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12e Plénum du Comité exécutif
de l'Internationale communiste
(27 aout - 15 septembre 1932)

Dmitrij Zaharovič Manuilʹskij
Intervention dans la discussion
(Extraits)

Septembre 1932

 

 

Source:

D. S. Manuilski: Das Ende der kapitalistischen Stabilisierung. Moskau, Verlagsgenossenschaft Ausländischer Arbeiter in der UdSSR, 1932 [1] [2].

Le document en allemand 

 

 

 

 

 

 

 

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Documents de l'Internationale communiste ‑ Sommaire

 

 

 

 

 

 

Intervention dans la discussion suite au rapport de O. W. Kuusinen
sur la situation internationale et les tâches des sections de l'IC

Ce qu'il y a de nouveau dans la situation internationale

Le plus important et le nouveau qui est contenu dans les thèses proposées au Plénum, et ce qu'a signalé déjà en son temps le camarade Staline, c'est la fin de la stabilisation capitaliste. On peut affirmer sans exagération que c'est l'aspect le plus important que l'IC a constaté depuis la fin du premier tour de guerres et révolutions. Ce fait déterminera la politique de l'IC durant les prochaines années. Au cours de la mutation rapide des évènements qui s'effectuera sur la base de la fin de la stabilisation capitaliste, nous devrons réorienter les partis communistes en accord avec la situation changée.

La fin de la stabilisation capitaliste signifie un changement brusque de la situation internationale (effondrement des plans Dawes[3] et Young[4], des réparations, éclatement de l'accord de Washington[5], aiguisement énorme des contradictions entre les brigands impérialistes), un changement des relations entre classes dans les pays capitalistes (paupérisation des masses travailleuses, leur asservissement encore plus fort par le capital financier, progression du fascisme et de l'essor révolutionnaire sur la base de la lutte de classe aiguisée); rapports changés entre les états impérialistes et les colonies, attaques fulgurantes contre les colonies, guerre en Chine, exécutions en masse en Inde, en Indochine) et comme réponse à cela ‑ essor du mouvement national-révolutionnaire dans les colonies; enfin rapports changés entre les brigands impérialistes et l'Union soviétique (l'entrée de l'URSS dans la période du socialisme et son raffermissement sur la voie vers le socialisme suscitent la colère rageuse du monde capitaliste, ce qui est une preuve que le “répit” approche de sa fin).

La circonstance que les processus qui ont conduit à la fin de la stabilisation capitaliste ne sont pas encore terminés et que toutes les contradictions principales du capitalisme se font ressentir dans les différents pays à des degrés divers, ne peut atténuer la signification de ce fait. Des pays comme les États-Unis, la France, l'Allemagne, la Chine et l'Inde se trouvent tous sous le même signe de la fin de la stabilisation capitaliste, même si la profondeur des fluctuations dans les relations entre classes, le caractère aigu des contradictions de classe et la situation internationale de ces pays sont fondamentalement différents.

La fin de la stabilisation capitaliste n'est pas une affaire locale, c'est un phénomène international. De ce fait nous devrons tirer des conclusions tactiques de validité internationale. Cependant, à juste titre, le camarade Kuusinen a mis en garde dans son rapport devant l'erreur qui consisterait à formuler ces conclusions tactiques de manière stéréotype et à omettre la prise en compte des particularités des différents pays et de l'inégalité de développement des processus révolutionnaires.

La validité de ce constat n'est pas non plus remise en cause par le fait que la fin de la stabilisation capitaliste ne signifie pas encore, aujourd'hui, l'effondrement total du système de Versailles. Nous nous trouvons au début de cet effondrement. Tout comme avant, l'Allemagne et l'Autriche sont dominés, les anciennes lignes frontalières tracées par Versailles sont maintenues comme avant, et comme avant la France s'entoure de la ceinture de ses alliés de Versailles (Pologne, Tchécoslovaquie, Roumanie, Yougoslavie). Autour de tout le système de Versailles (réparations, frontières, réarmement) se déploie maintenant une lutte aiguë à un degré jamais vu auparavant. Elle a déjà fortement entamé ce système, et a contribué à l'accélération de la fin de la stabilisation capitaliste.

L'importance colossale de ce fait n'est pas non plus entamée par la circonstance que la fin de la stabilisation capitaliste se manifeste alors que les partis communistes sont considérablement à la traîne par rapport aux conditions objectives favorables découlant de la situation. Ce décalage retarde simplement l'effondrement du capitalisme et le basculement à partir de la fin de la stabilisation capitaliste vers une crise révolutionnaire. Par là s'établit, pour l'essentiel, la situation qui fait qu'entre la fin de la stabilisation capitaliste et la crise révolutionnaire dans les pays capitalistes décisifs, s'écoulera un certain laps de temps dont la durée, à côté de l'effet ultérieur des facteurs objectifs, dépendra de l'activité des partis communistes. Cependant, quelle que soit l'envergure de cette activité, le basculement à partir de la stabilisation capitaliste vers la crise révolutionnaire s'effectuera de façon inégale dans les différents pays. Nous n'avons pas la moindre raison de présenter cet intervalle de temps, qui constitue la transition vers le deuxième tour de guerres et révolutions, comme une quatrième période particulière, qui conduirait vers la cinquième période, celle de la crise révolutionnaire générale.

Au 6e congrès nous avons caractérisé la troisième période comme l'accumulation de toutes les contradictions capitalistes principales, qui conduit inévitablement le monde capitaliste vers le deuxième tour de guerres et révolutions. Mais justement, cette fin de la stabilisation capitaliste constitue pour ainsi dire “l'âme” de cette période.

"Cette troisième période", dit la résolution du 6e congrès[6], "qui a particulièrement aggravé la contradiction existant entre la croissance des forces productives et la réduction des marchés, rend inévitable une nouvelle phase de guerres impérialistes entre les États impérialistes, de guerres de ces derniers contre l'U.R.S.S., de guerres de libération nationale contre les impérialistes et leurs interventions, de batailles de classes gigantesques. En aiguisant les contradictions internationales [...] et les contradictions intérieures dans les pays capitalistes [...], en déchaînant les mouvements coloniaux [...], cette période aboutit fatalement, par un nouveau développement des contradictions de la stabilisation capitaliste, à un nouvel ébranlement de la stabilisation capitaliste et à une aggravation aiguë de la crise générale du capitalisme. [...] De là, résulte l'approche d'une nouvelle phase de grandes collisions militaires, d'une guerre d'intervention contre l'U.R.S.S., de là découle l'imminence très proche d'une intervention en Chine. En définitive, le développement des contradictions de la stabilisation capitaliste aboutit donc fatalement à la transformation de la période de “stabilisation” actuelle en période grandes catastrophe catastrophes."

Il fut un temps où quelques camarades étaient enclins à considérer quelques grandes grèves ou manifestations se produisant ici ou là, comme des évènements qui dépasseraient le cadre de la troisième période; déjà au 10e Plénum de la CEIC quelques voix se firent entendre: est-ce que ne faudrait-il pas inscrire le mouvement révolutionnaire dans la “quatrième catégorie”? Les camarades qui ont soulevé cette question n'ont pas compris le véritable caractère révolutionnaire de la troisième période. Nous devions intervenir tout à fait résolument contre les jongleries avec les périodes qui en lieu et en place d'une appréciation révolutionnaire sérieuse des évènements, posaient des schémas vides de sens, qui ne correspondaient pas aux changements véritables au niveau international et en termes de classe. Présenter la fin de la stabilisation capitaliste comme une période particulière sans révolutions ni guerres, cela signifie présenter cette période comme un pourrissement général accompagné d'une passivité totale de la classe ouvrière. Cela signifierait assimiler le destin du capitalisme monopoliste à celui du Rome et de la Grèce antiques ‑ désintégration du système social et politique sans aucune activité de la classe qui pousse ce système dans l'abîme. Certes nous ne pouvons pas prédire des échéances précises, ni déterminer d'avance la durée de l'intervalle de temps entre la fin de la stabilisation capitaliste et la phase des révolutions et guerres, mais il ne nous est pas pour autant permis de supposer de manière fataliste que cette période de la décomposition du capitalisme serait de longue durée. À cet égard c'est avant tout la classe ouvrière qui aura à dire son mot.

La question de la fin de la stabilisation capitaliste est d'une importance colossale aussi pour la raison qu'elle est décisive par rapport à la question du nouveau degré de la crise générale du capitalisme. La nouveauté à ce sujet dans nos thèses, c'est le constat que la crise générale du capitalisme approche un nouveau degré dans son développement. Que représente ce nouveau degré de développement de la crise générale du capitalisme et quel est son contenu? C'est justement le nouveau tour des guerres et révolutions et, afin de comprendre le contenu de ce nouveau degré de la crise générale du capitalisme, nous devons arriver à voir clairement, concrètement, en quoi consistent les conséquences sociales et politiques de la fin de la stabilisation capitaliste.

L'accroissement des contradictions du capitalisme

L'économie capitaliste mondiale n'a jamais représenté un tout harmonieux. Mais même l'unité relative de l'économie capitaliste telle qu'elle existait avant la guerre mondiale, a éclaté sous l'effet de la révolution prolétarienne en Russie, qui a cassé l'économie mondiale en deux mondes complètement différents. La formation de l'économie socialiste en URSS était la cause principale de la crise mondiale générale du capitalisme. La crise économique actuelle a cependant eu pour effet des ravages supplémentaires dans le camp de l'économie capitaliste mondiale. Elle a disloqué cette économie en ses composants d'états nationaux. La période qui se situe entre le 11e[7] et le 12e plénum du CEIC était caractérisée en ce que durant ce temps les processus de dislocation de l'économie mondiale en ses composants ont atteint des degrés très élevés. À travers le monde capitaliste s'est répandue une onde de “nationalisme économique” (développement du protectionnisme, interdiction de l'exportation de devises, guerres douanières, établissement de contingents, systèmes préférentiels, etc.). Les tendances à l'autarcie économique ont partout revêtu un rythme de développement fulgurant. Le monde capitaliste ressemble au "Titanic" en naufrage, sur lequel chacun s'efforce à se sauver avant tout soi-même aux dépens de son proche. C'est aussi la base économique de cette vague nationaliste, dont l'accroissement est constaté dans les thèses du 12e Plénum et qui est étroitement liée au développement du fascisme. C'est aussi une manifestation de la fin de stabilisation capitaliste, qui élève la crise générale du capitalisme à un nouveau degré.

Cet état d'esprit nationaliste amplifié non seulement nourrit le fascisme, il engendre aussi dans le monde capitaliste une psychose de guerre. Maintenant encore plus qu'à l'aube de la guerre mondiale, le monde capitaliste ressemble à un baril de poudre. Seulement, les circuits souterrains vers ce baril de poudre ont changé de place. Aux anciennes contradictions en Europe se sont ajoutées les contradictions dans le Pacific. L'ère du Pacifique, à la fin de la stabilisation capitaliste, signifie non seulement la guerre contre la Chine, non seulement le danger d'une guerre contre l'Union soviétique, elle signifie aussi le conflit mûrissant entre le Japon et les États-Unis. L'accord de Washington entre les 5 grandes puissances a déjà éclaté; l'ère du Pacific des conflits mondiaux, qui inclut tout le complexe des conflits européens autour de la mer méditerranéenne et au bord de l'Océan atlantique, annonce une guerre mondiale terrible, jamais vue, qui secouera l'ensemble des continents du globe.

Cette guerre mondiale qui mûrit, fait irruption dans l'enlacement compliqué des mouvements coloniaux, dans la situation intérieure des états capitalistes qui déborde de conflits sociaux.

Maintenant, toutes les contradictions du capitalisme se reproduisent sur une base élargie. Car tandis que le premier tour des révolutions et guerres revêtait de façon prépondérante un caractère européen, le deuxième tour conduira les travailleurs à des conflits d'importance non seulement européenne mais mondiale. Des évènements tels que le durcissement des relations entre la Pologne et l'Allemagne à cause du couloir de Gdansk[8], la guerre en Chine, le fracas d'armes entre le Japon et l'Amérique, enfin les projets, trouvant une expression ouverte, d'assaillir l'Union soviétique à partir de l'est et de l'ouest, ‑ ce sont de nouveaux éléments, liés à la fin de la stabilisation capitaliste. Serait‑ce un pur hasard que maintenant, à côté de l'Allemagne et de la Pologne, la Chine et le Japon deviennent des points nodaux du mouvement révolutionnaire mondial, que maintenant c'est vers eux que se tournent les yeux du prolétariat mondial tout entier? C'est la synthèse politique entre l'Europe balkanisé et du noeud formé par les contradictions du côté du Pacifique.

