisse de la conception du Parti, de la révolution, de l'alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie, du droit des nations à disposer d'elles-mêmes, etc.

C'est un exemple flagrant de la révision de notre Histoire dans des buts déterminés: ici la justification du compromis opposée à la nécessité de la scission. Scission à laquelle les bolcheviks poussaient les "gauches" mais qu'ils ne pouvaient faire à leur place! Mais qu'ils firent au sein même de leur parti.

Notamment sur la question du Parti, qui est fondamentale si ce Parti est révolutionnaire, Lénine n'a jamais été conciliant. Et il s'est opposé tout à la fois à Rosa Luxemburg, Léon Trotsky et Karl Kautsky qui défendaient de fait la conception menchéviste sur l'ouverture du Parti. Le développement "en largeur" ne peut qu'entraîner un abaissement du niveau révolutionnaire, un renforcement de l'opportunisme.

Ouvrir la porte ou Fermer la porte. La réponse de Lénine a été tout aussi tranchée avant 1914 quant au Parti Ouvrier social-démocrate de Russie et en 1920 quant à la IIIe Internationale, avec les 21 conditions d'admission.

3. Enver Hoxha, cible des révisionnistes

Notre Parti estime que la polémique ouverte est indispensable, qu'elle est une école pour tous les communistes car elle les aide à distinguer la vérité du mensonge. Les révisionnismes s'estimeraient très satisfaits si l'on ne parlait d'eux qu'en termes généraux, à condition de ne pas les attaquer publiquement et de ne pas appeler les choses par leur vrai nom. Enver Hoxha (1966)[112]

Il n'est pas du tout étonnant, mais par contre très significatif, qu'Enver Hoxha, Premier secrétaire du Parti du Travail d'Albanie, soit en butte aujourd'hui encore à de multiples attaques, venant d'horizons soi-disant opposés. Il serait puéril d'ignorer le Parti du Travail d'Albanie et celui qui en fut le dirigeant, au nom de la superficie de l'Albanie et de son nombre d'habitants, du niveau de son développement économique.

Comme l'écrivait Engels:

En tant que domaine déterminé de la division du travail, la philosophie de chaque époque suppose une documentation intellectuelle déterminée qui lui a été transmise par celles qui l'ont précédées et dont elle part. Et c'est pourquoi il arrive que des pays économiquement retardataires peuvent pourtant tenir le premier violon en philosophie[113].

Le rôle de premier violon, le Parti du Travail d'Albanie l'a occupé au niveau idéologique et politique après la mort de Staline en 1953.

Tout d'abord dans ses rapports de parti à parti avec le PCUS, puis au sein du mouvement communiste international, et enfin ouvertement, publiquement. Ce qui est un processus correct.

C'est seulement après les attaques publiques d'abord menées par des "partis frères", puis par Khrouchtchev au XXIIe Congrès du PCUS (fin 1961) que le Parti du Travail d'Albanie s'est engagé dans une lutte publique contre le révisionnisme moderne, de Tito à G. Marchais, de Togliatti à Carrillo, de Khrouchtchev à Brejnev et autres. Quant aux désaccords avec le Parti Communiste Chinois et Mao Zedong, aux interrogations que le Parti du Travail d'Albanie soulevait par rapport aux hésitations et retournements chinois, aux conseils de la Chine, ils ne commencèrent à se laisser deviner qu'après la visite de Nixon à Pékin en février 1972.

Des attaques récentes on distinguera trois origines:

A. Horizon maoïste

Ludo Martens, Président du Parti du Travail de Belgique, dans son livre intitulé De Tien An Men à Timisoara, publié en 1994[114], consacre 12 pages à la défense du Parti Communiste Chinois contre les critiques qui lui sont portées par Enver Hoxha[115]. C'est un peu court!

On trouve deux mots-clefs dans ce texte: au gauchisme d'Enver Hoxha (parfois extrémiste) Ludo Martens oppose la souplesse en général, et en particulier celle du Parti Communiste Chinois. On peut même "faire des compromis avec des traîtres pour être en mesure de maintenir les liens avec les communistes authentiques" [116]. Et effectivement le Parti Communiste Chinois a fait de nombreux compromis, plus ou moins passagers, fluctuants ou durables, avec Tito, Khrouchtchev, Brejnev, Ceaucescu, Carrillo, etc. pour ne pas parler des relations avec nombre de dirigeants réactionnaires du "Tiers Monde". Compromis qui n'avaient pas en vue la "découverte" d'authentiques communistes, mais des alliances diplomatiques, des renversements d'alliances. Compromis qui furent théorisés, voilà la faute majeure, et mis en avant comme ligne générale pour de multiples partis et organisations dans le monde.

C'est au sujet de la visite de Nixon à Pékin, vertement commentée par Enver Hoxha dans ses "Notes" ‑ visite qui concrétise les échecs du Parti Communiste Chinois dans ses tentatives de compromis avec Moscou ‑, que Ludo Martens, citant Enver Hoxha, écrit qu'avec de telles positions il "frôle le trotskysme". Qu'avait noté Enver Hoxha?

Recevoir le président Nixon et s'entretenir avec lui, ce n'est pas juste et ce ne sera accepté ni par les peuples, ni par les révolutionnaires, ni par les communistes authentiques.

Par cet acte politique, les Chinois désorientent le mouvement révolutionnaire mondial et éteignent l'ardeur révolutionnaire[117].

Ludo Martens amalgame ensuite deux citations d'Enver Hoxha pour conclure: "On croirait entendre un trotskyste à propos du pacte germano-soviétique." Et là Ludo Martens ne frôle pas le ridicule! Toute sa démonstration historique pour mettre sur le même plan les compromis de Lénine et de Staline et celui de Mao Zedong est en dehors de tout contexte. Il ne distingue pas compromis tactique et compromis sur les principes. Ludo Martens "oublie" que les pourparlers sino-américains sur l'invitation faite par Mao Zedong à Nixon de se rendre à Pékin, engagés en 1971, se situent au plus fort moment des bombardements américains sur le Vietnam du Nord.

Bien sûr Ludo Martens ne peut s'empêcher d'accorder çà et là des satisfecit à Enver Hoxha. Mais pour qualifier de "critiques exagérées" et d´"accusations gratuites" les divergences rendues publiques dès 1977, puis en 1978, année de la rupture.

Pour défendre Mao Zedong dont Enver Hoxha dit qu'il n'a jamais été marxiste, la réponse de Ludo Martens ne s'appuie que sur un seul des aspects soulevés par Enver Hoxha: le rôle primordial accordé à la paysannerie par Mao Zedong et son concept de l'encerclement des villes par les campagnes. Déjà, sur ces points, la critique d'Enver Hoxha est juste. Elle ne se limite pas à cela. Pour finir ici, par un tour de passe-passe, Ludo Martens engage ses lecteurs à critiquer une formulation de Teng Xiao‑ping sur la théorie des trois mondes, sans la citer en tant que telle, et bien sûr sans dire qu'elle est issue de la pensée de Mao Zedong[118]!

On doit souligner le fait que Ludo Martens dans son livre Le Parti de la révolution, dans sa liste des œuvres des "classiques", ne signale comme œuvre d'Enver Hoxha que la première édition de l'Histoire du Parti du Travail d'Albanie (1929‑1965)[119]. Or il y a eu (après un complément pour la période 1966‑1980) une seconde édition refondue, publiée en français en 1982[120]. Il va de soi que dans cette nouvelle édition il est largement question de la Chine. Et Ludo Martens préfère faire l'impasse sur les critiques et accusations portées par le PTA.

La ligne de Ludo Martens est très claire. Certes, c'est le révisionnisme khrouchtchévien qui "a commencé par briser l'unité du mouvement en rompant avec les partis qui défendaient le marxisme-léninisme".

Mais ensuite, le sectarisme et le gauchisme ont conduit à d'innombrables scissions injustifiées. Des divergences d'analyse et d'appréciation, réelles, ont été exacerbées jusqu'à l'antagonisme et la rupture[121].

Encore une fois il s'agit de minimiser les divergences, soi-disant limitées à l'analyse et l'appréciation. Comme si analyses et appréciations n'avaient aucune portée, ne débouchaient pas sur des prises de position tactiques, sinon même stratégiques!

