Analyses

Accueil

 

Agitprop

English

Art

Français

Références

Español

Présentation

Plan site

 

 

 

 

 

Français   >   Références   >

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6e Congrès de l'Internationale communiste
(17 juillet - 1er septembre 1928)

Thèses :
La situation internationale et les tâches de l'IC
(Extraits)

29 aout 1928

 

 

Source:

La Correspondance internationale, n° 149/n° spécial 51, 11 décembre 1928; p. 1700‑1710 [1].

Le document en allemand 

 

 

 

 

 

 

Établi: février 2017

Version imprimable
Documents de l'Internationale communiste ‑ Sommaire

 

 

 

 

 

 

Introduction

1. Après la première guerre impérialiste mondiale, le mouvement ouvrier international a traversé diverses phases historiques de développement, expression des différentes phases de la crise générale du système capitaliste.

La première période, période de crise aiguë du système capitaliste, période d'interventions révolutionnaires directes du prolétariat, dont le point culminant fut l'année 1921, s'acheva, d'une part, par la victoire de l'U.R.S.S. sur les forces de l'intervention et de la contre-révolution intérieure, par la consolidation de la dictature prolétarienne et par l'organisation de l'Internationale communiste; d'autre part, par de pénibles défaites du prolétariat de l'Europe Occidentale et par le début d'une offensive générale de la bourgeoisie. Le dernier chaînon de cette période fut la défaite du prolétariat allemand en 1923 [2]. Cette défaite fut le point de départ de la seconds période constituée graduellement par la stabilisation partielle du système capitaliste, par le processus de “relèvement” de l'économie capitaliste, par le développement et l'extension de l'offensive du capital, par de nouveaux combats défensifs de l'armée prolétarienne affaiblie par ses graves défaites; d'autre part, cette période fut celle d'un rapide processus de relèvement de l'U.R.S.S., de succès sérieux dans l'édification du socialisme et d'une influence politique croissante des partis communistes sur les grandes masses du prolétariat. Enfin, la troisième période est, au fond, celle du relèvement de l'économie capitaliste et, presque parallèlement, de celle de l'U.R.S.S., au‑delà de leurs niveaux d'avant-guerre (début de la période dite de "reconstruction", nouvelle croissance des formes socialistes de l'économie sur la base d'une technique nouvelle). Pour le monde capitaliste, cette période est celle d'un rapide développement de la technique, d'une croissance intense des cartels, des trusts, des tendances au capitalisme d'État, et conjointement, celle d'un puissant développement des contradictions de l'économie mondiale, se mouvant dans des formes déterminées par tout le cours antérieur de la crise du capitalisme (marchés réduits, U.R.S.S., mouvements coloniaux, accroissement des contradictions intérieures de l'impérialisme). Cette troisième période, qui a particulièrement aggravé la contradiction existant entre la croissance des forces productives et la réduction des marchés, rend inévitable une nouvelle phase de guerres impérialistes entre les États impérialistes, de guerres de ces derniers contre l'U.R.S.S., de guerres de libération nationale contre les impérialistes et leurs interventions, de batailles de classes gigantesques. En aiguisant les contradictions internationales (contradictions entre les pays capitalistes et l'U.R.S.S., occupation militaire du Nord de la Chine comme commencement de son démembrement et de la lutte entre les impérialistes, etc.) et les contradictions intérieures dans les pays capitalistes (radicalisation des masses de la classe ouvrière, intensification de la lutte de classes), en déchaînant les mouvements coloniaux (Chine, Inde, Égypte, Syrie), cette période aboutit fatalement, par un nouveau développement des contradictions de la stabilisation capitaliste, à un nouvel ébranlement de la stabilisation capitaliste et à une aggravation aigue de la crise générale du capitalisme.

I. L'économie mondiale et sa technique

2. Il est incontestable que l'essor considérable de la technique des pays capitalistes prend dans certains d'entre eux (États‑Unis, Allemagne) le caractère d'une révolution technique. D'une part, l'accroissement gigantesque du nombre des moteurs à combustion interne, l'électrification, le développement des procédés chimiques dans l'industrie, les nouvelles méthodes pour obtenir du combustible et des matières premières synthétiques (benzine, soie artificielle, etc.), l'emploi des métaux légers, l'extension considérable des transports automobiles; d'autre part, les nouvelles formes de l'organisation du travail combinées avec le développement excessivement rapide du travail à la chaîne, ont relevé de nouveau les forces productives du capitalisme. Sur cette base se développe le chiffre d'affaires du commerce extérieur et s'élève considérablement l'exportation des capitaux; il faut noter que l'importance de cette forme de liaison économique entre les pays s'est sensiblement accrue par rapport à la période d'avant-guerre.

3. Dans le domaine de l'économie, on observe un accroissement excessivement rapide des monopoles capitalistes (cartels, trusts, consortiums de banques qui ont aussi une influence croissante sur l'agriculture). Parallèlement à l'organisation du capital en cartels et en trusts dans les frontières “nationales” se développe aussi le processus d'accroissement des groupements financiers-capitalistes internationaux. On observe ainsi un accroissement des tendances au capitalisme d'État, tant sous la forme du capitalisme d'État au sens propre du mot (centrales électriques d'État, entreprises industrielles et de transports municipales) que sous la forme d'une fusion croissante des organisations patronales avec les organes du pouvoir d'État.

4. La crise générale du capitalisme prend de nouvelles formes et développe des contradictions spécifiques sur la base de ces modifications radicales de la structure de tout le système économique mondial. Le déplacement du centre économique du capitalisme, d'Europe en Amérique, et la tendance croissante de l'Europe, organisée en trusts et renforcée, de s'affranchir de la domination économique des États‑Unis, le développement du capitalisme dans les pays coloniaux et semi-coloniaux; la disproportion énorme entre le rythme de croissance de la puissance économique et militaire des différents pays et l'envergure de leurs possessions coloniales; le danger qui menace les positions des impérialistes dans les colonies et avant tout en Chine; le développement de l'U.R.S.S. comme facteur de radicalisation de la classe ouvrière de tous les pays et des masses travailleuses des colonies, opposé au système capitaliste mondial; toutes ces contradictions ne peuvent pas ne pas aboutir en fin de compte à une nouvelle explosion.

5. Les forces productives accrues du capitalisme entrent toujours plus en conflit avec les limites des marchés intérieurs réduits par la ruine d'après-guerre dans différents pays impérialistes et par la paupérisation croissante des masses paysannes dans les colonies et avec la structure de l'économie mondiale d'après-guerre dont les contradictions se sont accrues et compliquées à l'extrême par le nouvel antagonisme de principe entre l'U.R.S.S. et les pays capitalistes. La rupture de l'équilibre entre l'Amérique el l'Europe trouve son expression la plus vive dans le “problème allemand” et dans le déclin de l'impérialisme britannique. L'Allemagne qui s'est rapidement développée, dans une grande mesure grâce aux crédits américains, et qui est contrainte de payer les réparations et les intérêts de ses dettes, ne trouve pas de marché suffisants pour l'exportation de ses marchandises, et tout le système de ses rapports se maintient par les crédits américains toujours renouvelés qui, à leur tour, augmentent la capacité de concurrence de l'Allemagne sur le marché mondial. Le déclin de l'impérialisme britannique se manifeste directement par la continuité du déclin et du marasme de l'industrie britannique dont les principales branches d'exportation, malgré toutes les tentatives de rationalisation, malgré l'offensive croissante contre le niveau de vie de la classe ouvrière, sont de moins en moins capables de soutenir la concurrence sur le marché mondial. Il se manifeste par la réduction constante de l'exportation des capitaux britanniques et par la perte de la position dominante de la bourgeoisie anglaise comme créancière et banquière mondiale. Il se manifeste surtout par un chômage chronique considérable. Ce déclin économique, en rapport avec le développement des Dominions et l'éveil révolutionnaire des colonies, se traduit par des tendances de désagrégation de l'Empire britannique.

6. Les succès dans le domaine de la technique et de l'organisation ont contribué à un chômage en masse chronique dans les principaux pays industriels. L'armée des chômeurs est plusieurs fois supérieure à l'armée industrielle de réserve d'avant-guerre et n'est pas absorbée totalement dans les périodes de conjoncture favorable. Aux États‑Unis, par exemple, où la technique a fait les progrès les plus considérables, parallèlement à une forte croissance de la production se produit une réduction de la main‑d'oeuvre employée par le capital industriel. Même dans les pays où existe ce développement de la technique, la rationalisation, cause d'une grande extension de la production, entraîne une intensification énorme et une accélération terrible du travail, une dépense extrêmement épuisante de la main‑d'oeuvre. La mécanisation du travail permet aux capitalistes d'employer de plus en plus la main‑d'oeuvre non qualifiée (femmes et adolescents) et, en général, de remplacer la main‑d'oeuvre qualifiée par de la main‑d'oeuvre non qualifiée. Les tentatives d'atténuer ces difficultés par la constitution de cartels européens et internationaux reproduisent sur une plus large base et sous de nouvelles formes la concurrence (détermination de la quote de production, lutte contre les entreprises non-adhérentes aux cartels, etc.) entre l'Angleterre et les États du continent européen et sur le continent européen lui-même, avec sa division politique et économique et ses nombreuses barrières douanières. Dans ces conditions, le problème des marchés et des sphères d'investissement de capitaux devient excessivement aigu. De là, résulte l'approche d'une nouvelle phase de grandes collisions militaires, d'une guerre d'intervention contre l'U.R.S.S., de là découle l'imminence très proche d'une intervention en Chine. En définitive, le développement des contradictions de la stabilisation capitaliste aboutit donc fatalement à la transformation de la période de “stabilisation” actuelle en période de grandes catastrophes.

II. Les relations internationales et les problèmes de “politique étrangère”

7. Les rapports entre les États capitalistes et l'U.R.S.S., l'attitude de l'impérialisme envers la Chine, les rapports entre l'Europe, surtout entre la Grande‑Bretagne et les États‑Unis[3], constituent la base des rapports internationaux en général dans la période actuelle. Le développement de l'Allemagne, cause du regroupement des puissances, est un des principaux facteurs des changements dans les rapports entre les États d'Europe.

8. Il faut reconnaître que le facteur essentiel du développement actuel du capitalisme en général est le transfert du centre économique aux États‑Unis d'Amérique et, sur cette base, la croissance de leur agressivité impérialiste. En qualité de créditeur permanent de l'Europe, les États‑Unis sont le levier de l'essor de l'Europe Centrale, ils consolident en même temps leurs positions dans presque toutes les parties du monde: l'Amérique latine devient progressivement, par l'évincement du capital britannique, une “sphère d'influence” énorme des États‑Unis qui répriment sur le continent américain toute résistance par le fer et par le feu (Nicaragua, etc.); le Canada, voire même l'Australie, gravitent toujours plus vers eux dans la ligne de la “collaboration économique”; l'hégémonie des États‑Unis y est assurée d'avance. Dans le monde entier, les États‑Unis poursuivent un vaste plan de conquête des principales sources de matières premières et d'affaiblissement des positions de l'Angleterre, en détruisant son monopole du naphte et du caoutchouc, en sapant sa base dans la production du coton en Égypte et au Soudan, etc.; en Afrique, les États‑Unis développent de larges plans destinés à saper la puissance de l'Angleterre dans le domaine de la production du coton; en Chine, ils se heurtent au Japon et à l'Angleterre et occupent une position plus solide en se retranchant pour le moment derrière le principe de la “porte ouverte”, mais, en fait, ils participent au partage de la Chine. Ainsi, l'impérialisme de l'Amérique du Nord passe toujours plus de la politique de “pénétration pacifique” à la politique d'occupation militaire directe des colonies.

9. Cette rapide expansion des États‑Unis se heurte fatalement aux intérêts du capitalisme britannique en décadence, mais encore puissant. Les contradictions entre la république du dollar, avec son intense rythme de développement, mais ne possédant que relativement peu de colonies, et l'empire colonial britannique en déclin, avec son énorme monopole colonial, constitue l'axe des contradictions internationales de la période actuelle; c'est ici que se trouve le noeud de la prochaine lutte pour le nouveau partage du monde colonial (et pas seulement du monde colonial). La “collaboration” anglo-américaine est devenue une rivalité anglo-américaine féroce, qui développe les perspectives d'une énorme collision de forces,

10. L'influence du capital américain en Europe s'est manifestée surtout sur l'essor économique de l'Allemagne. De puissance qui gisait dans le bas‑fond de la ruine économique, l'Allemagne s'est élevée de nouveau à une grande hauteur, à l'aide des crédits systématiques des États‑Unis. Le rôle politique de l'Allemagne s'est élevé en conséquence. La croissance du capitalisme monopoliste en Allemagne provoque, d'une part, la désagrégation croissante du Traité de Versailles, d'autre part une orientation de l'Allemagne, qui se précise toujours plus, dans le sens “occidental”, c'est‑à‑dire impérialiste et antisoviétique. Si, dans les temps de son humiliation économique, politique et nationale, l'Allemagne cherchait un accord avec l'État prolétarien, unique État dressé contre l'asservissement impérialiste de l'Allemagne, les tendances croissantes du néo-impérialisme allemand poussent toujours plus la bourgeoisie allemande à une position antisoviétique.

11. Ce fait doit lui-même fatalement modifier les groupes de puissances européennes. L'existence de nombreuses contradictions internes à l'Europe (avant tout l'antagonisme franco-italien dans les Balkans et dans l'Afrique du Nord), sur la base d'une instabilité générale des rapports, provoque un regroupement permanent des puissances. Cependant, à travers la bigarrure de ces groupements changeants, une tendance fondamentale se précise, celle de la lutte contre l'Union soviétique. Les accords et les traités innombrables entre petits et grands États (Pologne, Roumanie, Italie, Hongrie, Tchécoslovaquie, États limitrophes, etc.) dirigés contre l'U.R.S.S. et conclus d'après les directives venant de Londres et de Paris, expriment cette tendance avec une netteté toujours plus grande. Le changement de position de l'Allemagne achève dans une certaine mesure, une phase de ce processus de préparation de la guerre du bloc contre-révolutionnaire des impérialistes contre l'U.R.S.S.