L'Allemagne, le pays avec le Parti communiste de masse le plus fort, se trouve être, parmi tous les pays capitalistes hautement développés, le plus rapproché de la révolution prolétarienne. La révolution allemande ‑ cela signifie la révolution dans toute l'Europe centrale et orientale, cela signifie la formation d'un poing révolutionnaire puissant, dirigé le monde capitaliste restant dans son ensemble, cela signifie une prépondérance décisif du pays de la dictature prolétarienne vis-à-vis du reste du monde capitaliste. L'Allemagne ‑ le chaînon le plus important dans le système de Versailles, dont parmi les grandes puissances capitalistes l'économie est la plus délabrée, le pays à l'intérieur duquel fait rage la lutte de classe la plus aiguë, ‑ elle constitue la plaie à vif de l'Europe (la question allemande est, après l'Union soviétique, le problème qui inquiète le plus le monde capitaliste), c'est la lutte d'un pays capitaliste hautement développé contre son asservissement par l'impérialisme.

La Pologne est un pays avec un mouvement ouvrier et paysan ayant des traditions de lutte révolutionnaires, elle forme le pont vers la révolution prolétarienne en Allemagne. Cependant la Pologne est en même temps le poste d'avant-garde capitaliste dans le cadre de l'encerclement de l'URSS, elle est, en vue de la guerre qui sera dirigée contre le premier état ouvrier, l'arme de choc de l'impérialisme mondial et en premier lieu de la France, elle est le gendarme de la réaction et du fascisme dans toute l'Europe de l'Est. La Pologne est le pays du fascisme sur la pente descendante, qui fait montre ouvertement de sa banqueroute.

Et à côté de ces deux pays se dresse la Chine qui, à l'égard de la sape de la stabilisation capitaliste a joué un rôle extrêmement important, le nerf des contradictions entre les plus grandes puissances capitalistes du côté de l'Océan Pacifique, elle qui a déclenché tous les conflits antagonistes entre le Japon et les États-Unis, la Chine qui avec sa révolution réveille de leur sommeil les peuples d'Indochine, de l'Inde, des Philippines, des îles Malaisiennes et des autres colonies, ce centre d'équilibre instable de tout le système colonial de l'impérialisme mondial, qui à l'est est connectée à l'Union soviétique par la Mongolie, la Chine avec son territoire soviétique immense, avec son armée rouge invincible. Réfléchissez, camarades, rien que depuis le 11e CEIC‑Plénum le Kuomintang[9] a entrepris trois campagnes militaires (en tout c'étaient quatre) contre les territoires soviétiques, et chacune de ces trois campagnes a été repoussée par l'Armée rouge victorieuse. C'était une mise à l'épreuve historique de la possibilité d'appliquer le système des soviets non seulement en Chine mais aussi chez les peuples coloniaux en général. Dans cette lutte les masses par millions ont “voté par les armes” pour le pouvoir soviétique en Chine. En relation avec l'invasion japonaise, le mouvement national-révolutionnaire en Chine a, depuis le 11e Plénum, atteint un degré sans précédent, et du point de vue de son envergure, il a largement dépassé le mouvement que nous avons observé durant les années 1925‑1927. Ce mouvement antijaponais était véritablement un mouvement de masse de tous les travailleurs. Ces faits seraient-ils moins caractéristiques pour la fin de la stabilisation capitaliste que le rétrécissement de la production etc.?

Et enfin le Japon, le pays qui a fait éclater la stabilisation capitaliste non seulement par sa politique agressive en Extrême-Orient qui est dictée par l'effort du Japon de devenir la grande puissance décisive dans toute l'Asie, et de dominer avec sa flotte la côte asiatique de l'Océan pacifique. Or simultanément avec la guerre et la réaction militaro-fasciste qui sévit, ce sont aussi les éléments de la crise au Japon qui va s'accroissant, qui font voler en éclats la stabilisation capitaliste.

L'aiguisement de la lutte de classe et la progression du fascisme

Deuxièmement la fin de la stabilisation capitaliste signifie un aiguisement de la lutte de classe et une progression du fascisme. C'est une formule habituelle de nos thèses et résolutions, qui en tant que telle ne représente rien de nouveau. Cependant au cours de cette nouvelle étape le degré de la fascisation des états capitalistes sera différent, comparé à la situation jusqu'ici. Ce qui se joue actuellement en Allemagne est le modèle pour la voie qu'emprunteront les pays capitalistes, si des actions de lutte révolutionnaires ou la révolution prolétarienne n'arrêtent pas ce processus, voire y mettent fin. Si nous parlons sérieusement de la fin de la stabilisation capitaliste, alors nous devons dire aussi que l'ère de la soi-disant démocratie bourgeoise entre également dans le stade d'une crise aiguë qui l'amène vers l'agonie politique. Le développement de cette crise de la démocratie bourgeoise est déterminé par deux éléments: par l'accroissement de l'essor révolutionnaire et par le développement du fascisme.

Jusqu'ici nous avons parlé de ce que la bourgeoisie gouverne à l'aide de ses deux ailes ‑ la social-démocratie et le fascisme. La période de la stabilisation capitaliste était caractérisée par le fait que la bourgeoisie se servait principalement de la social-démocratie (coalitions, gouvernements social-démocrates). La fin de la stabilisation capitaliste augmente le poids spécifique du fascisme au sein du système de l'administration publique du capital. Il serait prématuré d'affirmer que la social-démocratie soit déjà réduite à vivre dans l'asile de vieillesse, où on lui accorderait le pain de récompense au titre de ses mérites antérieurs. Cependant, d'un autre côté il serait il serait erroné de penser que le fait de la fin de la stabilisation capitaliste en lui-même n'aurait rien changé à la position de la social-démocratie dans le cadre du système de l'état capitaliste. En outre, en particulier à la fin de la stabilisation capitaliste, on ne doit se présenter le fascisme comme un processus unilatéral de renforcement de la réaction. Les partis n'organisent pas la guerre civile quand nulle part n'existe des éléments de cette guerre, quand il n'y a personne contre qui on voudrait lutter. Il serait ridicule de penser que le développement du fascisme se déroulerait en parallèle à une situation stable marquée par la passivité dans le camp du prolétariat. Cela est vrai autant pour les différents pays qu'à l'échelle international.

Premièrement, le fascisme qui, comme l'a souligné le camarade Kuusinen à juste titre, est un produit du pourrissement capitaliste, est voué lui-même à la désintégration. Même durant la ligne ascendante du fascisme allemand, nous pouvons déjà observer des éléments de sa désagrégation.

Deuxièmement, la fin de la stabilisation capitaliste est caractérisée en ce que celles parmi les dictatures fascistes qui ont été instaurées encore durant la période de la stabilisation capitaliste (Yougoslavie, Pologne, Italie) ressent les coups de l'essor révolutionnaire de masse. C'est pourquoi il serait erroné de présenter le développement du fascisme durant la nouvelle phase de la crise générale du capitalisme exclusivement comme une ligne ascendante. À cet égard, les lignes se dérouleront aussi dans la direction opposée. Et c'est en cela que consisteront les éléments de l'essor révolutionnaire et de la crise révolutionnaire qui approche.

Nos thèses caractérisent la situation actuelle comme une lutte des forces antagoniques, qui sous certains aspects s'aiguise de manière houleuse, sous d'autres se trouve entravée. C'est que dans cette lutte des forces antagoniques les éléments de la révolution et de la contre-révolution, qui sont inhérents à la situation extrêmement instable actuelle, vont vers leur mûrissement. C'est tout à fait à juste titre que Marx a dit: Le parti de la révolution engendre un parti uni de la réaction. En tant que parti politique le fascisme est tout aussi instable que la situation actuelle dans son ensemble. En tant que produit de la désintégration du capitalisme il fait apparaître, même dans les moments de son essor le plus haut, des signes de pourrissement. Et si certes le démantèlement de la social-démocratie a nécessité un certain nombre d'années, pour la désintégration du fascisme sous les conditions de la fin de la stabilisation capitaliste seront naturellement nécessaires des délais beaucoup plus courts.

Cependant le fascisme ne s'écrouler pas automatiquement, il ne se désintégrera pas, si on ne lui assène pas un coup. "Aucune classe", dit Lénine à juste titre, "aucun régime ne tombe, si on ne le pousse pas." À l'époque du 11e Plénum nous avons lutté contre la sous-estimation du fascisme (contre la théorie de l'offensive générale, contre la théorie que nous aurions barré la route au  fascisme, que le fascisme serait un moyen défensif du capitalisme, qu'il ne serait qu'un produit de la désintégration, des théories qui ont été érigées par le camarade Neumann en Allemagne). Mais actuellement, camarades, au moment de la fin de la stabilisation capitaliste surgit un nouveau danger, à savoir celui de la sous-estimation du fascisme en tant qu'élément de la désintégration du capitalisme, le danger de considérer la dictature fasciste comme un facteur de la consolidation de la domination de classe de la bourgeoisie.

Il a déjà été indiqué ici à juste titre qu'on ne doit pas considérer comme identiques le fascisme à la fin de la stabilisation capitaliste et le fascisme du début de celle‑ci. Qui peut affirmer actuellement qu'un gouvernement avec Hitler comme chancelier du Reich pourrait sortir le capitalisme allemand de l'impasse et rétablir la stabilisation capitaliste. C'est pourquoi la bourgeoisie allemande, intelligente et calculatrice, ne laisse pas pour l'instant venir Hitler au pouvoir, parce qu'elle craint de compromettre par là ses réserves; elle craint que les gens de Hitler ne rendent encore plus confuse la situation de l'Allemagne, du point de vue de politique intérieure, qu'ils ne conduisent à une situation internationale extrêmement tendue pour elle et n'accélèrent le mûrissement de la crise révolutionnaire en Allemagne. On ne doit pas oublier que l'Allemagne n'est pas un pays semi-agraire comme la Pologne ou l'Italie. L'Allemagne est un pays avec un prolétariat immense, un pays dans lequel les souvenirs de la révolution prolétarienne de 1918 (bien qu'elle n'ait pas réussi) sont vivants, un pays avec un parti communiste fort, avec un prolétariat bénéficiant des traditions de ses organisations de classe et d'une histoire de la lutte de classe depuis bon nombre d'années. Le gouvernement Papen-Schleicher[10] ne réussira pas à museler ces masses, à les clouer à la croix gammée fasciste.

Troisièmement, on ne doit pas oublier que la prise du pouvoir par Hitler en Allemagne créerait une situation internationale totalement différente, comparé à ce qui était le cas pour la prise du pouvoir par Mussolini[11] ou Pilsudski[12]. Elle signifierait un nouveau aiguisement des contradictions de Versailles, une aggravation monstrueuse des relations européennes, ce qui à son tour accélérait le mûrissement de la crise révolutionnaire en Europe centrale. Et cela est un trait caractéristique pas uniquement pour l'Allemagne. Sous les conditions de la fin de la stabilisation capitaliste, le fascisme est une source d'aventures internationales et d'affrontements armés aigus. Imaginez ne serait-ce qu'un instant, ce que l'Europe représenterait du point de vue international, si elle devenait fasciste. Cela signifierait - baïonnettes au canon, artillerie chargée, chars en route; ce serait la guerre tous contre tous. Cela ne ressemblerait pas, et de loin, à une idylle de la stabilisation capitaliste. Et il n'y a absolument pas de hasard à cela. Le fascisme de la fin de la stabilisation capitaliste laissera, toujours plus, apparaître au premier plan ses éléments de la décomposition progressive du capitalisme, cependant cela ne signifie pas que les éléments de la dictature terroriste ne se développent pas également.