Dans sa défense de Mao Zedong, le Président du PTB Ludo Martens vient de trouver une voie inédite pour attaquer le PTA et Enver Hoxha, en comparant le Parti du Travail d'Albanie et le Parti communiste de Cuba:

Les prévisions étaient qu'un parti petit-bourgeois comme le Parti Cubain ne pouvait pas tenir le coup face à la contre-révolution internationale. Or, le Parti du Travail Albanais, qui était apparemment (souligné par nous) plus ferme sur les principes marxistes-léninistes, a quasi disparu, mais le Parti Communiste Cubain garde la confiance des masses en réaffirmant son orientation anti-impérialiste et socialiste[122].

C'est une comparaison qui n'a pas de sens, sinon de basse polémique, vu l'histoire des deux partis et leur position de classe au niveau international. Et on peut bien entendu être "socialiste", "révolutionnaire" sans être marxiste-léniniste, un "socialisme" qui, comme en Chine, allie le capitalisme au socialisme d'État, après avoir prétendu intégrer le capitalisme dans le cadre du système économique du socialisme, revenant ainsi aux thèses de Boukharine.

Il y a cependant plus important dans la petite comparaison faite par Ludo Martens entre le Parti du Travail d'Albanie et le Parti Communiste de Cuba[123]: c'est la mise en avant du critère du succès comme preuve de la vérité du marxisme-léninisme. Mais que dire, si l'on accepte cette aune, de la situation actuelle en Chine. Qu'en est-il de ce sommet que constitue toujours aujourd'hui la pensée de Mao Zedong?

B. Horizon indéfinissable

Raul Marco, ex-dirigeant du PCE(m‑l) qui a implosé, responsable aujourd'hui de l'Organisation Communiste "Octobre" et partie prenante dans le regroupement de Quito, s'est récemment livré à une attaque renouvelée contre Enver Hoxha.

Le mouvement marxiste-léniniste était déjà très affaibli avant 1989, écrit Raul Marco. Pour cause de "suivisme", par effet de trahisons, frappé par la réaction. Certains partis "nageaient entre deux eaux".

L'attitude de la direction du PTA, empreinte d'une certaine prépotence et d'un nationalisme étroit, a pour une part de responsabilité dans cet état de fait pas très ragoûtant. Cette attitude a commencé à se manifester, du moins me semble-t-il, à partir de l'élimination de Mehmet Shehu et du pénible déclin intellectuel et physique d'Enver Hoxha[124]."

Plus loin Raul Marco cite le Parti du Travail d'Albanie comme le Parti d'Enver Hoxha et de Mehmet Shehu, en parallèle au parti de Lénine et de Staline. Sans entrer dans la question de la "prépotence" et du "nationalisme étroit" (thème largement utilisé par les ennemis de la République Populaire Socialiste d'Albanie, révisionnistes, trotskystes entre autres), qu'il faut bien sûr examiner sérieusement, quoi que l'on pense de ces accusations à l'emporte-pièce, l'accent mis sur Mehmet Shehu doit être remarqué[125].

C. Horizon révisionniste

Le Cercle Henri Barbusse attaque classiquement, pourrait-on dire, à la fois Mao Zedong et Enver Hoxha, reprenant en cela les positions de Moscou après 1956, puis celles du PCF [126].

Si les maoïstes s'en vont reprochant au PTA d'avoir été "gauchiste", "scissionniste", "sectaire", etc., d'autres comme le Cercle Henri Barbusse lui reprochent au contraire de n'avoir pas rompu assez vite avec Moscou, d'avoir signé (comme le Parti Communiste Chinois) les Déclarations des Conférences de 1957 et 1960.

Le PCC et le PTA ont en fait légèrement gauchi ces déclarations historiques tout en entérinant fermement le révisionnisme khrouchtchévien qu'elles contenaient. Ils ont entériné aussi bien les attaques contre le prétendu culte de la personnalité et le dogmatisme de Staline, que les attaques contre les lois générales de la transition du capitalisme au socialisme.

De fait le Cercle Henri Barbusse a un objectif tout à fait clair: sous la référence Lénine-Staline il s'agit, en attaquant à la fois Mao Zedong et Enver Hoxha, de dédouaner un certain nombre de partis et d'organisations qui auraient mené la lutte contre le révisionnisme dans le cadre même du mouvement révisionniste international dont le centre était Moscou. C'est sans doute ce que Ludo Martens appelle une "école" indépendante.

L'amalgame entre le PTA et le PCC est une absurdité. En 1957 le PTA n'avait pas cessé de dénoncer le révisionnisme yougoslave alors que Mao Zedong, présent à la Conférence, se félicitait de la présence de ces mêmes yougoslaves. Les thèses révisionnistes des deux Déclarations sont bien entendu évidentes. De notre point de vue le PTA, en situation défensive, s'étant déjà opposé aux positions mises en avant par Khrouchtchev, se trouva contraint à des compromis tactiques. Alors que le PCC trouvait du grain à moudre dans ces Déclarations.

C'est avec de très bons arguments, quand il se réfère à Lénine et à Staline, que le Cercle Henri Barbusse critique la plate-forme minimum de Ludo Martens, tout en souhaitant s'associer aux travaux ultérieurs de Bruxelles[127]. Mais le révisionnisme est toujours du révisionnisme, sous quelque masque que ce soit! S'il faut un exemple concret, c'est la position du Cercle Henri Barbusse par rapport au Parti Communiste Français, à sa défense de Georges Marchais!

S'il faut s'arrêter à ce Cercle c'est qu'il reprend, à un niveau inférieur, des thèses exprimées par l'Union Bolchevique du Canada (1979-1980) qui ont eu un certain effet notamment sur des partis et organisations d'Afrique. Dans sa revue Lignes de Démarcation l'UB du Canada, après avoir concentré ses attaques contre Mao Zedong et les partis qui le soutenaient, s'en est pris au Parti du Travail d'Albanie dès 1977, dans les termes mêmes que reprend le Cercle Henri Barbusse[128].

Dans une autre revue, Correspondance Internationale, l'UB du Canada tentait de regrouper partis et organisations, notamment en Afrique, dans la perspective de construire une Internationale[129].

IV. BRUXELLES: UNE POLITIQUE DE CONCILIATION

Si par principe on ne souhaite pas la scission en tant qu'exercice abstrait, elle ne peut bien entendu pas être évitée par simple décision, par bonne volonté. Elle est même inévitable et nécessaire en cas de divergences fondamentales.

Après un survol rapide de la situation qui a suivi le XXe Congrès du PCUS en 1956, et de la division du mouvement communiste international (entre "tendances") qui s'en est suivi, Ludo Martens écrit:

Quelle que soit l'opinion qu'on peut exprimer quant au bien-fondé, voire à la nécessité de ces scissions à un certain moment de l'histoire, la nécessité et la possibilité de les surmonter existe aujourd'hui[130].

L'ombre de Mao Zedong plane encore ici. Si Ludo Martens pense effectivement que la contradiction entre révisionnisme et marxisme-léninisme est une "contradiction au sein du peuple", et doit être réglée comme telle, il n'y a certes rien à ajouter.

Encore faut-il qu'il le dise clairement. S'il s'agit d'antagonisme, il est évident pour nous qu'il doit y avoir destruction de l'un des deux termes, le révisionnisme. Il y a encore une troisième position, celle de Mao Zedong telle qu'il l'a exprimée dans la dernière version d'un texte revendiqué par les maoïstes, De la contradiction:

Suivant le développement concret des choses et des phénomènes, certaines contradictions primitivement non antagonistes se développent en contradictions antagonistes, alors que d'autres, primitivement antagonistes, se développent en contradictions non antagonistes[131].

Sur cette question Lénine a écrit en marge d'un livre de Boukharine:

Antagonisme et contradiction ne sont pas du tout une seule et même chose. Sous le socialisme le premier disparaîtra, la seconde subsistera[132].

Mao Zedong s'appuie sur cette phrase pour conclure:

Cela signifie que l'antagonisme n'est qu'une des formes, et non l'unique forme, de la lutte des contraires, et qu'il ne faut pas employer ce terme partout sans discernement[133].