12. La lutte pour les marchés et les sphères d'investissements de capitaux est non seulement pleine de menaces de guerre contre l'U.R.S.S. et entre les États impérialistes, elle a déjà abouti à une grande guerre d'intervention pour le partage de l'immense marché chinois. Là où les impérialistes sont en présence d'un objet d'exploitation et d'un mouvement révolutionnaire qui sape la domination des principes capitalistes, la formation de blocs impérialistes généraux est des plus probables. C'est pourquoi, parallèlement au bloc des puissances impérialistes contre l'U.R.S.S. existe une intervention militaire contre-révolutionnaire générale contre les forces de la révolution chinoise. Mais cette lutte commune contre la révolution chinoise développe de profondes contradictions d'intérêts au sein du bloc des impérialistes, en premier lieu entre l'impérialisme rapace et franchement annexionniste du Japon et l'énorme puissance de l'impérialisme américain qui, dans l'étape actuelle, se drape dans la toge du pacifisme. Ainsi la guerre des impérialistes contre le peuple chinois peut déchaîner un formidable conflit entre eux.

III. Le pouvoir d'État de la bourgeoisie et le regroupement des forces de classes

13. Dans l'énorme majorité des pays capitalistes, la politique de la bourgeoisie est déterminée actuellement par deux tâches essentielles: premièrement, l'augmentation de la “capacité de concurrence”, c'est-à-dire de développement de la rationalisation capitaliste; deuxièmement, la préparation de la guerre. Du point de vue social, de classe, cette politique de la bourgeoisie aboutit d'une part, à renforcer la pression sur la classe ouvrière et à élever le taux de son exploitation et, d'autre part, pour parer aux conséquences de cette exploitation accrue, à l'emploi de méthodes de corruption économique et politique dont la social-démocratie est de plus en plus l'agent.

14. La centralisation du capital et la participation de la grosse propriété foncière à l'organisation générale du capital financier, par l'intermédiaire du système bancaire, consolident toujours plus les forces des grands exploiteurs, dont les organisations fusionnent directement avec les organes du pouvoir d'État. Si le système dit “du capitalisme d'État de guerre” fut dans une grande mesure “un système économique d'état de siège” “aboli” à la fin de la guerre, la croissance des tendances au capitalisme d'État, qui reposent actuellement sur le développement des forces productives et la concentration rapide de l'économie, est à son tour, une prémisse objective de la mobilisation économique-militaire pour les collisions à venir. Dans la répartition des forces productives, le déplacement qui s'opère vers l'industrie chimique joue un rôle primordial dans la guerre moderne et souligne encore davantage toute l'importance de ce fait.

15. Cette évolution des rapports entre l'État et les organisations patronales, la concentration de toutes les forces de la bourgeoisie dans l'État bourgeois provoquent dans tous les pays capitalistes une évolution réactionnaire de tout “le régime étatique bourgeois”. Cette évolution, expression typique de la période critique actuelle du capitalisme, s'exprime sur le terrain politique par la crise générale de la démocratie et du parlementarisme bourgeois et pose son empreinte sur toutes les collisions économiques entre le capital et le travail en leur donnant une acuité inouïe. Toute grande grève économique met aux prises les ouvriers avec des trusts capitalistes géants étroitement liés au pouvoir d'État des impérialistes. Chacune de ces grèves acquiert pour cette raison un caractère politique, c'est-à-dire un caractère général de classe. Le développement de chacune de ces grèves lui imprime le caractère d'une grève “dirigée” contre l'État. Cet état de choses oblige la bourgeoisie et son pouvoir d'État à recourir à des formes compliquées de corruption économique et politique de certaines couches de la classe ouvrière et de ses organisations politiques et syndicales. La liaison des cadres supérieurs des syndicats réformistes et des partis a réformistes avec les organisations patronales et l'État bourgeois ‑ les ouvriers devenant fonctionnaires de l'État et fonctionnaires des organisations patronales, la théorie et la pratique de la démocratie économique, de la “paix industrielle”, etc., etc. ‑ ce sont là des moyens préventifs contre le développement de la lutte de classes.

16. En même temps, les États impérialistes perfectionnent toujours davantage leurs instruments et leurs méthodes de répression contre les détachements révolutionnaires du prolétariat, en particulier contre les partis communistes, les seuls partis qui organisent et mènent la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière contre les guerres impérialistes et l'exploitation croissante. Ces mesures sont liées aussi directement avec la préparation des États impérialistes à la guerre, mais reflètent en même temps la grande acuité des contradictions de classe et en particulier l'acuité de toutes les formes et de toutes les méthodes de lutte de classes, qui se traduit par l'application toujours plus fréquente des méthodes fascistes d'oppression de la part de la bourgeoisie. On compte ici: le bill sur les syndicats en Angleterre[4], la loi militaire de Paul-Boncour[5] et la répression contre les communistes en France, les lois sur la protection de l'État (par exemple dans les Balkans), la destruction des syndicats et la terreur contre les communistes en Italie, la terreur au Japon, en Pologne, les massacres de communistes, d'ouvriers et de paysans révolutionnaires en Chine et la répression contre les révolutionnaires dans les colonies en général, les tentatives de dissolution de l'Union des Combattants du Front Rouge en Allemagne[6], etc., etc. Dans les pays où les partis communistes sont encore légaux, la bourgeoisie, avec l'aide de la social-démocratie, s'efforce de les rendre illégaux. C'est pourquoi la préparation des masses à la lutte et le combat énergique contre les tentatives d'attaque répétées de la part de la bourgeoisie sont à l'ordre du jour.

17. Parallèlement s'accroît sous des formes très variées la résistance de la classe ouvrière déjà remise des lourdes défaites de la période précédente. Le développement des contradictions de la stabilisation capitaliste, la rationalisation, le chômage croissant, la pression toujours plus forte sur la classe ouvrière, la ruine de la petite bourgeoisie, etc., accentuent inévitablement la lutte de classes et élargissent sa base. À cela s'ajoute le processus général de “radicalisation de la classe ouvrière” dans les pays d'Europe, l'affaiblissement de l'influence des partis purement bourgeois sur la masse des ouvriers qui se rallient en partie à la social-démocratie, en partie au communisme, le passage des éléments les plus combatifs de la classe ouvrière de la social-démocratie au communisme, la social-démocratie s'appuyant toujours plus sur les couches petites-bourgeoises et déplaçant ainsi sa base sociale, de la classe ouvrière vers la petite-bourgeoisie. L'influence des partis communistes croit au sein de la classe ouvrière. Si le début de la période de stabilisation et d'offensive générale du capital a suscité de grandes luttes défensives, la nouvelle phase détermine de même l'apparition de vastes luttes de masses: avant tout la vague de grèves dans différents pays (Allemagne, France, Tchécoslovaquie, etc.), l'insurrection du prolétariat de Vienne[7], les manifestations à l'occasion de l'exécution de Sacco et Vanzetti[8], le mouvement en faveur de l'U.R.S.S., etc. Ainsi, la reproduction des contradictions de la stabilisation capitaliste, l'acuité croissante de la lutte de classes aboutissent, malgré les contre-mesures prises par la bourgeoisie et la social-démocratie, à une différenciation idéologique et à la croissance des forces révolutionnaires au sein de la classe ouvrière, et à la consolidation des positions du communisme au sein du mouvement ouvrier international.

IV. La lutte de classes, la social-démocratie et le fascisme

18. Malgré l'aggravation de la lutte de classes, le réformisme donne des indices de sa vitalité et de sa ténacité politiques dans le mouvement ouvrier d'Europe et d'Amérique. La cause générale, sociale et économique de ce fait fondamental est dans le développement lent de la crise du capitalisme, dans la croissance de certaines de ses parties intégrantes principales et dans le déclin relativement lent des autres. Les faits suivants s'y rapportent: consolidation croissante des positions des États‑Unis comme exploiteur, créditeur et usurier mondial (“prospérité” des États‑Unis); grande puissance coloniale de l'Angleterre qui perd, progressivement seulement, ses positions sur le marché mondial; essor de l'économie allemande, etc. En liaison avec ce premier processus, il existe un processus secondaire d'intégration des appareils de l'État et des organisations patronales avec les cadres supérieurs des organisations ouvrières dirigées par la social-démocratie, formation de nouveaux fonctionnaires avec des bureaucrates ouvriers (fonctionnaires d'État, des municipalités, des organisations patronales, fonctionnaires au service des organisations “communes” des ouvriers et des capitalistes, “représentants du prolétariat” dans l'administration des postes, les conseils de chemins de fer, où ils prennent la parole au nom des syndicats, de la coopération‚ etc.).

19. Ce processus d'embourgeoisement des cadres supérieurs de la bureaucratie ouvrière est consciemment appuyé et favorisé par la social-démocratie qui a passé de la défense timide à l'appui ouvert et à l'édification active du capitalisme, des phrases sur la lutte de classes à la prédication de la “paix industrielle”, de la “défense de la patrie” à la préparation de la guerre contre l'U.R.S.S. (Kautsky)[9], de la défense en paroles des colonies à un appui direct de la politique d'oppression coloniale, du pacifisme petit-bourgeois à la déification de la S.d.N.[10] impérialiste, du révisionnisme faussement marxiste au libéralisme du Labour Party britannique.

20. Cette position idéologique correspond entièrement et pratiquement à l'activité de la social-démocratie et des leaders syndicaux réformistes, en premier lieu leur campagne pour l'application générale des méthodes “américaines” de corruption et de décomposition de la classe ouvrière (activité du Bureau International du Travail, conférences de délégués du Conseil général[11] et du Labour Party avec les associations patronales en Angleterre, le Conseil Économique National en France, le "Schlichtungswesen"[12] en Allemagne, les lois d'arbitrage obligatoire dans différents pays scandinaves, création d'un organe commun "Chambre de Commerce" et "Chambre ouvrière" en Autriche, etc.). Le rôle perfide de la social-démocratie et des leaders des syndicats réformistes, pendant les grèves et les crises politiques, pendant les conflits et les insurrections dans les colonies, leur justification de la terreur contre les ouvriers (grève anglaise[13]‚ insurrection de Vienne, grève des ouvriers des métaux en Allemagne[14], fusillade contre les ouvriers en Tchécoslovaquie et en Pologne, insurrection en Indonésie[15], révolution en Chine, insurrections en Syrie[16] et au Maroc[17], etc., etc., se complètent actuellement par leurs attaques acharnées contre les communistes et les ouvriers révolutionnaires (politique d'exclusion et de scission des syndicats, des coopératives et autres organisations de masses dans divers pays).

21. Cette politique de division de la classe ouvrière est largement pratiquée par les leaders réformistes qui, sur l'ordre de la bourgeoisie, excluent les meilleurs éléments révolutionnaires des organisations de masses du prolétariat. Elle est une partie intégrante de leur politique de collaboration avec la bourgeoisie, son but est de saper dès le début l'unité intérieure des rangs prolétariens et d'affaiblir ainsi leur résistance aux attaques du capital. Cette politique est un des chaînons indispensables de toute leur politique social-impérialiste (politique des armements, politique anti-soviétique et de brigandage dans les colonies). Pour contrebalancer les tentatives réformistes de désagrégation du front prolétarien de l'intérieur, les communistes doivent entreprendre et développer, actuellement surtout, une contre-offensive énergique pour résister à la politique réformiste de scission des organisations de masses du prolétariat (syndicats, coopératives, associations culturelles et sportives, etc.) par la lutte de masses pour l'unité de classe.

Les prétendus leaders de “gauche” de la social-démocratie jouent un rôle particulièrement odieux dans les menées scissionnistes du réformisme, En paroles, ils préconisent l'unité, mais en fait, ils appuient toujours et sans réserves les méthodes criminelles de scission de la 2e Internationale et des partisans d'Amsterdam[18].

22. Dans le domaine de la politique extérieure, l'état-major de la social-démocratie et des syndicats réformistes des pays impérialistes exprime d'une façon conséquente les intérêts de l'État bourgeois. Appuyer cet État, ses forces armées, sa police, ses aspirations d'expansion, son hostilité de principe contre l'U.R.S.S.; appuyer les traités et accords spoliateurs, la politique coloniale, les occupations, les annexions, les protectorats et les mandats; appuyer la S.d.N. et la campagne haineuse des puissances impérialistes contre l'U.R.S.S.; participer à la tromperie “pacifiste” des masses, à la préparation de guerre contre les républiques prolétariennes, à la tromperie des ouvriers coloniaux (Purcell aux Indes[19], résolution de la 2e Internationale sur la question coloniale[20]), ‑ tels sont les traits essentiels de la ligne de conduite effective de la social-démocratie dans le domaine de la politique extérieure.

23. La social-démocratie a joué durant toute la période écoulée le rôle de dernière réserve de la bourgeoisie, du parti “ouvrier” bourgeois. Par ses soins, la bourgeoisie a frayé la voie à la stabilisation du capitalisme (série de cabinets de coalition en Europe). La consolidation du capitalisme a rendu superflue, dans une certaine mesure, la fonction de la social-démocratie comme parti dirigeant. Son évincement des coalitions et la formation de gouvernements “purement bourgeois” ont succédé à l´“ère” dite du “pacifisme démocratique”. Jouant, d'une part, le rôle d'opposition, d'autre part, celui d'agitateur et de propagandiste de la politique du “pacifisme réaliste” et de la “paix industrielle”, la social-démocratie a maintenu sous son influence des couches importantes de la classe ouvrière, a conquis une partie des ouvriers qui ont quitté les partis bourgeois, acquis de l'influence parmi les couches de la petite-bourgeoisie en voie de radicalisation (élections en France et en Allemagne) et en Europe centrale est entrée de nouveau au gouvernement. Il faut se rendre compte cependant que ces nouveaux gouvernements de coalition, avec la participation directe de la social-démocratie, ne peuvent être et ne seront pas une simple répétition des combinaisons précédentes, spécialement en ce qui concerne les questions de politique extérieure, en général, et les questions de politique militaire en particulier. La direction sociale-démocrate jouera ici un rôle infiniment plus perfide que dans toutes les étapes antérieures.

Il faut également tenir compte qu'en liaison surtout avec la pratique des coalitions de la social-démocratie et avec l'évolution de ses leaders officiels, un renforcement de l´“aile gauche” de la social-démocratie (austro-marxisme[21], tranmaelisme[22], idéologie de l'Independent Labour Party en Angleterre, du maximalisme[23] en Italie) est possible, celle-ci trompant les masses ouvrières par des méthodes plus subtiles et par conséquent plus dangereuses pour la cause de la révolution prolétarienne. L'expérience des périodes critiques (révolution de 1923 en Allemagne, grève anglaise, insurrection de Vienne), ainsi que l'attitude des social-démocrates “de gauche” dans la question de la préparation de guerre des impérialistes contre l'U.R.S.S., ont démontré que les leaders social-démocrates de gauche sont en fait les ennemis les plus dangereux du communisme et de la dictature du prolétariat. Ceci est particulièrement confirmé par l'ignoble conduite de la social-démocratie autrichienne, ce “parti modèle” de l'aile “gauche” de la 2e Internationale, lors des combats sanglants du prolétariat de Vienne en juillet 1927. Cette faillite complète des Bauer, Adler et Cie démontre avec évidence que “l'austro-marxisme”, accentuant toujours plus nettement ses tendances réactionnaires, surtout après la répression de l'insurrection de Vienne, trahit constamment, dans la pratique, d'une façon ignoble, la cause ouvrière et est, aux mains des réformistes, l'instrument le plus dangereux pour duper les masses révolutionnaires. C'est pourquoi, tout en tenant compte du processus de radicalisation des ouvriers au sein même de la social-démocratie et en s'efforçant d'étendre toujours plus leur influence sur eux, les communistes doivent démasquer impitoyablement les leaders social-démocrates de “gauche” comme les agents les plus dangereux de la politique bourgeoise au sein de la classe ouvrière et conquérir la masse ouvrière qui abandonne fatalement la social-démocratie.