Et c'est justement cela, que nous n'avons pas encore dit au 11e Plénum et que nous devons dire maintenant au 12e Plénum. Cette circonstance oblige la bourgeoisie à manoeuvrer à l'égard du fascisme devant les masses. Aussi bien en Finlande qu'en Allemagne nous voyons une bourgeoise qui a érigé le régime de la dictature fasciste, mais qui masque consciemment ce fait en tenant en réserve pour l'instant les bandes respectivement, de Lappo[13] et de Hitler, comme un moyen de pression terroriste sur les masses, afin qu'elles tolèrent la phase actuelle de la dictature fasciste. Notre régime n'est pas encore un régime de dictature fasciste ‑ dit la bourgeoisie aux masses ‑, mais si vous ne tolérez pas ce régime, nous cédons la place à Hitler. Or en quoi consiste la nature d'une dictature fasciste sous réserves, dont nous voyons aujourd'hui le modèle en Allemagne? Naturellement on ne doit pas identifier le gouvernement Papen-Schleicher au gouvernement Brüning[14], mais le gouvernement Papen-Schleicher n'est pas une dictature fasciste accomplie. Et, au juste, une dictature fasciste accomplie du type du fascisme italien, une dictature fasciste pour ainsi dire stable est-elle possible sous les conditions actuelles, extrêmement instables de la fin de la stabilisation capitaliste? D'autre part le fascisme italien a laissé exister pendant un certain temps après sa prise du pouvoir, la presse prolétarienne ("Avanti"), des organisations ouvrières, les syndicats, et à titre semi-légal le Parti communiste, mais il n'a pas pour autant perdu le caractère de dictature fasciste. Ce n'est absolument pas parce qu'il a réprimé le mouvement ouvrier seulement quelques mois après, qu'il aurait renoncé au caractère fasciste durant les premiers mois de son pouvoir.

Nous pensons qu'en Allemagne nous avons déjà une dictature fasciste, cependant la tournure ultérieure des évènements ‑ l'éventualité que les bandes de Hitler viennent au pouvoir, ou alors que le gouvernement Papen-Schleicher pourrait se maintenir pour un temps prolongé ‑, cela dépend de toute une série de conditions du domaine de politique intérieure, et international, mais en premier lieu de l'activité de la classe ouvrière et du degré dans lequel le Parti communiste trouvera les moyens d'élargir le front uni antifasciste et d'unir les larges masses autour des mots d'ordre de ce front. Il serait erroné de faire dévier les travaux du Plénum vers la voie de discussions scolastiques, au lieu d'analyser la situation du prolétariat allemand ainsi que les tâches devant lesquelles il est posé par la lutte contre le fascisme lequel, depuis l'époque du 11e Plénum, s'est fortement accentué.

La fin de la période des réformes sociales

Le troisième élément de la fin de la stabilisation capitaliste, c'est la fin de la période des réformes sociales., l'ébranlement de la situation de l'aristocratie ouvrière, le nouveau niveau de vie de la classe ouvrière parallèlement à la paupérisation de masse de la paysannerie et de la petite bourgeoisie urbaine, ou en d'autres termes la prolétarisation massive des larges masses travailleuses. Nous ne devons pas considérer le nouveau degré de la crise générale du capitalisme comme un processus purement économique de l'économie mondiale, sans prendre en compte en même temps les conséquences sociales et politiques qui résultent du retournement économique; autrement, nous ne pourrions saisir la dialectique de l'accentuation de la lutte de classe, ni le fascisme, ni l'essor révolutionnaire parmi les masses. C'est cela la clé de la révolution prolétarienne. C'est cela la clé pour que les communistes, maintenant plus que jamais, doivent tourner leur attention vers la détresse quotidienne des masses et doivent les mobiliser en vue de la lutte pour leurs revendications économiques les plus élémentaires.

Justement maintenant, alors que la social-démocratie et les réformistes, qui voguent dans le sillage de l'idéologie capitaliste, défendent le capitalisme tout en arguant qu'il ne soit pas en mesure de concéder de nouvelles réformes ni d'améliorer la situation de la classe ouvrière, qu'il soit contraint, sous la pression de la crise mondiale, de baisser les salaires - justement maintenant nous, communistes, devons opposer partout à ces faits notre ligne de la lutte pour les revendications partielles de la classe ouvrière. Nous devons démasquer avec une énergie décuplée la social-démocratie, qui sous le masque d'une radicalité en paroles démoralise les travailleurs, cultive la passivité et l'esprit de capitulation. Précisément la misère économique des masses forme la base pour que l'essor révolutionnaire débouche sur une crise révolutionnaire.

Il faudrait être fou pour croire que la classe ouvrière du Nouveau Monde ou de l'Europe, qui dispose d'une expérience de décennies de lutte pour son  niveau de vie ainsi que de traditions organisationnelles, se laisse réduire à l'esclavage sans résistance et se contente d'un niveau de vie matériel tel qu'il était habituel pour les travailleurs au début du capitalisme. Actuellement, la classe ouvrière nourrit encore des illusions au sujet de la possibilité de revenir aux temps normaux de la stabilisation capitaliste. Elle considère la situation actuelle comme provisoire, passagère. Ici et là les éléments les plus attardés parmi les sans-emploi croient encore que la guerre ou le légendaire "Troisième Reich" va leur procurer du travail. Or la fin de la stabilisation capitaliste leur ouvre les yeux. La perspective de grandes luttes n'a pas été inventée par nous, les communistes, elle devient aujourd'hui réalité, et demain elle précipitera le monde capitaliste dans l'abîme.

À ce Plénum nous devons appeler les communistes de tous les pays à mener un combat sans merci contre toutes ces théories qui identifient la fin de la période des réformes sociales à la fin de la lutte pour les revendications partielles de la classe ouvrière. Certes, la fin de la période des réformes sociales signifie que la bourgeoisie ne réussira plus à enjoliver le capitalisme ni à le camoufler, de façon à le rendre acceptable pour les masses; pourtant cela ne signifie nullement que la classe ouvrière ne puisse plus lutter avec succès pour ses revendications partielles, que ces luttes partielles seraient seulement de la gymnastique révolutionnaire et rien de plus. Sous les conditions de la fin de la stabilisation capitaliste, la signification révolutionnaire de ces luttes s'accroît immensément; toute bataille de ce type ouvre aujourd'hui une brèche dans le système du capitalisme. Et c'est justement en cela que les luttes partielles actuelles se distinguent de la lutte d'autrefois de la social-démocratie pour les “réformes sociales”, qui enjolivait et consolidait le capitalisme. Maintenant tout mouvement pour des revendications partielles, qui entraîne les travailleurs en un conflit avec les bases du système capitaliste, renferme des possibilités révolutionnaires immenses. Maintenant, de toute grève aussi petite qu'elle soit, de tout mouvement élémentaire local, peuvent naître des évènements révolutionnaires d'importance immense, à l'échelle nationale. Et celui qui manque de voir ce côté révolutionnaire des luttes partielles actuelles, celui-là en réalité, à l'égard de la question des “réformes sociales”, se place au point de vue d'avant-guerre de la social-démocratie.

Le rôle de l'Union soviétique

Ensuite, le quatrième élément ‑ le rôle de l'Union soviétique, étant donnée avènement de la fin de la stabilisation capitaliste. La fin de la stabilisation n'est pas uniquement caractérisée par le fait que le capitalisme se trouve dans la phase descendante de sa stabilisation relative, mais aussi par le fait que l'Union soviétique depuis sa période de rétablissement se trouve en ascension ininterrompue. Ces deux lignes de développement, mutuellement opposées de façon diamétrale, approfondissent le gouffre situé entre les deux mondes qui se trouvent en une opposition irréconciliable l'un par rapport à l'autre, elles aiguisent les contradictions entre ces deux mondes et soulèvent la question "qui - qui?[15]" au niveau international.

L'essor révolutionnaire

Et maintenant au sujet de l'essor révolutionnaire. La stabilisation capitaliste, comme on sait, a été déterminée par les trois facteurs principales suivantes: celui économique ‑ rétablissement de l'économie mondiale à son niveau d'avant-guerre (stabilisation de la monnaie, rationalisation capitaliste, et une certaine diminution de la “crise des ciseaux”[16] dans l'agriculture); celui international - entente des impérialistes sur l'exploitation de l'Allemagne (Dawes-Plan), de la Chine, des colonies, et sur la “stabilisation” des relations avec l'URSS; celui politique ‑ répression passagère du mouvement révolutionnaire en Europe centrale par la bourgeoisie, et écrasement par la bourgeoisie mondiale de la première vague de l'offensive du prolétariat mondial dans l'après-guerre. Ce dernier élément, ce facteur subjectif, nous le soulignons particulièrement. La destruction de la stabilisation capitaliste ne pouvait être simplement le résultat de facteurs objectifs: de la crise économique mondiale (progression du fascisme et guerre) et de l'ébranlement du rapport de forces qui s'était formé sur l'arène internationale. L'effondrement de la stabilisation était aussi le résultat des luttes de classe qui se déroulaient au sein de chaque pays capitaliste, lesquelles à l'échelle internationale trouvent en quelque sorte leur prolongement sous forme du mouvement révolutionnaire de peuples entiers contre l'oppression capitaliste. Le développement de la crise capitaliste durant les trois dernières années n'a pas seulement aiguisé les contradictions de classe mais l'élargissement de la lutte de classe était aussi un facteur extrêmement important à l'égard de l'aiguisement et de l'approfondissement de la crise économique elle-même.

[...]

Alors quelle sera l'influence que la fin de la stabilisation capitaliste exercera sur le développement de l'essor révolutionnaire? Indubitablement, dès un temps tout à fait rapproché, il produira un nouveau stade de cet essor, en ce que dans les pays qui se trouvent dans le stade général de l'essor révolutionnaire, cet essor débouchera sur une crise révolutionnaire, de même que dans les pays montrant des éléments mûrissants de la crise révolutionnaire, celle-ci se transformera en situation révolutionnaire. Les premiers signes de ce processus, nous les observons par exemple au Japon, où à côte des éléments du fascisme et de la guerre, mûrissent aussi des éléments de la crise révolutionnaire. Deux éléments originels tels Ormuzd et Ahriman[17] se combattront sous la forme de deux classes qui défendent deux sorties opposées de la crise général du capitalisme: guerre et fascisme d'un côté, et révolution de l'autre.

Si les masses travailleuses seront condamnées à subir encore une poussée du fascisme et de la guerre, avant qu'elles ne fassent le pas vers la révolution prolétarienne - cela dépend en premier lieu des partis communistes; car aujourd'hui sur le globe entier il n'y a pas d'autre force qui puisse mobiliser les travailleurs, les rassembler autour de leurs mots d'ordre de lutte, les organiser dans des organisations de classe révolutionnaires et conduire leur lutte, en vue de l'anéantissement du fascisme et du renversement du capitalisme. En théorie, nous ne pouvons par ailleurs exclure que les évènements prennent un cours selon lequel dans certains pays capitalistes le fascisme et la guerre devancent la révolution prolétarienne tandis que dans d'autres ceux-ci se développent parallèlement; cependant nous nous élèverons de façon tout à fait tranchée contre les attitudes fatalistes qui se répandent parmi certaines composantes du parti, consistant à s'accommoder d'avance en acceptant le supposé caractère inévitable d'un tel cours des évènements historiques. Cette attitude fataliste consiste à considérer que la guerre et le fascisme feront à notre place le travail historique en vue de la préparation de la révolution prolétarienne, qu'ils mineront et détruiront l'influence du frein principal à la révolution prolétarienne ‑ la social-démocratie ‑, qu'il ne servira à rien pour nous de nous engager dans des luttes économiques durant lesquelles nous courrions le danger d'être jetés hors des entreprises; qu'il n'est pas nécessaire pour nous de lutter contre le fascisme puisque dans le développement du capitalisme il serait un stade inévitable, et que le fascisme, plus tôt il viendra au pouvoir plus rapidement il fera son temps et connaîtra la faillite; que les masses fascistes au bout du compte passeront spontanément de notre bord. L'orientation vers la spontanéité est l'autre face de cette attitude.

Maintenant, sous les conditions de la fin de la stabilisation capitaliste, cette attitude représente pour nous le danger le plus grand. Elle démoralise la classe ouvrière, produit l'idéologie du “chvostisme” (c'est‑à‑dire d'être à la traîne - N.R.[18]) et de la passivité. Elle endort la vigilance des masses ouvrières et avec la politique du “moindre mal” prépare la situation dans laquelle le fascisme viendrait au pouvoir sans qu'on s'en rende compte. C'est une idéologie profondément droitière, opportuniste, de capitulation qui, impuissant, prêche angoisse et confusion. Si en Allemagne nous ne pouvons pas faire état de grèves, si là notre lutte contre le fascisme reste fortement en retrait par rapport à la progression de celui-ci, alors c'est attribuable aussi, à côté de l'activité démoralisante de la social-démocratie, à un tel état d'esprit qui s'étend. Si l'on considère que le 20 juillet[19] le KPD n'a pas réagi de façon suffisamment rapide face au “coup d'état” du gouvernement Papen, que l'action du Parti s'est développée à la manière d'une machine trop inerte et n'allait pas du même pas avec le rythme rapide des évènements, nous devons à cet égard également chercher le reflet de l'état d'esprit en question.