Il faut tout de suite remarquer que l'observation de Lénine ne s'applique que "sous le socialisme". Il ne s'agit même pas de la période de "construction du socialisme". Ce n'est pas notre objet ici de savoir de quel socialisme il s'agit pour Mao Zedong, de quel moment d'une Chine où vont coexister prolétariat, classe ouvrière et bourgeoisie nationale. C'est-à-dire exploitation, plus-value, lutte de classes.

De fait Mao Zedong met en avant la possibilité de la transformation de contradictions non antagoniques en contradictions antagoniques dans l'histoire des partis communistes. Ce qui est clair. Que certaines contradictions antagoniques avant la Révolution deviennent non antagoniques après celle-ci, implique cependant que l'un des termes de la contradiction ait détruit l'autre, ce qui amène à une nouvelle contradiction qui elle, effectivement, si elle peut devenir antagonique, ne l'est pas ouvertement au départ.

Dans la dialectique mise en avant par Mao Zedong il y a des interstices. Et des nouveautés. Mao Zedong paraphrase Lénine quand il écrit:

L'identité conditionnée et relative unie à la lutte inconditionnelle et absolue forme le mouvement contradictoire dans toute chose et phénomène[134].

Mais il s'en éloigne en ajoutant immédiatement:

Nous autres, Chinois, nous disons souvent: "Les choses s'opposent l'une à l'autre et se complètent l'une l'autre". Cela veut dire qu'il y a identité entre les choses qui s'opposent. Ces paroles contiennent la dialectique; elles contredisent la métaphysique. "Les choses s'opposent l'une à l'autre", cela signifie que les deux aspects contradictoires s'excluent l'un l'autre ou qu'ils luttent l'un contre l'autre; elles "se complètent l'une l'autre", cela signifie que dans des conditions déterminées les deux aspects contradictoires s'unissent et réalisent l'identité. Et il y a lutte dans l'identité; sans lutte, il n'y a pas d'identité[135].

Cette fusion de l'un et l'autre, ce "deux fusionnent en un", cela débouche sur la conciliation, le compromis. Vers la fin des années 50 des économistes communistes hongrois s'attachaient à prôner l'intégration du marché socialiste dans le marché capitaliste au nom de cette thèse. Sans nier la lutte au sein du marché mondial, mais en transformant l'antagonisme entre communisme et capitalisme en une contradiction non antagonique en vertu de la coexistence pacifique. Elle ne l'était qu'à leurs yeux de révisionnistes: le marché socialiste a été détruit, comme l'ont été les partis communistes.

Dans le texte de Ludo Martens, à propos du révisionnisme, il y a cette constatation fort surprenante:

Après la destruction du socialisme en Union Soviétique et l'éclatement du pays de Lénine, tous les communistes doivent comprendre que le révisionnisme est l'ennemi idéologique le plus dangereux du marxisme-léninisme[136].

Si communistes il y a, le danger du révisionnisme ils le connaissent depuis Lénine, et la lutte que ce dernier a menée dès le début de ce siècle. Et après 1956, contre le révisionnisme moderne. c'est le Parti du Travail d'Albanie ayant à sa tête Enver Hoxha qui l'a engagée, menée et poursuivie de manière ininterrompue avec le soutien d'autres partis et organisations. Quant à Mao Zedong et au PCC, leur dénonciation du révisionnisme s'est faite tardivement, par à-coups, en fonction de préoccupations particulières.

Dans le cadre d'un regroupement tel qu'il est conçu et organisé par Ludo Martens et le Parti du Travail de Belgique, conglomérat de partis et d'organisations qui n'auront pas de positions politiques communes sinon circonstancielles et qui, de par leurs divergences idéologiques, auront des pratiques et des analyses également divergentes, ce qui plane bien entendu c'est l'ombre d'une scission. Ou bien, l'Internationale de Bruxelles ne sera qu'une Internationale 2 ½. Et comment pourrait survivre une telle entreprise qui prétend réunir et unifier, même dans un "cadre minimal", révisionnistes de Pékin, Moscou et autres lieux, et marxistes-léninistes! De fait, l'audience de Bruxelles étant principalement révisionniste, et nombre de ses participants maoïstes, révisionnistes, il s'agit d'isoler les marxistes-léninistes.

Les mots "unifier" et "unité" ont peut-être perdu le sens qu'on croyait leur connaître. Peut-être le mot "unité" est-il devenu synonyme d'"équilibre".

On serait tenté de le croire quand on lit Ludo Martens:

Le séminaire dans son ensemble s'efforce de réaliser une balance de positions différentes[137].

Ludo Martens s'en flatte. Pour nous, cette déclaration illustre notre analyse. Tout est dit dans cette simple phrase. C'est la politique du juste milieu, la mise en place d'une politique de conciliation.

Le texte qui suit de Lénine s'applique au Parti. Il est aisé de se rendre compte qu'il est également valable dans la démarche de création d'une Internationale.

Deux manières de voir sont possibles quant à la signification et aux conditions d'une unification du Parti quelle qu'elle soit. Comprendre la différence qui sépare ces deux points de vue est fort important, parce qu'ils s'entrecroisent et se confondent à mesure que se développe notre "crise" d'unification, et que si on les délimite pas exactement, la crise devient impossible à débrouiller.

L'un de ces deux points de vue sur l'unification place au premier plan la "conciliation" de "personnes, groupes et institutions déterminés". Leur unité de vue sur le travail du Parti, sur la ligne de ce travail devient alors secondaire. Il faut s'efforcer de passer les désaccords sous silence au lieu de mettre en lumière leurs racines, leur portée, les conditions objectives qui les suscitent. "Concilier" personnes et groupes, voilà l'essentiel. S'ils n'arrivent pas à s'entendre pour appliquer une ligne commune, il convient de l'interpréter de telle manière qu'elle devienne acceptable pour tous. Vivez et laissez vivre les autres. Cela, c'est l´"esprit de conciliation" petit bourgeois, celui qui conduit tout droit à la diplomatie de cénacles. Étouffer les causes de désaccord, les passer sous silence, "apaiser" coûte que coûte les "conflits", neutraliser les tendances antagonistes, voilà quel est l'objectif essentiel de l´"esprit de conciliation" en question[138].

Dans la Lettre d'explication sur la "Proposition d'unification du mouvement communiste international" il est écrit:

Notre approche est de mettre de côté les divergences du passé, de ne pas braquer l'attention sur ces questions et de ne pas pousser à l'antagonisme sur ces points.

Mais de quelles questions s'agit-il?

Y avait-il du révisionnisme en URSS avant 1956? Est-ce qu'en URSS la bourgeoisie a instauré sa dictature à partir de 1956? Est-ce que l'URSS est devenue une superpuissance social-impérialiste en 1968? Quelle attitude fallait-il prendre lors de l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie, puis en Afghanistan? Fallait-il s'opposer à l'intervention militaire vietnamienne au Kampuchea Démocratique? La Théorie des Trois Mondes fut-elle la base théorique d'une stratégie contre-révolutionnaire? Mao Zedong peut-il être considéré comme le "cinquième" classique? Enver Hoxha avait-il raison dans sa polémique contre Mao et le PCC?, etc.

Ou bien ces questions, et beaucoup d'autres, seront réglées d'un point de vue marxiste-léniniste, un développement "en profondeur", ou bien la coexistence pacifique entre révisionnistes, marxistes-léninistes, maoïstes et pseudo marxistes-léninistes de toutes sortes, avancée comme principe d'unité, en arrivera à une amnistie réciproque, c'est-à-dire à la légitimation de l'opportunisme.


Patrick KESSEL
& le COLLECTIF du Bulletin International

 

 

 

 

 

Notes



[1]. Pour les partis et organisations réunis autour de l'Appel de Quito voir Unité et Lutte, dont la publication est assurée en langue française par le P.C.O.F. Nous avons polémiqué avec certains de ces partis il y a plus d'une décennie (Bulletin International, ancienne série). Sans négliger leurs initiatives actuelles il nous a semblé plus utile de leur consacrer une analyse particulière dans un prochain numéro.

[2]. On peut également indiquer que Ludo Martens n'avait pas répondu aux arguments contenus dans nos différentes lettres.

[3]. Deux numéros ont déjà été publiés.

[4]. Lénine, "À qui cela profite-t-il?", Oeuvres, t. XIX, Paris-Moscou, p. 43.

