Patrick Kessel et le Collectif du Bulletin International

Contribution à la question d'une nouvelle Internationale

ANNEXES





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Bulletin international
Nouvelle série n° 4‑5 (86‑87), premier trimestre 1997
édité par le CEMOPI
(Centre d'étude sur le mouvement ouvrier et paysan international),
France

 

Annexe I

Enver Hoxha
THÈSES SUR L'UNITÉ DU MOUVEMENT MARXISTE-LÉNINISTE INTERNATIONAL
10 octobre 1966[1].

Après la division, il faut l'unité.

La lutte contre le révisionnisme moderne ne peut être menée sans l'unité marxiste-léniniste.

La Ie et la IIIe Internationale.

Il y a deux conceptions de l'unité:

1. L'unité révisionniste (avec ses variantes);

2. L'unité marxiste-léniniste.

Nous devons démasquer la première et consolider la seconde.

Existe-t-il une unité complète de pensée et d'action marxiste-léniniste dans le mouvement marxiste-léniniste international?

Oui, peut-être, mais pas autant ni comme il faut, en raison de la croissance de ce mouvement et du manque d'expérience, en raison des positions isolées de chaque parti marxiste-léniniste ou groupe révolutionnaire, de l'absence d'une identité complète de vues sur beaucoup de questions capitales communes, et aussi à cause de la lutte organisée et combinée que le révisionnisme et l'impérialisme livrent au marxisme-léninisme.

Il est donc indispensable de trouver les formes et les méthodes requises pour surmonter ces obstacles.

Le mouvement communiste international doit être guidé par le marxisme-léninisme, interprété et appliqué correctement dans les conditions générales actuelles et selon les positions particulières de chaque parti ou groupe marxiste-léniniste. Il est donc exigé une analyse de la situation actuelle, mais cette analyse ne peut pas être faite par un seul parti, dont le point de vue servirait de phare aux autres. Il est également nécessaire que les partis et les groupes marxistes-léninistes procèdent entre eux à des consultations dont émergeraient de justes orientations pour la lutte à mener dans les conditions générales ou particulières.

Problèmes fondamentaux qui doivent avoir une définition commune, laquelle cimente l'unité et renforce la lutte contre le révisionnisme moderne:

1. La séparation définitive d'avec les révisionnistes exige une réunion particulière.

2. L'apparition du révisionnisme, ses causes, etc.

3. La question de Staline.

4. L'attitude envers l'Union Soviétique, en premier lieu, et envers les autres pays où les révisionnistes sont au pouvoir.

5. Une attitude mieux étudiée relative à une aide politique, idéologique, ainsi que technique et matérielle, mieux organisée à prêter aux nouveaux partis, aux groupes marxistes-léninistes, à la lutte de libération nationale, aux alliances avec la bourgeoisie progressiste anti-impérialiste; et de nombreux autres problèmes de ce genre d'une grande portée pour notre lutte commune.

Tous ces problèmes et d'autres encore sont connus, et dans l'ensemble on s'attache à les résoudre, mais de manière non coordonnée.

Sur la question de Staline et sur les causes de l'apparition du révisionnisme en Union Soviétique et ailleurs, beaucoup d'appréciations concordent, mais il y en a aussi qui ne concordent pas. Si ces problèmes ne sont pas éclaircis et si l'on n'arrive pas à une appréciation plus ou moins identique, des contradictions peuvent surgir, car des prémisses de contradictions existent, ce qui entrave le renforcement de l'unité.

La stratégie et les tactiques de notre lutte. La première doit être identique pour tous, les tactiques peuvent être différentes, mais elles doivent servir la première et se développer à travers la juste application du marxisme-léninisme.

‑ Pourquoi le Parti Communiste Chinois a-t-il publié ses 25 points[2] et quel est leur sort?

‑ Les tactiques de la République Populaire de Chine et de la République Populaire d'Albanie.

Les tactiques de tous les partis et groupes marxistes-léninistes qui opèrent dans l'opposition ou dans la clandestinité.

a) La question des frontières avec l'Union Soviétique.

b) La question indienne.

c) La question de la Corée et du Japon.

d) La question du Parti Communiste de Pologne (marxiste-léniniste)[3].

e) L'aide à prêter aux groupes marxistes-léninistes.

Le Parti Communiste Chinois se dérobe aux conférences générales.

a) Il a proposé une réunion de nos 9 partis. Lorsque nous avons accepté, il l'a annulée.

b) Il a proposé, sans une réunion préalable, la création d'un "front uni anti-impérialiste incluant les révisionnistes", puis il a reculé.

c) Il tient des réunions bilatérales avec d'autres partis, ce qui est au demeurant admissible, et à l'issue de ce genre de réunions, ces partis publient des déclarations et des articles qui soutiennent tout ce que fait et dit la Chine.

d) Actuellement, toute la préoccupation du Parti Communiste Chinois est que le mouvement communiste marxiste-léniniste reconnaisse que la pensée de Mao Tsé‑toung guide le monde, qu'il accepte le culte de Mao, la Révolution Culturelle Prolétarienne et toute la ligne du Parti Communiste Chinois avec ses mérites et ses erreurs.

Tout cela comporte de grands dangers pour l'unité.

Nous devons avoir une claire vision de tous ces problèmes et ne pas craindre de regarder la vérité en face. Entre nous aussi et les camarades chinois des divergences ont commencé à poindre, en sourdine, intérieurement, mais ces divergences risquent de grossir. Aussi devons-nous agir de façon à ne pas être pris au dépourvu. Cela, nous l'avons fait et nous continuerons de le faire. Mais comment nos deux partis peuvent-ils s'expliquer franchement? Si ces discussions sont menées dans une voie entièrement marxiste, les questions seront réglées. Sinon, elles grossiront; c'est ce qui nous est arrivé avec les Soviétiques et nous n'avons rien résolu. Les questions ont alors été réglées à la Rencontre de Bucarest et à la Conférence de Moscou. Avec les Chinois on ne doit pas en arriver là, mais il se peut aussi que l'on y arrive contre notre gré.

Pas plus qu'on ne peut accepter en bloc les idées d'un parti, on ne peut accepter celles de deux partis. Tous doivent exprimer leur opinion. C'est pourquoi il est important de tenir une réunion commune et d'arrêter des décisions communes. Une telle réunion prendrait également connaissance des formes de travail et d'organisation, elle les étudierait et elle définirait des tâches pour chaque parti en particulier.