Je pense, camarades, exprimer l'opinion du Plénum dans son ensemble, quand je déclare que l'Internationale communiste soutient pleinement la direction du KPD qui se trouve placée devant des tâches immenses et doit travailler dans des conditions très dures. L'IC a lutté et continuera aussi à lutter contre les actions désorganisatrices de certains éléments qui tentent de semer la discorde entre les cadres du Parti, au lieu de soutenir de toutes leurs forces la direction du Parti pour qu'elle remplisse les tâches impliquant des responsabilités considérables qui se posent au KPD. Or, camarades, le Plénum dans son ensemble attend une réponse à la question, pourquoi en Allemagne ‑ le pays dont le Parti est le plus important de l'IC après le PC(b)US ‑, il y a tellement peu de grèves économiques. Il y a des grèves en Espagne, en Pologne, en Tchécoslovaquie, mais très peu en Allemagne. Cette question se pose de façon particulièrement aiguë maintenant, à la fin de la stabilisation capitaliste.

Avant tout il faut constater qu'en Allemagne est présente toute une série de difficultés spécifiques, auxquelles les autres pays ne sont pas confrontés en ce qui concerne le développement des luttes grévistes. Deuxièmement il faut rappeler que le prolétariat allemand durant ces derniers temps a de plus en plus souvent recours à des grèves politiques spécifiques. Troisièmement les masses travailleuses allemandes, dans la lutte contre le fascisme, utilisent d'autres moyens de lutte - comme par exemple la rue. Mais tout cela n'épuise pas encore la question. On dit que les grèves en Allemagne sont retardées suite à la situation internationale difficile de ce pays. Sous l'influence de l'agitation social-démocrate la classe ouvrière croit encore qu'elle doit sauver l'Allemagne capitaliste - qui a subi une défaite dans la guerre impérialiste - face à la pression terrible de la part de l'impérialisme mondial (en premier lieu de la France). Le prêche en vue de l'unité nationale et de la communauté de sacrifices se nourrit de Versailles en ce que le système de Versailles produit non seulement les éléments de la crise révolutionnaire, mais aussi des difficultés supplémentaires à l'égard de son mûrissement. En outre, on affirme que le développement des luttes grévistes se heurte à l'obstacle de la force de la social-démocratie et des syndicats réformistes; à cela, dit-on, s'ajoutaient les illusions non encore surmontées, selon lesquelles le retour de la stabilisation capitaliste serait possible si l'on ne secoue pas le pays par l'éruption de luttes de classe. On affirme que la terreur effrénée des entrepreneurs qui menacent les ouvriers de sanctions, jouerait en Allemagne un rôle beaucoup plus important que dans d'autres pays. Tout cela est vrai. Mais en tant que militants politiques révolutionnaires nous devons voir non seulement ces difficultés mais aussi les possibilités nouvelles considérables en faveur de luttes économiques, possibilités qui se révèlent en lien avec la fin de la stabilisation capitaliste et qui se prolongeront aussi dans l'avenir.

Le fait que le socialisme n'est plus capable de donner lieu à des réformes sociales, que l'état capitaliste se dégage toujours plus de ses responsabilités sociales à l'égard de la classe ouvrière et se transforme toujours plus ouvertement en un organe de l'oppression politique, le fait qu'une interdépendance et un entrelacement mutuels énormes s'établit entre le capital financier et toutes ses ramifications d'une part et l'appareil d'état de l'autre, - ces faits naturellement opposent une série d'obstacles au développement de luttes grévistes. Tous ces traits, que le capitalisme monopoliste revêt durant la période de sa crise générale, ont déjà mûri dans le cadre de la stabilisation capitaliste, mais maintenant, dans la période de la fin de celle-ci également, ils connaissent une stimulation renouvelée. La social-démocratie dit aux masses: la bourgeoisie déclare faillite, elle ne peut plus augmenter les salaires, elle ne peut pas financer l'assurance sociale, son état ne peut exercer une fonction quelconque; or dans ce contexte, la lutte économique, la lutte pour les revendications économiques est vaine, car elle a de moins en moins de chances de succès; des groupes isolés du prolétariat qui s'engagent dans la lutte, sont impuissants face au capitalisme monopoliste et seront battus un à un. Il faut capituler - dit la social-démocratie; et rester en attente de la lutte décisive suprême - ajoutent les opportunistes de droite et de “gauche”.

La théorie de l'impossibilité des grèves durant la crise économique trouve aujourd'hui son prolongement dans la théorie de l'impossibilité des luttes partielles durant la période de la fin de la stabilisation capitaliste. Or, selon cette vision, s'il n'y a pas de luttes économiques, si les conditions pour une lutte décisive pour la dictature prolétarienne ne sont pas encore mûres, si les luttes politiques partielles se fracassent contre l'armure de l'appareil d'état capitaliste, accru jusqu'à des proportions énormes, alors il ne reste rien d'autre que de s'orienter vers le fascisme et la guerre à titre d'alliés. Notre tâche de lutte la plus importante consiste à surmonter cet état d'esprit, dangereux pour la cause de la révolution prolétarienne. Si le prolétariat renonçait à la grève comme moyen de lutte, alors par là, face à l'offensive capitaliste, il se désarmerait complétement et concéderait au capital la liberté d'action totale dans la remise en cause du niveau de vie des masses travailleuses. On dit qu'il est difficile de lutter, mais alors pourquoi nos camarades polonais et espagnols dans des pays avec des partis communistes plus petits, avec un capitalisme plus faible et “plus pauvre“, savent mener des luttes avec succès, et non seulement empêcher des baisses de salaire mais aussi imposer des hausses de salaire?

Cependant, bien que nous supposons qu'il y ait effectivement une série de difficultés spécifiques qui entravent le développement des luttes économiques, il est du devoir du parti de tirer profit d'autres formes de lutte, pour conduire les masses ouvrières à des luttes économiques et politiques. Dans ces luttes le prolétariat apprendra à faire usage de moyens extrêmement efficaces afin de contraindre son ennemi au recul, avant qu'il n'emploie son moyen de contrainte le plus puissant - la révolution prolétarienne.

Il est nécessaire de souligner particulièrement que sous les conditions de la stabilisation capitaliste, des luttes économiques débouchent de façon largement plus prompte qu'avant sur des luttes politiques et que des grèves économiques s'entrelacent au plus haut point étroitement avec des grèves politiques. Dans les temps à venir, nous poserons la question de la grève politique de masse de façon plutôt nouvelle. Le prolétariat se convaincra, de par l'expérience de sa lutte, que sans un tel coup, concentré et simultané, il est impossible de briser la résistance de l'ennemi de classe. Et cette méthode de lutte commence à se frayer un chemin parmi les masses. C'est justement pour cela que maintenant la social-démocratie, qui prend en compte l'état d'esprit des ouvriers, joue maintenant avec le mot d'ordre de la grève générale. On doit savoir déceler derrière cette imposture de la social-démocratie la volonté des masses, autrement nous livrerions les masses à la démagogie social-démocrate malhonnête. Nous devons arracher cette arme à la social-démocratie en soumettant au large forum de la classe ouvrière la question de la préparation et de la mise en oeuvre de la grève politique de masse, et prouver à l'aide de l'expérience que la social-démocratie avec ses mots d'ordres prétentieux en réalité dupe les ouvriers.

Nous ne devons pas oublier que dans les conditions de la fin de la stabilisation capitaliste la grève politique de masse devient l'un des moyens de lutte les plus importants et efficaces parmi l'arsenal des armes de la classe ouvrière. En formulant le mot d'ordre de la grève politique de masse, il est du devoir des communistes d'envisager les conditions concrètes de sa mise en oeuvre afin que le mot d'ordre de la grève politique de masse ne soit pas lancé en l'air, comme c'était souvent le cas dans la pratique des partis communistes. Or si nous posons la question de la dictature prolétarienne, la question de la grève politique de masse, alors cela ne signifie nullement que nous devons prendre de haut la question de notre travail quotidien de renforcement de nos liens avec les masses. Ce travail quotidien est en effet l'unique moyen sur pour éviter que notre lutte pour la dictature prolétarienne, pour la préparation et organisation de la grève politique de masse se transforme en paroles creuses, en phraséologies révolutionnaires sans contenu.

[...]

Si à la suite de nombreuses résolutions des six congrès mondiaux et des onze Plénums nous n'avons pas encore mis en oeuvre les décisions des trois premiers congrès mondiaux, on doit comprendre qu'il est de notre devoir de dire cela ouvertement devant toutes les sections de l'Internationale communiste. Et la caractérisation du moment actuel comme fin de la stabilisation capitaliste ne constitue-t-elle pas la perspective révolutionnaire majeure que nous donnons au mouvement communiste en lien avec le contexte donné des forces de classe? Cette perspective précisément conditionne la façon de poser la question de la dictature prolétarienne dans la période ouverte devant nous. Notre agitation et propagande pour le mot d'ordre de la dictature prolétarienne débouchera de plus en plus sur un mot d'ordre d'actions d'envergure des masses, actions qui, en lien avec leurs revendications quotidiennes, les soulèvent en vue de la lutte pour l'instauration de la dictature prolétarienne. Les éléments purement propagandistes passeront quelque peu à l'arrière-plan. Quant aux mots d'ordre de la période de transition, nous devrons également les aborder de façon quelque peu différente. Aujourd'hui nous lançons ces mots d'ordre encore presque nulle part, mais demain cette question peut devenir d'actualité pour les partis communistes, de par le développement des évènements dans tel ou tel état capitaliste.

Une actualité particulière peuvent revêtir p. ex. des mots d'ordre tels que la confiscation par les organes de lutte de la classe ouvrière, des stocks de vivres et des objets de première nécessité aux fins de l'approvisionnement des masses nécessiteuses sans emploi, ou le mot d'ordre de l'occupation et de la remise en fonctionnement par les travailleurs, d'entreprises fermées, etc. Si nous parlons du travail de masse quotidien à première vue le plus modeste, le plus simple, nous devons aussi prévoir la possibilité de sursauts spontanés du mouvement de masse. Si durant la période de la stabilisation partielle nous avons pu observer des mouvements tel que le mouvement de protestation contre l'exécution de Sacco et Vanzetti[20], les journées de juillet à Vienne[21] ou la grève générale qui en un laps de temps de quelques jours a ébranlé jusque dans les fondements le régime capitaliste en Grande-Bretagne[22] ‑ que dire maintenant alors que le monde capitaliste est entré dans la période de la fin de la stabilisation capitaliste?

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Sur la social-démocratie

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Après la crise suscitée par la guerre et la révolution d'Octobre la social-démocratie s'est établie comme parti de la stabilisation capitaliste. La fin de la stabilisation capitaliste lui ôte cette base. Après la guerre de 1914 la social-démocratie a joué la partition du pacifisme, a fait beaucoup de bruit autour de la Société des Nations et a tenté de prouver que le capitalisme, par la “démocratie”, peut assurer la paix. La guerre en Extrême-Orient, le danger d'une guerre entre la Pologne et l'Allemagne, le danger d'une invasion de l'URSS - l'ensemble de la situation actuelle d'approche d'une guerre a ôté à la social-démocratie aussi cet outil avec lequel elle a berné les masses qui craignent la guerre. La social-démocratie a défendu la démocratie ‑ le fascisme lui a aussi enlevé cela; elle s'est appuyée sur les réformes sociales ‑ le capitalisme a détruit aussi cette possibilité; elle a vécu de la peur commotions, qui s'est encore maintenue chez les couches ouvrières rétrogrades, contaminées par l'étroitesse d'esprit petit-bourgeois ‑ cependant le capitalisme est entré dans une période de commotions des plus sévères et a emporté avec soi des millions de gens, et avec eux aussi la social-démocratie.