[5]. K. Marx, Gloses marginales au Programme du Parti ouvrier allemand, in Critique des Programmes de Gotha et d'Erfurt, Paris, Éd. Sociales, 1950, p. 28.

[6]. Lénine, "Ce que sont les “Amis du Peuple” et comment ils luttent contre la social-démocratie" (1894), Oeuvres, t. I, Paris-Moscou, p. 322, note: "Le travail pratique de propagande et d'agitation passe nécessairement toujours avant, en premier lieu, parce que le travail théorique ne fournit la réponse qu'aux questions posées par le travail pratique. En second lieu, les sociaux-démocrates sont trop souvent obligés de se borner au seul travail théorique, en vertu de raisons indépendantes de leur volonté, pour ne pas apprécier hautement chaque instant où le travail pratique est possible." C'est dans le même texte que Lénine rappelle la formule du dirigeant allemand Wilhelm Liebknecht: Étudier, Faire de la propagande, Organiser [Agitieren, organisieren, studieren]. Dans Que faire?, en 1902, il aura cette formule: "Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire." (Oeuvres, t. V, p. 376.) Entre les deux écueils, l'engouement pour la théorie et le désintérêt pour la théorie, le praticisme, ce n'est pas une question de choix, mais d'infléchissement selon la nécessité.

[7]. Voir Annexe I .

[8]. S'il est évident que l'un des apports essentiels de Lénine sur la question paysanne et la différenciation de la paysannerie n'a plus le même sens aujourd'hui dans les pays capitalistes avancés où la paysannerie s'amenuise, est en voie de quasi disparition, il est tout aussi évident que pour de nombreux pays les analyses de Lénine sont toujours justifiées et peuvent servir de base pour l'action.

[9]. Cité par Georges Marchais dans son Rapport au XXIIIe Congrès du Parti Communiste Français, Cahiers du Communisme, n° 6‑7, juin-juillet 1979, p. 48.

[10]. Voir notre texte Sainte Europe blanche, nombril du monde, supplément au Bulletin International, n° 75, 1984. Comme l'écrivait Lénine: "Les temps sont à jamais révolus où la cause de la démocratie et celle du socialisme étaient liées uniquement à l'Europe."

[11]. Lénine, Oeuvres, t. V, p. 523, Paris-Moscou.

[12]. Une des questions qui se posent à nous, dans le contexte d'internationalisation et de mondialisation, est de savoir si la théorie de Lénine sur le "maillon faible" de la chaîne capitaliste doit être encore à la base de nos analyses et de notre tactique.

[13]. C'est à la mort de Lénine en 1924, que la IIIe Internationale, sur la proposition de Zinoviev, adopta cette formulation de "marxisme-léninisme". Pour notre part, si elle est devenue opérationnelle depuis les années 50, nous considérons qu'elle définit mal les rôles respectifs de Marx, Engels et Lénine: la continuité de Lénine par rapport à Marx et Engels, et les apports théoriques particuliers qu'il a apporté à l'œuvre de ses prédécesseurs. De fait, aujourd'hui, ce que l'on appelle marxisme-léninisme n'est parfois qu'un "drapeau", l'opposition à certaines thèses révisionnistes (pas forcément à toutes), parce que le contenu même du marxisme-léninisme n'est pas entièrement et clairement défini.

[14]. Pour nous, ces "principes" sont les éléments constitutifs d'une doctrine. Ne parler que de "principes" permet de rejeter celui-là, un autre, sans tenir compte de la liaison qui existe entre eux: c'est la voie ouverte vers le révisionnisme.

[15]. Pour les tentatives antérieures à la rupture officielle entre le PTA et le PCC voir Sur quelques provocations internationales (1971‑1978), Paris, avril 1978, Librairie Internationale (Document I, supplément au Bulletin International, n° 4, avril 1978). Pour la période ultérieure de nombreux textes ont été publiés également dans le Bulletin International. Lors de la rupture entre l'Albanie et la Chine les Éditions NBE (Nouveau Bureau d'Édition) ont publié des textes issus de certaines de ces Rencontres internationales, etc. Dans le cadre de la mise en avant des positions du PTA et de son principal dirigeant Enver Hoxha, le NBE a publié, traduit de l'albanais, plusieurs livres dont le Rapport d'Enver Hoxha au VIIe Congrès du Parti du Travail d'Albanie.

[16]. Sur la disparition du concept de "camp socialiste" voir XXe Congrès du PCUS, 1956. Il y aura coexistence entre "système socialiste" et "camp socialiste" encore pour un temps. Et le "camp" disparaîtra dans la perspective de la coexistence pacifique telle que l'entendait Khrouchtchev.

[17]. Contre Ramiz Alia, voir la campagne menée par le Parti de Nouvelle-Zélande dans sa presse, et le dossier intitulé: Albania's slide into Capitalism, statement by the Central Committee Communist Party of New Zealand. Ce dossier de 239 pages est prolongé en annexes constituées de nombreux extraits de textes d'Enver Hoxha.

[18]. Sur la critique de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 et de la Constitution de 1793, voir K. Marx, La Question juive, réimpression Bulletin International, n° 60‑63, 1982‑1983, p. 76 sqq.

[19]. Le concept de "résistance" en France lors de la Deuxième Guerre mondiale soulève par exemple des interrogations politiques, opposé aux luttes de libération nationale engagées par certains Partis Communistes, comme celui d'Albanie.

[20]. Le refus du politique, d'une direction politique ne sont que la perpétuation, au goût du jour, de vieilles thèses sur la spontanéité des masses, l'articulation des luttes, etc. Dans un prochain numéro, le Bulletin International consacrera une étude à Rosa Luxemburg et à l'utilisation de ses thèses.

[21]. Dans un livre en langue anglaise (1962), sont publiés à la fois le texte de Mao Zedong sur la Guerre de guérilla et le Manuel de Che Guevara assortis de commentaires rédigés par des officiers supérieurs du corps américain des Marines. Il faut rappeler que c'est en mai 1961 que le président Kennedy, devant le Congrès américain, a donné l'impulsion décisive à la lutte anti-guérilla au niveau mondial.

[22]. Nous n'avons jamais repris à notre compte ce concept de "Tiers Monde" dont, en France, on attribue la paternité à Alfred Sauvy, économiste de droite. Cela revient à mettre sur le même plan des pays qui en sont à des phases de développement économique extrêmement différentes, sans parler de leurs régimes politiques.

[23]. Voir le Discours complémentaire de Chou En‑laï à la séance plénière de la Conférence Afro-Asiatique de Bandung, 19 avril 1955, Bulletin International, n° 11, novembre 1978.

[24]. Jusqu'à et y compris l'URSS de Brejnev en 1965‑1966.

[25]. Voir 1977‑1978.

[26]. Mao Zedong, La Démocratie nouvelle, Oeuvres choisies, t. II, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1967, p. 371. Dans L'internationalisme et le nationalisme, de Liou Chao‑chi (Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1951), on trouve cette étrange définition des "deux camps antagonistes" entre lesquels le monde est divisé: "D'un côté, le camp impérialiste qui comprend les impérialistes américains et leurs laquais ‑ les réactionnaires de tous les pays; de l'autre, le camp anti-impérialiste mondial qui comprend l'Union Soviétique, les Démocraties Populaires d'Europe Orientale, les mouvements de libération nationale en Chine, en Asie du Sud-Est et en Grèce, ainsi que les forces démocratiques populaires de tous les pays du monde. [..]. Ces deux camps embrassent en totalité les nations, les pays, les classes et couches sociales, les partis et groupes politiques du monde."

[27]. Ces derniers ont le soutien de Ludo Martens.

[28]. J. Staline, Le marxisme et la question nationale et coloniale, Paris, Éd. Sociales, 1949, p. 181. Extrait des Principes du léninisme, 1924.

[29]. Nous devrions, quant à nous, poser la question autrement. Lénine avait mis en évidence les survivances du capitalisme lors de la construction du socialisme. Qu'en est-il des survivances de la dictature du prolétariat, d'un socialisme même dévoyé, lors du passage de ces pays dans le marché mondial capitaliste?