La Chine jusqu'à présent s'est dérobée à ce genre de réunion. Pourquoi?

a) Dans la crainte d'être accusée d'hégémonisme, ce qui n'est pas fondé.

b) Dans la crainte que nous, les autres, ne considérions d'un mauvais œil son attitude sur ces réunions. (Pour notre part, nous avons démontré notre internationalisme.)

c) Parce qu'elle ne veut pas avoir de partenaires dans la prise des décisions. Une telle manière de juger et une telle attitude sont nocives.

d) Parce qu'il n'y a pas encore d'unité chez elle. Alors qu'elle nous le dise.

Au vu de tout ce qui précède:

Est-il juste et nécessaire que nous avancions cette idée dans ses grandes lignes à notre Congrès? Je pense que oui. Cela est normal, c'est une des formes de notre lutte.

Personne ne peut contredire cette idée sur le plan des principes, tout au plus peut-on la laisser fondre dans l'eau. Mais, ce sont eux qui se trompent et non pas nous. Dans cette situation, sans la Chine nous ne pouvons tenir de telles réunions. La Chine peut continuer à s'y opposer. Alors elle en portera la responsabilité. Mais, même si elle ne trouve pas cette idée opportune, du moment que nous-mêmes la considérons juste à tous égards, nous devons la lancer. Que la réunion se tienne lorsque les conditions à cette fin auront mûri; quant aux formes d'organisation et autres, qu'elles émergent de la lutte elle-même. Sur cette question nous nous sommes acquittés envers la Chine en la mettant en garde plus d'une fois. C'est elle qui a retardé la mise en œuvre de cette idée.

J'estime que les problèmes que je viens de poser et d'autres du même genre sont très actuels pour le renforcement de l'unité marxiste-léniniste du mouvement communiste international, et qu'ils ne peuvent être résolus que par des réunions communes des partis. La Chine, apparemment, n'en juge pas ainsi et elle pense qu'il suffit que tous soient unanimes à approuver ce qui se passe aujourd'hui chez elle pour que par là même notre unité soit cimentée. Aux controverses déjà existantes vient s'en ajouter une nouvelle, et à en juger par la manière de procéder des Chinois qui ne parlent qu'à l'oreille des gens, nous devons envisager qu'un beau jour nous nous trouverons isolés par rapport à eux, bien que nous soyons dans la juste voie. C'est pourquoi nous devons prévenir le danger. Les formes d'action que je propose sont des formes légitimes, justes.

Sur la question de la Corée et du Japon c'est ainsi qu'il fut procédé, de bouche à oreille, et c'est pourquoi les choses en sont arrivées au point que l'on sait.

Des membres de nouveaux groupes et de nouveaux partis ont parlé avec exaltation dans leurs organes de ce qui se passe en Chine, mais lorsqu'ils viennent ici, ils nous disent qu'ils ne souscrivent pas à telle ou telle idée du Parti Communiste Chinois. Et nous, que devons-nous leur dire?

Ces marxistes-léninistes viendront demain au Congrès de notre Parti et ils y prendront la parole. Qui nous assure que, parmi eux, il n'y aura pas de ceux qui, avec ou sans intention, parleront en termes exaltés de certains aspects de la ligne chinoise et de l'évolution actuelle en Chine, sur lesquels nos points de vue sont opposés? Alors émergeront deux attitudes. Mais si, dans une bonne ou dans une mauvaise intention, ils nous interrogent et sollicitent notre avis, que devrons-nous leur dire? Leur répondre? C'est mal. Ne pas leur répondre? C'est encore mal. C'est pourquoi la thèse que nous insérons dans le rapport est la réponse la plus juste, la plus marxiste-léniniste que nous pouvons donner aux camarades étrangers.

* * *

Quelques jours plus tard, le 26 octobre, le P.T.A. reçoit à Tirana la délégation du P.C.C. venue participer aux travaux du Ve Congrès du P.T.A. Dans son Journal, daté du même jour, Enver Hoxha résume son intervention lors des discussions qui viennent d'avoir lieu avec les représentants du P.C.C.[4]:

Les camarades des partis frères et des groupes marxistes-léninistes nous feront sûrement part, à vous comme à nous, de leurs idées et de leurs propositions sur les problèmes communs du mouvement, mais peut-être aussi sur des problèmes intérieurs qui leur sont propres.

Nous serons profondément touchés de la confiance qu'ils témoignent à notre Parti, nous prêterons une oreille très attentive à leurs jugements et à leurs propositions et nous ferons tout notre possible pour les aider de nos modestes forces.

Mais nous considérons comme un devoir internationaliste et comme étant de l'intérêt du renforcement de notre unité internationaliste, de procéder avec vous à de fréquents échanges de vues afin de coordonner ces vues concernant les problèmes que poseront les camarades des partis frères et leurs sollicitations éventuelles. Nous espérons que vous n'aurez rien contre cela.

Nous estimons que c'est à votre grand Parti et à notre Parti qu'il incombe d'abord de faire les premiers pas afin d'établir des liens concrets, plus étroits, plus efficaces, au sein du mouvement marxiste-léniniste mondial pour cimenter encore plus notre unité marxiste-léniniste et renforcer nos actions communes contre nos ennemis communs.

Nous considérons, en particulier, que le moment est venu pour nos partis marxistes-léninistes de développer entre eux diverses formes de contacts de travail, des plus appropriées et des plus fructueuses. En posant cet important problème, nous ne nous attendons pas à le voir résolu maintenant, à l'occasion de notre Congrès. Non. Ce problème, nous l'avons soulevé aussi devant le camarade Chou En-laï, lors de sa visite chez nous[5], et nous le soulevons à nouveau devant vous. Nous serions heureux d'avoir avec vous un échange de vues à ce propos et, si votre Parti le juge nécessaire, nous sommes même prêts à envoyer, au moment où il le jugera opportun, une délégation de notre Parti à Pékin afin de discuter particulièrement de cette question.