Voilà quelles sont les causes qui déterminent les transformations actuelles de la social-démocratie. On ne doit pas se représenter ces transformations, de même qu'en général tous les processus sociaux et politiques, comme des processus qui à l'échelle internationale se déroulent de façon purement mécanique, simultanément et sous une forme similaire. Ces processus se dérouleront dans les différents pays différemment, en fonction de la progression du fascisme, de la radicalisation des masses etc. Pour l'essentiel, ils peuvent être ramenés aux deux types suivants: a) une première partie de la social-démocratie, en suivant l'exemple de MacDonald[23], Thomas[24], Snowden[25], passera ouvertement dans le camp du capitalisme et de la réaction; b) une autre partie de la social-démocratie choisira la fronde et tentera de retenir les masses devant la perspective de passer au communisme (les indépendants britanniques[26], le groupe Seydewitz-Rosenfeld[27]). Le noyau principal de la social-démocratie qui inclut une branche de gauche, tentera une fois de plus de maîtriser les processus de radicalisation de la classe ouvrière en lançant une série de mots d'ordre sonnant passablement radicaux.

Actuellement, dans les pays capitalistes principaux, nous observons comment ce type de manoeuvres de la social-démocratie prend forme. C'est un nouveau trait dans le développement de la social-démocratie, qui est conditionné par la fin de la stabilisation capitaliste. Ces manoeuvres trouvent leur expression dans quatre éléments principaux: La social-démocratie qui au cours de décennies a fait figure de parti des réformes sociales, se déclare aujourd'hui parti du socialisme, de l'objectif final du mouvement ouvrier ‑ naturellement d'un socialisme démocratique qui devrait être atteint sans révolution prolétarienne, sur la voie de la mise en oeuvre du "programme de nationalisations" dans le cadre du capitalisme. Par cette manoeuvre la social-démocratie tente d'introduire la confusion dans la conscience des travailleurs et de les duper comme en 1918‑1919 avec des plans de socialisation. Et cette circonstance nous dicte à nous, communistes, la nécessité de poser avec une précision particulière la question du pouvoir de la dictature prolétarienne. En ce moment, dans la lutte contre la social-démocratie, c'est le maillon de chaîne le plus important que nous devons saisir. C'est pourquoi nos mots d'ordre dans l'étape actuelle doivent se distinguer par une précision particulière et ne doivent admettre aucun doute sur leur contenu véritable. Dès maintenant la social-démocratie reprend formellement toute une série de nos mots d'ordre de lutte, dont elle élimine le contenu révolutionnaire, ainsi le mot d'ordre du gouvernement ouvrier et paysan, par moments aussi le mot d'ordre de la dictature prolétarienne etc. Sans aucun doute elle se servira aussi de mots d'ordre tels que la démocratie prolétarienne. C'est pourquoi, pour lutter contre la démagogie que la social-démocratie manie autour de la référence au socialisme, notre vieux mot d'ordre de lutte, celui de la dictature du prolétariat, le mot d'ordre du pouvoir, doit ressortir avec une netteté particulière.

La deuxième manoeuvre: La social-démocratie joue maintenant la partition de l'opposition contre l'état bourgeois. Wels[28] déclare que la social-démocratie, après y avoir réfléchi mûrement (donc, notez bien, pas simplement dans l'émoi mais après réflexion!) est arrivée à la conviction que le capitalisme a fait son temps et que le socialisme se trouve mis à l'ordre du jour[29]. Vandervelde[30] déclare qu'il n'y aura pas de retour en arrière vers la politique de coalition. Cette démagogie de la social-démocratie complique la lutte contre elle, puisqu'elle suscite parmi les masses des illusions au sujet d'un virage du social-fascisme vers la politique de classe. Cela exige de nos partis non pas simplement qu'ils s'élèvent de façon agitatoire contre la trahison de la part des dirigeants social-démocrates, mais qu'ils profitent de l'état d'esprit oppositionnel des travailleurs social-démocrates contre l'état bourgeois de sorte que cet état d'esprit débouche sur une action effective, au cours de laquelle les masses apprennent à connaître par l'expérience ce que vaut la prétendue opposition des dirigeants social-démocrates.

Or de cela peut surgir pour certains communistes la question si finalement face à cette situation et à la progression du fascisme, la social-démocratie ne cesse pas d'être l'appui social principal de la bourgeoisie. Si nous pourrions imaginer, camarades, une telle situation paradoxale, que nous aurions battu la social-démocratie, mais que le fascisme aurait progressé encore plus, alors naturellement nous devrions réviser notre vieille thèse de Lénine de la social-démocratie comme appui social principal de la bourgeoisie. Or, si c'était arrivé p. ex. en Allemagne, alors il n'y aurait là-bas plus de fascisme et pas non plus de capitalisme. S'il n'y avait pas d'influence social-démocrate dans la classe ouvrière, alors du coup le monde se présenterait aussi différemment. On prétend qu'en Italie on ne puisse pas considérer la social-démocratie comme appui social principal de la bourgeoisie. Or qui a aidé le fascisme italien à arriver au pouvoir? Sur les épaules de qui le fascisme a-t-il effectué sa montée? Qui sabote maintenant la lutte de défense des masses contre la terreur fasciste dans tous les pays capitalistes? Être l'appui social principal signifie justement entraver la lutte de la seule classe révolutionnaire contre la dictature bourgeoise dans toutes ses formes. La deuxième question: Est-ce que le processus de fascisation de la social-démocratie ne se trouve-t-il pas bloqué dans le cadre de la fin de la stabilisation capitaliste? Il continuera comme avant à évoluer comme il a évolué dans les pays où la social-démocratie n'était pas directement partie prenante du gouvernement. Un parti qui, dans les conditions de la fin de la stabilisation capitaliste également, se place sur le terrain du capitalisme, ne peut faire autrement que suivre la voie de la fascisation. Monsieur Blum[31] n'est partie prenante d'aucune coalition, mais ce n'est pas pour autant que dans le passé, le présent et l'avenir il défend le capitalisme moins bien que Noske[32], au contraire, il le défend même mieux, plus intelligemment et de façon plus élastique. La fascisation de la social-démocratie signifie l'aiguisement de ses méthodes brutales contre l'avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière, contre le Parti communiste, elle signifie sa haine croissante contre l'Union soviétique.

[...]

Conclusions

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Notes



[1].       Ne disposant pas d'une source en français, nous avons traduit le texte de l'allemand.

[2].       [321ignition] Les annotations sont formulées par nous en tenant compte d'éventuelles notes figurant dans la source.

[3].       Plan Dawes.

Le 1er septembre 1924 entre en vigueur le plan Dawes, du nom du banquier américain Charles Dawes. Adopté à Londres par un comité d'experts, il fixe le montant des réparations de guerre dues par l'Allemagne au titre du traité de Versailles et prévoit leur paiement sous la forme d'un emprunt et d'impôts, ainsi que l'évacuation progressive de la Ruhr par les troupes françaises et belges.

[4].       Plan Young.

Le 31 mai 1929, une commission interalliée réunie à Paris adopte un plan pour le rééchelonnement sur 59 ans (jusqu'en 1988) du reliquat des réparations de guerre dues par l'Allemagne au titre du traité de Versailles. Il prend le nom de plan Young, d'après l'un des membres de la Commission, Owen Young (président du conseil de surveillance General Electric). Il se substitue au plan Dawes adopté en 1924. Cependant les USA refusent, au sujet des dettes des alliés à leur égard, que le remboursement de celles‑ci soit lié à la question des réparations allemandes. Une nouvelle conférence tenue du 16 juin au 9 juillet 1932 à Lausanne, réduit le montant des réparations et concède un moratoire de trois ans. Finalement, les comptes ne seront soldés définitivement qu'en 2010, par la République Fédérale Allemande.

[5].       Entre 1921 et 1935 se déroule une série de cinq négociations ayant pour objet la limitation de la capacité de la marine des plus grandes puissances maritimes.

Les négociations sont initiées par la Conférence de Washington de 1921‑1922 avec la participation de la Grande‑Bretagne, des USA, du Japon, de la France et de l'Italie. Le traité à cinq (Angleterre, USA, Japon, France, Italie), du 6 février 1922, impose une limitation des armements navals, selon le nombre de navires chiffré pour chacun des pays signataires. Ces dispositions, qui consacrent l'égalité des flottes anglaise et américaine, resteront en vigueur jusqu'à la conférence de Londres en 1936. En 1927 se tient une réunion à Genève, qui reste sans résultat. En 1930 une réunion se tient à Londres avec la participation de la Grande‑Bretagne, des USA, du Japon, de la France et de l'Italie. L'enjeu concerne à la fois le rapport entre le nombre respectif de navires pour chacun des pays, que le tonnage des navires. Les accords obtenus sont prévus d'expirer en 1936. Après cette conférence, les tractations multilatérales se poursuivent, notamment entre la France et la Grande-Bretagne et parallèlement entre la France et l'Italie. La France et la Grande‑Bretagne élaborent un projet de dispositions en la matière, au sujet duquel les gouvernements britannique et italien arrivent à un accord de principe le 28 février 1931, l'Italie soumettant néanmoins des contrepropositions. Le 1er mars est conclu un accord tripartite en la matière. En 1935 se tient une seconde conférence de Londres, que le Japon et l'Italie quittent, mais la Grande‑Bretagne, la France et les USA signent un accord concernant le tonnage.

[6].       Thèses sur la situation internationale et les tâches de l'IC. Numéro spécial de La Correspondance Internationale, n° 149, 8e Année, 11 décembre 1928, Paris, Bureau d'éditions, p. 1700‑1701. Cf. le texte .

[7].       Le 11e Plénum du Comité exécutif de l'Internationale communiste se tient du 26 mars au 11 avril 1931.

[8].       Dantzig.

Incorporée à l'État prussien en 1815, la ville de Dantzig (aujourd'hui Gdansk) devient avec le traité de Versailles (1919), le centre de la "ville libre de Dantzig", territoire doté d'un statut international sous mandat de la Société des Nations. La Prusse orientale est alors séparée du reste de l'Allemagne par ce qu'on appelle le "couloir" ou "corridor" de Dantzig. L'accord de Varsovie du 24 octobre 1921 limite la souveraineté du territoire au profit de la Pologne. Après la prise du pouvoir par les national-socialistes, le gouvernement polonais entame des entretiens exploratoires avec Hitler, notamment au sujet de Dantzig. En avril 1933, les national-socialistes obtiennent la majorité à la Diète de Dantzig. Le 5 aout 1933, un accord est conclu entre la Pologne et les autorités de Dantzig. Les négociations bilatérales consécutives se caractérisent par l'exclusion de représentants de la Société des Nations, tandis que le régime national-socialiste met en sourdine les prises de positions hostiles à la Pologne à ce sujet. Parallèlement, des représentants de l'Allemagne explorent auprès de la Grande-Bretagne des possibilités du rattachement direct de Dantzig à l'Allemagne en échange d'une compensation territoriale de la Pologne à l'Est, ce qui suscite des protestations de la part de l'URSS. Le 9 octobre, un groupe d'experts allemands se rend à Varsovie pour conduire des entretiens visant à mettre fin à la guerre commerciale entre l'Allemagne et la Pologne. Le 14 octobre Hitler annonce la sortie de l'Allemagne de la Société des Nations et de la Conférence de Genève sur le désarmement. Pour contrebalancer cette accentuation de l'isolement internationale de l'Allemagne, celle-ci poursuit les pas vers une amélioration des relations avec la Pologne. Le 26 janvier 1934 les deux pays adoptent une déclaration commune de non-agression mutuelle. Le 28 avril 1939, Hitler dénonce cette déclaration. Il exige la réintégration de Dantzig à l'Allemagne; s'en suivra le 1er septembre 1939 l'invasion de la Pologne.

[9].       Guomindang ou Kuomintang ("Parti nationaliste")

Au cours de l'année 1911, l'Alliance révolutionnaire (Zhongguo geming Tongmenghui, c'est‑à‑dire Ligue révolutionnaire unie de Chine, ou simplement Tongmenghui), fondée par Sun Yìxian (Sun Yat‑sen) en 1905, intervient activement pour développer l'agitation, qui se dirige contre le régime impérial et amène l'effondrement de celui‑ci. Le 29 décembre, des représentants des diverses provinces choisissent Sun Yìxian comme président de la République. En février 1912 Yuan Shikai, chargé par la Cour de réprimer les révoltes, obtient l'abdication du jeune empereur Puyi; une Assemblée réunie à Nanjing (Nanking) désigne Yuan Shikai comme président de la République. La Tongmenghui est transformée en Guomindang, qui formule comme programme les “Trois Principes du peuple”: nationalisme, démocratie, bienêtre *. Cependant en 1913 des soulèvements provoquent la dissolution du Guomindang par le régime. En 1914 le Japon s'empare des concessions allemandes en Chine (Qingdao, dans la province Shandong) et en 1915 impose à la Chine son protectorat. Yuan Shikai décède en 1916, la Chine entre alors dans une longue période de luttes entre les chefs républicains et les généraux. En Chine du Nord les dujun ("seigneurs de la guerre") rivaux, Zhang Zuolin, gouverneur de Mandchourie, Cao Kun, gouverneur du Zhili (correspondant approximativement à la province actuelle Hebei), etc., s'opposent dans des conflits armées qui se poursuivront jusqu'en 1927.