[30]. Ludo Martens dans son intervention introductive au Séminaire de Bruxelles (2 mai 1996) cite en exemple l'intervention de Kurt Gossweiler au Séminaire de 1993 sur la lutte "conséquente" des marxistes-léninistes au sein du SED (RDA) depuis 1957, sous Ulbricht, "contre la ligne de Khrouchtchev". L'intégralité de ce document devrait bien entendu bénéficier de la plus large diffusion.

[31]. Il serait bien entendu idéaliste de croire que le révisionnisme est né en URSS d'un coup de baguette magique, justement en 1956. La mort de Staline a permis la cristallisation de phénomènes qui existaient déjà et dont Khrouchtchev n'a été que le porte-parole. Il y avait une base de classe pour un révisionnisme ouvert comme en témoignent certaines mises en garde faites au XIXe Congrès du PCUS en 1952, sans parler de la lutte de Jdanov dans l'immédiat après-guerre.

[32]. Voir Lettre du CC du le Parti du Travail d'Albanie et du gouvernement albanais au CC du Parti communiste chinois et au gouvernement chinois (29 juillet 1978), supplément au Bulletin International, n  7‑8, Paris, 1978. La lutte idéologique a commencé avant la rupture. Voir Théorie et pratique de la Révolution (Éditorial de Zëri i Popullit, organe du CC du PTA, Tirana, 7 juillet 1977), Paris, Nouveau Bureau d'Édition, 1977. Il s'agit d'une réfutation de la "théorie des trois mondes".

[33] La Déclaration a été publiée dans le Bulletin de Coordination Communiste, n° 10, décembre 1993. On trouvera ‑ entre autres documents importants ‑ la liste des 71 premiers signataires dans Alliance (Marxist-Leninist), North America, number 19, April 1996. La liste des 197 a été publiée dans le Dossier n° 2 du Bulletin d'Information Presse (BIP).

[34]. Dans son Rapport au XXIIIe Congrès du Parti Communiste Français (1979), Georges Marchais est encore plus "maoïste" quand il écrit que "le socialisme naît et grandit nécessairement comme une réponse concrète aux besoins concrets de chaque pays" (Cahiers du Communisme, n  6‑7, juin‑juillet 1979, p. 48). On connaît en traduction française deux versions du Petit Livre Rouge des citations de Mao Zedong. Dans la première: "les masses aspirent au socialisme". Dans la deuxième: "les masses peuvent aspirer au socialisme".

[35]. Le terme de maoïste n'est pas une invention occidentale ou khrouchtchévienne. On le trouve dans un article écrit par un membre du Parti Communiste Chinois en 1942.

[36]. F. Engels, Lettre à A. Bebel, 6 novembre 1892.

[37]. Publié dans Unité et Lutte, Organe de la Conférence Internationale de Partis et Organisations Marxistes-Léninistes, n° 1, 1995. Ed. Française, Paris. "Unité et Lutte est aussi le résultat du processus d'unité que les partis marxistes-léninistes ont décidé de relancer et de renforcer, elle est un instrument pour approfondir cette unité sur la base de l'internationalisme prolétarien." On retrouve en effet parmi les 15 signataires (pour la France le PCOF) nombre de partis qui s'étaient réunis dans la revue Théorie et Pratique, dont le n° 1 avait été publié en janvier 1983 et dont l'objet était la création d'une nouvelle Internationale.

[38]Revolutionary Democracy, Vol. II, n° 1, "Report on the International Seminar on the Nationality Question" (Delhi, février 1995). [Revolutionary Democracy, 5‑B, Sudhir Bose Marg, University Enclave, Delhi 110007 ‑ Inde.] Le compte rendu signale la présence du Revolutionary Communist Party (USA.), du Front National Démocratique de Philippines, du Parti Communiste du Népal (maoïste) à ce Séminaire organisé par The All-India People's Resistance Forum "inspiré par le Parti Communiste Chinois et Mao Zedong". Cette revue a également publié l'Appel de Quito.

[39]. Voir Solidaire, n° 25, 21 juin 1995, organe hebdomadaire du PTB. Il y a un certain nombre de différences entre ce texte et le projet présenté antérieurement par Ludo Martens.

[40]. Seule référence à cette rencontre, le Figaro de novembre 1995, qui signale la présence du Cercle français Henri Barbusse.

[41]. Voir Upon Unity and Ideology ‑ An open Letter to comrade Ludo Martens, Great Britain, March 1996. Les signataires en sont: Alliance Marxist-Leninist (North America), Communist League (Britain), Marksist-Leninist Komunist Parti (Turkey).

[42]. Cette Conférence internationale, organisée par The International Centre for Development of the Contemporary Communist Doctrine et l'International Committee For the Restoration of the Soviet Union, avait pour thème "L'analyse de classe dans le mouvement communiste moderne". La Résolution adoptée par cette Conférence, que nous publierons dans le prochain numéro du Bulletin International, a été approuvée par le groupe de partis et d'organisations soutenant l'Appel de Quito.

[43]. Intervention de conclusion au Séminaire de mai 1996 (Lettre circulaire).

[44]. Cf. Upon Unity and Ideology. De fait il s'agit d'empêcher tout débat contradictoire au nom de la "politesse" et du "respect mutuel". Le mot d'ordre est de ne pas provoquer d'affrontements: l'unité avant tout! Le Mouvement Communiste International ne nous avait pas habitués à de telles précautions oratoires! Il faudrait retrouver le sens de la polémique. Ludo Martens, pour ne citer que lui, ne s'en prive d'ailleurs pas ‑ du moins contre les morts ‑, même si c'est à contre-sens.

[45]Lettre d'explication sur la "Proposition d'unification du mouvement communiste international".

[46]. Lénine, Que faire?, in Oeuvres, t. V, Paris-Moscou, p. 451. Dans cette mesure il est bien entendu incongru de reprocher au Parti Communiste Français d'avoir abandonné la nécessité du parti unique (1959), d'avoir abandonné le principe marxiste-léniniste de la dictature du prolétariat (1976) ou celui du centralisme démocratique en 1994.

[47]. Ludo Martens, Lettre circulaire du 6 juin 1996.

[48]Études Marxistes, revue du Parti du Travail de Belgique, mars 1996, p. 73.

[49]Lettre circulaire de Ludo Martens du 6 juin 1996.

[50]. Par exemple en ce qui concerne la fameuse théorie maoïste des "trois mondes". Elle n'a pas été "inventée" par Deng Xiaoping, mais court comme un fil noir depuis la fin des années 40. Dans le Bulletin International (première série) Louis May en avait fait la Chronologie sommaire. On peut également consulter un article de la rédaction du Renmin Ribao du 1er novembre 1977 intitulé: "La théorie du Président Mao sur la division en trois mondes, importante contribution au Marxisme-Léninisme", traduit dans les Cahiers de la Chine nouvelle, supplément au n° 2775, du 2 novembre 1977. Il est d'autre part singulier, à propos de Khrouchtchev, de ne parler que de l'influence des idées de Tito et de ne pas faire mention du véritable théoricien du révisionnisme moderne, le dirigeant américain Earl Browder. Voir par exemple Leçons chinoises pour marxistes américains, une conférence de Browder prononcée en janvier 1949 (Documents IX, supplément au Bulletin International, n° 32, août 1980).

[51]. Mao Zedong, "De la juste solution des contradictions au sein du peuple", Oeuvres choisies, t. V, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1977, p. 417 sqq. France nouvelle, organe hebdomadaire du Parti Communiste Français, commentera ce texte sous le titre: "Mao Zedong, principal théoricien du monde communiste." (24 avril 1957)

[52]. Ludo Martens avec la collaboration de Nadine Rosa-Rosso, Le parti de la révolution, Bruxelles, Éd. PTB, 1996, p. 16 de l'Introduction de Ludo Martens. Au VIIe Congrès du PTA, en novembre 1976, par provocation, Jacques Jurquet, alors dirigeant du P.C.M.L.F., avait proposé de rajouter "Enver Hoxha" à la référence Marx-Engels-Lénine-Staline. Cette suggestion faite au PTA fut vertement repoussée! À son énumération, il arrive à Ludo Martens de rajouter Kim il Sung: voir Solidaire, n° 30, 7 août 1996, p. 15: "Lettre à Kim Jong Il".