Il nous semble important et nécessaire de discuter de ce problème et de le concrétiser, fût-ce dans des formes initiales et rudimentaires, car les révisionnistes modernes et leurs patrons capitalistes s'emploient de toutes leurs forces, démagogiques et économiques, en pratiquant toutes les pressions et tous les chantages, à frapper durement tout renforcement de notre unité marxiste-léniniste, à frapper notre mouvement de dedans par la diversion idéologique et de dehors en cherchant à l'isoler[6].

* * *

Le "Rapport d'activité du Comité Central du P.T.A.", présenté au Ve Congrès du Parti le 1er novembre 1966, va effectivement développer les thèses ébauchées par Enver Hoxha dans son Journal Politique ("Réflexions sur la Chine").

Certains passages expriment une critique ouverte du Parti Communiste Chinois, notamment en ce qui concerne les tentatives de rapprochement avec l'U.R.S.S., cette "unité d'action" avec les révisionnistes qui s'est soldée par un échec lors du voyage de Chou En-laï à Moscou, cette "unité d'action" contre les impérialistes mise en avant par Moscou. Il est également largement question dans le "Rapport" de l'unité des marxistes-léninistes. On insistera ici principalement sur cette question:

Dans la lutte contre le révisionnisme moderne, comme du reste sur toutes les autres questions, l'unique attitude juste est l'attitude de principe. Il n'est pas permis de marchander avec les principes, on ne doit pas s'arrêter à mi-chemin, on ne doit jamais avoir une attitude vacillante et opportuniste dans la défense des principes. La lutte entre le marxisme-léninisme et le révisionnisme est une manifestation de la lutte de classes qui se livre entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre le socialisme et le capitalisme. Il n'y a pas de milieu dans cette lutte. La ligne du "juste milieu", ainsi qu'il a été prouvé par l'expérience historique de plusieurs années, est la ligne de la conciliation des contraires, de tout ce qui est irrémédiablement inconciliable, une attitude instable et provisoire. Cette ligne intermédiaire ne saurait non plus servir à camoufler les déviations des principes marxistes-léninistes, car la lutte contre le révisionnisme, si elle ne s'inspire pas de motifs idéologiques mais uniquement de quelques contradictions économiques et politiques, de bases nationalistes et chauvines, se réduit à un bluff qui n'ira pas loin. Quiconque s'en tient à cette ligne dans la lutte contre les renégats du marxisme-léninisme risque de glisser lui-même tôt ou tard sur les positions de ces derniers.

"Il n'existe pas, il ne peut exister de ligne "moyenne" dans les questions de principe ‑ a souligné avec force J. V. Staline. ‑ Tels principes ou tels autres doivent être mis à la base du travail du Parti. La ligne "moyenne" dans les questions de principe est la "ligne" qui consiste à encrasser le cerveau, la "ligne" qui tend à estomper les divergences, c'est la "ligne" de la dégénérescence idéologique du Parti, la "ligne" de la mort idéologique du Parti[7]."

Au jugement de notre Parti, le problème à l'ordre du jour qui se pose aujourd'hui avec force, comme un problème actuel de grande acuité, n'est pas la réconciliation et l'unité avec les révisionnistes, mais bien la rupture et la séparation définitive avec eux.

Lénine disait: "L'unité est une grande chose et un grand mot d'ordre! Mais ce qu'il faut à la cause ouvrière, c'est l'unité des marxistes, et non l'unité des marxistes avec les ennemis et les falsificateurs du marxisme[8]." L'unité avec les opportunistes et les révisionnistes, souligne Lénine, "c'est l'unité du prolétariat avec la bourgeoisie nationale et la scission du prolétariat international, l'unité des laquais et la scission des révolutionnaires[9]".

Le communisme mondial actuel doit être caractérisé par l'esprit révolutionnaire et combatif des temps héroïques de Lénine et de Staline, du Komintern [IIIe Internationale]. Non sans des desseins hostiles déterminés, N. Khrouchtchev et ses acolytes ont entrepris la lutte pour jeter le discrédit sur le Komintern et son œuvre immortelle. Les temps ont changé, certes, et il ne s'agit pas pour nous d'adopter ou de copier les formes et les méthodes de travail, d'organisation et de direction du Komintern, justifiées à l'époque, avec leurs bons et leurs mauvais côtés[10]. Mais de l'avis de notre Parti, la création de liens de coopération et de coordination, conformes aux conditions nouvelles présentes, constitue une question indispensable et urgente. (Applaudissements.)

Ils [les marxistes-léninistes] doivent renforcer leur coopération et coordonner leurs activités, ils doivent élaborer une ligne commune et une attitude commune sur les questions les plus fondamentales, notamment au sujet de la lutte contre l'impérialisme et le révisionnisme moderne, au sujet des nouvelles alliances, une ligne et une attitude qui concrétisent les conditions réelles de la situation actuelle, mais fondées en toute occasion sur les principes marxistes-léninistes[11].

* * *

À côté de critiques implicites contre la politique étrangère du Parti Communiste Chinois, qui pouvaient être parfaitement comprises, on trouve également dans le Rapport du C.C. du P.T.A. un hommage appuyé à Mao Tsé‑toung, à sa "pensée" et au rôle révolutionnaire du P.C.C. et de la R.P.C. Également un appel au soutien de la Révolution Culturelle. Et cette déclaration:

Le Parti du Travail d'Albanie estime que tous les partis et les forces marxistes-léninistes, sur un pied d'égalité et en toute indépendance (souligné par nous, B.I.), doivent s'unir étroitement au Parti Communiste Chinois et à la République Populaire de Chine et former avec ceux-ci un bloc d'acier sur lequel tous nos ennemis viendront se briser.

Cette unité mise en avant par le P.T.A. va de pair avec les objectifs qui sont les siens, c'est-à-dire la lutte "contre l'impérialisme, ayant à sa tête les États-Unis d'Amérique, et contre le révisionnisme moderne conduit par les dirigeants soviétiques", le soutien "sans réserve" à la "juste lutte révolutionnaire des partis et des forces marxistes-léninistes", et le P.T.A. se donne également comme tâche d'œuvrer "sans relâche à la consolidation et au resserrement de l'unité anti-révisionniste du mouvement marxiste-léniniste et de l'unité anti-impérialiste des peuples du monde"[12].

