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Indonésie 1954‑1966 - Textes du Parti du Travail d'Albanie

 

 

Les textes ci-dessous sont reproduits d'après un dossier sur l'histoire du Parti communiste d'Indonésie, en relation avec le coup d'État de 1965, publié par le CEMOPI.

 

 

 

 

 

 

Bulletin international
Nouvelle série n° 16‑17 (98‑99) juillet 2001
Nouvelle série n° 18‑19 (100‑101) - troisième et quatrième trimestres 2001
édité par le CEMOPI
(Centre d'étude sur le mouvement ouvrier et paysan international),
France

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Indonésie 1954‑1966 - Sommaire

 

 

 

 

 

 

Le 15e Plénum du Comité central du Parti du Travail d'Albanie exprime la solidarité du PTA avec le Parti communiste d'Indonésie, 26 octobre 1965

Déclaration du Comité central du Parti du Travail d'Albanie, 16 mars 1966

Le Putsch fasciste en Indonésie et les enseignements qu'en tirent les communistes, Zëri i Popullit, 11 mai 1966 [Enver Hoxha]

Déviations idéologiques, Enver Hoxha, 23 août 1966

Le 15e Plénum du Comité central du Parti du Travail d'Albanie exprime la solidarité

du PTA avec le Parti communiste d'Indonésie[1],

26 octobre 1965

Le plénum du Comité Central du Parti du Travail d'Albanie, au nom de tous les communistes et du peuple albanais, exprime la grande inquiétude pour la furieuse campagne que les forces de droite militaires réactionnaires indonésiennes, en tirant profit des disputes qui eurent lieu récemment au sein de l'armée et sous l'instigation et avec le soutien actif des impérialistes américains et des révisionnistes khrouchtchéviens, ont déclenchée contre les forces démocratiques progressistes du peuple indonésien frère et surtout contre le Parti Communiste d'Indonésie.

Les communistes et le peuple albanais condamnent avec indignation et aversion ces attaques effrénées de la réaction, qui sapent les victoires de la révolution indonésienne.

Les communistes et le peuple albanais expriment leur entière solidarité avec l'héroïque Parti communiste d'Indonésie, avant-garde révolutionnaire marxiste-léniniste du peuple indonésien, et soutiennent sans réserve sa juste attitude de principe, sa ferme lutte pour les intérêts du peuple indonésien, contre la réaction intérieure et les impérialistes américains.

Le Parti et le peuple albanais sont convaincus que le peuple indonésien, son Parti Communiste, tous les révolutionnaires indonésiens, dans ces moments difficiles, sauront faire face aux menées féroces de la réaction et porteront en avant la cause de la révolution indonésienne.

Déclaration du Comité central du Parti du Travail d'Albanie, 16 mars 1966

Le peuple albanais, tout comme les forces progressistes dans le monde entier, a appris avec une profonde indignation la nouvelle selon laquelle les forces de droite réactionnaires, qui se sont emparées du pouvoir en Indonésie, ont annoncé la mise hors la loi du Parti communiste d'Indonésie et de plusieurs organisations démocratiques de masses. C'est un grave acte antinational de type fasciste qui sert les forces les plus ténébreuses de la réaction indonésienne et impérialiste. Le Parti du Travail d'Albanie et le peuple albanais condamnent avec une grande colère et une profonde aversion cette décision criminelle.

Le Parti communiste d'Indonésie est un grand parti révolutionnaire, il est toujours demeuré fidèle aux idéaux élevés du peuple indonésien, il a été le porte-drapeau de sa lutte de libération, de la défense de la liberté et de l'indépendance, ainsi que du progrès de l'Indonésie, un combattant résolu contre l'impérialisme, le colonialisme et le néocolonialisme. Par sa juste lutte, par sa lutte décidée pour les intérêts du peuple indonésien, il s'est acquis la sympathie et l'admiration de tous les révolutionnaires et de tous les hommes progressistes dans le monde.

En mettant au ban le Parti communiste d'Indonésie, la clique réactionnaire qui s'est emparée du pouvoir se propose de frapper les forces progressistes démocratiques du pays, la lutte des larges masses travailleuses pour la démocratie et le progrès social et d'entraver le développement de l'Indonésie sur la voie de l'indépendance nationale, de l'anti-impérialisme et de l'anticolonialisme.