[53]. Ludo Martens, "Sur quelques aspects de la lutte contre le révisionnisme", Études Marxistes, n° 29, mars 1996, p. 73. Il ne s'agit pas seulement d'un guide idéologique, cela va de soi. "Le Parti proclame depuis toujours qu'il base son activité pratique [souligné par nous] sur les oeuvres de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong." (Le Parti de la révolution, op. cit., p. 16.)

[54]. Interview à Paris-Match (8 septembre 1978). Dans Le Parti de la révolution, op. cit., Ludo Martens (avec la collaboration de Nadine Rosa-Rosso) distingue grands classiques et "petits" classiques. Une des références du Parti du Travail de Belgique est ainsi Han Suyin, notamment pour sa "biographie" de Mao Zedong, Le Déluge du matin (Paris, Stock, 1972).

Han Suyin n'est pas communiste, elle se qualifie plutôt de "thomiste" dans la même interview, où elle déclare: "H.S.: Toute sa vie Mao Zedong a été à droite. P.-M.: Tiens! Tout à l'heure vous me disiez qu'il était au centre... H.S.: Je veux dire qu'on l'a toujours accusé d'être à droite, d'avoir l'esprit “paysan de droite”. Parce que les gens qui ont tenté de le renverser étaient tous des gauchistes, à une ou deux exceptions près [sic]."

[55]. Cité in Hélène Carrère d'Encausse et Stuart Schram, Le marxisme et l'Asie: 1853‑1964, Paris, Éd. Armand Colin, 1970, pp. 362 et 363. [Traduit de l'édition en langue chinoise.] Le Bulletin International a consacré un numéro spécial (n°  32, août 1980) composé de documents chinois sur l'évolution notamment du rôle imparti à la "pensée de Mao Zedong", où l'on trouve des extraits de ce texte, mais traduits de l'édition en langue anglaise de Pékin (Liu Shao-chi, On the Party, Peking, Foreign Languages Press, 1950).

[56]. La même réaction anti-européenne s'est retrouvée en Afrique où certains partis rejetaient également Marx et Lénine en tant qu'Européens.

[57]. Cité par Stuart Schram, Mao Zedong, p. 131, Paris, Éd. Armand Colin, 1972. Extrait de Anna Louise Strong, "The thought of Mao Zedong", Amerasia, 6, juin 1947, p. 161. Dans des textes ultérieurs on parle de "l'intégration de la théorie marxiste-léniniste à la pratique de la révolution chinoise" (Hou Kiao‑mou, Les Trente années du Parti Communiste Chinois, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1952, p. 107).

[58]. Beijing, Éditions en Langues Étrangères, 1981, pp. 64 et 65. Voir également Beijing Information, n° 47, du 26 novembre 1979: "Pour une approche correcte du marxisme".

[59]. Stuart Schram, op. cit., p. 132. [Traduit du chinois]. Ce qui revient à dire que le marxisme, le léninisme, n'ont pas de portée universelle, que l'œuvre de Marx, d'Engels, de Lénine est géographiquement contingente. Dans les éditions ultérieures de ce texte il y a des aménagements notables quant à cette position initiale. L'expression "sinisation du marxisme" a été supprimée. Voir: Mao Zedong, Oeuvres choisies, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1967, pp. 225‑226.

[60]. Lénine, Oeuvres, t. XXX, Paris-Moscou, pp. 159‑160.

[61]. "Communiqué de la IIe session plénière du Comité Central issu du VIIIe Congrès du PCC", Pékin Information, n° 34, du 22 août 1966, p. 8.

[62]Avançons dans la voie ouverte par la Révolution Socialiste d'Octobre ‑ À l'occasion du 50e Anniversaire de la Grande Révolution Socialiste d'Octobre, par les bureaux de rédaction du Renmin Ribao, du Hongqi et du Jiefangjun Bao, 6 novembre 1967. Publié avec un discours de Lin Piao, dans une brochure, sous le même titre, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1967, p. 26. Plus loin on peut lire: "Au début du XXe siècle, la Russie devint le centre de la révolution et le léninisme fit son apparition. Plus tard, le centre de la révolution mondiale s'est déplacé graduellement vers la Chine et la pensée de Mao Zedong fit son apparition. Grâce à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, la Chine, le centre de la révolution mondiale, s'est davantage consolidée et renforcée." (p. 28.)

[63]. Dans la Lettre ouverte à Ludo Martens (Upon Unity and Ideology, op. cit., p. 9‑114, c'est ce texte qui est également mis en cause.

[64]. La publication de ce Rapport de Ludo Martens dans la revue du Parti du Travail de Belgique, Études Marxistes, en mars 1996 ("Sur quelques aspects de la lutte contre le révisionnisme") autorise en effet à le considérer comme représentant les positions du parti belge, et sa ligne de conduite internationale.

[65]. Ludo Martens, Pour un cadre minimal commun qui permet de réunir tous les partis marxistes-léninistes, 2 mai 1996. Lettre circulaire, 7 p. Il s'agit du discours d'introduction au Séminaire de Bruxelles.

[66]. Ludo Martens, Rapport, op. cit., p. 67. Ludo Martens reprend à son compte les pires exagérations de la période de la Révolution Culturelle. On peut signaler à titre d'exemple la brochure intitulée La lumière de la pensée de Mao Zedong éclaire le monde entier, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1966.

[67]. Lénine l'avait souligné en 1916 dans L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme.

[68]. Ludo Martens, Rapport, op. cit., p. 73.

[69]Débat sur la ligne générale du mouvement communiste international, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1965. Réédition en fac-similé, Paris, Éd. Eugène Varlin, 1977.

[70]. Ludo Martens, Rapport, op. cit., p. 70. Le PTB, défenseur de Staline, reprend-il à son compte la totalité de l'article du 13 septembre 1963 contenu dans ce recueil, "Sur la question de Staline"?

[71]. Il ne faut certes pas oublier l'article chinois Vive le léninisme! de 1960, texte de référence pour les maoïstes (Hongqi, 16 avril 1960 ‑ publié en brochure par les Éditions en Langues Étrangères, Pékin, 1960, et dans les Notes et Études documentaires de la Documentation Française, n° 3014). Mais il ne faut pas oublier non plus que ce texte est postérieur aux premières attaques de Khrouchtchev contre le PCC. De fait, le Parti Communiste Chinois a tardé dans sa dénonciation de Khrouchtchev, même s'il a pu critiquer Tito et la LCY. ‑ comme Khrouchtchev ‑ en 1958 dans une série d'articles publiés en français sous le titre En réfutation du révisionnisme contemporain, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1958. L'opposition de Pékin à Belgrade: le mouvement des non-alignés, mis en avant par Tito, qui contredisait les projets chinois issus de Bandung. Puis rapprochement dans le cadre de la lutte contre le PCUS et l'Union Soviétique. Le PCC ira jusqu'à la tentative de mettre sur pied une alliance militaire entre la Yougoslavie de Tito, la Roumanie de Ceaucescu et l'Albanie socialiste!

[72]. Voir Enver Hoxha, La Grande Divergence (1960), NBE, Paris, 1976; Les communistes albanais contre le révisionnisme ‑ De Tito à Khrouchtchev (1942‑1961), Textes et documents choisis et présentés par Patrick Kessel, Paris, UGE‑10/18, 1974.

[73]Neues Deutschland, 20 décembre 1960. Rapport de W. Ulbricht dénonçant le "dogmatisme" et le "sectarisme" d'Enver Hoxha. Il serait bien étonnant que ce texte n'ait pas été publié avec l'accord de Moscou, sinon avec sa recommandation!

[74]Débat sur la ligne générale..., op. cit., p. 455.

[75]. Déclaration de Mao Zedong du 11 mai 1964. Dans l'édition en langue française de Léninisme ou social-impérialisme?, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1970, p. 15.

[76]Renmin Ribao et Hongqi, 14 juin 1965, reproduit en partie dans Bulletin International, n° 2, décembre 1977.

[77]. Ludo Martens, Rapport, op. cit., p. 71. Mao Zedong, Oeuvres choisies, t. V, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, p. 560. Il s'agit du texte intitulé: "La méthode dialectique pour assurer l'unité du Parti". Signalé comme "extraits" de l'intervention de Mao Zedong à la Conférence de Moscou (novembre 1957), il s'agit de toute évidence d'un texte remanié, comme son titre l'indique, à usage du PCC.