* * *

Dans le "Rapport du Comité central du Parti du Travail d'Albanie" qu'Enver Hoxha présente au VIIe Congrès le 1er novembre 1976 on peut lire:

La situation actuelle dans le mouvement communiste international ressemble à celle de la période héroïque où luttèrent et ouvrèrent Marx et Engels. Le prolétariat mondial, nous, les marxistes-léninistes, devons étudier sans cesse Marx et Engels, étudier leur doctrine, leur stratégie et leur tactique de lutte et de victoire. Aujourd'hui Marx et Engels ne vivent plus, mais leur doctrine, elle, est vivante, et elle doit nous guider. Ce sont nos guides irremplaçables.

La situation actuelle dans le mouvement communiste international s'apparente à la période de la lutte révolutionnaire de principe de Lénine, de Staline et du Parti bolchevik. [...]

L'étude et la correcte application du marxisme-léninisme par le prolétariat et les partis communistes révolutionnaires, sur la base de la situation de chaque pays et de la situation internationale, la lutte impitoyable contre le révisionnisme moderne sous quelque forme qu'il se manifeste, la dénonciation de l'idéologie bourgeoise, le combat contre les menées de scission, de répression et d'exploitation de la part des ennemis de la classe ouvrière, ce sont là autant d'aspects de la lutte pour la cohésion et pour l'union du prolétariat mondial. C'est la condition indispensable de la victoire dans la lutte contre l'impérialisme mondial, le social-impérialisme, la bourgeoisie capitaliste, la réaction mondiale. Dans cette lutte de grande ampleur et ardue, le prolétariat doit se battre en rangs compacts, mais il ne réalisera l'unité de ses rangs qu'en suivant et en appliquant fidèlement la doctrine marxiste-léniniste[13].

Annexe II

Ludo Martens
PROPOSITIONS POUR L'UNIFICATION DU MOUVEMENT COMMUNISTE INTERNATIONAL
(Séminaire de Bruxelles, 4 mai 1995)[14]

Introduction

1. L'éclatement de l'Union Soviétique et l'introduction d'un capitalisme sauvage dans ce pays et en Europe de l'Est suite à la politique contre-révolutionnaire de Gorbatchev et d'Eltsine ont marqué un tournant dans la situation internationale. Il s'agit d'une victoire de l'impérialisme et de la réaction.

2. Ces événements contre-révolutionnaires ont exacerbé toutes les contradictions fondamentales dans le monde: la contradiction entre les pays socialistes et l'impérialisme, la contradiction entre les peuples opprimés d'Asie, d'Afrique et d'Amérique Latine et l'impérialisme, les contradictions entre les monopoles et entre les puissances impérialistes et la contradiction entre la classe travailleuse et la bourgeoisie. Les forces de la réaction, le racisme, le fascisme et la guerre ont entamé une offensive à l'échelle mondiale.

3. Dans cette situation, les partis et organisations fidèles aux principes révolutionnaires du marxisme-léninisme s'efforcent de tirer les leçons des processus contre-révolutionnaires qui ont détruit le socialisme en Union Soviétique. Face à l'offensive déchaînée par la réaction, ils ressentent la nécessité de s'unir pour mener une contre-offensive en faveur des intérêts des masses exploitées et opprimées, pour continuer à brandir bien haut le drapeau du socialisme et du communisme et pour redonner à tous ceux qui se battent contre le capitalisme et l'impérialisme confiance dans l'avenir socialiste de l'humanité.

4. Nous avons tracé un cadre minimal commun qui permet à des organisations marxistes-léninistes de différentes tendances de se rencontrer, d'échanger des expériences et des analyses et de prendre des initiatives communes.

5. Ce cadre minimal commun, qui est formulé dans ce document, nous permettra de discuter de façon franche et avec un esprit ouvert les importantes divergences idéologiques et théoriques et d'aborder les questions actuelles de politique et de tactique. Ce cadre minimal commun permettra par conséquent d'entamer un processus d'unification théorique et politique.

Les anciennes divisions entre partis marxistes-léninistes peuvent être surmontées

1. Depuis 1956, le mouvement communiste international s'est divisé et a éclaté. La ligne révisionniste adoptée par Khrouchtchev est la cause première et principale de la division. Plus tard, le mouvement antirévisionniste s'est divisé à son tour sous l'influence d'attitudes d'ultra-gauche.

2. Aujourd'hui, résultat de la destruction complète du socialisme sous Gorbatchev, la tendance dite "pro-soviétique" a éclaté en d'innombrables tendances. Dans les années 60, une tendance dite "pro-chinoise" s'est manifestée, qui s'est elle-même scindée en plusieurs tendances après la mort de Mao Tsé-toung. Il y a eu le courant dit "pro-albanais", qui a aussi connu des divisions après la chute du socialisme en Albanie, et une tendance dite "pro-cubaine" est apparue, principalement en Amérique latine. Enfin, certains partis ont maintenu une position "indépendante" par rapport aux tendances mentionnées.

3. Quelle que soit l'opinion qu'on peut exprimer quant au bien-fondé ou à la nécessité de ces scissions à un certain moment de l'histoire, la possibilité existe aujourd'hui de surmonter ces divisions et d'unir les partis marxistes-léninistes divisés en différents courants.

4. Tous les partis qui sont restés fidèles au marxisme-léninisme sont conscients du fait que le révisionnisme a affaibli et divisé le mouvement communiste international et finalement dégénéré en une trahison ouverte.

5. Après la restauration complète du capitalisme en Union Soviétique, tous les communistes doivent admettre que le révisionnisme est l'ennemi idéologique le plus dangereux du marxisme-léninisme. La vie a prouvé que le révisionnisme représente la bourgeoisie au sein du mouvement communiste.

6. Dans le passé, des regroupements de partis et d'organisations se sont produits sur base d'une orientation politique et idéologique spécifique. Au sein de ces différents regroupements, certains partis ont réussi à s'enraciner profondément dans les masses; ils ont acquis des expériences révolutionnaires qui leur sont propres; ils ont réussi à intégrer le marxisme-léninisme à la réalité de leur propre pays. Dans chacun de ces regroupements, certaines organisations ont viré vers l'opportunisme de droite ou de gauche, et ont fini par vivoter sans emprise sur les luttes et par disparaître.