En 1921 est créé à Shanghai le Parti communiste chinois (PCC), qui adhère à l'Internationale communiste l'année suivante. En 1922 Sun Yìxian est porté à Guangzhou (Canton) à la présidence de la République. Il se donne pour objectif la reconquête de toute la Chine du Sud et la prise de Beijing (Pékin), face aux deux factions ennemis, dont l'une soutenue par le Japon, l'autre par la Grande‑Bretagne. À partir de 1923‑1924 il obtient le soutien de l'U.R.S.S. et le Guomindang accepte le principe d'un front uni impliquant l'intégration des communistes en son sein. Après la mort de Sun Yìxian en 1925, s'opère une scission au sein du Guomindang entre, d'une part, une fraction autour de Wang Jingwei et Song Qingling (veuve de Sun Yìxian) et, d'autre part, celle dirigée par Jiang Jieshi (Chiang Kai‑shek). En 1926 Jiang Jieshi l'emporte et exclut les communistes des organes dirigeants. Il organise une “expédition vers le Nord” dans l'objectif de reconquérir les provinces tenues par les divers gouverneurs. Le 12 avril 1927 un soulèvement des travailleurs de Shanghai, animé par le PCC, est réprimé par l'armée de Jiang Jieshi, le massacre fait des milliers de victimes. Nanjing devient le siège du gouvernement du Guomintang de Jiang Jieshi. Les communistes sont privés de leurs bases urbaines, Mao Zedong, Zhou Enlai et Zhu De rassemblent des troupes pour former une armée populaire de libération qui se regroupe dans les montagnes du Hunan puis du Jiangxi. En 1928 Jiang Jieshi marche vers le nord et entre en juin à Beijing, qui est déclaré capitale.

En novembre 1931 est créé une République soviétique chinoise (capitale Ruijin au Jiangxi). En septembre de la même année les Japonais occupent la Mandchourie qui l'année suivante devient le Mandchoukouo, État prétendument indépendant, placé sous l'autorité de Puyi, dernier empereur mandchou.

          * “Trois Principes du peuple” (en chinois “Sanmin zhuyi”, “min” signifie peuple, citoyen): nation (minzu), démocratie (minquan), bienêtre (minsheng).

[10].     Du gouvernement Hermann Müller (SPD) au gouvernement Adolf Hitler (NSDAP).

En 1919, après la prise de fonction de Friedrich Ebert (SPD) comme président du Reich, Hermann Müller conjointement avec Otto Wels est élu comme président du SPD. En mars 1920, après la mise en échec du putsch Lüttwitz-Kapp, Müller devient chancelier du Reich à la tête d'un gouvernement de coalition incluant SPD, Parti démocratique allemand (Deutsche Demokratische Partei, DDP) et Parti du centre (Zentrumspartei, Zentrum); cependant les résultats des élections de juin 1920 conduisent à sa démission. Au Congrès du SPD de 1921 il obtient l'approbation d'une résolution qui autorise le parti à former au niveau national de même que celui régional des coalitions avec le Parti populaire allemand (Deutsche Volkspartei, DVP). En juin 1928 il forme un gouvernement de coalition incluant SPD, DVP, Zentrum et DDP, qui restera en place jusqu'en mars 1930.

Le 31 mars 1930, le gouvernement de coalition formé en juin 1928 est remplacé par un gouvernement avec à sa tête Heinrich Brüning (Zentrum), lequel se situe délibérément en dehors d'une coalition parlementaire figée. Le 18 juillet, à l'Assemblée nationale (Reichstag), Brüning présente un décret signé d'avance par le président Paul von Hindenburg, qui dissout le Parlement. À partir d'octobre 1930, ont lieu de multiples rencontres des principaux acteurs politiques et économiques avec Adolf Hitler et d'autres représentants du NSDAP, dans le but de trouver d'une manière ou d'une autre une formule l'associant au gouvernement. Le 1er juin 1932 est constitué un gouvernement dirigé par Franz von Papen (Zentrum); Kurt von Schleicher (sans parti) est ministre de la Défense [Reichswehrminister]. Le gouvernement déclare explicitement ne pas être une émanation des partis.

Le 20 juillet, il destitue le gouvernement de Prusse ‑ dirigé par le SPD auquel étaient associés le Zentrum, le DDP, le Parti d'État allemand (Deutsche Staatspartei, DStP) ‑ et le chancelier du Reich assume la fonction de commissaire du Reich pour la Prusse. Le 31 ont lieu de nouvelles élections à l'Assemblée nationale. Le NSDAP obtient 230 sièges sur un total de 608, le SPD 133, le KPD 89, le Zentrum 75. Le 6 novembre sont organisées encore des élections. Cette fois le NSDAP obtient 196 sièges sur un total de 584, le SPD 121, le KPD 100, le Zentrum 70. Le 3 décembre, Schleicher remplace Papen et constitue un nouveau gouvernement. Il tente de trouver une solution au fait que le régime souffre du manque d'une base de masse. Dans ce but il s'efforce à établir une alliance incluant les national-socialistes, et aussi les syndicats et les social-démocrates. Il échoue dans sa démarche, et n'obtenant pas du président Hindenburg la dissolution, une fois de plus, de l'Assemblée nationale, il démissionne le 28 janvier 1933. Le 30 janvier 1933 Hindenburg nomme Hitler chancelier.

[11].     Le régime instauré en Italie par le Parti national fasciste.

Le 28 octobre 1922 les fascistes italiens organisent la “marche sur Rome”, une démonstration de force qui a pour résultat, le 30, la formation d'un gouvernement dirigé par Benito Mussolini. Auparavant, celui‑ci avait fondé le Parti national fasciste (Partito Nazional Fascista, PNF) en novembre 1921, et en juin 1922, des syndicats fascistes s'étaient constitués en se réunissent en une Confédération générale des syndicats nationaux. La répression policière frappe certes les communistes. Néanmoins, après une vague d'arrestations en février 1923, leurs procès se terminent, en octobre, par l'acquittement. Finalement, entre janvier 1925 et mars 1929, Mussolini met peu à peu en place une dictature qui s'appuie sur un état aux prérogatives étendues, incarné par son chef (Il Duce). Sur la base de la loi de décembre 1925, celui-ci est uniquement et personnellement responsable devant le roi. À compter de janvier 1926, l'exécutif légifère sans restriction, par décrets‑lois. En novembre 1926, après une tentative d'assassinat contre Mussolini, les "lois de défense de l'État" ("leggi per la difesa dello Stato") suppriment la liberté de presse, interdisent les partis politiques autres que le PNF, réorganisent la police sous l'égide de l'OVRA (Organisation de vigilance et de répression des antifascistes) et créent un Tribunal de défense de l'État. Ainsi l'État est doublé d'un parti unique, chapeauté par un Grand Conseil du Fascisme, qui choisit les candidats aux élections législatives et peut en présenter au poste de chef de gouvernement en cas de vacance du pouvoir (lois de 1928). À compter de 1929, le PNF est pleinement inscrit dans les institutions; la Chambre des députés, si elle est maintenue jusqu'en 1938, lui est de fait subordonnée.

[12].     Józef Piłsudski.

Piłsudski, au début de la Première guerre mondiale, commande une brigade polonaise au sein de l'armée austro-hongroise, mais ensuite il prend le parti des puissances alliées adverses. Il proclame la République à Varsovie le 11 novembre 1918, et est confirmé dans les fonctions de chef de l'État par la Diète constituante. En 1923 il se retire de la vie publique, mais le 12 mai 1926 il s'installe à la tête du pouvoir par un coup d'état. Cumulant les fonctions de chef de l'État, de Premier ministre et de ministre de la Guerre, il établit son pouvoir personnel; il conserve certaines apparences d'une démocratie parlementaire mais gouverne de façon autoritaire. En octobre 1927 plusieurs petits partis, groupes conservateurs et catholiques, des représentants de l'industrie, des fractions issus du Parti socialiste polonais (Polska Partia socjalistyczna, PPS) et des partis paysans, des associations professionnelles, sociales et culturelles, et de nombreux individus, fusionnent en une organisation appelée Bloc non-partisan pour la coopération avec le gouvernement (Bezpartyjny Blok Współpracy z rządem, BBWr); ce bloc fait la promotion d'un programme “d'assainissement” (en polonais: “sanacja”) de la vie politique. En 1930 une junte militaire assume le gouvernement, les dirigeants des partis d'opposition son arrêtés. Piłsudski décède en 1935.

[13].     Mouvement Lappo.

En novembre 1919 dans le village finlandais de Lapua, de la région d'Ostrobotnie du Sud, des paysans attaquent une réunion de jeunes communistes. En se référant à cette localité, une petite organisation se nommant jusque-là "Verrou de Finlande" se constitue en "mouvement Lappo" dirigé par Vihturi Kosola. Il s'agit d'une organisation anticommuniste, nationaliste et religieuse. En 1930 elle déclenche une tentative de coup d'état que le gouvernement désamorce en faisant adopter une loi visant à la dissolution et l'interdiction des groupes communistes, se conformant ainsi à une demande du mouvement Lappo.

[14].     Cf. note 10 .

[15].     V. Lénine, La nouvelle politique économique et les tâches des services d'éducation politique (rapport présenté au 2e Congrès des Services d'éducation politique de Russie, le 17 octobre 1921):

Qui vaincra: le capitalisme ou le pouvoir des soviets? Voilà à quoi se résume toute la guerre actuelle: qui vaincra, qui profitera le premier? [...] Toute la question est de savoir lequel devancera l'autre.

(Oeuvres, tome 33, aout 1921 - mars 1923, Paris, Éditions sociales, 1963, p. 58‑59).

[16].     Crise des ciseaux.

Cette expression désigne une situation d'inadéquation entre la production rurale et celle urbaine: d'un côté une tendance à un niveau relativement bas des prix de vente et donc des revenus des agriculteurs; de l'autre côté, une tendance inverse pour les produits manufacturés.

[17].     Ormuzd et Ahriman.

Une mythologie propagée en Perse antique au 7e siècle av. notre ère par Zoroastre (ou Zarathoustra) oppose deux dieux: Ahura‑Mazda (ou Ormuzd) représentant le royaume de la Lumière, et Ahriman symbolisant celui des Ténèbres.

[18].     хвост, en Russe, signifie queue.

[19].     Destitution du gouvernement régional de Prusse, 20 juillet 1932.

Le 30 mars 1930, au niveau national, le gouvernement de coalition dirigé par Hermann Müller (SPD) est remplacé par un gouvernement de coalition dirigé par Heinrich Brüning (Zentrum) auquel le SPD ne participe pas (cf. note 10 ). En Prusse continue en place un gouvernement de coalition formé le 5 avril 1925, dirigé par Otto Braun (SPD). Suite à la modification du rapport de forces au niveau national, se fait chemin, au sein des partis de droite, une orientation vers la rupture avec le SPD en Prusse également. Après les élections régionales du 24 avril 1932, quand le NSDAP obtient 162 sièges et le SPD 94, le gouvernement prussien démissionne. Les efforts de former un nouveau gouvernement investi par l'assemblée régionale restent infructueux.

Le 1er juin 1932 Franz von Papen (Zentrum) succède à Brüning comme chancelier du Reich. Le 20 juillet il déclare que, sur demande du président du Reich, il a signé un "décret concernant le rétablissement de l'ordre et de la sécurité publiques dans le territoire du Land Prusse". Le décret nomme le chancelier du Reich comme commissaire du Reich pour le Land Prusse. Papen informe qu'il démet de leurs fonctions tous les ministres du gouvernement prussien, dont le Premier ministre Braun et le ministre de l'Intérieur Carl Severing (également SPD).

[20].     Nicola Sacco, Bartolomeo Vanzetti.