24. Tout en s'assurant le concours de la social-démocratie, la bourgeoisie dans des moments critiques et des conditions déterminées, organise une forme fasciste du régime.

Le trait caractéristique du fascisme est qu'au moment de l'ébranlement du régime économique capitaliste et en raison de circonstances objectives et subjectives, la bourgeoisie profite du mécontentement de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine et rurale et même de certaines couches du prolétariat déclassé, pour créer un mouvement de masses réactionnaire, afin de barrer la route au développement de la révolution. Le fascisme a recours à des méthodes de violence directe pour briser la force des organisations de la classe ouvrière et des paysans pauvres et prendre le pouvoir. Une fois au pouvoir, le fascisme s'efforce d'établir l'unité politique et organique de toutes les classes dominantes de la société capitaliste (banques, grande industrie, grande agriculture) et réalise leur dictature intégrale, ouverte et conséquente. Il met à la disposition des classes dominantes ses forces armées, spécialement dressées en vue de la guerre civile. Il réalise un nouveau type d'État s'appuyant ouvertement sur la violence, la contrainte et la corruption, non seulement des couches petites-bourgeoises, mais aussi de certains éléments de la classe ouvrière (employés, anciens leaders réformistes transformés en fonctionnaires d'État, fonctionnaires syndicaux ou du parti fasciste, paysan pauvres et prolétaires déclassés recrutés dans la "milice fasciste").

Le fascisme italien, par différents procédés (appui du capital américain, oppression sociale et économique extrême des masses, certaines formes de capitalisme d'État), est parvenu ces dernières années à atténuer les suites de la crise politique et économique intérieure, et il a créé un type classique de régime fasciste.

Des tendances fascistes et des embryons de fascisme existent maintenant presque partout sous une forme plus ou moins développée, l'idéologie de la collaboration de classes ‑ idéologie officielle de la social-démocratie ‑ a beaucoup de points communs avec celle du fascisme. Les méthodes fascistes appliquées dans la lutte contre le mouvement révolutionnaire, existent sous une forme embryonnaire dans la pratique de nombreux partis social-démocrates et de la bureaucratie syndicale réformiste.

Dans les rapports internationaux, le fascisme poursuit une politique de violence et de provocation. La dictature fasciste en Pologne et en Italie manifeste de plus en plus des tendances agressives, elle est pour le prolétariat de tous les pays une menace constante pour la paix, un danger d'aventures militaires et de guerres.

V. Les pays coloniaux et la révolution chinoise

25. La crise générale du système capitaliste mondial trouve actuellement une brillante expression dans les insurrections et les révolutions coloniales et semi-coloniales. La résistance à la politique impérialiste des États‑Unis (Mexique, Nicaragua), le mouvement de l'Amérique latine contre les États‑Unis, l'insurrection coloniale de Syrie et du Maroc, l'effervescence constante en Égypte, en Corée, l'insurrection en Indonésie, le processus de développement de la crise révolutionnaire aux Indes, enfin la grande révolution en Chine, tous ces événements indiquent le rôle gigantesque des colonies et des semi-colonies dans la lutte révolutionnaire contre l'impérialisme.

26. Le principal de ces faits, événement d'importance historique mondiale, est la grande révolution chinoise. Elle entraîne dans son orbite directement des dizaines de millions et indirectement des centaines de millions d'hommes, énorme masse humaine qui, pour la première fois, participe avec une telle force à la lutte contre l'impérialisme. Le voisinage immédiat de la Chine avec l'Indochine et les Indes élève l'importance de la révolution chinoise à un degré considérable. Enfin, le cours même de cette révolution, son caractère démocratique, sa croissance inévitable en une révolution prolétarienne manifestent le rôle international de la révolution chinoise dans toute son ampleur aux yeux du prolétariat mondial.

27. La révolution chinoise étant une révolution antiimpérialiste et d'affranchissement national, est en même temps, par son contenu objectif, et dans sa phase actuelle, une révolution démocratique bourgeoise qui, fatalement, se transformera en révolution prolétarienne. Au cours de son développement de la mobilisation des larges masses ouvrières et paysannes, du développement effectif de la révolution agraire qui, d'une façon plébéienne, règle les comptes avec les propriétaires fonciers: la "gentry"[24], les "toukaos"[25], la bourgeoisie nationale (du Kuomintang[26]) à la suite de divers coups d'État a définitivement passé dans le camp de la contre-révolution, à une alliance avec les féodaux et à un accord avec les spoliateurs impérialistes. C'est pourquoi la lutte contre l'impérialisme est inséparable de la lutte pour la terre et de la lutte contre le pouvoir de la bourgeoisie contre-révolutionnaire. Elle est inséparable de la lutte contre les agrariens (gentry, toukaos), contre les militaristes, contre leurs guerres intestines qui causent le pillage des masses populaires et renforcent la position des impérialistes. L'affranchissement de la Chine n'est possible que par la lutte contre la bourgeoisie chinoise, par la lutte pour la révolution agraire, la confiscation des terres des agrariens et l'exonération des paysans des impôts inouïs qui pèsent sur eux. L'émancipation de la Chine est impossible sans la victoire de la dictature du prolétariat et des paysans, sans la confiscation des terres, sans la nationalisation des entreprises étrangères, des banques, des transports, etc., etc.

Ces tâches ne peuvent être résolues qu'à la condition d'une insurrection victorieuse des larges masses paysannes qui marchent sous la direction et l'hégémonie du prolétariat révolutionnaire chinois.

La période actuelle de la révolution chinoise est caractérisée par les traits suivants: le bloc des impérialistes, des féodaux et de la bourgeoisie, malgré l'existence de contradictions intérieures dans ce bloc, a infligé une grave défaite au prolétariat et à la paysannerie et a détruit physiquement une partie importante des cadres du parti communiste. Le mouvement ouvrier ne s'est pas encore entièrement remis de ses défaites. Le développement du mouvement paysan continue dans de nombreuses régions; là où l'insurrection paysanne a été victorieuse furent constitués des organes du pouvoir paysan et parfois des soviets paysans. Le parti communiste se renforce intérieurement et devient plus cohésif, son autorité et son influence croissent parmi les larges masses ouvrières et paysannes. En général, tenant compte du développement différent dans les diverses parties de l'immense territoire de la Chine, il faut caractériser la période actuelle comme une phase de préparation des forces des masses pour une nouvelle poussée révolutionnaire.

28. Aux Indes a commencé une recrudescence du mouvement national révolutionnaire. Cette nouvelle vague est caractérisée par l'intervention indépendante du prolétariat (grèves du textile à Bombay et des cheminots à Calcutta, manifestations du Premier Mai, etc.). Cette nouvelle poussée a ses racines profondes dans toute la situation du pays. L'industrialisation, qui s'est considérablement accélérée pendant la guerre et dans la période d'après-guerre, s'est maintenant ralentie. La politique de l'impérialisme britannique entrave le développement industriel de l'Inde et aboutit à l'expropriation et à la paupérisation des paysans. Les tentatives de créer une petite couche de riches paysans, servant d'appui au gouvernement britannique et au féodalisme indigène, au moyen de réformes agraires insignifiantes, sont accompagnées d'une paupérisation et d'une exploitation croissante des grandes masse paysannes. L'exploitation rapace des ouvriers qui, par endroits, a conservé une forme semi-esclavagiste, se lie à une intensification extrême du travail. Dans la lutte contre cette exploitation barbare, le prolétariat s'affranchit de l'influence de la bourgeoisie et du réformisme, bien que l'appareil syndical soit encore aux mains des réformistes. Le mouvement paysan, désorganisé en 1922 par la trahison de Ghandi[27] et objet de répressions violentes de la part de la réaction féodale, marche lentement mais inévitablement vers un nouvel essor. La bourgeoisie libérale nationale (aile directrice du parti swarajiste[28]), contrainte de nouveau à renouveler son opposition plus ou moins loyale à l'égard de l'impérialisme britannique, par suite de l'intransigeance de ce dernier, cherche, malgré ses interventions antibritanniques, à établir un accord avec lui aux dépens des masses laborieuses. D'autre part, tout le développement de l'Inde pousse les larges masses de la ville et de la campagne, en premier lieu la paysannerie ruinée et paupérisée, dans la voie de la révolution. Seul, le bloc des ouvriers, des paysans et de la partie révolutionnaire des intellectuels sera en état, sous la conduite du prolétariat, de briser le bloc des impérialistes, des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie opportuniste, de déclencher la révolution agraire et de percer le front impérialiste aux Indes. L'union des éléments et des groupes communistes en un puissant parti communiste, l'union des masses prolétariennes dans les syndicats, la lutte systématique pour y démasquer complètement et en chasser les leaders social-traîtres, telles sont les tâches indispensables de la casse ouvrière de l'inde et les conditions nécessaires d'une lutte révolutionnaire des masses pour l'indépendance de l'Inde.

29. La nouvelle poussée de la révolution chinoise et l'aggravation inévitable de la situation révolutionnaire aux Indes peut créer une situation politique mondiale nouvelle et renverser la stabilisation relative du régime capitaliste. Le développement des conflits entre les puissances impérialistes, leur bloc contre l'U.R.S.S. et l'acuité profonde de la lutte entre l'impérialisme et le monde colonial confirment une fois de plus le caractère général de l'époque comme "époque de guerres et de révolutions".

VI. La tactique et les tâches fondamentale de l'internationale communiste

30. La lutte contre la guerre impérialiste imminente, la défense de l'U.R.S.S., la lutte contre l'intervention en Chine et contre le partage de la Chine, la défense de la révolution chinoise et des insurrections coloniales, telles sont les principales tâches internationales du mouvement communiste dans la période actuelle; la solution de ces tâches doit être liée à la lutte quotidienne de la classe ouvrière contre l'offensive du capital et doit être subordonnée à la lutte pour la dictature du prolétariat.

31. La lutte contre la menace des guerres impérialistes entre pays capitalistes et d'une guerre impérialiste contre l'U.R.S.S. doit se faire systématiquement, de jour en jour. Cette lutte est impossible sans démasquer impitoyablement le pacifisme qui, dans les conditions actuelles, est un des principaux instruments aux mains des impérialistes pour préparer les guerres et cacher cette préparation. Cette lutte est impossible sans démasquer la S.d.N., un des principaux instruments du “pacifisme” impérialiste. Cette lutte est impossible enfin sans démasquer la social-démocratie qui aide l'impérialisme à couvrir du drapeau du pacifisme la préparation des nouvelles guerres. Dans ce domaine, les tâches essentielles des partis communistes sont: démasquer constamment par des faits l'action de la S.d.N.; soutenir continuellement les propositions de désarmement de l'U.R.S.S.; démasquer, dans ce domaine, leurs gouvernements respectifs (interpellations aux parlements, manifestations de masses dans les rues, etc.); éclairer toujours la question de l'armement effectif des États impérialistes, de l'industrie chimique, des budgets de guerres, des traités et des complots publics et secrets de l'impérialisme, du rôle des impérialistes en Chine; dénoncer les mensonges des “pacifistes réalistes” social-démocrates concernant le superimpérialisme et le rôle de la S.d.N.; éclairer et expliquer toujours les “résultats” de la première guerre mondiale, sa préparation secrète militaire et diplomatique, lutte conte le pacifisme de toute espèce et propagande des mots d'ordre communistes, en premier lieu du mot d'ordre de la défaite de sa propre patrie impérialiste et de la transformation de la guerre impérialiste en une guerre civile; travail parmi les soldats et les marins création de cellules clandestines, action parmi les paysans.

32. La victoire des impérialistes dans leur lutte contre l'U.R.S.S. ne signifierait pas seulement la défaite du prolétariat de l'U.R.S.S., mais aussi la plus grave défaite du prolétariat international depuis qu'il existe. Le mouvement ouvrier serait refoulé pour des dizaines d'années. La réaction la plus violente régnerait dans toute l'Europe. Si la classe ouvrière a fait des conquêtes importantes grâce à l'influence de la révolution d'Octobre et comme résultat des révolutions d'Allemagne, d'Autriche et d'autres pays, la défaite du prolétariat de I'U.R.S.S. ouvrirait une nouvelle page de l'histoire par une terreur contre-révolutionnaire d'une violence et d'une férocité inouïes. Ainsi la défense de I'U.R.S.S. ne peut pas ne pas être au centre de l'attention. C'est pourquoi l'alarme pour le sort de l'U.R.S.S., contre laquelle se dressent les forces militaires des impérialistes, doit susciter un travail systématique pour préparer la transformation de la guerre contre I'U.R.S.S. en guerre civile coutre les gouvernements impérialistes, en guerre pour la défense de L'U.R.S.S.

33. La lutte contre la guerre impérialiste, la lutte pour la défense de la révolution chinoise et de l'U.R.S.S., exigent que la classe ouvrière accentue son internationalisme de combat. L'expérience a démontré que les partis communistes ne sont pas à la hauteur de ces tâches internationales. Déjà le 7e Plénum élargi[29] a constaté que presque tous les partis de l'I.C. ont manifesté insuffisamment d'énergie dans la lutte pour soutenir la grève anglaise et la révolution chinoise. L'expérience ultérieure a confirmé que ces tâches internationales du mouvement étaient insuffisamment comprises. En divers cas, en particulier dans la lutte contre l'intervention en Chine, la capacité de mobilisation des sections de l'I.C. se manifesta d'une manière insuffisante. Le congrès attire l'attention de tous les partis communistes sur la nécessité de remédier résolument à ces lacunes, de mener une action systématique dans ces questions (vaste exposé dans la presse, littérature de propagande et d'agitation, etc.), de procéder d'une façon plus énergique à leur auto-éducation et à l'éducation des larges masses prolétariennes dans un esprit international et de lutte.