7. Dans la situation actuelle, tous les partis restés fidèles aux principes révolutionnaires du marxisme-léninisme ressentent la nécessité de surpasser leurs anciennes divisions et de s'unir.

8. Les communistes doivent s'unir sur base du marxisme-léninisme et de l'internationalisme prolétarien. Lorsqu'il s'agit d'unir au niveau international des partis et organisations marxistes-léninistes ayant des histoires fort différentes, on ne peut pas exiger une unité idéologique au préalable. Nous devons accepter que des divergences, même extrêmement graves, existent sur une longue période, accepter la critique et la contre-critique, tenir compte des intérêts d'ensemble du mouvement et maintenir l'unité. La défense du marxisme-léninisme et la défense de l'unité sont deux aspects d'une politique révolutionnaire conséquente.

Combattre le révisionnisme et défendre le marxisme-léninisme

1. Depuis sa création en 1919, l'Internationale Communiste a bouleversé l'histoire et changé la physionomie du monde. Le IIe Congrès de l'Internationale Communiste, en juillet 1920, a adopté des Statuts, les Conditions d'admission, le Manifeste et d'autres résolutions essentielles qui ont défini la spécificité du Mouvement Communiste International face à la social-démocratie. Jusqu'en 1956, il a maintenu son orientation révolutionnaire et son unité; sa force et son influence dans le monde n'ont cessé de s'étendre.

2. Pour réapparaître sur la scène mondiale, le Mouvement Communiste International doit se revendiquer de son histoire commune.

3. Lénine a poursuivi l'œuvre révolutionnaire de Marx et d'Engels et l'a développée sous les nouvelles conditions de l'impérialisme. Il a énoncé les principes de l'édification du Parti Communiste, élaboré la stratégie et la tactique de la révolution socialiste et les a mises en pratique. Il a dénoncé la social-démocratie comme étant l'idéologie de la bourgeoisie et de l'impérialisme au sein du mouvement de la classe ouvrière. Il a formulé les lignes directrices de la construction socialiste sous la dictature du prolétariat. Il a fondé l'Internationale Communiste et défendu avec fermeté les principes de l'internationalisme prolétarien.

4. Staline a appliqué les principes léninistes et, sous sa direction, le Parti Bolchévik a transformé un pays arriéré et ruiné en un pays socialiste industrialisé. La collectivisation et la modernisation de l'agriculture soviétique, l'industrialisation socialiste, la révolution culturelle, l'édification de forces défensives puissantes, la victoire dans la guerre patriotique antifasciste, la reconstruction du pays et l'adoption d'une politique étrangère conséquente défendant la paix mondiale et soutenant les luttes anti-coloniales et anti-néocoloniales en Asie, en Afrique et en Amérique latine sont des réalisations d'une importance historique et mondiale.

5. Staline a maintenu l'idée que la lutte de classe continue sous le socialisme. Il a souligné que les anciennes forces féodales et bourgeoises ne cessent pas leur lutte pour la restauration et que les opportunistes au sein du Parti, les trotskistes, les boukhariniens, les nationalistes bourgeois et les éléments bureaucratiques aident les classes et les strates antisocialistes à regrouper leurs forces.

6. Khrouchtchev a imposé sa ligne révisionniste au Parti soviétique et à une partie du Mouvement Communiste International. Cette ligne a été formulée dans son rapport au XXe Congrès, dans son rapport secret sur Staline et dans son rapport au XXIIe Congrès.

7. En 1956, Khrouchtchev s'est attaqué à la politique intérieure et étrangère de Staline pour changer la ligne idéologique et politique fondamentale du Parti. Une dégénérescence progressive du système politique et économique s'en est suivie. Les théories de Krouchtchev sur l´"État du peuple tout entier" et le "Parti du peuple tout entier" ont conduit à la destruction de la dictature du prolétariat et à la cessation de la lutte de classe contre les forces et influences bourgeoises. La théorie sur "la coopération entre l'Union Soviétique et les États-Unis dans la lutte pour la paix et la sécurité des peuples" a porté des coups à la lutte anti-impérialiste. Sa théorie sur "la voie parlementaire et pacifique vers le socialisme" a renforcé les courants sociaux-démocrates au sein de plusieurs partis communistes.

8. Brejnev n'a jamais mis en cause le programme révisionniste des XXe et XXIIe Congrès et il a même "développé" les thèses sur "l'État et le Parti du peuple tout entier", en affirmant que la restauration du capitalisme en Union Soviétique était désormais impossible. Ainsi, il a détruit toute vigilance révolutionnaire et développé le bureaucratisme, le technocratisme, le carriérisme et la corruption. Vis à vis des autres partis communistes et des pays socialistes, il a souvent pratiqué une politique d'ingérence et de contrôle.

9. Sous Gorbatchev et Eltsine, le révisionnisme a été poussé jusqu'à ses conséquences ultimes, l'Union Soviétique a été démantelée et un capitalisme sauvage s'est instauré.

10. Dans le monde entier, la bourgeoisie célèbre la défaite du socialisme. En fait, nous avons été témoins de la défaite du révisionnisme initié par Khrouchtchev il y a 35 ans. Ce révisionnisme a débouché sur un échec économique complet, sur la capitulation face à l'impérialisme, sur la restauration capitaliste, sur une catastrophe sociale et sur des guerres civiles réactionnaires.

11. Khrouchtchev a entamé son travail destructeur en affirmant qu'il critiquait les erreurs de Staline dans le but de restaurer le léninisme dans sa pureté originelle. Gorbatchev a fait les mêmes promesses démagogiques pour désorienter les forces de gauche. Mais la critique du "stalinisme" n'était qu'un artifice pour camoufler les attaques contre tous les principes marxistes-léninistes. Après avoir complétement détruit le "stalinisme", Gorbatchev a déclaré ouvertement son hostilité au léninisme et son adhésion à la social-démocratie.

12. La discussion sur l'expérience du P.C.U.S. sous Staline doit être relancée au sein du Mouvement Communiste International. L'anti-stalinisme a été le cheval de Troie de l'anticommunisme, introduit au sein du Mouvement Communiste International.

13. Pendant une certaine période, des divergences continueront à exister quant à l'appréciation des différentes politiques mises en œuvre par le camarade Staline. Il s'agit de les discuter d'une façon scientifique et dans un esprit révolutionnaire et de classe.