Les crimes odieux et les poursuites barbares, auxquelles on se livre depuis quelques mois contre le Parti communiste d'Indonésie et le peuple indonésien, ont transformé l'Indonésie en un enfer, où domine la terreur fasciste la plus féroce et la plus sanglante. Les forces ténébreuses de la réaction indonésienne se sont mises à la tête du pays et y ont implanté un régime d'oppression monstrueuse, en massacrant de façon barbare des dizaines de milliers de personnes. Le cerveau qui dirige et inspire les forces réactionnaires indonésiennes est l'impérialisme américain, qui vise à entraîner l'Indonésie dans sa zone d'influence et à la transformer en une base agressive contre les mouvements de libération nationale des peuples d'Asie. Les révisionnistes modernes khrouchtchéviens ont, de leur côté, excité et soutenu activement la réaction indonésienne dans sa lutte contre le Parti communiste et les forces progressistes d'Indonésie, pour entraver et affaiblir la lutte du peuple indonésien contre l'impérialisme, le colonialisme et la réaction intérieure. Le Parti du Travail d'Albanie soutient la juste lutte du Parti communiste d'Indonésie contre les forces de la réaction. Il est convaincu qu'il n'y a aucune force au monde qui puisse vaincre le Parti communiste d'Indonésie et le séparer du peuple indonésien. Il est persuadé que le Parti communiste d'Indonésie ne peut être trompé par aucune tactique diabolique de la bourgeoisie réactionnaire indonésienne et des révisionnistes modernes. Se basant sur les masses du peuple et sur son expérience révolutionnaire, le Parti communiste d'Indonésie, tenant haut le drapeau du marxisme-léninisme, à coup sûr ripostera à la contre-révolution par une juste lutte révolutionnaire, brisera les attaques des fascistes et conduira le peuple indonésien à la grande révolution populaire. La sauvage et barbare répression que mène actuellement la réaction indonésienne contre le peuple indonésien épris de liberté non seulement n'éteindra pas son esprit révolutionnaire mais l'élèvera encore plus haut et unira encore plus solidement le vaillant peuple indonésien au Parti communiste d'Indonésie, contre ses ennemis féroces.

Dans la lutte contre la réaction et l'impérialisme, le peuple indonésien et l'héroïque Parti communiste d'Indonésie ne sont pas seuls. Ils bénéficient et bénéficieront de l'appui de toutes les vraies fortes révolutionnaires et progressistes du monde. Le Parti du Travail d'Albanie et le peuple albanais expriment leur solidarité internationaliste avec le Parti communiste d'Indonésie et le peuple indonésien et ils sont persuadés que ceux-ci traverseront avec succès ces épreuves difficiles et, par leur lutte révolutionnaire, ils triompheront des forces de la réaction et de l'impérialisme.

Vive le Parti communiste d'Indonésie!


Le putsch fasciste en Indonésie et les enseignements qu'en tirent les communistes

Zëri i Popullit, 11 mai 1966 [Enver Hoxha]