[78]. Voilà la citation exacte dans son contexte: "Prenons un exemple: en ce moment même, ne sommes-nous pas douze pays à négocier? Plus de soixante partis ne sont-ils pas en train de le faire? En effet, les discussions sont en cours. Cela signifie qu'à la condition de ne pas porter atteinte aux principes du marxisme-léninisme, on peut admettre quelques-unes des opinions acceptables des autres et renoncer à certaines vues susceptibles d'être abandonnées. On pourra ainsi utiliser les deux mains à l'égard d'un camarade fautif: avec l'une, on luttera contre lui, avec l'autre, on fera l'unité avec lui. Le but de cette lutte, c'est de maintenir les principes du marxisme, ce qui signifie fermeté sur les principes; c'est là un aspect du problème. L'autre aspect, c'est de faire l'unité avec lui. L'unité a pour but de lui offrir une issue, de réaliser un compromis avec lui; c'est ce qu'on appelle souplesse. L'union entre principes et souplesse est un principe marxiste-léniniste, elle constitue une unité des contraires." (Idem, pp. 559-560.)

[79]. Voir Du "Parti de Thorez" à la "Pensée de Mao", Paris, NBE, 1980, pp. 18‑51.

[80]. On fait référence ici au débat qui eut lieu en Chine et qui opposa les partisans de la conception "Deux fusionnent en un" à ceux qui défendaient la conception "Un se divise en deux", qui est la conception matérialiste dialectique. Le principal représentant de la première conception, Yang Hsien‑chen, fut relevé de ses fonctions en 1964.

[81]. En 1960 un débat opposa deux philosophes du Parti communiste chinois sur cette question du rapport entre unité et antagonisme. Cf. Yeng Li, Relative unity and absolute antagonism constitute dialectical unity, New Construction, n° 7, Pékin, 7 juillet 1960, en réponse à Hsuech Cing (New Contruction, numéro de juin) qui refusait la possibilité d'une unité dialectique entre unité relative et antagonisme absolu. On notera la conception de relative concernant l'unité. (Archives CEMOPI). Si Mao Zedong déclare que "la loi de l'unité des contraires est la loi fondamentale de l'univers", c'est pour ajouter, recopiant à juste titre Lénine, que "l'unité des contraires est conditionnée, passagère, transitoire et, pour cette raison, relative, alors que la lutte des contraires est absolue" (cité dans Pékin Information, n° 5, du 5 février 1968.)

[82]. Lénine, Oeuvres, t. XXXVIII, Paris-Moscou, p. 107.

[83]. Lénine, "Sur la question de la dialectique" (1915), idem, pp. 343‑344.

[84]. K. Marx et Fr. Engels, La Sainte Famille (1845), extrait du Chapitre IV, partie IV, "Proudhon", rédigée par Marx, Paris, Éd. Sociales, 1972, pp. 46‑47. Passage cité par Lénine dans son "Résumé de La Sainte Famille" (1895), Oeuvres, t. XXXVIII, Paris-Moscou, 1971, p. 23.

[85]. Ludo Martens, Rapport, op. cit., pp. 73‑74.

[86]. Le révisionniste Paul Noirot, ex‑PCF, pouvait écrire: "Ce qu'une partie de la gauche révolutionnaire a dégagé, ou voulu dégager, de l'expérience chinoise, c'est un autre modèle de développement que le modèle soviétique, une autre philosophie, en bref la possibilité peut-être de sortir des impasses dans lesquelles le stalinisme et le mouvement communiste lié à Moscou en général, ont entraîné le socialisme dans le monde." (Politique hebdo, n° 175, 22 mai 1975.)

[87]. Voir article publié dans Chine nouvelle du 2 janvier 1966 après la victoire de De Gaulle aux élections présidentielles. Article reproduit par BIML, n° 16 de janvier 1966, du groupe Beaulieu que soutenait Grippa et qui avait appelé à voter de Gaulle. La "théorie" des zones intermédiaires (Pékin Information, 27 janvier 1964) avait déjà donné lieu à des positions divagantes: voir CED 7, juin-juillet 1964 où l'on préconisait un Front uni contre l'impérialisme y compris avec les révisionnistes. Cf. Waldeck Rochet au XVIIe Congrès du PCF, l'Humanité du 15 mai 1964. Cf. Louo Jouei King, Hongqi, n° 5, 10 mai 1965. Plus généralement: Patrick Kessel, Le mouvement "maoïste" en France, 2 vol., Paris, UGE-10/18, 1972‑1978.

[88]. Dans ses "Cahiers de l'impérialisme", préparation à son livre, Lénine fait une liste, "approximativement", de thèmes. On n'en relève ici que quelques-uns: Le capital financier ‑ Les banques ‑ Les cartels et les trusts ‑ Le monopole ‑ La concentration et la grosse production ‑ L'exportation du capital ‑ Les colonies. Leur importance ‑ Histoire des colonies ‑ Le partage du monde ‑ Ultra-impérialisme ou interimpérialisme ‑ Le parasitisme dans les pays impérialistes... ("pourrissement") ("État rentier") ‑ Scission définitive du mouvement ouvrier... ("impérialisme et opportunisme") ‑ La question nationale à l'époque de l'impérialisme. (Lénine, Oeuvres, t. XXXIX, Paris-Moscou, pp. 205‑206).

[89]. Ludo Martens, Le Parti de la révolution, op. cit., p. 101.

[90]. In J. Staline, Les Questions du léninisme, t. 1, Paris, Éd. Sociales, 1946, p. 83‑84.

[91]. "Plus-value" dans l'édition de 1924 de Staline, Le Léninisme théorique et pratique, Paris, Librairie de L'Humanité, 1924, p. 94. Ce texte a été connu par la suite sous le titre Des principes du léninisme. Surprofit et plus-value ne sont pas synonymes. Le PCF s'était engagé à retraduire une partie de l'œuvre de Marx, notamment Le Capital, en opérant cette substitution. L'objet de cette révision était de noyer le prolétariat et la classe ouvrière dans la masse des travailleurs, sinon des salariés.

[92]. Lénine, Oeuvres, t. XXII, Paris-Moscou, p. 210. Préface aux éditions française et allemande de L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme, 6 juillet 1920.

[93]. Mao Zedong, "Rôle du Parti Communiste Chinois dans la guerre nationale", Oeuvres choisies, t. II, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1967, p. 221.

[94]. Mao Zedong, Oeuvres choisies, t. IV, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1962, pp. 379‑400.

[95]Pékin Information, n° 48 du 2 décembre 1968. Éditorial du Renmin Ribao, du Hongqi et du Jiefangjun Bao.

[96]Peking, Foreign Languages Press, 1973, Version abrégée des articles publiés en chinois.

[97]Idem, p. 1.

[98]. Ndreci Plasari, membre du CC du PTA, Albanie Aujourd'hui, n° 1, 1978.

[99]. Ludo Martens, Rapport, op. cit., p. 72.

[100]. Par "corpus bigarré" on entend ici les références implicites ou non à Rosa Luxemburg, Trotsky, Gramsci, etc., en même temps qu'à Marx et Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong et pour certains Fidel Castro, Kim Il Sung, etc. Ludo Martens parle de ceux qui se revendiquent de "la pensée d'Enver Hoxha". C'est une stupidité. Ce que nous revendiquons c'est le marxisme-léninisme, tel qu'il a été défendu, développé, par tel ou tel individu. Là où il était historiquement placé, Enver Hoxha a joué ce rôle.

[101]. Enver Hoxha en cite deux: 1. "celle du marxisme-léninisme comme développement créateur, comme pensée hostile à tout dogmatisme"; 2. celle "selon laquelle le marxisme doit être appliqué de façon créatrice en fonction des conditions particulières de chaque pays". (Rapport au Plénum du CC du PTA, 12 février 1957.) In Patrick Kessel, Les communistes albanais contre le révisionnisme, op. cit., p. 190.