14. En jetant un coup d'œil sur l'histoire, nous pouvons dire qu'après le XXe Congrès du P.C.U.S., la plupart des partis communistes ont gravement sous-estimé le danger que représentait le révisionnisme propagé par Khrouchtchev.

15. Dans les années 60, ce sont Mao Tsé‑toung et Enver Hoxha qui ont le mieux compris le danger du révisionnisme. Ho Chi Minh, Kim Il Sung, Che Guevara et d'autres dirigeants communistes ont apporté leurs contributions à la lutte contre le révisionnisme.

16. À la lumière de la dégénérescence en Union Soviétique, il faut émettre une nouvelle appréciation de l'œuvre du camarade Mao Tsé‑toung. En dirigeant la révolution nationale et démocratique et sa transformation en révolution socialiste, dans un grand pays du tiers monde, il a apporté une contribution d'importance mondiale. Mao Tsé‑toung a résisté au révisionnisme de Khrouchtchev, puis de Brejnev. Il a dirigé la première tentative historique d'impliquer les masses dans la lutte contre les tendances de dégénérescence au sein du Parti.

17. Différentes opinions subsisteront pendant un certain temps au sein du Mouvement Communiste International sur les mérites de Mao. Il faut les traiter de manière scientifique, en cherchant la vérité dans les faits et dans un esprit révolutionnaire et de classe.

18. La lutte idéologique contre le révisionnisme est une tâche complexe et de longue haleine. Le révisionnisme, qui a détruit tant de partis, ne mourra pas de lui-même. Le révisionnisme de Tito a été critiqué par le Mouvement Communiste International dès 1948. Khrouchtchev, lorsqu'il a développé son orientation opportuniste, n'a fait que reprendre, pour l'essentiel, les thèses révisionnistes du titisme. Si les idées et les thèses révisionnistes ne sont pas critiquées et analysées en profondeur, elles continueront à survivre et le courant liquidateur frappera encore, faisant de nouvelles victimes. La relation entre les lignes de Khrouchtchev et de Brejnev et la politique de Gorbatchev doit être analysée en profondeur ainsi que le développement du processus de dégénérescence, depuis son origine jusqu'à son aboutissement.

19. L'influence néfaste du révisionnisme a provoqué un regain de vigueur de l'idéologie social-démocrate, courant bourgeois, et du trotskisme, courant anticommuniste. La lutte contre les idéologies social-démocrate et trotskistes est une condition pour le développement du mouvement marxiste-léniniste.

Lutter contre le scissionnisme et maintenir l'unité

1. Khrouchtchev a entamé son œuvre de destruction de l'unité du Mouvement Communiste International en rompant les relations avec les partis qui s'opposaient à son révisionnisme. Dans certains pays où la direction du Parti Communiste a suivi le révisionnisme de Khrouchtchev, les communistes ont eu raison de créer de nouveaux partis marxistes-léninistes.

2. Par la suite, le sectarisme et l'ultra-gauchisme ont conduit à d'innombrables scissions injustifiées. Des divergences d'analyse et d'appréciation, réelles, ont été exacerbées jusqu'à l'antagonisme et la rupture. Des conflits idéologiques et politiques importants se sont manifestés à propos de la Tchécoslovaquie en 1968, du Cambodge en 1979, de l'Afghanistan en 1980, de l'élimination de la tendance autour de Chiang Ching en 1976, de la théorie des Trois Mondes en 1977, de la ligne de Deng Xiaoping au début des années 80, etc.

3. Tous ces conflits étaient importants. Certes, les divergences de fond devaient être clarifiées, mais il fallait prendre son temps et faire des analyses matérialistes et dialectiques, tout en maintenant l'unité entre communistes. Chaque parti aurait dû étudier très sérieusement les différents points de vue en présence, formuler son propre point de vue tout en préservant l'unité du mouvement.

4. Chaque parti applique les principes marxistes-léninistes à la réalité présente selon sa propre conception. Personne ne peut lui demander de faire des concessions qu'il juge de principe. Chaque parti définit sa position en toute indépendance. Mais cela n'est pas en contradiction avec son devoir de maintenir l'unité du Mouvement Communiste International, puisque cette unité est, elle aussi, une question de principe primordiale.

5. Il existe une ample documentation sur l'habitude de la C.I.A. et d'autres services secrets d'utiliser systématiquement les divergences entre Partis Communistes. Parce qu'il connaît l'importance de l'unité du mouvement communiste, l'ennemi soutient toutes les tendances centrifuges, appuyant souvent aussi bien le révisionnisme de droite que les positions gauchistes pour précipiter l'éclatement.

6. Maintenir l'unité du mouvement permet à chaque parti d'apprendre plus et plus vite. Non seulement les partis avec lesquels on a un accord global peuvent nous apprendre beaucoup, mais aussi les partis avec lesquels on a des divergences importantes.

7. D'abord, nous pouvons nous tromper dans notre jugement.

Ensuite, l'expérience a montré que nous pouvons tirer profit de certains aspects du travail dans les masses, des expériences, des travaux théoriques, etc. de partis avec lesquels nous avons des divergences.

Troisièmement, des divergences fondamentales ne doivent pas empêcher certaines formes de coopération et de luttes communes dans les domaines du racisme, des droits syndicaux, du combat anti-impérialiste, etc.

Quatrièmement, nous devons tenir compte des évolutions possibles.

Certains partis dont nous ne partageons pas tous les points de vue, ou certaines fractions de ces partis, peuvent évoluer positivement.

Enfin, des partis peuvent dégénérer complétement et passer ouvertement du côté de l'ordre bourgeois. Le fait d'avoir gardé des rapports avec ces partis peut aussi nous apporter des leçons utiles par l'exemple négatif.

Propositions organisationnelles

1. Nous avons décidé d'organiser une initiative centrale, commune, qui soit réaliste, adaptée à la réalité et aux besoins actuels, pour rassembler chaque année, ou tous les deux ans, tous les partis communistes fidèles au marxisme-léninisme et à l'internationalisme prolétarien.

Une telle initiative peut garantir une efficacité optimale et des résultats maximaux moyennant un investissement rationnel en temps et en cadres supérieurs.