34. Le soutien du mouvement colonial, surtout de la part des partis communistes des pays impérialistes oppresseurs est une des tâches les plus importantes du moment actuel. La lutte contre l'intervention en Chine, contre la répression des mouvements de libération dans toutes les colonies, le travail dans l'armée et dans la marine, le soutien énergique des peuples coloniaux soulevés ‑ telles doivent être les mesures à prendre dans l'avenir le plus proche. Le congrès charge le C.E. de l'I.C. de porter plus d'attention aux mouvements coloniaux, de réorganiser et de renforcer les sections chargées de ce travail.

Le congrès souligne aussi particulièrement la nécessité d'organiser par tous les moyens le mouvement des nègres aux États‑Unis d'Amérique, comme dans les autres pays (en particulier en Afrique du Sud). En conséquence, le congrès exige qu'une lutte décisive et impitoyable soit entreprise contre toutes les manifestations du “chauvinisme blanc”.

35. Dans les pays capitalistes “avancés”, où se dérouleront les combats les plus décisifs pour la dictature prolétarienne et pour le socialisme, la tactique générale des partis communistes doit être orientée contre toute “intégration” des organisations ouvrières dans les organisations capitalistes privées ou étatiques, contre l'union des syndicats avec les trusts, contre la “paix industrielle”, contre l'arbitrage obligatoire, contre le pouvoir gouvernemental de la bourgeoisie et contre les trusts. Les partis communistes doivent expliquer inlassablement aux masses ouvrières les liens intimes qui existent entre la prédication de la “paix industrielle” et de l'arbitrage, la répression contre l'avant-garde révolutionnaire du mouvement prolétarien et la préparation de la guerre impérialiste.

36. Étant données la trustification intense de l'industrie, les tendances au capitalisme d'État, l'interpénétration des organisations de l'État et des trusts et de l'appareil des syndicats réformistes, étant donnée la nouvelle idéologie complètement bourgeoise et activement impérialiste de la social-démocratie, il faut également intensifier la lutte conte ces “partis ouvriers de la bourgeoisie”. Le renforcement de cette lutte résulte de la modification du rapport des forces et de la position de la social-démocratie qui est entrée dans une période plus “mûre” ‑ du point de vue de l'impérialisme ‑ de son développement. Le congrès approuve donc entièrement la tactique tracée par le 10e Plénum du C.E. de l'I.C[30]. L'épreuve de cette tactique par l'expérience des élections françaises et du mouvement anglais a entièrement confirmé son absolue justesse.

37. Cette tactique modifie la forme, mais ne change nullement le contenu principal de la tactique du front unique. Le renforcement de la lutte contre la social-démocratie déplace le centre de gravité vers le front unique, vers la base, mais ne domine nullement, augmente même encore, le devoir des communistes de faire la distinction entre les ouvriers social-démocrates qui se trompent en toute sincérité d'une part, et les leaders social-démocrates, vils serviteurs des impérialistes, d'autre part. De même le mot d'ordre "Aller aux masses" (y compris celles qui suivent les partis bourgeois et celles qui suivent la social-démocratie) n'est nullement retiré de l'ordre du jour, mais, bien au contraire, il se place encore plus au centre de tout le travail de l'Internationale communiste.

Sollicitude pour les besoins quotidiens de la classe ouvrière, défense énergique des plus petites revendications de la masse ouvrière, pénétration profonde au sein de toutes les organisations de masse du prolétariat, quelles qu'elles soient (syndicales, culturelles, sportives, etc.), consolidation des positions du parti dans les fabriques et les usines, dans les grandes entreprises, en particulier, travail parmi les couches arriérées du prolétariat (ouvriers agricoles) et parmi les chômeurs, en reliant absolument les petites revendications quotidiennes avec les mots d'ordre fondamentaux du parti; telle est la tâche essentielle du parti. La conquête et la mobilisation effective des masses ne seront possibles que par l'accomplissement de ces tâches.

38. Dans le domaine du mouvement syndical, le congrès fait le plus énergique appel à tous les partis pour intensifier au maximum le travail, précisément sur ce secteur du front. La lutte pour l'influence des communistes dans les syndicats doit actuellement se faire d'autant plus énergique que, dans plusieurs pays, les réformistes poussent à l'exclusion des communistes (et des éléments de gauche en général) des organisations syndicales. Sans la consolidation des positions nécessaires, les communistes risqueraient d'être isolés de toute la masse des prolétaires organisés dans les syndicats. C'est pourquoi les communistes doivent, par une action quotidienne, patiente et dévouée dans les syndicats, conquérir aux yeux des larges masses syndiquées une autorité d'organisateurs expérimentés et habiles, de lutteurs non seulement pour la dictature prolétarienne, mais aussi pour les revendications partielles courantes de la masse ouvrière, autorité de dirigeants dans la conduite des grèves. Dans ces luttes, les partis communistes, l'opposition syndicale révolutionnaire et les syndicats révolutionnaires ne pourront conquérir le rôle dirigeant que par une lutte acharnée contre la social-démocratie et la bureaucratie syndicale politiquement corrompue. Pour remporter des succès décisifs dans la conquête des masses, il faut surtout porter l'attention sur la préparation minutieuse des grèves (travail de masses, consolidation des fractions syndicales, etc.), leur réalisation habile (création des comités de grève et utilisation des comités d'entreprises) et donner aux masses l'explication politique des causes et des conditions du succès ou de l'insuccès de chaque grève ou conflit économique.

Devant le front unique de l'État bourgeois, des organisations patronales et de la bureaucratie syndicale réformiste qui, ensemble, s'efforcent d'étouffer les mouvements de grève par l'arbitrage obligatoire, la tâche essentielle consiste à donner libre cours à l'énergie et à l'initiative des masses et, si la situation s'y prête, à déclencher un mouvement de grève, même contre la volonté de la bureaucratie syndicale réformiste. Sans se laisser prendre à la provocation des réformistes qui tendent à l'exclusion des communistes et à la scission du mouvement syndical, et en prenant les mesures nécessaires pour paralyser les coups inattendus des réformistes, il est nécessaire de lutter par tous les moyens contre la tactique de capitulation. (Unité “à tout prix”, renonciation à défendre les camarades exclus et à mener une lutte énergique contre l'arbitrage obligatoire, subordination absolue à l'appareil syndical bureaucratique, atténuation de la critique à l'égard de la direction réformiste, etc.) Organiser les inorganisés, conquérir les syndicats réformistes, organiser les exclus, rattacher à la Fédération syndicale révolutionnaire, si les conditions sont propices (dans les pays où le mouvement syndical est scindé), les organisations locales qui auront été gagnées au mouvement syndical révolutionnaire, telles sont les tâches qui sont à l'ordre du jour. Les communistes ne doivent, en aucun cas, abandonner l'initiative dans la lutte pour l'unité du mouvement syndical national et international. Ils doivent mener une lutte énergique contre la politique scissionniste de l'Internationale d'Amsterdam et de ses sections nationales. Par suite de l'aggravation de la lutte entre le communisme et le réformisme, il est de toute importance de développer l'action des fractions syndicales communistes, de l'opposition syndicale, des syndicats révolutionnaires et de renforcer par tous les moyens le travail et l'activité de l'Internationale Syndicale Rouge.

Les partis communistes doivent appuyer l'action du secrétariat du Pacifique et du secrétariat syndical de l'Amérique latine, dans la mesure où ces derniers se tiennent sur le terrain de la lutte de classes, mènent une lutte révolutionnaire contre l'impérialisme et s'efforcent de conquérir l'indépendance des colonies et des semi-colonies.

39. L'importance croissante de la jeunesse dans l'industrie, par suite de la rationalisation capitaliste, la menace croissante de guerre, posent avec une acuité particulière la question du renforcement de l'action parmi la jeunesse. Le congrès charge l'I.C.J. d'étudier la question de sa tactique et de ses méthodes de travail, en partant de la nécessité d'organiser plus largement la jeunesse ouvrière, d'employer des méthodes plus variées pour la recruter, de répondre plus vivement et plus activement aux aspirations économiques, culturelles, générales et théoriques de la jeunesse, tout en gardant le caractère politique de combat des J.C.

En vertu de l'importance croissante de la jeunesse dans la production, il est nécessaire, d'une part, de renforcer le travail des sections syndicales; d'autre part, de prendre des mesures pour organiser, sous la direction de la fédération des J.C., des associations spéciales de jeunes, qui aient pour tâche de lutter pour les besoins économiques de la jeunesse prolétarienne, là où elle n'est pas admise dans les syndicats. La lutte économique, la participation à la conduite des grèves et, dans des cas particuliers, l'organisation de grèves de jeunes, l'action dans les syndicats, la lutte pour l'admission des jeunes dans les syndicats, la pénétration des J.C. dans toutes les organisations, quelles qu'elles soient, comprenant de la jeunesse ouvrière (syndicats, organisations sportives, etc.), l'action antimilitariste, un tournant décisif dans la tactique et les méthodes pour intensifier l'action de masses ‑ telles sont les principales tâches de l'I.C.J. sans la solution desquelles elle ne sera pas en état d'organiser une véritable lutte de masses contre l'impérialisme et la guerre. Estimant que ce changement de tactique vers l'action de masses est nécessaire, le congrès exige de la part de toutes les sections de l'I.C. et du C.E. de l'I.C. qu'une aide plus systématique soit donnée aux organisations de J.C. et que celles‑ci soient dirigées d'une façon plus régulière. Les partis communistes et les fédérations de jeunesses communistes doivent porter une attention redoublée au travail parmi les enfants des ouvriers et à l'activité des fédérations communistes d'enfants.

En même temps, le congrès charge le C.E. de l'l.C. de prendre, par l'intermédiaire du secrétariat international féminin, des mesures destinées à renforcer le travail parmi les ouvrières industrielles et parmi les masses travailleuses féminines en général, en utilisant à cet effet l'expérience des "assemblées de déléguées" ouvrières.

40. Avec la menace croissante de nouvelles guerres impérialistes, l'action des partis communistes dans les campagnes, parmi les larges couches de travailleurs, acquiert une importance particulière. En se basant sur les résultats des élections en France et en Allemagne, le congrès décide d'intensifier le travail parmi les ouvriers agricoles et les petits paysans. Le congrès attire particulièrement l'attention sur la nécessité d'intensifier le travail parmi les paysans, en notant que ce travail est délaissé par la plupart des partis communistes. Le congrès charge le C.E. de l'I.C, de prendre toutes les mesures pour ranimer le travail parmi les paysans, surtout dans les pays agraires (Roumanie, Pays balkaniques, Pologne, etc.), de même qu'en France, en Allemagne, en Italie, etc. Le congrès charge le C.E. de I'I.C. de prendre d'urgence des mesures pour ranimer le travail de l'Internationale des Paysans et exige que toutes les sections de l'I.C. soutiennent ce travail.

41. Le congrès charge le C.E. de l'I.C, de prendre toutes les mesures nécessaires pour venir en aide aux organisations qui mènent une lutte d'émancipation dans les pays capitalistes et dans les colonies, qui mobilisent la large masse des travailleurs pour la défense de la révolution chinoise et de l'U.R.S.S, qui viennent en aide aux victimes de la terreur blanche, etc. Il est nécessaire d'intensifier et d'améliorer le travail des communistes dans les organisations telles que les "groupes d'unité"[31], la "Ligue pour la lutte contre l'impérialisme"[32], l´"Association des Amis de l'U.R.S.S."[33], le "S.R.I."[34], le "S.O.I."[35], etc., etc. Les partis communistes sont tenus d'aider par tous les moyens ces organisations, de contribuer à la diffusion de leur presse, de soutenir leurs sections locales, etc.

42. La répression croissante et la nouvelle intensification de la lutte de classes, en liaison avec la possibilité de guerre, posent aux partis communistes la tâche d'envisager et de résoudre en temps opportun la question de l'appareil illégal, susceptible d'assurer la conduite des combats imminents, l'unité de la ligne et de l'action communistes.

VII. Le bilan du travail, les succès les erreurs et les tâches des diverses sections

43. Le congrès constate les succès nombreux et considérables obtenus dans le travail de l'I.C. Parmi ces succès, il faut noter: la croissance de l'influence du communisme, la propagation de son influence dans les pays de l'Amérique latine, en Afrique, en Australie et dans plusieurs pays d'Asie (renforcement des positions du communisme au Japon, extension de son influence en Chine); l'extension de influence de l'I.C. dans les pays de l'impérialisme, malgré la stabilisation partielle du capitalisme et la solidité relative de la social-démocratie (Allemagne, France, Tchécoslovaquie, Grande‑Bretagne); la croissance des partis illégaux qui progressent malgré les coups inouïs de la terreur policière et fasciste (Italie, Pologne, d'une part, et, d'autre part, Chine et Japon), en Chine surtout, la terreur a un caractère inouï d'assassinat en masse; enfin, la bolchévisation accrue des partis communistes, l'accumulation d'expériences, la consolidation intérieure, la liquidation des luttes intestines, la liquidation de l'opposition trotskiste dans l'I.C.

Mais il faut noter en même temps plusieurs défauts importants dans les sections de l'I.C.: le développement, encore faible, de l'internationalisme combatif, un certain provincialisme qui se manifeste par une sous-estimation de l'importance des questions d'une envergure particulièrement grande, l'insuffisance du travail dans les syndicats; l'incapacité de consolider par l'organisation l'accroissement de l'influence politique et la stabilité des effectifs du parti; l'attention insuffisante de certains partis pour le travail parmi les paysans et les minorités nationales opprimées, un certain bureaucratisme de l'appareil et des méthodes de travail des partis (liaison insuffisante avec les masses, initiative insuffisante pour recruter des adhérents, travail insuffisamment vivant des cellules de base et transfert du centre de gravité sur le travail des fonctionnaires du parti); le niveau théorique et politique, relativement bas, des cadres du parti, la liaison parfois faible avec les grandes entreprises, la réorganisation des partis sur la base des cellules d'entreprises encore loin d'être achevée, etc.

44. Le Parti communiste anglais [...]

45. [...] du Parti communiste français [...]

46. Le Parti communiste italien [...]

47. [...] le Parti communiste d'Allemagne [...]

48. Le Parti communiste de Tchécoslovaquie [...]

49. Le Parti communiste polonais [...]

50. [...] aux Partis communistes des Balkans [...]

51. Quant aux pays scandinaves [...]

52. Le Workers Party américain (communiste) [...]

53. Le Parti communiste japonais [...]

54. Le Parti communiste chinois [...]

55. Dans les pays d'Amérique latine [...]

56. Dans les pays d'Afrique du Sud [...]

57. [...] Dans le pays de la dictature prolétarienne, en U.R.S.S. [...]