La tragédie que vivent le peuple et les communistes indonésiens doit bouleverser la conscience de tous les hommes progressistes. Directement et indirectement soutenus par les impérialistes américains et par les révisionnistes khrouchtchéviens, les fascistes indonésiens renouvellent, sur une plus grande échelle, les forfaits des nazis commis naguère après leur accession au pouvoir. Il faut arrêter leur bras. Il faut que tous les hommes honnêtes, tous les révolutionnaires, tous les antifascistes élèvent la voix pour protester énergiquement contre le massacre des communistes et des hommes progressistes d'Indonésie. C'est aujourd'hui, pour tous, l'impératif le plus élémentaire, parce que c'est un vrai crime que de laisser les réactionnaires les plus enragés assassiner des centaines de milliers d'innocents (probablement aucune guerre, à l'exception des guerres mondiales, n'a causé tant de victimes) sans se voir infliger un juste châtiment. Le peuple et les communistes albanais expriment leur solidarité internationaliste envers les communistes indonésiens, victimes de la terreur fasciste. Nous sommes convaincus que indépendamment des grandes pertes qu'il a subies, le Parti communiste indonésien répondra aux fascistes par une lutte révolutionnaire résolue pour écraser totalement la réaction. Il est désormais clair que les communistes et les patriotes indonésiens n'ont devant eux qu'une seule voie: riposter à la violence contre-révolutionnaire par la violence révolutionnaire, par la lutte armée des ouvriers et des paysans pour défendre la liberté et la démocratie, pour faire échec au fascisme et à la terreur. L'évolution des événements d'Indonésie est une triste réalité pour les communistes et pour tous les révolutionnaires. Néanmoins ce qui s'est produit là-bas représente une grande expérience, qu'il convient d'étudier attentivement et dont il faut tirer des enseignements précieux. La révolution ne se développe jamais en ligne droite. Elle avance à travers des victoires et des défaites. Les révolutionnaires, les marxistes-léninistes ont pour devoir de cimenter leurs victoires et de s'instruire des défaites temporaires, d'en tirer les conclusions nécessaires, de façon que la révolution soit portée à un degré supérieur et se développe avec encore plus de force. L'expérience d'une révolution est utile non seulement pour les révolutionnaires et les communistes d'un pays, mais aussi pour tous les révolutionnaires, pour tous les marxistes-léninistes dans le monde. C'est pourquoi, outre les communistes indonésiens, les révolutionnaires et communistes des différents pays doivent tirer des événements d'Indonésie les enseignements qui s'imposent. Cela est dune importance primordiale. Le Parti communiste indonésien a grandi et s'est développé en tant que parti marxiste-léniniste, dans une lutte de classe acharnée contre les ennemis de l'intérieur et de l'extérieur. Après les graves coups qu'il reçut de la réaction en 1927 et en 1948, quand furent massacrés des milliers de communistes et toute la direction du parti, le Parti communiste indonésien, grâce à sa lutte et à ses combats, s'est relevé, et cela à tel point qu'il est devenu une force qui, par le nombre de ses membres, représentait le plus grand parti communiste des pays capitalistes. Sans aucun doute, même après les grandes pertes qu'il est en train de subir, il recouvrera à nouveau ses forces, grâce à une lutte courageuse, conséquente et révolutionnaire marxiste-léniniste. Nous, communistes albanais, sommes fermement convaincus que les communistes indonésiens analyseront attentivement le travail qu'ils ont accompli jusqu'à présent, qu'ils mettront à nu les erreurs, les défauts et les faiblesses qui se sont fait jour dans le travail du parti, qu'ils en tireront les conclusions nécessaires, afin que le Parti communiste indonésien puisse, dans l'avenir, diriger avec succès le peuple indonésien dans la voie de la révolution. Personne n'est mieux qualifié qu'eux pour le faire.

Les événements d'Indonésie ne sont pas un phénomène isolé. Ils constituent le maillon d'une chaîne, un élément constitutif de l'attaque de la réaction internationale contre le mouvement communiste et la lutte de libération des peuples. Ils sont liés a l'activité agressive de l'impérialisme américain au Vietnam et ailleurs, aux interventions sanglantes des impérialistes en République Dominicaine et dans toute l'Amérique latine, ils sont liés à l'organisation des coups d'État contre-révolutionnaires dans plusieurs jeunes États d'Afrique, aux menées subversives et scissionnistes auxquelles les révisionnistes khrouchtchéviens se livrent depuis longtemps au sein du mouvement communiste international, à leur action de sabotage contre la lutte de libération nationale des peuples, à leur soutien actif à l'impérialisme américain et aux réactionnaires de tout acabit, etc.

C'est pour cette raison que les révolutionnaires et les communistes des différents pays doivent s'arrêter sérieusement sur ces phénomènes, les analyser attentivement et en tirer les enseignements nécessaires, pour que la lutte révolutionnaire puisse aller toujours de lavant, de victoire en victoire.