Sacco et Vanzetti sont deux immigrés italiens aux USA. Après avoir rejoint, séparément, la même aile du mouvement anarchiste (celle ayant pour principal représentant l'avocat Luigi Galleani), ils se rencontrent en 1917 lorsqu'ils passent au Mexique pour se soustraire à l'enregistrement obligatoire en vue de la mobilisation pour l'armée. Le 15 avril 1920, le caissier de la manufacture de chaussures Slater and Morril, à South Braintree (Massachusetts), située à une vingtaine de kilomètres de Boston, et son garde du corps, porteurs de deux coffres contenant la paye du personnel, sont abattus à coups de révolver par deux hommes. À cette date, la police du Massachusetts enquête sur une affaire semblable, survenue quelques mois plus tôt dans la petite ville de Bridgewater. Le 4 mai 1920, elle arrête Sacco et Vanzetti. Ce dernier est inculpé dans l'affaire du hold-up de Bridgewater, et condamné à quinze ans de prison. Le procès des auteurs présumés du hold-up de South Braintree a lieu à Dedham, du 31 mai au 14 juillet 1921, Sacco et Vanzetti sont condamnés à mort. Différentes requêtes en révision du procès sont déposées entre 1921 et 1927, en vain. Le 23 aout 1927 Sacco et Vanzetti sont exécutés à la prison de Charlestown, Massachusetts.

[21].     Insurrection de Vienne, Autriche, en 1927.

Le 30 janvier 1927, à Schattendorf, localité de la province du Burgenland, un groupe d'anciens combattants monarchistes ouvre le feu sur un défilé de la Ligue de protection républicaine (Republikanischer Schutzbund), une organisation prolétarienne armée créée en 1923, liée à la social-démocratie. L'attaque fait deux morts, dont un enfant. Jugés le 14 juillet, les tireurs ‑ qui pourtant n'avaient nullement nié les faits ‑ sont acquittés. Le 15, une grève générale spontanée éclate et conduit à des affrontements autour du Palais de Justice de Vienne. La police fait usage d'armes à feu; le lendemain, les fusillades continuent encore. La Ligue de protection laisse d'abord les manifestants seuls face à la police; ensuite elle intervient, mais non armée, et contre les travailleurs en essayant de désamorcer leur action; finalement, exposée aux attaques meurtrières de la police, elle se retire. Au total on comptera 86 morts parmi la population, ainsi que 4 policiers; plus de 1000 blessés sont hospitalisés. Dès la nuit du 15 au 16 juillet, le Parti communiste d'Autriche (Kommunistische Partei Österreichs, KPÖ) diffuse une édition spéciale de son organe Die Rote Fahne énonçant les revendications formulées par le Parti: dissolution et désarmement de toutes les organisations fascistes, épuration de l'appareil d'état (police, armée, gendarmerie) d'éléments réactionnaires, armement des travailleurs. L'après-midi du 15 juillet, le Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche (Sozialdemokratische Arbeiterpartei Deutsch-Österreichs, SDAPDÖ) et les dirigeants syndicaux se décident à appeler à une grève générale de 24 heures ainsi qu'une grève illimitée des transports et des postes, télégraphes et téléphones, en adressant au gouvernement une série de revendications: fin des représailles, inculpation des responsables du carnage, convocation du Parlement. Le chancelier fédéral Ignaz Seipel rejette les revendications et remarque pour se moquer de la délégation, qu'en vue de la tenue d'une session du parlement, ils devraient "d'abord faire en sorte que les trains circulent à nouveaux, puisqu'autrement les députés ne peuvent pas se rendre à Vienne". Les social-démocrates annulent effectivement la grève des transports. Le 16 juillet, le Bulletin d'information de la social-démocratie (Mitteilungsblatt der Sozialdemokratie) écrit: "Plus est total, de la part des camarades, le respect de la consigne de rester aujourd'hui à la maison et de ne pas descendre dans la rue, d'autant plus efficace sera la prompte disposition du Schutzbund d'intervenir en cas de besoin." Puis le 7 aout, l'Arbeiter‑Zeitung écrit: "Nous n'avons pas été vaincus dans le combat, c'est plutôt que nous avons évité le combat."

[22].     En Grande-Bretagne, le 30 juin 1925 les propriétaires des mines annoncent qu'ils réduiront les salaires des mineurs. Suite à l'opposition du Syndicat national des travailleurs des mines (National Union of Mineworkers), soutenu par le Trades Union Congress (Congrès de Syndicats, TUC, l'unique organisation centralisée de syndicats, liée au Labour Party), le gouvernement conservateur de Stanley Baldwin décide d'intervenir et accorde les fonds nécessaires pour maintenir le niveau des salaires, pendant une période de neuf mois. Il constitue une commission présidée par Herbert Samuel chargée d'examiner la situation de l'industrie minière, laquelle publie son rapport en mars 1926. Elle écarte l'idée d'une nationalisation, recommande l'arrêt des subventions et que les salaires des mineurs soient effectivement réduits. Au même moment les propriétaires des mines, au-delà des réductions de salaires, modifient de façon plus générale les conditions d'emploi, notamment par un prolongement de l'horaire journalier et la fixation des taux de salaires par district; ils annoncent que si les mineurs n'acceptent pas ces décisions avant le 1er mai, ils procèderont à un lockout.

Le 1er mai, le TUC annonce un appel à la grève pour le 4 mai, et entame des négociations dans l'espoir d'arriver à un accord avant. Depuis le décès du Secrétaire général du TUC Fred Bramley en octobre 1925, Walter Citrine assume la fonction à titre provisoire, il sera officiellement désigné comme Secrétaire général en septembre 1926. Ramsay MacDonald, le dirigeant du Parti travailliste (Labour Party), est opposé au déclenchement d'une grève générale. Les négociations échouent. Le TUC applique la méthode de mettre en grève d'abord les travailleurs de certains secteurs clé ‑ chemins de fer, transports, ports, imprimeries, construction, sidérurgie. Le 7 mai, Samuel prend contact avec le TUC. Sans se coordonner avec les mineurs, les représentants du TUC s'accordent avec Samuel sur les conditions dans lesquelles la grève pourrait être révoquée en échange d'une poursuite des négociations. Les mineurs rejettent l'arrangement, mais le 11 mai le Conseil général du TUC l'entérine et déclare la fin de la grève. Cependant, le gouvernement ne reprend pas à son compte les termes de l'arrangement.

Le 21 juin, le gouvernement fait adopter une loi qui suspend la loi concernant la journée de travail de sept heures dans les mines (Miners' Seven Hours Act) pour une durée de cinq ans, ce qui autorise le retour à la journée de huit heures. Ainsi en juillet les propriétaires des mines confirment les mesures annoncées. Les mineurs poursuivent la grève, mais sont contraints de reprendre progressivement le travail; un grand nombre parmi eux sont sanctionnés et restent au chômage.

Par la suite, en 1927, le gouvernement adopte le Trade Disputes and Trade Unions Act (Loi sur les conflits de travail et les syndicats), qui prohibe les grèves générales ainsi que les grèves de solidarité, et interdit aux fonctionnaires publics d'adhérer aux syndicats affiliés au Trade Union Congress.

[23].     Cf. Éléments d'histoire: Labour Party ►.

[24].     Albert Thomas.

En 1904, Thomas est chargé de la rubrique syndicale de l'Humanité et est élu conseiller municipal de Champigny, dont il deviendra maire huit ans plus tard. En tant que journaliste, il écrit pour l'Information et la Revue socialiste, fonde la Revue syndicaliste et lancera, ensuite, l'Information ouvrière et sociale. En 1910, il est élu député de l'une des circonscriptions du département de la Seine, et il sera réélu en 1914. En mai 1915, il est nommé sous‑secrétaire d'État à l'Artillerie et aux Équipements militaires. Il devient ministre de l'Armement l'année suivante. En novembre 1919, à Washington, à la première session de la Conférence internationale du Travail (à laquelle il n'est pas présent), le Conseil d'administration du Bureau international du Travail le choisit pour diriger cette instance.

[25].     Cf. Éléments d'histoire: Labour Party ►.

[26].     Independent Labour Party. Cf. Éléments d'histoire: Labour Party ►.

[27].     Sozialistische Arbeiterpartei (Parti ouvrier socialiste, SAP).

Le 4 octobre 1931 est constitué le SAP présidé par Max Seydewitz et Kurt Rosenfeld. L'organisation est issue d'une scission du SPD et accueille également divers militants de groupes issus du KPD, notamment les anciens membres du Kommunistische Partei-Opposition (Parti communiste-Opposition, KPO) Paul Frölich et Jacob Walcher. (Le KPO avait été formé en 1929 par des membres oppositionnels du KPD.) En 1939 le SAP se décompose en plusieurs petits groupes d'intellectuels.

[28].     Otto Wels.

En 1891, Wels adhère au Parti social-démocrate d'Allemagne (Sozialdemokratischen Partei Deutschlands, SPD). En 1912 il devient membre du Parlement (Reichstag). En 1913 il est élu comme membre du Comité directeur (Parteivorstand) du SPD. Le 9 novembre 1918, à Berlin, il est désigné comme membre du Conseil d'ouvriers et soldats. En 1919 il est élu, ensemble avec Hermann Müller, comme président du SPD. En 1919‑1920 il est membre de l'Assemblée nationale, puis à partir de 1920 jusqu'à 1933 il est membre du Reichstag. En 1923 il est élu comme membre de l'exécutive et du bureau de la Sozialistischen Arbeiter-Internationale (SAI).

[29].     Le SPD et la “transformation de l'économie”.

La situation de crise dans laquelle est précipité le capitalisme mondial à partir d'octobre 1929, pousse la social-démocratie à élaborer des propositions de mesures économiques qui lui permettraient de continuer à jouer son rôle de soutien au pouvoir bourgeois. En Allemagne, des analyses et des projets sont formulés par le SPD ainsi que les syndicats associés: Fédération syndicale générale allemande (Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund, ADGB) et Union générale libre d'employés (Allgemeiner freier Angestelltenbund, AfA-Bund). Les approches impliquent quelques divergences entre le parti et les syndicats. Le 13 avril 1932 l'ADGB se réunit en congrès extraordinaire, puis le 2 juillet il publie un document "Umbau der Wirtschaft - Die Forderungen der Gewerkschaften" ("La transformation de l'économie - Les revendications des syndicats") par lequel il prétend s'engager dans la voie vers l'établissement progressive d'une économie socialiste.

La réorganisation de l'économie est à présent devenue une question existentielle pour le peuple. Il s'agit de préparer la voie pour l'ordre économique socialiste. [...] La crise monstrueuse fait que la tâche obligatoire de notre époque consiste à entamer, avec la lutte pour la résolution de la situation de crise critique, des mesures planifiées contre le retour de catastrophes semblables. La transformation de l'économie actuelle dépourvue de planification en une économie collective planifiée est indispensable. Dans l'économie planifiée visant à couvrir les besoins qu'il faut tâcher à atteindre, la société doit avoir le pouvoir de disposer des moyens de production. [...] Les industries clé doivent être soustraites au pouvoir arbitraire des monopoles privés et transférées à la propriété collective. Les richesses du sous-sol et les industries de matières premières vitales, en outre l'économie d'énergie dans l'ensemble ainsi que l'appareil de transport tout entier ‑ qui forment les bases de la vie économique moderne ‑, doivent être exploités de manière planifiée par la société au profit de tous.

[Die Neuordnung der Wirtschaft ist nunmehr zur Existenzfrage des Volkes geworden. Es gilt, der sozialistischen Wirtschaftsordnung den Weg zu bereiten. [...] Die ungeheure Krise macht es zur zwingenden Aufgabe unserer Zeit, mit dem Kampfe um die Überwindung der herrschenden Krisennot planvolle Maßnahmen gegen die Wiederkehr gleichartiger Katastrophen einzuleiten. Der Umbau der jetzigen planlosen Wirtschaft in eine planvolle Gemeinwirtschaft ist unerläßlich. In der anzustrebenden planmäßigen Bedarfsdeckungswirtschaft muß die Gesellschaft die Verfügungsgewalt über die Produktionsmittel haben. [...] Die Schlüsselindustrien sind der Willkürherrschaft der Privatmonopole zu entziehen und in Gemeinbesitz zu überführen. Die Bodenschätze und die lebenswichtigen Rohstoffindustrien, ferner die gesamte Energiewirtschaft sowie der gesamte Verkehrsapparat, die die Grundlagen des modernen Wirtschaftslebens bilden, müssen von der Gesellschaft zum Nutzen der Allgemeinheit planmäßig bewirtschaftet werden.]

[Umbau der Wirtschaft. Die Forderungen der Gewerkschaften, Berlin 1932.]