VIII. La lutte pour la ligne léniniste et pour l'unité de l'I.C.

[58. ... à 61. ...]

 

 

 

 

 

Notes



[1].       [321ignition] Les annotations sont formulées par nous en tenant compte d'éventuelles notes figurant dans la source.

[2].       En faisant valoir des retards dans le paiement des réparations de la part de l'Allemagne, le 11 janvier 1923 des troupes françaises et belges entrent dans la région de la Ruhr.

En mars sont formés dans un premier temps en Thüringen, où est en place un gouvernement SPD, des dénommées centuries prolétariennes. Par la suite des organes d'autodéfense de ce type se développent également en Sachsen, à Berlin, dans la région de la Ruhr. À partir de mai des mouvements de grève multiples s'étendent. Ils aboutissent à la démission du gouvernement national dirigé par Wilhelm Cuno. En octobre des représentants du KPD entrent au gouvernement régional de Thüringen, ainsi que de même en Sachsen où est en place également un gouvernement SPD.

Dans le cadre de cette situation générale, le KPD prépare une insurrection au niveau national. À l'exception de Hambourg, ces projets n'arrivent pas à exécution, et ainsi l'entreprise est abandonnée.

[3].       Dans la version en langue allemande des Thèses, on lit "les rapports entre l'Europe (surtout la Grande‑Bretagne) et les États‑Unis" ["Die Beziehungen ... Europas (hauptsächlich Englands) zu den Vereinigten Staaten".

[4].       En Grande-Bretagne, le 30 juin 1925 les propriétaires des mines annoncent qu'ils réduiront les salaires des mineurs. Suite à l'opposition du Syndicat national des travailleurs des mines (National Union of Mineworkers), soutenu par le Trades Union Congress (Congrès de Syndicats, TUC, l'unique organisation centralisée de syndicats, liée au Labour Party), le gouvernement conservateur de Stanley Baldwin décide d'intervenir et accorde les fonds nécessaires pour maintenir le niveau des salaires, pendant une période de neuf mois. Il constitue une commission présidée par Herbert Samuel chargée d'examiner la situation de l'industrie minière, laquelle publie son rapport en mars 1926. Elle écarte l'idée d'une nationalisation, recommande l'arrêt des subventions et que les salaires des mineurs soient effectivement réduits. Au même moment les propriétaires des mines, au-delà des réductions de salaires, modifient de façon plus générale les conditions d'emploi, notamment par un prolongement de l'horaire journalier et la fixation des taux de salaires par district; ils annoncent que si les mineurs n'acceptent pas ces décisions avant le 1er mai, ils procèderont à un lockout.

Le 1er mai, le TUC annonce un appel à la grève pour le 4 mai, et entame des négociations dans l'espoir d'arriver à un accord avant. Depuis le décès du Secrétaire général du TUC Fred Bramley en octobre 1925, Walter Citrine assume la fonction à titre provisoire, il sera officiellement désigné comme Secrétaire général en septembre 1926. Ramsay MacDonald, le dirigeant du Labour Party, est opposé au déclenchement d'une grève générale. Les négociations échouent. Le TUC applique la méthode de mettre en grève d'abord les travailleurs de certains secteurs clé ‑ chemins de fer, transports, ports, imprimeries, construction, sidérurgie. Le 7 mai, Herbert Samuel prend contact avec le TUC. Sans se coordonner avec les mineurs, les représentants du TUC s'accordent avec Samuel sur les conditions dans lesquelles la grève pourrait être révoquée en échange d'une poursuite des négociations. Les mineurs rejettent l'arrangement, mais le 11 mai le Conseil général du TUC l'entérine et déclare la fin de la grève. Cependant, le gouvernement ne reprend pas à son compte les termes de l'arrangement.

Le 21 juin, le gouvernement fait adopter une loi qui suspend la loi concernant la journée de travail de sept heures dans les mines (Miners' Seven Hours Act) pour une durée de cinq ans, ce qui autorise le retour à la journée de huit heures. Ainsi en juillet les propriétaires des mines confirment les mesures annoncées. Les mineurs poursuivent la grève, mais sont contraints de reprendre progressivement le travail; un grand nombre parmi eux sont sanctionnés et restent au chômage.

Par la suite, en 1927, le gouvernement adopte le Trade Disputes and Trade Unions Act (Loi sur les conflits de travail et les syndicats), qui prohibe les grèves générales ainsi que les grèves de solidarité, et interdit aux fonctionnaires publics d'adhérer aux syndicats affiliés au TUC.

[5].       Joseph Paul-Boncour.

Homme politique français. Il adhère dans un premier temps au Parti républicain-socialiste, puis en 1916 passe à la SFIO. En 1927, à la Chambre des députés il est le rapporteur d'un projet de loi “sur l'organisation générale de la nation en temps de guerre", qui est votée par la Chambre le 7 mars 1927.

L'article 1er du texte stipule: “En temps de guerre, tous les Français et ressortissants français, sans distinction d'âge ni de sexe, ainsi que tous les groupements légalement constitués, sont tenus de participer à la défense du pays ou à l'entretien de sa vie matérielle et morale.” En 1931 Paul-Boncour revient au Parti républicain-socialiste, lequel se fond en 1935 dans l'Union socialiste républicaine. La loi de 1927 fera l'objet de débats prolongés, la version finale sera adoptée le 11 juillet 1938.

[6].       Roter Frontkämpferbund.

Le 31 mai 1924 se tient à Halle une réunion de la Centrale du KPD. Le 11 mai les unités de défense liées au DVFP et au NSDAP avaient mobilisé pour une “Journée allemande” dans cette ville. Les communistes avaient entrepris de perturber la marche, la police avait ouvert le feu, causant 8 morts et 16 blessés graves. La Centrale aboutit à la conclusion de constituer des unités de défense propres, capables de protéger le mouvement ouvrier contre des attaques de la part de la police ou de l'extrême droite. Il est décidé de créer une telle organisation sous le nom de “Ligue rouge de combattants du front” (“Roter Frontkämpferbund”, RFB). C'est ainsi que s'intitulèrent à Halle les unités d'intervention prolétariennes formées précédemment, interdites. Afin de mettre en oeuvre l'édification du RFB de façon progressive, sont choisies d'abord les régions de Halle-Merseburg et Grand-Thüringen. Le premier groupe du RFB est formé en juillet 1924 à Hildburghausen, en Thüringen, puis à Halle le même mois, ensuite en aout à Chemnitz et à Dresden, en septembre à Leipzig. Le 1er février 1925 se tient à Berlin la 1e conférence nationale du RFB. Elle désigne Ernst Thälmann comme président, avec Willi Leow comme adjoint. Le 21 mai se tient à Berlin la 2e Conférence nationale, puis le 3 juin 1927 la 3e. Une réunion pour établir le RFB en Bavière est convoquée à Nürnberg en juillet 1925, mais elle est interdite par les autorités. Ce n'est que le 2 avril 1928 que l'interdiction du groupe local de Dortmund sera levée et que des unités du RFB pourront être créées en Bavière. Le 3 mai 1929, en lien avec les manifestations organisées par le KPD pour la journée du Premier mai, le gouvernement de Prusse décide la dissolution du RFB, la mesure est exécutée le 6. Les jours suivants l'organisation est également interdite en Bavière, Saxe, Hambourg, Lippe-Detmold, Mecklenburg-Strelitz, d'autres gouvernements régionaux sont plus réticents. Finalement, sur demande de Carl Severing (SPD), ministre de l'intérieur de Prusse dans le cadre d'un gouvernement de coalition régional dirigé par Otto Braun (SPD), après la tenue le 10 mai d'une conférence nationale des ministres de l'intérieur régionaux, l'interdiction du RFB est prononcée au niveau national. Ainsi, le RFB sera contraint à se maintenir définitivement dans la clandestinité.

Le 28 septembre 1930 le KPD fonde à Berlin le “Kampfbund gegen den Faschismus” (“Ligue de combat contre le fascisme”) comme successeur légal au RFB interdit. Hermann Remmele est désigné comme président. L'organisation dispose d'un organe de presse, Die Fanfare.

Remarque concernant la dénomination “Roter Frontkämpferbund”: Elle est fréquemment traduite par “Ligue des Combattants du Front Rouge, ce qui prête à confusion, puisque rouge devient ainsi épithète de front, comme dans les expressions front uni, front antifasciste etc. Or le terme Frontkämpferbund se décompose en Bund et Frontkämpfer, et ce dernier terme est directement lié aux soldats qui combattaient au front pendant la guerre. Ainsi, dans Roter Frontkämpfer le qualificatif rouge se rapporte à combattant du front, et de la même façon dans Roter Frontkämpferbund le qualificatif rouge se rapporte à Ligue des combattants du front, ceci pour distinguer le RFB des organisations de combattants du front constitués par les forces politiques réactionnaires.

[7].       Autriche, juillet 1927.

Le 30 janvier 1927, à Schattendorf, localité de la province du Burgenland, un groupe d'anciens combattants monarchistes ouvre le feu sur un défilé du Republikanischer Schutzbund (Ligue de protection républicaine), une organisation prolétarienne armée créée en 1923, liée à la social-démocratie. L'attaque fait deux morts, dont un enfant. Jugés le 14 juillet, les tireurs ‑ qui pourtant n'avaient nullement nié les faits ‑ sont acquittés. Le 15, une grève générale spontanée éclate et conduit à des affrontements autour du Palais de Justice de Vienne. La police fait usage d'armes à feu; le lendemain, les fusillades continuent encore. La Ligue de protection laisse d'abord les manifestants seuls face à la police; ensuite elle intervient, mais non armée, et contre les travailleurs en essayant de désamorcer leur action; finalement, exposée aux attaques meurtrières de la police, elle se retire. Au total on comptera 86 morts parmi la population, ainsi que 4 policiers; plus de 1000 blessés sont hospitalisés. Dès la nuit du 15 au 16 juillet, le Parti communiste d'Autriche (Kommunistische Partei Österreichs, KPÖ) diffuse une édition spéciale de son organe Die Rote Fahne énonçant les revendications formulées par le Parti: dissolution et désarmement de toutes les organisations fascistes, épuration de l'appareil d'état (police, armée, gendarmerie) d'éléments réactionnaires, armement des travailleurs. L'après-midi du 15 juillet, le Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche (Sozialdemokratische Arbeiterpartei Deutsch-Österreichs, SDAPDÖ) et les dirigeants syndicaux se décident à appeler à une grève générale de 24 heures ainsi qu'une grève illimitée des transports et des PTT, en adressant au gouvernement une série de revendications: fin des représailles, inculpation des responsables du carnage, convocation du Parlement. Le chancelier fédéral Ignaz Seipel rejette les revendications et remarque pour se moquer de la délégation, qu'en vue de la tenue d'une session du parlement, ils devraient “d'abord faire en sorte que les trains circulent à nouveaux, puisqu'autrement les députés ne peuvent pas se rendre à Vienne". Les social-démocrates annulent effectivement la grève des transports. Le 16 juillet, le Bulletin d'information de la social-démocratie (Mitteilungsblatt der Sozialdemokratie) écrit: "Plus est total, de la part des camarades, le respect de la consigne de rester aujourd'hui à la maison et de ne pas descendre dans la rue, d'autant plus efficace sera la prompte disposition du Schutzbund d'intervenir en cas de besoin." Puis le 7 aout, l'Arbeiter-Zeitung écrit: "Nous n'avons pas été vaincus dans le combat, c'est plutôt que nous avons évité le combat."

[8].       Nicola Sacco, Bartolomeo Vanzetti.

Sacco et Vanzetti sont deux immigrés italiens aux USA. Après avoir rejoint, séparément, la même aile du mouvement anarchiste (celle ayant pour principal représentant l'avocat Luigi Galleani), ils se rencontrent en 1917 lorsqu'ils passent au Mexique pour se soustraire à l'enregistrement obligatoire en vue de la mobilisation pour l'armée. Le 15 avril 1920, le caissier de la manufacture de chaussures Slater and Morril, à South Braintree (Massachusetts), située à une vingtaine de kilomètres de Boston, et son garde du corps, porteurs de deux coffres contenant la paye du personnel, sont abattus à coups de révolver par deux hommes. À cette date, la police du Massachusetts enquête sur une affaire semblable, survenue quelques mois plus tôt dans la petite ville de Bridgewater. Le 4 mai 1920, elle arrête Sacco et Vanzetti. Ce dernier est inculpé dans l'affaire du holdup de Bridgewater, et condamné à quinze ans de prison. Le procès des auteurs présumés du holdup de South Braintree a lieu à Dedham du 31 mai au 14 juillet 1921, Sacco et Vanzetti sont condamnés à mort. Différentes requêtes en révision du procès sont déposées entre 1921 et 1927, en vain. Le 23 aout 1927 Sacco et Vanzetti sont exécutés à la prison de Charlestown, Massachusetts.

[9].       Voici quelques extraits de deux textes qui éclairent les positions de Kautsky.

a) Nicolaï Boukharine: La bourgeoisie internationale et son apôtre Karl Kautsky (Réponse à Kautsky), Paris, Librairie de l'Humanité, 1925.

p. 9‑10:

L'histoire mondiale, à n'en pas douter, entre maintenant dans une nouvelle phase. Le pays de la Révolution prolétarienne se développe et se fortifie. En Orient, une flamme immense s'élève, dont les reflets se projettent jusque sur les fenêtres des banques de Londres et de Paris et épouvante les classes dominantes du monde entier. Un cri de haine contre nous part de toutes les maisons bourgeoises. Et pendant qu'on mitraille le peuple chinois pour la plus grande gloire de l'humanité, de la chrétienté, de la civilisation et de la hausse des actions coloniales, on trame contre l'union des États prolétariens tout un réseau d'intrigues, de complots et d'alliances militaires, on prépare le blocus financier de la Russie des Soviets. [...]

Mais si l'on ne nous attaque pas encore, on se prépare. Et l'instigateur de cette préparation odieuse est maintenant Karl Kautsky qui, d'apôtre du socialisme, s'est transformé en apôtre de la contre-révolution. Il vient de publier une nouvelle brochure intitulée: L'Internationale et la Russie soviétiste.

p. 67‑68:

Dans ce qui précède, nous avons montré toute l'ignorance du “savant” Karl Kautsky, lorsqu'il se met à raisonner sur les faits élémentaires de notre vie économique.