La valeur des “libertés démocratiques” dans un État bourgeois et la manière de les mettre à profit

La bourgeoisie et, bien entendu, les révisionnistes modernes parlent beaucoup des prétendues libertés démocratiques et comptent beaucoup sur elles. En fait, juste pour la forme, dans chaque État bourgeois dit démocratique, il existe quelques “libertés” démocratiques relatives. Nous disons relatives, parce qu'elles ne dépassent jamais la limite de la conception bourgeoise de la “liberté” et de la “démocratie”, parce qu'elles s'étendent juste assez pour ne pas toucher aux intérêts vitaux de la bourgeoisie au pouvoir.

Bien entendu, la classe ouvrière et les hommes progressistes tirent parti de ces conditions pour s'organiser, pour propager leurs conceptions et leur idéologie, pour préparer le renversement des classes exploiteuses et la prise du pouvoir.

Après la Seconde Guerre mondiale, dans beaucoup de pays capitalistes d'Europe, par suite de la victoire sur le fascisme et du rôle joué par les partis communistes dans la guerre antifasciste, certains de ces partis sont allés jusqu'à participer au gouvernement (par exemple, en France, en Italie, en Finlande et ailleurs), à obtenir un grand nombre de députés au Parlement, des postes importants dans l'appareil d'État, et jusque dans l'armée.

De même, au cours de ces quinze dernières années, à diverses périodes, des conditions favorables au parti de la classe ouvrière et aux forces progressistes se sont ainsi créées dans quelques pays du Moyen Orient, comme en Iran et en Irak, dans plusieurs pays d'Amérique latine, comme au Guatemala, au Brésil, en Équateur, au Venezuela et ailleurs. En Asie, une situation assez favorable se créa en Indonésie. Le Parti communiste indonésien grandit rapidement, il faisait partie du gouvernement, il exerçait une grande influence sur la politique intérieure et extérieure du pays.

Mais, même dans les conditions des “libertés démocratiques”, une âpre lutte de classes, une lutte à mort se poursuit entre la révolution et la réaction, entre le prolétariat et la bourgeoisie. Si le prolétariat et son parti oeuvrent pour renforcer leurs positions, la réaction et la bourgeoisie, de leur côté, ne dorment pas. Au contraire, se servant de l'appareil d'État bourgeois, de la police et des forces armées, pratiquant la corruption et la diversion et entretenant l'opportunisme et les illusions réformistes et pacifistes au sein de la classe ouvrière, elles se préparent sérieusement pour renforcer leurs positions et défaire les forces révolutionnaires.

Le cours des événements après la Seconde Guerre mondiale témoigne que, dans le cadre des “libertés démocratiques”, la bourgeoisie a agi énergiquement et par différents moyens pour liquider le mouvement révolutionnaire de le classe ouvrière.

Lorsque la bourgeoisie et la réaction eurent consolidé leurs positions, elles exclurent les communistes du gouvernement, des postes importants de l'appareil d'État et de l'armée, comme ce fut le cas en Italie, en France et en Finlande. En Angleterre, en Autriche et ailleurs on n'a pas même toléré la présence des communistes au parlement, tandis qu'en Grèce on les a jetés en prison ou combattus par les armes.

Lorsque la bourgeoisie et la réaction constatent que leur pouvoir est menacé du fait de la force et du prestige accrus du parti communiste et du mouvement révolutionnaire des masses, elles jouent leur dernière carte: elles mettent en action les forces armées, organisent des pogroms pour briser et liquider le mouvement révolutionnaire et les partis communistes, comme elles l'ont fait on Iran et en Irak et, récemment, lors des événements tragiques d'Indonésie. Dans ces cas-là, la réaction et la bourgeoisie du pays concerné ont aussi directement utilisé l'aide de la réaction mondiale et même le soutien de ses forces armées, comme on l'a vu à Saint-Domingue et ailleurs.

Quelles conclusions tirer de cette expérience historique?