La plupart des partis communistes, surtout dans le tiers monde, n'ont ni les moyens financiers ni les cadres disponibles pour faire chaque année plusieurs séjours à l'étranger afin d'y rencontrer les différentes composantes du mouvement communiste international.

Les moyens de chacune de nos organisations sont limités. Nous ne pouvons pas réaliser des études en profondeur sur tous les sujets essentiels. Nous ne pouvons faire qu'un certain nombre d'expériences valables par an. Cela veut dire que chacun de nous, pour avancer plus vite dans son travail, doit s'efforcer d'assimiler les meilleurs travaux théoriques et les meilleures expériences pratiques des autres. Ceci aussi plaide en faveur d'une initiative centrale, commune.

2. Dans la situation actuelle, il n'est pas possible de construire une nouvelle organisation internationale sur le modèle de la Troisième Internationale, avec un organe dirigeant et une discipline commune pour tous les membres. L'objectif de base de l'initiative communiste commune est de stimuler les échanges et la coopération.

3. Pour le moment, la forme organisationnelle la plus adaptée de l'initiative commune est celle de séminaires dont le premier but est l'échange des informations, des documents et des analyses. Grâce à la présentation d'analyses politiques et théoriques et de rapports d'expériences pratiques, les différents partis apprendront à se connaître l'un l'autre et à partager leurs connaissances.

Ensuite, des débats sur des problèmes cruciaux ou d'intérêt commun seront organisés.

Troisièmement, la coordination d'actions et d'activités sera organisée sur une base volontaire. Des résolutions seront élaborées dans un esprit de large consensus. Chaque parti et organisation a le droit de signer ou de ne pas signer une résolution présentée et de participer ou ne pas participer aux actions ou activités proposées.

Les propositions de résolutions doivent être soumises avant le début du séminaire.

Annexe

Décisions pratiques

1. Comme la lutte contre l'impérialisme et les agressions impérialistes a pris une importance particulière dans la situation présente, le séminaire de Bruxelles de mai 1996 sera consacré à ces questions. Y seront soumis des rapports sur l'expérience révolutionnaire de certains partis, des analyses sur la stratégie actuelle de l'impérialisme, des résolutions et des propositions d'action. Un groupe de coordination sera mis sur pied pour la réalisation de ce séminaire et des autres tâches formulées d'un commun accord. Les camarades du P.T.B. sont chargés de l'exécution de cette décision.

2. Le séminaire de 1997 prendra la forme d'une conférence internationale du Mouvement Communiste tenue à l'occasion du 80e anniversaire de la Grande Révolution d'Octobre. Nous émettons le souhait que cette conférence puisse avoir lieu en ex-Union Soviétique et que les partis marxistes-léninistes de l'ex‑U.R.S.S. puissent être associés à sa préparation.

3. L'ordre du jour de la conférence de 1997 comprendra, entre autres, les points suivants:

‑ L'histoire du Parti Communiste d'Union Soviétique sous Lénine, Staline, Khrouchtchev, Brejnev et Gorbatchev, le développement du révisionnisme et l'effondrement final.

‑ L'expérience spécifique de certains pays de l'Europe de l'Est.

‑ Lénine et la Révolution d'Octobre[15].

4. En guise de préparation à la Conférence, au cours de l'année 1995‑1996, le groupe de coordination publiera un recueil contenant une série d'analyses, réalisées par différents partis, sur les deux premiers points indiqués.

5. La nécessité se fait sentir d'éditer une revue théorique qui permettra de maintenir le contact avec les différents partis, d'échanger régulièrement des expériences et analyses et d'en débattre. Le groupe de coordination étudiera les possibilités et les modalités d'une telle entreprise[16].

6. Des organisations révolutionnaires anti-impérialistes qui n'adoptent pas le marxisme-léninisme, pourront être invitées au séminaire de 1996 en tant qu'observateurs.

* * *

Ernest Leroux
QUELQUES COMMENTAIRES SUR LES "PROPOSITIONS"

Les "Propositions" visent à unir les "partis et organisations fidèles aux principes révolutionnaires du marxisme-léninisme". Il est évident qu'en l'état actuel des choses, ce qualificatif peut être attribué à telle ou telle organisation au mieux à titre d'hypothèse. Ensuite, la question est de savoir comment il faut concevoir l'évolution de la situation au sein d'un regroupement constitué sur ces bases.

Les "Propositions" affirment que "Khrouchtchev a entamé son œuvre de destruction de l'unité du Mouvement Communiste International en rompant les relations avec les partis qui s'opposaient à son révisionnisme". En toute logique cela signifie qu'il aurait été souhaitable d'éviter cette rupture, c'est-à-dire de maintenir l'appartenance du PCUS. révisionniste au sein d'un prétendu "mouvement communiste international". Cela est évidemment tout à fait absurde, à moins de traiter la relation entre partis communistes comme une formalité diplomatique, protocolaire. Fondamentalement, l'interprétation proposée par les "Propositions" se rapproche de la vision métaphysique de "l'unité des contraires" selon laquelle l'esclave aurait besoin du maître, le prolétaire du capitaliste, et le marxisme-léninisme du révisionnisme. Ainsi, en envisageant la possibilité que "des partis peuvent dégénérer complétement et passer ouvertement du côté de l'ordre bourgeois", les "Propositions" avancent l'argument que "le fait d'avoir gardé des rapports avec ces partis peut aussi nous apporter des leçons utiles par l'exemple négatif".

Certes, les "Propositions" camouflent cette position en parlant non pas de positions contradictoires, mais de "tendances", de "courants", de positions "indépendantes", d'orientations "spécifiques". Cependant, quand par exemple elles citent, parmi les "conflits idéologiques et politiques importants", ceux qui "se sont manifestés à propos de la Tchécoslovaquie en 1968", on ne peut que constater qu'il s'agit d'une question qui oppose révisionnistes et marxistes-léninistes... à moins d'avoir en vue les appréciations portées sur les événements par les révisionnistes, respectivement d'URSS et de Tchécoslovaquie.