Mais cette circonstance ne l'accable aucunement. Avec l'aisance d'un “écrivain” qui travaille pour de bons clients, M. Kautsky résume d'une façon décisive et énergique:

Le bolchévisme ne fut pas en état de donner quoique ce soit de ce qu'il promit. Toutes les promesses dont il était si peu avare et par lesquelles il sut entraîner un grand nombre de disciples illusionnés, le bolchevisme fut obligé de les déclarer l'une après l'autre comme étant des illusions ci des erreurs... Naturellement, il ne reconnaît pas jusqu'à présent la vérité complète, c'est-à-dire que son régime ne mène pas au socialisme, mais s'en éloigne. Il n'est plus en état de produire autre chose que des cascades d'injures à l'adresse de ses critiques (pp. 13 et 14).

Pourtant, il apparaît que les bolchéviks sont dans l'obligation de relever l'économie, car "tout gouvernement tend à la puissance et à la richesse de l'État qu'il gouverne" (p. 22).

Et Kautsky continue:

Par conséquent, les bolchéviks sont obligés d'essayer de remettre sur pied l'industrie et les transports qu'ils ont paralysés. Ils le font, d'une part, au moyen du partage du monopole de l'exploitation du peuple russe à quoi tend tout leur “communisme”, avec des capitalistes particuliers, particulièrement avec des capitalistes étrangers qui payent largement pour cela et qui savent mener les affaires d'une façon plus rationnelle que les bolchéviks; d'autre part, au moyen de la destruction du mur chinois qu'ils ont élevé autour de la Russie soviétique, à l'exemple des gouvernements capitalistes. (p. 22).

Et ensuite:

Les emprunts et les concessions capitalistes voilà la panacée qui permettra au communisme gravement malade de se remettre sur pied. (p. 32).

Voilà tout ce que M. Kautsky a pu présenter comme preuves de notre dégénérescence économique.

En somme, que voyons-nous?

Le bolchévisme a promis le paradis communiste ou tout au moins un acheminement vers ce paradis. Il n'a pas tenu ses promesses. Il a reconnu que c'étaient des illusions et des erreurs. Il a établi un régime d'exploitation du peuple russe. Il est gravement malade. Il se sauve avec l'aide du capitalisme étranger, sans lequel il risque de mourir. Il éloigne de plus en plus la société du socialisme.

p. 87:

Karl Kautsky résume ses raisonnements sur notre dynamique économique de la façon suivante:

Le régime bolchéviste signifiait en pratique, non pas l'établissement d'un régime nouveau, supérieur, indépendant de la production capitaliste, mais exclusivement le vol des possédants. En même temps, il provoquait l'arrêt de la production, qui amena rapidement la misère et la ruine de l'État. Impuissants à remédier à cet état de choses, les bolchéviks ont vu leur salut dans le pillage de la riche Europe. C'est pourquoi il leur faut aussi la révolution mondiale, c'est-à-dire la guerre ouverte ou sourde contre les gouvernements étrangers. Cet état de guerre réel, quoiqu'il ne soit pas toujours reconnu ouvertement, signifie l'isolement de la Russie du monde extérieur.

p. 104‑106:

Donner des preuves que toute la presse bourgeoise adopte ce point de vue serait superflu. Et si maintenant la “stabilité” de l'ordre capitaliste est particulièrement menacée par les insurrections asiatiques, Kautsky se hâte de justifier les salves de mitrailleuses que tirent contre les ouvriers chinois les impérialistes anglais épouvantés. Comme on le sait, toute la presse, particulièrement celle des conservateurs, s'efforce de représenter le grand mouvement du peuple chinois comme un simple complot des “agents de Moscou”. Par là, on poursuit deux buts: on cherche à justifier les fusillades en Orient et on prépare l'intervention militaire et financière contre l'U.R.S.S. Que fait Kautsky pendant ce temps? Dressé sur ses pattes de derrière, il hurle:

Ce n'est là (l'insuccès des emprunts) qu'une raison de plus qui incitera les joueurs aventureux de Moscou à travailler à de nouvelles émeutes dans l'espoir d'obtenir par le pillage ce qu'ils ne peuvent recevoir par les emprunts. Dans tous les États de l'Orient, ils cherchent maintenant à allumer l'incendie pour embraser le monde entier et le dépouiller au moment favorable.

Peut-être, penserez-vous, Kautsky essaye‑t‑il d'analyser le mouvement d'Orient, de le relier à l'impérialisme des puissances capitalistes, de découvrir ses racines de classes, de l'apprécier en tant que facteur essentiel de l'histoire mondiale? Pas du tout. Kautsky recourt à de tout autres arguments “scientifiques”. Après avoir montré que la révolution chinoise est le fruit de l'action spoliatrice des  “joueurs” de Moscou, il souffle aux puissances impérialistes ce qu'elles doivent faire pour s'affranchir des troubles qui menacent leur stabilité.

Cette politique incendiaire (c'est‑à‑dire la politique des bolchéviks) n'est pas non plus sans danger pour eux. Elle peut, un beau jour, entraîner la Russie dans la guerre dans les circonstances les plus défavorables.

Il faudrait être un naïf doublé d'un imbécile pour ne pas comprendre que Kautsky excite directement les États impérialistes contre l'Union soviétique. Il déclare, il est vrai, qu'il est contre l'intervention armée. Mais ce n'est là qu'une échappatoire. Qui serait assez sot pour le croire? Kautsky, en effet, a démontré que nous avions en Russie le régime le plus sanglant et le plus cruel, qu'il fallait le renverser par la violence, que partout notre seule occupation était le pillage, que nous étions les principaux fauteurs des troubles d'Orient et que nous travaillions uniquement pour assouvir nos instincts de spoliation. Et après, il vient nous dire que toutes ces manoeuvres ne resteront pas impunies en cas de guerre. Or cela, il le dit précisément au moment où on prépare la guerre contre nous. Et après, il nous déclare hypocritement qu'il est contre l'intervention armée, alors qu'il a développé tous les arguments possibles en faveur de cette intervention et qu'il s'est exprimé comme n'oserait pas le faire un bourgeois.

Non, citoyen, il n'est pas aussi facile maintenant de tromper les ouvriers qu'en 1914.

Kautsky désire ardemment la guerre contre l'U.R.S.S.; c'est ce que démontre son argumentation.

La défaite militaire peut parfaitement provoquer la combinaison des insurrections locales, urbaines et rurales, en une insurrection générale et susciter une vague formidable qui balaiera le bolchévisme avec tous ses instruments de domination...

Que doivent donc faire, dans ce cas, les socialistes de Russie?... Il serait horrible que, sous prétexte qu'elle récuse le soulèvement armé préparé contre le bolchévisme, notre Internationale condamnât à l'avance toute insurrection comme un acte contre-révolutionnaire et interdît à ses membres de participer à une telle insurrection. Il ne saurait être question pour les social-démocrates d'essayer de sauver le régime bolchéviste. La neutralité, en cas d'insurrection générale de la masse populaire, serait un suicide politique.

b) Neumann: Manifeste d'un renégat contre l'Union soviétique, L'Internationale communiste, Organe bimensuel du Comité exécutif de l'IC, n° 30, 15 novembre 1930, Paris, Bureau d'Éditions.

p. 2169:

Le nouvel ouvrage de Kautsky, le Bolchévisme dans l'impasse, nous offre un exemple éclatant de la façon dont les social-fascistes se mettent au service de la bourgeoisie internationale, un exemple éclatant de leur intégration étroite à l'oligarchie financière internationale, et de la façon dont ils exécutent, dans l'intérêt de celle-ci, la préparation idéologique des masses travailleuses pour la guerre prochaine contre l'Union soviétique.

p. 2180‑2181:

Comme à son avis l'État soviétique est à l'intérieur complètement vermoulu et pourri, de faibles mouvements d'opposition peuvent suffire à amener l'écroulement de sa domination.

De faibles mouvements d'éléments d'opposition pourraient déjà provoquer la chose. (Page 108.)

Un mouvement d'opposition efficace de ce genre pourrait partir tout d'abord de la paysannerie. (Page 108.)

Mais si les soulèvements paysans n'étaient que de nature locale, ils seraient nécessairement impuissants. Mais les choses prendraient une autre tournure, si tous les villages, plusieurs provinces se soulèvent en même temps. Alors les forces armées du gouvernement central ne suffiront pas à les écraser. (Page 109.)

Alors la dernière heure du pouvoir soviétique sonnera et si alors les gars paysans de l'Armée rouge se joignent aux “paysans” soulevés (koulaks), il n'y aura plus de résistance, le bloc de rochers se mettra en branle et personne ne pourra le retenir.

Mais si les paysans unis aux soldats rouges remportent une seule victoire sur les forces armées du gouvernement, avec la tension générale c'en est fini de la résistance. L'avalanche se mettra en mouvement et écrasera tout ce qui se mettra sur sa route. (Page 110.)

[...]

Le capital financier international a besoin, dans sa lutte pour surmonter la crise générale du capitalisme, d'écraser le pouvoir soviétique. Pour cela il faut la préparation idéologique la plus grande et la plus minutieuse des masses travailleuses, sinon la croisade contre l'Union soviétique provoquera fatalement une guerre civile contre les États capitalistes. C'est la social-démocratie qui, à côté d'autres tâches, est chargée de diriger cette préparation idéologique. Elle l'exécute fidèlement. Lorsque la bourgeoisie internationale exige l'anéantissement de la révolution prolétarienne, les social-fascistes répètent fidèlement: “Vive la République démocratique-parlementaire!” L'oligarchie financière internationale a‑t‑elle besoin d'une arme idéologique contre l'exportation russe, Kautsky et les social-fascistes s'empressent aussitôt et tirent de leur arsenal l'argument du “travail forcé”, du “travail d'esclave” dans les kolkhoz, les usines, etc. La bourgeoisie des cartels et des trusts a‑t‑elle besoin de dissimuler ses desseins agressifs contre l'Union soviétique, les social-fascistes sont au premier rang pour accomplir cette tâche. Le capital financier voit que ses alliés les plus précieux, les koulaks, sont en train de disparaître. Les social-fascistes, Kautsky en tête, s'empressent de mobiliser aux tout premiers rangs avec des phrases “marxistes-révolutionnaires” les masses travailleuses contre cette disparition.

L'oligarchie financière internationale a besoin de justifier et de défendre le travail de sabotage contre-révolutionnaire de l'édification socialiste. Les Kautsky de tous les pays sont à la tête de la défense de ces saboteurs.

Le capital financier international organise depuis des années une campagne générale d'excitation et de mensonge contre l'Union soviétique. Les social-fascistes et Kautsky fournissent les articles les plus ignominieux, les nouvelles mensongères les plus grossières, les calomnies les plus viles pour cette campagne. Kautsky invite aujourd'hui tout à fait ouvertement au renversement du pouvoir soviétique, à l'insurrection en Union soviétique et à l'intervention contre celle‑ci. Lorsque, dès 1925, il écrivit dans ce sens un mémorandum contre l'Union soviétique: l'Internationale et la Russie soviétique, et qu'il proposa de le publier comme un document officiel de la 2e Internationale, cette proposition fut repoussée par celle-ci et même les menchéviks russes en firent la critique parce qu'il n'était pas conforme à leurs intérêts d'abattre toutes leurs cartes contre l'Union soviétique. Mais aujourd'hui, la social-démocratie, dans ses organes officiels, et entre autres dans le Vorwärts, tient ouvertement le même langage que Kautsky dans son ouvrage parce que depuis cette époque le processus de transformation en a fait des social-fascistes. Voilà ce qui est nouveau dans la situation actuelle.

[10].     Société des Nations.

[11].     Il s'agit du Conseil général du Congrès de Syndicats (Trades Union Congress, TUC), en Grande-Bretagne, qui constitue l'unique organisation centralisée de syndicats et est lié au Labour Party.

[12].     Schlichtungswesen (système de conciliation).

En Allemagne, à l'issue de la Première guerre mondiale, sont mises en place des dispositions législatives règlementant les relations entre employeurs et travailleurs en matière de négociations sur les salaires et le temps de travail. Elles font intervenir un système d'arbitrage dans lequel les pouvoirs publics peuvent intervenir de manière substantielle. Dans un premier temps, ces mécanismes ont pour arrière-plan les problèmes liés à la réadaptation de l'industrie et à la nécessité d'absorber les soldats démobilisés. La situation de crise monétaire et d'inflation galopante surgie en 1923 conduit à l'adoption d'un décret sur le système de conciliation (Verordnung über das Schlichtungswesen, du 30 octobre 1923), qui accentue fortement les pouvoirs attribués à l'État. Durant la période de crise économique qui s'installe à partir de 1927, les actions revendicatives de la part des travailleurs se heurtent fréquemment au fait que ce système d'arbitrage est destiné à concourir à l'accentuation de l'exploitation capitaliste.

[13].     Cf. note 4 .

[14].     En janvier 1928 est prononcée une sentence arbitrale concernant l'industrie de la métallurgie dans la province Sachsen et en Anhalt. Les employeurs l'acceptent, mais dans un certain nombre d'entreprises débutent des grèves auxquelles participent 50.000 travailleurs. Les employeurs imposent un lockout aux travailleurs dans le secteur couvert par l'Union d'industriels de la métallurgie de l'Allemagne du Centre, ensuite l'Union générale d'industriels de la métallurgie allemands menace d'un lockout général concernant les 750.000 travailleurs de la métallurgie. Les instances de conciliation se saisissent du litige, rendent une sentence arbitrale, que le ministre du travail Heinrich Brauns valide d'autorité, contre l'avis négatif des deux parties. Cette intervention termine le conflit au bout de plus de cinq semaines.

Le 12 décembre 1927 la Fédération générale allemande de travailleurs de la métallurgie (Allgemeiner deutscher Metallarbeiterverband, DMV) initie vis-à-vis de l'Union d'industriels de la métallurgie berlinois (VBMI) une demande de négociation concernant la catégorie des mécaniciens outilleurs, mais le VBMI refuse de signer un accord de profession. Les mécaniciens outilleurs décident la grève, par la suite le président de la commission de conciliation intervient d'office, cependant il échoue dans sa démarche. Néanmoins la grève des mécaniciens outilleurs est ajournée dans un premier temps en attendant la fin du conflit en cours dans l'industrie métallurgique d'Allemagne du Centre. Finalement, le 27 février, environ la moitié des 4000 mécaniciens outilleurs de Berlin se mettent en grève. Le 28, le VBMI décide de fermer les usines touchées par la grève. La décision est appliquée le 5 mars, ce qui impose le lockout à environ 60.000 travailleurs. Le 7, une sentence arbitrale est prononcée, elle est acceptée par le VBMI, mais rejetée par les syndicats. Le DMV Berlin élargit le mouvement de grève en incluant de nouvelles usines. Une nouvelle sentence arbitrale est rendue le 10. Le DMV rejette aussi cette sentence, et le VBMI ne prononce pas de déclaration d'acceptation. Le conciliateur renvoie le litige au ministre du travail Brauns qui, le 12, valide la sentence d'autorité. La reprise du travail intervient le 14.