Premièrement, les prétendues “libertés bourgeoises” et “libertés démocratiques” dans les pays capitalistes ne sont pas de nature à permettre aux partis communistes et aux groupes révolutionnaires d'atteindre leurs buts. Non. La bourgeoisie et la réaction ne permettent l'activité des révolutionnaires que dans la mesure où celle-ci ne met pas en péril le pouvoir de classe de la bourgeoisie. Lorsque ce pouvoir est mis en danger, ou lorsque la réaction trouve le moment propice, elle étouffe les libertés démocratiques et recourt à n'importe quel moyen, sans aucun scrupule moral et politique, pour détruire les forces révolutionnaires. Dans tous les pays où l'on permet aux partis communistes de militer ouvertement, la bourgeoisie et la réaction mettent à profit cette situation pour connaître toute l'activité, les hommes, les méthodes de travail et de lutte des partis marxistes-léninistes et des révolutionnaires. Il s'ensuit que les communistes et leurs partis marxistes-léninistes véritables commettraient une erreur fatale s'ils se fiaient aux “libertés” bourgeoises qui leur sont concédées en raison des conjonctures, s'ils affichaient tout ouvertement et s'ils ne gardaient pas le secret de leur organisation et de leurs plans. Les communistes doivent profiter des conditions de l'activité légale, l'utiliser même pour mener un vaste travail de propagande et d'organisation, mais, en même temps, se préparer pour le travail dans la clandestinité.

Deuxièmement, les thèses opportunistes sur “la voie pacifique” de la prise du pouvoir sont un leurre et représentent un grand danger pour le mouvement révolutionnaire. À première vue, le Parti communiste indonésien semblait pouvoir atteindre plus facilement son but par cette voie. Néanmoins, les communistes indonésiens avaient déclaré plus d'une fois qu'ils ne se faisaient pas d'illusions sur la voie pacifique. Dans les salutations qu'elle a adressées au Congrès du Parti communiste de Nouvelle-Zélande, la délégation du Comité central du Parti communiste indonésien a indiqué que "les événements d'Indonésie ont confirmé une fois de plus qu'il n'y a aucune classe dominante ... ni force réactionnaire qui permette aux forces révolutionnaires de remporter la victoire par “la voie pacifique”". Les communistes tirent des événements tragiques d'Indonésie l'enseignement qu'il ne suffit pas seulement de rejeter les illusions opportunistes sur la “voie pacifique”, ni de reconnaître que la seule voie pour la prise du pouvoir est la voie révolutionnaire de la lutte armée. Le parti du prolétariat, les marxistes-léninistes et chaque révolutionnaire doivent prendre des mesures efficaces pour préparer la révolution, à commencer par l'éducation des communistes et des masses dans un esprit militant révolutionnaire jusqu'à la préparation concrète pour faire face à la violence contre-révolutionnaire de la réaction par la lutte armée révolutionnaire des masses populaires.

Troisièmement, indépendamment des conditions et des positions favorables dont il peut bénéficier à un moment donné, le parti de la classe ouvrière ne doit pas relâcher un seul instant sa vigilance révolutionnaire, surestimer ses propres forces et celles de ses alliés, ni sous-estimer la force de l'adversaire, de la bourgeoisie et de la réaction. Le Parti communiste indonésien jouissait d'une grande influence dans le pays, mais il semble avoir surestimé en particulier la puissance politique de Sukarno et de la portion de la bourgeoisie qui le soutenait, et lui avoir trop fait confiance. En même temps, il semble avoir sous-estimé la force de la réaction, surtout celle de la réaction dans l'armée. Apparemment, les camarades indonésiens pensaient qu'avoir Sukamo avec soi c'était avoir les clés de l'Indonésie, sans analyser soigneusement en quoi consistait sa force et à quel point cette force était réelle, particulièrement parmi le peuple. Les récents événements d'Indonésie ont clairement montré que le prestige et l'autorité de Sukarno ne reposaient pas sur une solide base sociale, économique et politique. Les généraux réactionnaires ont réussi à neutraliser Sukarno et même, pour autant qu'il leur convient, à l'utiliser pour leurs desseins contre-révolutionnaires.