En aout 1932 le SPD déploie une large campagne de propagande en ce sens.

La situation économique et politique actuelle a créé des conditions nouvelles et plus favorables qu'elles n'aient jamais existées auparavant, pour une transition plus rapide du capitalisme au socialisme. [...] Or le système capitaliste s'est retrouvé dans une impasse. Antérieurement, le capitalisme était en mesure de se relever lui-même par sa propre force, après des crises économiques. [...] Il n'y a plus que deux voies de sortie: ou bien rétrécissement de l'économie dans son ensemble, ce qui enfoncera les masses travailleuses pour un temps prolongé dans une misère démesurée, ou édification d'une économie planifiée socialiste, ce qui entrainera un nouvel essor des classes travailleuses. [...] À ce moment d'importance historique la social-démocratie soumet ses projets de loi sur la transformation de l'économie capitaliste guidée par le profit et dépourvue de planification en une économie socialiste planifiée visant à couvrir les besoins. Des projets de loi qui en même temps coïncident avec le programme des syndicats libre pour la transformation de l'économie, de juillet 1932.

[Die gegenwärtige wirtschaftliche und politische Situation hat neue und günstigere Voraussetzungen für einen schnelleren Übergang vom Kapitalismus zum Sozialismus geschaffen, als sie jemals früher bestanden haben. [...] Das kapitalistische System aber ist in eine Sackgasse geraten. Früher war der Kapitalismus in der Lage, sich nach Wirtschaftskrisen aus eigener Kraft wieder aufzurichten. [...] Es gibt nur noch zwei Auswege: entweder Schrumpfung der Gesamtwirtschaft und damit maßlose Verelendung der werktätigen Massen auf lange Zeit hinaus oder Aufbau einer sozialistischen Planwirtschaft und damit ein neuer Aufstieg der arbeitenden Klassen. [...] In diesem Zeitpunkt von historischer Bedeutung legt die Sozialdemokratie ihre Gesetzentwürfe zur Umgestaltung der planlosen kapitalistischen Profitwirtschaft in eine planvolle sozialistische Bedarfsdeckungswirtschaft vor. Gesetzentwürfe, die sich zugleich mit dem Programm der freien Gewerkschaften zum Umbau der Wirtschaft vom Juli 1932 decken.]

[Umbau der Wirtschaft - Sicherstellung der Existenz der Notleidenden, in: Sozialdemokratische Partei-Korrespondenz. Mitteilungsblatt des Vorstandes der SPD, 27. Jg., 1932, Nr. 8/9 (aout/septembre 1932), p. 445‑454.]

Le 30 aout le SPD soumet à l'Assemblée nationale (Reichstag) une série de projets de loi concrétisant l'objectif de la "transformation de l'économie". Ces textes sont soumis à nouveau le 6 décembre 1932.

Projet d'une loi sur la transformation de l'économie

§ 1.    Pour ouvrir la voie permettant de nous délivrer de la détresse que représente l'ordre économique capitaliste, et de réaliser la transition de l'économie dépourvue de planification, guidée par le profit, vers l'économie collective planifiée, les mesures suivantes sont mises en oeuvre.

§ 2.    La transformation de l'économie s'applique à

1.       l'uniformisation de l'économie publique;

2.       la création d'une instance de planification (§ 3);

3.       l'étatisation des grandes banques et des sociétés d'assurances ainsi que la création d'un office du secteur bancaire sur la base de la loi du...

4.       l'étatisation des industries clé et des entreprises subventionnées sur la base de la loi du...

5.       la création d'un office de cartel et de monopole sur la base de la loi du...

6.       la création et la transformation de monopoles d'état sur la base de la loi du...

7.       l'expropriation de la grande propriété foncière sur la base de la loi du...

8.       l'uniformisation du secteur économique de l'électricité sur la base de la loi du...

§ 3.    L'office de planification a pour tâche:

1.       d'agir en commun avec l'office du secteur bancaire et l'office de cartel et de monopole, en vue d'une coopération planifiée de tous les membres de l'économie nationale;

2.       d'assurer la direction unifiée de l'économie;

3.       de préparer l'étatisation de branches additionnelles de l'économie;

4.       de favoriser toute autre mesure qui serve à la transformation de l'économie.

§ 4.    Concernant la transformation de l'économie, la composition de toutes les institutions publiques et la direction des branches économiques étatisées, les salariés [Arbeitnehmer] doivent être associés de manière appropriée.

[Entwurf eines Gesetzes über den Umbau der Wirtschaft

§ 1.    Um die Befreiung aus der Not der kapitalistischen Wirtschaftsordnung und den Übergang von der planlosen Gewinnwirtschaft zur planmäßigen Gemeinwirtschaft anzubahnen, werden folgende Umbaumaßnahmen durchgeführt.

§ 2.    Der Umbau der Wirtschaft erstreckt sich auf

1.       die Vereinheitlichung der öffentlichen Wirtschaft;

2.       die Schaffung einer Planstelle (§ 3);

3.       die Verstaatlichung der Großbanken und der Versicherungen sowie die Schaffung eines Bankenamts auf Grund des Gesetzes vom...

4.       die Verstaatlichung der Schlüsselindustrien und der subventionierten Unternehmungen auf Grund des Gesetzes vom...

5.       die Schaffung eines Kartell- und Monopolamts auf Grund des Gesetzes vom...

6.       die Schaffung und den Umbau von Staatsmonopolen auf Grund des Gesetzes vom...

7.       die Enteignung des Großgrundbesitzes auf Grund des Gesetzes vom...

8.       die Vereinheitlichung der Elektrizitätswirtschaft auf Grund des Gesetzes vom...

§ 3.    Die Planstelle hat die Aufgabe:

1.       in Gemeinschaft mit dem Bankenamt und dem Kartell- und Monopolamt auf ein planmäßiges Zusammenarbeiten aller Glieder der Volkswirtschaft hinzuwirken;

2.       die einheitliche Führung der Wirtschaft zu sichern;

3.       die Verstaatlichung weiterer Wirtschaftszweige vorzubereiten;

4.       alle sonstigen Maßnahmen zu fördern, die dem Umbau der Wirtschaft dienen.

§ 4.    Bei dem Umbau der Wirtschaft, bei der Zusammensetzung aller öffentlichen Einrichtungen und bei der Führung der verstaatlichten Wirtschaftszweige sind die Arbeitnehmer angemessen zu beteiligen.]

[Verhandlungen des Deutschen Reichstages, Bd. 454, Anträge Nr. 8‑28; Bd. 455, Anträge Nr. 106‑108.]

Dans un article intitulé "Percée vers le socialisme" ["Vorstoß zum Sozialismus"], Fritz Tarnow, dirigeant de l'ADGB, insiste sur l'optique dans laquelle les social-démocrates présentent ces propositions.

Les propositions [du SPD au Reichstag] ne doivent nullement être considérées comme affichage d'objectifs lointains, ce sont des revendications d'actualité, c'est-à-dire, la situation économique présente aujourd'hui est considérée comme mure pour la transformation économique socialiste à grande échelle [...] De nombreux signes annonciateurs existent pour indiquer que le moment est arrivé où le passage vers de formes d'économie socialiste est devenu une nécessité dans le processus de développement historique.

[Die Anträge [der SPD im Reichstag] dürfen keineswegs als die Plakatierung von Fernzielen angesehen werden, es sind Gegenwartsforderungen, das heißt, die heute vorhandene ökonomische Situation wird als reif für sozialistische Wirtschaftsumgestaltung in breiter Front angesehen [...] Viele Anzeichen sprechen dafür, daß der Zeitpunkt gekommen ist, an dem der Übergang zu sozialistischen Wirtschaftsformen eine entwicklungsgeschichtliche Notwendigkeit geworden ist.]

[Vorwärts, organe du SPD, n° 393, 21 aout 1932.]

Cette orientation diffère des positions réformistes traditionnelles centrées sur le concept de la démocratie économique et sociale. La prétention d'accorder aux travailleurs une place de premier plan dans la régulation du système économique capitaliste est abandonnée; c'est au contraire l'état bourgeois qui devrait pleinement concentrer en lui la maitrise des mécanismes d'intervention. Les syndicats montrent ainsi leur disposition à limiter leur autonomie et à s'en remettre à l'état censé incarner “l'intérêt commun”. On voit ici les prémisses des actes ultérieurs de capitulation pure et simple, qui aboutiront à la destruction complète des syndicats après la prise du pouvoir par les national-socialistes.

[30].     Émile Vandervelde.

En 1885, à Bruxelles, est constitué le Parti ouvrier belge (POB). Vandervelde adhère au POB peu après sa fondation, et à partir de 1894 il en devient un des principaux dirigeants. (Il assure la présidence de 1933, date de la création de la fonction, jusqu'à sa mort en 1938). Il est président du Bureau de la 2e Internationale de 1900 à 1914. Il adopte des positions en faveur de la défense nationale. Il est nommé ministre d'État le 4 aout 1914, ministre sans portefeuille en janvier 1916, ministre de l'Intendance de 1917 à 1918. En tant que ministre d'État, il signe deux brochures publiées en 1916 par le Comité de propagande socialiste pour la défense nationale: "La Guerre" et "Le Devoir", cette dernière étant préfacée par Marcel Cachin de la SFIO française. Il est ministre de la Justice de 1918 à 1921, ministre des Affaires étrangères de 1925 à 1927, ministre de la Santé publique de 1936 à 1937. Il est président de l'Internationale ouvrière socialiste de 1929 à 1936.

[31].     Léon Blum.

À partir de 1919, Blum intègre les instances dirigeantes de la Sections française de l'Internationale ouvrière (SFIO). Au congrès de Tours de la SFIO (décembre 1920), il est opposé à l'adhésion à la 3e Internationale. Après la victoire électorale le 11 mai 1924 du “Cartel des gauches” regroupant les socialistes SFIO, les républicains socialistes, les radicaux-socialistes et la gauche radicale, Blum notamment se prononce contre la participation socialiste au gouvernement; Éduard Herriot forme alors un gouvernement radical-socialiste auquel les socialistes apportent leur soutien sans y participer. Suite aux élections du 3 mai 1936, la SFIO représente le groupe le plus nombreux de la nouvelle majorité. Blum forme un gouvernement avec les SFIO, les radicaux et les socialistes indépendants, mais sans les communistes; il est contraint de démissionner le 21 juin 1937. Suit un gouvernement Camille Chautemps dans lequel Blum occupe la vice-présidence du Conseil, puis un autre auquel il ne participe pas. Le 13 mars 1938, c'est lui qui forme un nouveau gouvernement, qui tombe cependant le 8 avril, ce qui marque la dislocation du “Front populaire”. Lorsque le 30 septembre sont signés les accords de Munich entre la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie, stipulant l'évacuation du territoire des Sudètes par les Tchèques et son occupation par les troupes allemandes, Blum vote l'approbation par la Chambre des députés. À l'Assemblée nationale de Vichy en juillet 1940, il est l'un des quatre-vingts parlementaires qui refusent de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Arrêté en septembre, il est condamne en octobre 1941 à la détention dans une prison militaire puis, en février 1942, il est traduit devant la cour de Riom, mais le gouvernement suspend les débats en avril. Il est libéré, en mai 1945.

[32].     Gustav Noske.

En 1884 Noske adhère au Parti ouvrier socialiste d'Allemagne (Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands, SAPD), qui en 1890 adopte le nom de Parti social-démocrate d'Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD). De 1906 à 1918 il est député pour le SPD. En 1914 il publie un livre "Kolonialpolitik und Sozialdemokratie" ("Politique coloniale et social-démocratie"), favorable à la politique coloniale de l'Allemagne. Durant la Première guerre mondiale il soutient la position de défense nationale. En décembre 1918, il devient membre du Conseil des mandatés du peuple (Rat der Volksbeauftragten), l'organe mise en place à titre de gouvernement provisoire après la chute de la monarchie. En janvier 1919 il dirige l'écrasement, avec le concours de corps francs, de la tentative d'insurrection révolutionnaire à laquelle participe le Parti communiste d'Allemagne (Kommunistische Partei Deutschlands, KPD). En février il est nommé ministre de la défense et met en oeuvre la reconstruction des forces armées. En mars 1920, au moment de la mise en échec du putsch Lüttwitz-Kapp, il est forcé de démissionner sous la pression des travailleurs en lutte. De 1920 à 1933 il occupe le poste de président [Oberpräsident] de la province Hannover.