En avril 1928 un conflit est en cours dans les mines de charbon de la Ruhr, au sujet des salaires et des horaires de travail. Les employeurs refusent les revendications. Le 14 avril est prononcée une sentence arbitrale, elle est rejetée autant par le l'Association de mines (qui réunit les employeurs des mines de la Ruhr) que par les syndicats. Le 23 avril, le ministre du travail Brauns valide la sentence arbitrale d'autorité.

En avril 1928 également une sentence arbitrale intervient dans l'industrie métallurgique de Sachsen. Le DMV la rejette et déclenche un mouvement de grève auquel participent 22.000 travailleurs. Les employeurs imposent un lockout à 150.000 travailleurs de la métallurgie. Le mouvement se termine suite à la validation d'autorité de la sentence arbitrale.

Dans le secteur de la métallurgie de la Ruhr, des négociations ont lieu à l'approche de l'expiration, au 30 octobre 1928, de la durée d'une sentence arbitrale prononcée le 15 décembre 1927. Mais les employeurs du Groupe Nord-Ouest de l'Association d'industriels du fer et de l'acier brusquent la situation en annonçant le 15 octobre le licenciement de l'ensemble des travailleurs, au nombre d'environ 213.000, à l'échéance du 1er novembre. Une nouvelle sentence arbitrale est prononcée, elle est acceptée par les syndicats et le conciliateur Rudolf Wissel la valide d'autorité, le 31 octobre. Les employeurs imposent néanmoins le lockout et portent le litige devant le tribunal du travail. En attendant l'issue judiciaire, le gouvernement du Reich, le 28, charge le ministre de l'Intérieur Carl Severing d'une médiation. Celui-ci, le 2 décembre, obtient que les deux parties se déclarent prêtes d'avance à accepter sa décision à venir, et que les employeurs révoquent le lockout. Ainsi, le 3, se termine le lockout. La sentence arbitrale de Severing est prononcée le 21 décembre.

          Pour plus de détails cf. Allemagne 19281929 ►.

[15].     En décembre 1925 est prise par les dirigeants du Parti communiste d'Indonésie (Partai Komunis Indonesia, PKI) la décision de lancer une insurrection en 1926. Deux représentants, Alimin et Musso, se rendent à Moscou pour obtenir des conseils et un accord sur son déclenchement. Les dirigeants de l'Internationale communiste les mettent en garde. Aussi bien Semaun, dirigeant du PKI présent à Moscou, que Tan Malaka, dirigeant du PKI en exil, se montrent défavorables au projet. Mais l'insurrection est déclenchée avant le retour d'Alimin et Musso en Indonésie. L'action échoue, le PKI est contraint à la clandestinité.

Pour plus de détails cf. L'Indonésie au VIe Congrès de l'Internationale Communiste - 1928 ►.

[16].     En juillet 1925, dans le sud de la Syrie, est déclenchée une révolte contre le mandat français (établi en avril 1920 sur décision de la Société des Nations) dans la zone montagneuse du Hawrān, habitée par une population druze (zone connue sous le nom de djebel Druze). La révolte s'étend ailleurs en Syrie et au Sud Liban. L'indépendance et l'unité syriennes sont les deux revendications défendues par les nationalistes pendant l'insurrection. En avril 1926, Souida, capitale du Djebel druze est reprise par les troupes françaises. L'insurrection est réprimée complètement à la fin de l'été 1927.

[17].     Le 30 mars 1912 est conclu un traité entre le sultan du Maroc, Moulay Abd al-Hafid d'une part, la France et l'Espagne d'autre part. Il consacre le régime de protectorat et le partage du territoire entre l'Espagne et la France. Le 27 novembre des accords franco-espagnols définissent les frontières des deux zones de protectorat; la région du Rif (zone montagneuse au nord du Maroc) est coupée en deux, la France occupant le versant méridional de la cordillère.

L'émir Abd El-Krim al Khattabi mène un travail afin de réunir sous son autorité les tribus du Rif. L'objectif est atteint en avril 1921, les tribus font la bay'a (serment d'allégeance) au Jebel el Qala pour en finir avec la domination étrangère.

Le 21 juillet 1921, Abd El-Krim et ses troupes rifaines écrasent l'armée coloniale espagnole à la bataille d'Anoual, au nord du Maroc. Profitant de cette défaite de l'adversaire, Abdelkrim crée la “République du Rif” en février 1923. C'est le mot “Ripublik", et pas celui de “Joumouriyah” en arabe qui est utilisé. Cependant, cette initiative ne plait guère au sultan marocain Moulay Youssef, selon lui une menace pèse sur l'unité du Maroc.

En 1924, le maréchal et résident général Hubert Lyautey accompagné de Pétain décident de mener une offensive en collaboration avec le général Primo de Rivera. Abd El-Krim, défait en mai 1926 par les troupes franco-espagnoles, se rend puis est déporté sur l'ile de la Réunion.

[18].     Fédération syndicale internationale (Internationale syndicale d'Amsterdam).

En 1901 se tient à Copenhague une réunion entre représentants des centrales syndicales de Norvège, Suède, Finlande, Danemark, Allemagne, France et Belgique. Une autre rencontre suit en 1903, et est constitué un secrétariat international avec Carl Legien comme secrétaire. En 1913 est adoptée la désignation Fédération syndicale internationale. La Première guerre mondiale introduit le clivage correspondant aux alliances belligérantes. En 1919 la FSI est reconstituée. Une première réunion se tient en février 1919 à Bern, en juillet-aout le siège est établi à Amsterdam. La FSI est reconnue par l'Organisation internationale du travail, nouvellement créée. L'admission à la FSI des syndicats de l'Union soviétique est refusée. L'AFL américaine adhère finalement en 1937.

[19].     Albert Arthur Purcell.

En 1919 Purcell devient membre du Comité parlementaire du Congrès de Syndicats (Trades Union Congress, TUC, l'unique organisation centralisée de syndicats, liée au Labour Party), puis de l'instance qui succède au Comité parlementaire, le Conseil général, jusqu'en 1927. En aout 1920, il participe au congrès de fondation du Parti communiste de Grande-Bretagne (Communist Party of Great Britain, CPGB), mais se tourne ensuite vers le Parti travailliste (Labour Party), et est élu à la Chambre des Communes (House of Commons) de 1923 à 1929. Il est président de la Fédération syndicale internationale (FSI) (Cf. note 18 ) de 1924 à 1927.

En mai‑juin 1920 une délégation conjointe TUC-Labour Party dont fait partie Purcell, visite l'URSS, puis il participe à une deuxième visite en novembre-décembre 1924. À cette époque, des contacts sont en cours entre l'URSS et la FSI. Le TUC et notamment Purcell se prononcent en faveur d'un développement des relations avec l'URSS. Un Comité anglo-russe (Anglo-russian joint advisory committee) tient une première réunion en septembre 1925, il est dissout en septembre 1927.

Purcell visite l'Inde en 1927‑1928. Lui ainsi que Hallsworth participent en tant que délégués du TUC britannique, à la session annuelle du Congres panindien de syndicats (All‑India Trade Union Congress, AITUC), en novembre 1927. Les délégués britanniques prennent position en faveur de l'aile droite de l'AITUC, laquelle est soutenue au sein de l'AITUC par Chaman Lal ainsi que par le secrétaire général, Narayan Malhar Joshi. Les délégués britanniques s'opposent aux résolutions présentées par une aile gauche au sein de l'AITUC sur la question de la menace d'une guerre contre l'URSS ainsi que sur celle de la Ligue contre l'impérialisme et l'oppression coloniale, cependant ils ne réussissent pas à obtenir un vote dans les sens opposé, de soutien à la FSI; le congrès réaffirme la décision d'oeuvrer pour l'unité entre la FSI et l'Internationale syndicale rouge (ISR).

[20].     Un Congrès de la 2e Internationale se tient à Bruxelles, du 5 au 11 aout 1928. Un des points à l'ordre du jour porte sur "le problème colonial". Voici un extrait de la résolution correspondante, votée à l'unanimité:

La politique coloniale a été un des moyens par lesquels le capitalisme s'est étendu sur la terre entière. Elle a ouvert l'accès aux trésors naturels des pays arriérés, développé chez eux la production et les moyens de transport modernes et ainsi énormément élargi la base des matières premières pour l'économie mondiale et aidé au développement de la division internationale du travail. Mais ce puissant développement des forces productives, ce grand progrès de la civilisation matérielle a été acheté au prix de bien des maux: les peuples indigènes, livrés la plupart du temps à une domination étrangère brutale, à l'exploitation et au pillage éhontés du capital étranger, dépouillés dans bien des cas de la possession de leur sol, et tenus, sous le fouet de maîtres étrangers, au travail forcé. Les profits résultant de l'exploitation des trésors naturels des colonies et du travail indigène s'écoulent souvent dans la métropole, empêchant par là le développement des forces naturelles et l'organisation de la production moderne dans le pays même. D'un autre côté pourtant, le développement de la production et des moyens de transport modernes dans les colonies, a été le point de départ d'une évolution moderne de l'état social et culturel chez les peuples colonisés, les rendant ainsi accessibles à des idées démocratiques, nationales et sociales modernes. Au cours de cette évolution, les peuples colonisés ont atteint des stades de développement divers. Des peuples de vieille civilisation ont, dès à présent, sous la domination étrangère, dépassé dans une large mesure leur situation rétrograde au point de vue technique et social. Il s'est développé, au sein de ces populations, d'importants mouvements nationaux, qui tendent à se libérer entièrement du joug étranger et à développer une vie nationale indépendante. Au pôle opposé sont des peuples colonisés qui se trouvaient, avant la domination étrangère, à un stade d'évolution très primitif, et ne l'ont même pas encore sensiblement dépassé sous la domination étrangère. Dans ces pays, les méthodes modernes de production et de transport reposent encore exclusivement sur la domination des étrangers. Sa disparition immédiate représenterait non pas encore le progrès vers une culture nationale, mais bien la régression à une barbarie primitive, non pas encore le développement d'une démocratie nationale, mais l'assujettissement des masses du peuple à la domination, soit d'une minorité de colons blancs, soit du despotisme indigène, ou à une nouvelle ère capitaliste et de guerres coloniales. Entre ces deux pôles, les divers peuples colonisés se trouvent à des degrés divers d'évolution. Le socialisme repousse le principe même de la domination étrangère établie sur les peuples colonisés. Il considère la suppression du système colonial comme une condition préalable d'une communauté internationale des peuples. Il appuie en conséquence les aspirations à l'indépendance des peuples coloniaux qui ont dès à présent atteint la condition d'une civilisation moderne indépendante et revendique pour eux la complète libération du joug étranger ou, s'ils le désirent, l'assimilation avec des droits égaux à ceux des citoyens de la métropole. Il réclame, pour les autres peuples colonisés qui ne sont pas encore à ce stade, une protection efficace contre l'oppression et l'exploitation, une éducation systématique dirigée vers la préparation de l'indépendance de ces peuples et, en même temps, l'extension de leur autonomie administrative poussée progressivement jusqu'à la complète autonomie définitive.

[Congo - Le livre blanc du P.S.B, Parti socialiste belge, Institut Émile Vandervelde, Fondation Louis de Brouckere, 1961, p. 15‑16.]

[21].     Austro-marxisme.

Au début du 20e siècle se forme en Autriche un courant politique particulier autour d'un groupe de personnes se référant au marxisme. On peut citer: Otto Bauer, Max Adler, Rudolf Hilferding, Friedrich Adler, Karl Renner. Friedrich Adler est fils de Victor Adler, lequel en 1888 lors de la fondation du Parti social-démocrate d'Autriche (Sozialdemokratische Partei Österreichs, SPÖ) fut nommé président; par contre Max Adler n'a pas de lien de famille avec Victor et Friedrich. Le développement de ce courant se cristallise notamment autour de la publication à partir de 1904 des "Cahiers sur la théorie et la politique du socialisme scientifique" ("Blätter zur Theorie und Politik des wissenschaftlichen Sozialismus"), les "Études sur Marx" ("Marxstudien") éditées par M. Adler et Hilferding, et la revue mensuelle "Le combat" ("Der Kampf") paraissant à partir de 1907 dont Bauer dirige la rédaction. Les idées exprimées dans ce cadre sont désignées par le terme austro-marxisme. Elles considèrent que l'objectif du parti ouvrier doit être d'arriver au pouvoir par les moyens de la démocratie et de l'éducation politique et culturelle, pour ensuite mettre en oeuvre la “révolution sociale”.

Après la Révolution d'Octobre 1917 en Russie, l'austro-marxisme tente de jouer un rôle intermédiaire entre la 2e Internationale socialiste et la 3e Internationale communiste. Le programme du Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche allemande (Sozialdemokratische Arbeiterpartei Deutschösterreichs, SDAPDÖ, dénomination du parti à partir de 1919) adopté à Linz en 1926, basé sur un projet rédigé par Bauer, consacre l'opposition au bolchévisme.

[22].     Martin Tranmael.

Homme politique norvégien. Il adhère d'abord à l'Organisation nationale professionnelle de travailleurs (Arbeidernes Faglige Landsorganisasjon, AFL/N) qui est liée au Parti Ouvrier Norvégien (Det Norske Arbeiderparti, DNA) fondé en 1887. Entre 1900 et 1905 il entreprend des voyages aux USA. Il adhère au Brotherhood of Painters (syndicat des peintres en bâtiment), affilié à l'American Federation of Labor (AFL), mais il est aussi en contact avec les Industrial Workers of the World (IWW), organisation constituée en 1905. Il adhère au Socialist Party of America (SPA) d'Eugene Debs. En 1911, à l'occasion d'une réunion du Conseil syndical central de Trondheim il soumet une proposition de résolution qui reprend certaines caractéristiques des IWW: les syndicats devraient être structurés sur la base des industries et non des métiers; pour défendre leurs revendications, ils devraient s'appuyer sur des actions de grève, boycott, obstruction ainsi que la formation de coopératives ouvrières. En 1918, la fraction impulsée par Tranmael assume la direction effective du DNA. Tranmael est secrétaire du parti de 1918 à 1923, de 1921 à 1949 il est rédacteur en chef du quotidien du parti, le Arbeiderbladet (Journal ouvrier). Le DNA adhère à l'Internationale communiste en 1919, ce qui cause une scission aboutissant à la constitution du Parti ouvrier social-démocrate norvégien (Norges Sosialdemokratiske Arbeiderparti, NSA) en 1921. Finalement en 1923, Tranmael initie la séparation du DNA de l'IC. L'aile qui maintient l'adhésion constitue le Parti communiste norvégien (Norges Kommunistiske Parti, NKP). En 1927 a lieu la réunification du DNA avec le NSA, et à partir des années 1930 le DNA représente des orientations pleinement réformistes.