[102]Résolution sur le rapport d'activité du CE de l'IC: "[...] le VIIe Congrès mondial de l'IC demande au Comité exécutif de l'IC: a) De transporter le principal poids de son activité vers l'élaboration des directives et tactiques générales du mouvement ouvrier international, de partir, en vue de la solution de toutes les questions, des conditions et particularités concrètes de chaque pays, et, d'une façon générale, d'éviter d'intervenir directement dans les affaires d'organisation intérieure des partis communistes. [...]" (Résolutions du VIIe Congrès de l'Internationale communiste, Republié in Bibliothèque de la IIIe Internationale, n° 1, Librairie Internationale, Paris, 1982, p. 1).

[321ignition: cf. la résolution .]

[103]. Rapport au CC du 26 mai 1943, Études et Documents marxistes-léninistes, n° 3, Paris, juin 1980.

[104]Résolution sur le rapport du camarade Dimitrov, in Résolutions du VIIe Congrès..., op. cit., p. 18.

[321ignition: cf. la résolution .]

[105]Idem, p. 17.

[321ignition: cf. la résolution .]

[106]. C'est le sens d'un important article de Shyqri Bailvora publié dans l'édition française des Études politiques et sociales, n° 1, Tirana, 1984, pp. 125‑163.

[107]. Mao Zedong, "De la dictature démocratique populaire", Oeuvres, t. IV, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1969, p. 436. Publié en français en 1949.

[108]. En France le PCF a rejeté le "parti unique" à son XVe Congrès (1959): "La renaissance démocratique et nationale de la France, tout comme la marche vers le socialisme ne peut être l'œuvre d'un seul parti: elles exigent une alliance loyale et durable entre la classe ouvrière, la paysannerie laborieuse, les intellectuels, les classes moyennes des villes. Elles supposent l'alliance entre le Parti Communiste et les autres partis démocratiques." (Cahiers du Communisme, n° spécial, juillet‑août 1959, p. 535 ‑ Thèse n°  24.) Il est vrai que Maurice Thorez déclarait alors que la Constitution de la Ve République était légitime.

[109]. Ludo Martens, Rapport, op. cit., p. 69.

[110]. Ludo Martens, Pour un cadre minimal commun qui permet de réunir tous les partis marxistes-léninistes, 2 mai 1996. Lettre circulaire.

[111]. J. Staline, "À propos de quelques problèmes de l'histoire du bolchévisme", Les Questions du léninisme, t. II, Paris, Éd. Sociales, 1947, p. 60 sqq..

[112]. Rapport d'activité du Comité central du Parti du Travail d'Albanie présenté au Ve Congrès du PTA (1er novembre 1966), Tirana, 1967, p. 247.

[113]. Fr. Engels, Lettre à Conrad Schmidt, 20 octobre 1890.

[114]. Ludo Martens, De Tien An Men à Timisoara, Bruxelles, Éd. PTB, 1994.

[115]. Comme base de sa réfutation, Ludo Martens se réfère exclusivement aux extraits du Journal Politique d'Enver Hoxha réunis en deux volumes sous le titre Réflexions sur la Chine, 2 vol, Tirana., Éd. "8 Nëntori", 1979.

[116]. Ludo Martens, op. cit., p. 202.

[117]. Enver Hoxha, Réflexions sur la Chine, op. cit., t. I, p. 593 et p. 599. Voir le Communiqué conjoint sino-américain (28 février 1972), Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1972 (2e tirage 1974).

[118]. Démonstration très facile à effectuer comme le prouvent les études et chronologies publiées par le Bulletin International en 1977 et 1978.

[119]. En français, Tirana, Éditions "Naïm Frashëri", 1971. Ce n'est pas Enver Hoxha qui signe l'ouvrage, mais l'Institut des Études Marxistes-Léninistes près le C.C. du PTA.

[120]. Éditions "8 Nëntori", Tirana, 1982. Institut des Études Marxistes-Léninistes près le C.C. du PTA.

[121]. Ludo Martens, Rapport, op. cit., p. 71.

[122]Pour un cadre minimal commun qui permet de réunir tous les partis marxistes-léninistes, 2 mai 1996.

[123]. On ne parlera pas ici du PC de Cuba et de sa curieuse histoire en tant que "parti communiste", ni de la situation actuelle à Cuba. Fidel Castro dans une interview au Guardian (30 mai 1992) considère que le Pacte Germano-Soviétique de 1939 a été une erreur, etc. Cf. Upon Unity and Ideology, op. cit., p. 138.

[124]. Raul Marco, "Contre l'éclectisme", Unité et Lutte, n° 2, septembre 1995, p. 33.

[125]. L´"affaire" Mehmet Shehu (1981‑1982) a provoqué de fortes tensions entre certains partis européens, dont le PCE(m-l), et le Parti du Travail d'Albanie, tensions qui prenaient allure de scission. Le Bulletin International intervenait à l'époque, de sa propre initiative, pour dénoncer le complot ourdi contre la direction du Parti du Travail d'Albanie et mettre en cause justement les positions du PCE(m‑l) de Raul Marco et du PCOF. (n° 59, novembre 1982, 64‑67, avril-juillet 1993). Ces derniers défendaient, plus ou moins ouvertement, Mehmet Shehu, dénoncé comme traître par le PTA.

[126]Le cercle Henri Barbusse de Culture Ouvrière et Populaire: Pour la reconstruction des partis marxistes-léninistes et l'unification du mouvement communiste international ‑ Intervention au Séminaire International du Parti du Travail de Belgique, du 2 au 4 mai 1995. On ne sait pas si cette intervention a été prononcée ou s'il ne s'agit que d'une intervention écrite, si elle a été diffusée ou non à Bruxelles.

[127]. C'est effectivement le cas, puisqu'un texte du Cercle a été publié dans Études Marxistes d'octobre 1996.

[128]. Avec naïveté, dans le texte de son intervention de 1995 à Bruxelles, le Cercle Henri Barbusse fait référence, pour une citation, au n° 15 (juillet 1980) de Lignes de Démarcation qui, dans le même numéro, commence la publication du livre hagiographique d'Henri Barbusse sur Staline. C'est bien reconnaître le corpus "théorique" sur lequel il s'appuie aujourd'hui.

[129]. Le numéro 1 de Correspondance Internationale est paru printemps-été 1980. Une autre initiative peut être évoquée dans ces années, celle du groupe canadien En Lutte! Sur l'UB du Canada voir Bulletin International, n° 45, septembre 1981.

[130]. Ludo Martens, Rapport, op. cit., p. 68.

[131]. Mao Zedong, "De la contradiction", in Oeuvres choisies, t. I, Pékin, Éditions en Langues Étrangères, 1967, pp. 383‑384.

[132]Idem, p. 385. Nicolas Boukharine, Économie de la période de transition, avec les notes de Lénine, Paris, EDI, 1976. Voir p. 82, note 4.

[133]. Mao Zedong, op. cit., p. 385.

[134]Idem, p. 382. Dans une traduction antérieure de ce texte, publiée avant la remise en forme de l'édition de Pékin, 1964, on peut lire: "L'union de l'unité conditionnée et relative avec la lutte inconditionnée et absolue forme le mouvement contradictoire de tous les phénomènes." (Mao Zedong, Oeuvres choisies, t. I, Paris, Éd. Sociales, 1955, p. 404).

[135]. Mao Zedong, Oeuvres choisies, t. I, Pékin, 1967, p. 382. Il y a certaines différences avec la version antérieure de ce texte: "Nous autres, Chinois, nous disons souvent: “Ils sont contraires, mais ils s'engendrent l'un l'autre”. Cela signifie qu'entre des contraires, il existe une unité. Ces paroles contiennent la dialectique; elles battent en brèche la métaphysique. “Sont contraires”, cela signifie que les contraires s'excluent l'un l'autre ou qu'ils luttent l'un contre l'autre; ils “s'engendrent l'un l'autre”, cela signifie que dans des conditions déterminées les contraires sont mutuellement liés et arrivent à l'unité. En outre, à l'intérieur de l'unité se déroule un combat, et sans combat il n'y a pas d'unité." (Op. cit., t. I, Paris Éd. Sociales, 1955, pp. 404‑405.)

[136]. Ludo Martens, Rapport, op. cit., p. 68.

[137]“Ludo Martens, Discours de conclusion au Séminaire International de Bruxelles, mai 1996. Lettre circulaire sous le titre: Quelques conclusions.

[138]“Lénine, "Notes d'un publiciste" (1910), Oeuvres, t. XVI, Paris‑Moscou, p. 221.