Que 1968 fasse partie d'un passé plus ou moins lointain n'y change rien. Aucun miracle ne peut permettre à des révisionnistes de se faire une virginité "marxiste-léniniste". En 1915, Lénine dénonçait, à propos notamment de Kautsky, l'attitude s'efforçant d'accréditer l'idée qu'il puisse y avoir ce genre de revirements salutaires:

Que faut-il entendre par internationalisme? Peut-on, par exemple, considérer comme des internationalistes les partisans de la restauration de l'Internationale d'après le principe d'une "amnistie" réciproque? [...] Nous estimons que les partisans de l'amnistie sont les adversaires les plus dangereux de l'internationalisme[17].

Il faut constater que l'obsession unitaire en question détermine l'analyse de la réalité elle-même. Les "Propositions" énoncent, au sujet de l´"éclatement de l'Union Soviétique", que "ces événements contre-révolutionnaires ont exacerbé toutes les contradictions fondamentales dans le monde". Cela voudrait dire que l'existence de l'U.R.S.S. correspondait à une situation moins contradictoire. Faudrait-il alors féliciter Khrouchtchev pour avoir en son temps apaisé le monde par le respect de la coexistence pacifique? Les marxistes-léninistes savent en tout cas que la Révolution d'Octobre et la création de l'URSS, État de dictature du prolétariat, ont accentué de manière décisive l'antagonisme principal de l'époque actuelle, et qu'il n'y a là, bien entendu, absolument rien de regrettable.

Les "Propositions" se fixent certes, en paroles, l'objectif de combattre le révisionnisme. Or il ressort de ce qui précède que les "Propositions" préconisent une attitude purement négative au sujet des scissions. Il s'agirait de les éviter, de ne pas les provoquer, en un mot elles seraient prohibées. La position marxiste-léniniste, bien au contraire, exige de prendre partout et toujours l'initiative du combat contre l'ennemi, y compris contre les tentatives de détruire le mouvement communiste international de l'intérieur.

L'une des principales lacunes de Zimmerwald et de Kienthal, l'une des causes fondamentales du fiasco possible de ces embryons d'une IIIe Internationale, tient justement au fait que la question de la lutte contre l'opportunisme n'y a même pas été posée ouvertement, encore moins l'a-t-on résolue dans le sens de la nécessité d'une rupture avec les opportunistes[18].

À partir du moment où les "Propositions" prétendent baser ainsi l'unité sur la diversité, il leur faut forcément accorder à chaque composant du mouvement son autonomie: "Chaque parti définit sa position en toute indépendance." À défaut d'être un principe marxiste-léniniste, cela découle du point de vue adopté. Mais les "Propositions" glissent vers l'incohérence pure et simple, lorsqu'elles abordent la question de l'unité du mouvement communiste international en tant que "question de principe", et exigent que le "devoir de maintenir l'unité du Mouvement Communiste International" s'impose à tous comme dogme préalable.

Les "Propositions" évoquent la "spécificité du Mouvement Communiste International face à la social-démocratie", ce qui est une façon de faire de la social-démocratie un "courant", une "tendance" à côté des autres. On pourrait alors se demander si le Congrès de Tours ne constituait pas aussi une "scission injustifiée", au même titre que celle survenue à partir de 1956, que les "Propositions" désignent par ce terme.

Pour couronner le mélange des genres, les "Propositions" envisagent finalement la mise en œuvre de "certaines formes de coopération et de luttes communes dans les domaines du racisme, des droits syndicaux, du combat anti-impérialiste" ‑ ce qui vise certes des objectifs tout à fait louables, mais n'a absolument rien à voir avec un mouvement réunissant les "partis fidèles au marxisme-léninisme".

 

Ernest LEROUX


 

Notes



[1]. Enver Hoxha, Réflexions sur la Chine, t. I, Tirana, 1979, pp. 306‑311.

[2]. L’article "Propositions concernant la ligne générale du mouvement communiste international"», dans le Renmin Ribao, juin 1963. (Note de Tirana). Texte attribué à Mao Tsé‑toung.

[3]. Ignoré à l’époque par le Parti Communiste Chinois.

[4]. Enver Hoxha, op. cit., t. I. pp. 324‑326, sous le titre: "Il appartient à nos partis de concrétiser leurs liens avec le mouvement marxiste-léniniste".

[5]. 1965.

[6]. Aucune délégation chinoise ne viendra au VIe Congrès du P.T.A. de novembre 1971. Quelques mois plus tard ce sera le voyage du président américain Nixon à Pékin.

[7]. À la traduction albanaise nous avons préféré ‑ pour permettre de situer la citation dans son contexte ‑ celle en français des Éditions en langues étrangères de Moscou: J. Staline, Encore une fois à propos de la déviation social-démocrate dans notre Parti, Rapport présenté à la VIIe Assemblée plénière élargie du CE de l’IC le 7 décembre 1926, Moscou, Éditions en Langues Étrangères, 1952, p. 6.

[8]. Lénine, "L’Unité" (12 avril 1914), Oeuvres, t. 20, Paris‑Moscou, 1959, p. 241.

[9]. Lénine, "La Voix d’un socialiste honnête" (1915), Oeuvres, t. 21, Paris‑Moscou, p. 368.

[10]. On trouve quelques éléments sur la IIIe Internationale dans Enver Hoxha, Rapport au VIIe Congrès du PTA (1er novembre 1976), Paris, NBE, 1976, pp. 220‑221.

[11]. Enver Hoxha, "Rapport d’activité du Comité Central du Parti du Travail d’Albanie présenté au Ve Congrès du P.T.A. (1er novembre 1966)", Tirana, Éditions "Naïm Frashëri", 1967, pp. 248‑252.

[12]Idem, p. 256.

[13]. E. Hoxha, Rapport d’activité du Comité Central... VIIe Congrès, pp. 211‑212.

[14]. Publié dans Solidaire ‑ hebdomadaire du Parti du Travail de Belgique, n° 25, du 21 juin 1995.

[15]. Cet ordre du jour a été allégé. On voit mal en effet comment il aurait été possible d’aborder en quelques jours tous les points envisagés!

[16]. Pour le moment le PTB utilise sa revue Études Marxistes pour publier certaines contributions au Séminaire International. Voir n° 33, octobre 1996, n° 35 et 36, 1977.

[17]. Lénine, Oeuvres, t. XXI, Paris‑Moscou, p. 165.

[18]. Lénine, Oeuvres, t. XXIII, Paris‑Moscou, p. 91.