[23].     Durant la Première guerre mondiale, au sein du Parti socialiste italien (Partito Socialista Italiano, PSI), existe un courant se référant positivement au bolchévisme. Il est désigné par le terme maximaliste, son principal représentant est Giacinto Serrati. Au congrès de Livourne du PSI tenu en janvier 1921, est à l'ordre du jour la question de l'adhésion à l'Internationale communiste, et plus particulièrement des conditions formulées par l'IC lesquelles s'imposent aux partis sections de l'Internationale. Un clivage se fait jour au sein du courant maximaliste, dont une minorité procède le 21 janvier à la fondation du Parti communiste italien, tandis que la majorité décide de rejeter les conditions pour éviter la scission.

[24].     Gentry.

Terme utilisé par extension; au sens historique propre il désigne, en Grande-Bretagne, l'ensemble des nobles ayant droit à des armoiries, mais non titrés (par opposition à la nobility).

[25].     "Toukaos", en Chine.

Dans la société féodale en Chine, des dynasties Ming et Qing, existaient de multiples formes de dépendance (ou d’aliénation de la liberté) et une quantité d’appellations et de statuts. Le développement de ces dépendances est lié aux pratiques d’évasion fiscale, qui poussaient les propriétaires roturiers à se placer sous la protection de notables titrés qui, eux, s’adressaient directement à l’administration, payant leurs impôts et accomplissant leurs corvées. On peut distinguer entre les propriétaires roturiers disposant d’une certaine aisance, qui se contentaient de faire enregistrer leurs terres sous le nom d’un lettré pour se protéger du fisc (guiji), et les petits paysans qui abandonnaient à ce dernier également leur personne (toukao, qui signifie chercher refuge, s'en remettre à l'aide de quelqu'un) et devenaient de ce fait ses dépendants, avec à la clé un certain nombre de prestations et d’obligations de service précisées par contrat.

[26].     Guomindang ou Kuomintang ("Parti nationaliste")

Au cours de l'année 1911, l'Alliance révolutionnaire (Zhongguo geming Tongmenghui, c'est‑à‑dire Ligue révolutionnaire unie de Chine, ou simplement Tongmenghui), fondée par Sun Yìxian (Sun Yat‑sen) en 1905, intervient activement pour développer l'agitation, qui se dirige contre le régime impérial et amène l'effondrement de celui-ci. Le 29 décembre, des représentants des diverses provinces choisissent Sun Yìxian comme président de la République. En février 1912 Yuan Shikai, chargé par la Cour de réprimer les révoltes, obtient l'abdication du jeune empereur Puyi; une Assemblée réunie à Nanjing (Nanking) désigne Yuan Shikai comme président de la République. La Tongmenghui est transformée en Guomindang, qui formule comme programme les “Trois Principes du peuple”: nationalisme, démocratie, bienêtre *. Cependant en 1913 des soulèvements provoquent la dissolution du Guomindang par le régime. En 1914 le Japon s'empare des concessions allemandes en Chine (Qingdao, dans la province Shandong) et en 1915 impose à la Chine son protectorat. Yuan Shikai décède en 1916, la Chine entre alors dans une longue période de luttes entre les chefs républicains et les généraux. En Chine du Nord les dujun ("seigneurs de la guerre") rivaux, Zhang Zuolin, gouverneur de Mandchourie, Cao Kun, gouverneur du Zhili (correspondant approximativement à la province actuelle Hebei), etc., s'opposent dans des conflits armées qui se poursuivront jusqu'en 1927.

En 1921 est créé à Shanghai le Parti communiste chinois (PCC), qui adhère à l'Internationale communiste l'année suivante. En 1922 Sun Yìxian est porté à Guangzhou (Canton) à la présidence de la République. Il se donne pour objectif la reconquête de toute la Chine du Sud et la prise de Beijing (Pékin), face aux deux factions ennemis, dont l'une soutenue par le Japon, l'autre par la Grande-Bretagne. À partir de 1923‑1924 il obtient le soutien de l'U.R.S.S. et le Guomindang accepte le principe d'un front uni impliquant l'intégration des communistes en son sein. Après la mort de Sun Yìxian en 1925, s'opère une scission au sein du Guomindang entre, d'une part, une fraction autour de Wang Jingwei et Song Qingling (veuve de Sun Yat‑sen) et, d'autre part, celle dirigée par Jiang Jieshi (Chiang Kai‑shek). En 1926 Jiang Jieshi l'emporte et exclut les communistes des organes dirigeants. Il organise une “expédition vers le Nord” dans l'objectif de reconquérir les provinces tenues par les divers gouverneurs. Le 12 avril 1927 un soulèvement des travailleurs de Shanghai, animé par le PCC, est réprimé par l'armée de Jiang Jieshi, le massacre fait des milliers de victimes. Nanjing devient le siège du gouvernement du Guomintang de Jiang Jieshi. Les communistes sont privés de leurs bases urbaines, Mao Zedong, Zhou Enlai et Zhu De rassemblent des troupes pour former une armée populaire de libération qui se regroupe dans les montagnes du Hunan puis du Jiangxi. En 1928 Jiang Jieshi marche vers le nord et entre en juin à Beijing, qui est déclaré capitale.

          * “Trois Principes du peuple” (en chinois “Sanmin zhuyi”, “min” signifie peuple, citoyen): nation (minzu), democratie (minquan), bienetre (minsheng).

[27].     Mohandas Karamchand Gandhi, dit “Mahatma”.

Le Congrès national indien a été constitué comme mouvement politique en 1885 et devient ultérieurement un parti proprement dit (Parti du Congrès). À partir de 1919 Gandhi intervient comme un des principaux dirigeants. Le 10 mars 1922 il est arrêté en raison de trois articles parus dans le journal qu'il édite, Young India. Voici un extrait du plaidoyer de Gandhi lors de son procès:

Je suis d'ailleurs convaincu d'avoir rendu service à l'Inde et à l'Angleterre, en leur montrant comment la non-coopération pouvait les faire sortir de l'existence contre nature menée par toutes deux. À mon humble avis, la non-coopération avec le mal est un devoir tout autant que la coopération avec le bien. Seulement, autrefois, la non-coopération consistait délibérément à user de violence envers celui qui faisait le mal. J'ai voulu montrer à mes compatriotes que la non‑coopération violente ne faisait qu'augmenter le mal et, le mal ne se maintenant que par la violence, qu'il fallait, si nous ne voulions pas encourager le mal, nous abstenir de toute violence. La non‑violence demande qu'on se soumette volontairement à la peine encourue pour ne pas avoir coopéré avec le mal. Je suis donc ici prêt à me soumettre d'un coeur joyeux au châtiment le plus sévère qui puisse m'être infligé pour ce qui est selon la loi un crime délibéré et qui me paraît à moi le premier devoir du citoyen.

[In fact, I believe that I have rendered a service to India and England by showing in non-co-operation the way out of the unnatural state in which both are living. In my opinion, non-co-operation with evil is as much a duty as is co-operation with good. But in the past, non-co-operation has been deliberately expressed in violence to the evil-doer. I am endeavoring to show to my countrymen that violent non-co-operation only multiples evil, and that as evil can only be sustained by violence, withdrawal of support of evil requires complete abstention from violence. Non-violence implies voluntary submission to the penalty for non-co-operation with evil. I am here, therefore, to invite and submit cheerfully to the highest penalty that can be inflicted upon me for what in law is deliberate crime, and what appears to me to be the highest duty of a citizen.]

[http://www.gandhi-manibhavan.org/gandhicomesalive/speech3.htm]

[28].     Parti swarajiste.

Mohandas Gandhi vécut en Afrique du Sud de 1893 à 1914. En novembre 1909, durant en voyage qui le ramène en Afrique du Sud après un séjour en Grande-Bretagne, il rédige, en goujarati, un texte intitule "Hind Swaraj" qui est publié d'abord en décembre dans la langue d'origine par le journal Indian Opinion sous le titre "Hind Swarajya", et imprimé séparément en janvier 1910. En mars suivant, l'administration britannique interdit la publication et sa circulation. Gandhi insiste en publiant le texte en anglais ("Hind Swaraj or Indian Home Rule"), traduit par lui-même.

Le terme swaraj (svarāj) est la forme que prend en hindi le substantif sanscrit svarājya. Il y désigne la puissance autonome propre à chacun des grands dieux du panthéon de l'Inde védique. Une variante de ce mot, svārājya, beaucoup plus répandue, couvre aussi un champ sémantique plus large, le fait d'être à soi-même son propre souverain. L'individu humain qui réalise cette relation avec le "soi" impersonnel et cosmique devient son propre souverain (svarāj), "il peut tout ce qu'il veut dans tous les mondes" (Chāndogya Upanişad VII 25, 2).

[29].     Le 7e Plénum élargi du Comité exécutif de l'Internationale communiste se tient du 22 novembre au 16 décembre 1926.

[30].     La source comporte ici une coquille. Il s'agit (comme l'indique la version en allemand du protocole) du 9e Plénum du Comité exécutif de l'Internationale communiste, qui se tient du 9 au 25 février 1928.

[31].     Durant le mouvement de grève en Grande-Bretagne en 1926 (cf. note 4 ), se forment des groupes d'unité en tant qu'expression de l'opposition au sein des syndicats réformistes. Le contexte est marqué par l'existence de liens entre les syndicats soviétiques et britanniques, que voici résumés brièvement.

La Fédération syndicale internationale (FSI) tient son 3e congrès à Vienne en Autriche, du 2 au 7 juin 1924. Albert Purcell (cf. note 19 ) succède à Albert Thomas pour le poste de président. Le Congrès de Syndicats britannique (Trade Union Congress, TUC, l'unique organisation centralisée de syndicats, liée au Labour Party) tient son congrès annuel du  1 au 6 septembre 1924 à Hull. Purcell est élu aux postes de secrétaire général ainsi que président.

À ce congrès du TUC assiste une délégation du Conseil central panrusse des syndicats, et par la suite une délégation du TUC conduite par Purcell se rend en URSS et assiste au 6e Congrès panrusse des syndicats professionnels (11‑18 novembre 1924). C'est là qu'il est décidé de créer une commission anglo-russe qui aurait pour objectif essentiel de combiner les efforts des mouvements syndicaux britannique et russe en faveur de l'unité syndicale internationale. La délégation britannique s'engage à proposer à la FSI l'organisation immédiate d'une conférence libre et inconditionnelle entre les syndicats russes et la FSI. Cette proposition soumise officiellement par le TUC à la session du Conseil général de la FSI en février 1925 est repoussée. Les syndicats russes sont de nouveau représentés au Congrès syndical anglais tenu à Scarborough en septembre 1925. À cette occasion se tient le 17 septembre une première réunion du Conseil consultatif commun anglo-russe (Anglo-Russian joint advisory council) constitué en avril, fait qui est ultérieurement ratifié officiellement, aussi bien par la Commission syndicale russe que par celle de Grande-Bretagne.

À l'issue de la grève des mineurs de mai 1926, les représentants soviétiques au Conseil consultatif commun anglo-russe accusent les dirigeants du TUC comme traitres; néanmoins les contacts au niveau du Conseil consultatif se poursuivent encore quelque temps. Finalement au congrès de la FSI en 1927 à Paris, Walter Citrine remplace Purcell à la direction de la celle‑ci, et le TUC se rallie à la position hostile aux syndicats russes.

[32].     Ligue pour la lutte contre l'impérialisme.

En septembre 1925 l'Internationale communiste établit à Paris un Bureau colonial international, qui met en oeuvre une activité en lien avec l'intervention de la France au Maroc. En janvier 1925 les autorités françaises ordonnent la fermeture du Bureau. En janvier 1926, dans le cadre du Secours ouvrier international (SOI) (cf. note 35 ) Willi Münzenberg organise la création d'une “Ligue contre l'oppression coloniale” qui tient son assemblée constitutive le 10 février 1926. La Ligue prépare un congrès international qui se tient du 10 au 15 février 1927 à Bruxelles en tant que “1er Congrès contre l'oppression coloniale et l'impérialisme”, avec la participation de 174 délégués de différentes régions du monde, représentant 134 organisations et mouvements. La Ligue s'appelle désormais “Ligue contre l'impérialisme et l'indépendance nationale” (ou “Ligue contre l'impérialisme contre la domination colonial, et pour l'indépendance nationale”). Le deuxième congrès mondial de la Ligue se tient du 20 au 31 juillet 1929 à Frankfurt sur le Main. Sont représentées 124 organisations ainsi que 11 sections de la Ligue, venant de 33 pays; en tout il y a 257 délégués avec voix délibérative. Avec la prise du pouvoir par les national-socialistes la Ligue est interdite et son secrétariat international à Berlin fermé. Quant à Münzenberg, il participe en aout 1932 à Amsterdam à la constitution d'un “Comité mondial contre la guerre impérialiste”; par ailleurs le 9 septembre 1933 il démissionne de la Ligue. Les autres membres du secrétariat se réfugient à Londres, la direction est prise en charge par Reginald Bridgeman.

[33].     Association des Amis de l'Union soviétique.

L'Association des Amis de l'Union soviétique (AUS, Amis de l'URSS) est une organisation liée au PCF, fondée en novembre 1927 à l'occasion de la célébration du dixième anniversaire de la révolution d'Octobre 1917.

[34].     Le Secours rouge international (SRI) est créé en 1922 en lien avec l'Internationale communiste. Son premier président est Julian Marchlewski, auquel succède en 1925 Clara Zetkin. En 1932 se tient le premier congrès international du SRI, avec des représentants de 71 sections nationales.

[35].     Le 13 juillet 1921, Maxime Gorki lance un appel international d'aide à la Russie soviétique qui subit une vague de famine. De retour en Allemagne après un voyage dans ce pays, Willi Münzenberg crée le Secours Ouvrier International (SOI) rassemblant de nombreuses organisations et des personnalités du monde entier. Dans l'immédiat le but est d'acheminer des bateaux avec des chargements de vivres. Par la suite le SOI se développe en un organisme aux ramifications multiples, il installe des d'usines en URSS, bâtit des immeubles nouveaux, répare les anciens. Dans un deuxième temps, à partir de 1923, le SOI s'oriente vers l'entraide internationale du prolétariat en lutte, et aussi largement à la publication de moyens de propagande.