Quatrièmement, le parti marxiste-léniniste et tout révolutionnaire véritable doivent suivre avec conséquence et fermeté une ligne révolutionnaire et lutter courageusement contre l'opportunisme et sa manifestation la plus odieuse, le révisionnisme moderne, aussi bien khrouchtchévien que titiste. Les opportunistes et les révisionnistes modernes ont choisi comme étendard la lutte pour “les libertés bourgeoises”. Ils ont renoncé à la révolution et prônent “la voie pacifique” comme la seule voie pour la prise du pouvoir. Précisément la ligne opportuniste et révisionniste, l'influence des révisionnistes khrouchtchéviens et autres, ont eu pour effet de transformer beaucoup de partis communistes, qui représentaient naguère une grande force révolutionnaire, en partis des réformes sociales, en appendices et auxiliaires de la bourgeoisie réactionnaire. Cela a été le cas des partis communistes d'Italie, de France, de Finlande, d'Angleterre, d'Autriche et autres. L'opportunisme et la poursuite de la ligne opportuniste du XXe Congrès des khrouchtchéviens ont conduit le Parti communiste d'Irak, le Parti communiste du Brésil, le Parti communiste d'Algérie et d'autres encore à la catastrophe et à la liquidation. Le Parti communiste indonésien s'oppose au révisionnisme moderne. Les récents événements d'Indonésie et le rôle de sape que les révisionnistes khrouchtchéviens y ont joué, montrent qu'un vrai parti révolutionnaire, fidèle au marxisme-léninisme, fermement décidé à porter courageusement en avant la révolution, doit adopter une attitude bien nette vis-à-vis de l'opportunisme, vis-à-vis du révisionnisme khrouchtchévien et titiste. Il ne suffit pas de se solidariser avec la lutte des marxistes-léninistes contre le révisionnisme, il faut encore que le parti lutte d'une manière intransigeante et ouverte contre la trahison des révisionnistes, parce que c est seulement ainsi que les communistes peuvent s'éduquer dans un esprit révolutionnaire et que le parti peut être préservé de tout danger de révisionnisme. Sans lutter avec courage et esprit de suite contre l'opportunisme et le révisionnisme khrouchtchévien, on ne peut combattre l'impérialisme, on ne peut combattre la réaction, on ne peut faire avancer la cause de la révolution et du socialisme.

Les communistes et leurs alliances avec les forces progressistes

L'expérience historique atteste que, dans leur lutte révolutionnaire, les communistes ont toujours fait et font alliance avec différentes forces progressistes. En effet, particulièrement lorsqu'il s'agit des révolutions démocratiques ou de libération nationale pour s'affranchir de l'oppression impérialiste et coloniale, les communistes et les révolutionnaires véritables ne sont pas seuls intéressés à la réalisation de ces objectifs; d'autres larges couches de la population, depuis les ouvriers et les paysans jusqu'à la bourgeoisie nationale et d'autres personnes progressistes, se joignent à eux. Il serait erroné, sectaire et nocif à la révolution, de ne pas assurer, au nom de son triomphe, l'union de tous ceux qui peuvent être unis. Et les communistes et les révolutionnaires véritables, en tant que combattants les plus courageux et représentants les plus fidèles des larges masses populaires, ont toujours intérêt à voir s'unir tous ceux qui sont désireux de faire avancer la révolution.

Les événements d'Indonésie constituent aussi un enseignement important en matière d'alliances. En Indonésie, existait depuis longtemps le Nasakom[2], qui représentait l'alliance des forces nationales, religieuses et communistes. Le Parti communiste indonésien avait bien fait de participer au Nasakom. À travers ce groupement, il renforça ses positions et celles de la classe ouvrière dans toute la vie du pays. Mais comme en témoignent les événements, il n'y fut pas mené un sain travail organisationnel et révolutionnaire, on y toléra une euphorie funeste et on y vanta outre mesure le Nasakom lui-même, l'unité de ses trois forces constitutives et la “liberté” d'action en son sein. Le fait est qu'à la première tourmente, toute la citadelle du Nasakom s'est effondrée. Le Nasakom n'était pas une digue capable de contenir la vague de la contre-révolution.

C'est pourquoi, dans leur lutte, les communistes et les révolutionnaires ne doivent jamais se contenter de conclure des alliances de pure forme. Ils ne doivent pas se laisser enthousiasmer par les déclarations sur la “vitalité” de ces alliances, mais oeuvrer de manière que celles-ci servent au mieux la révolution.

À cette fin, il est indispensable que, dans les divers fronts populaires, démocratiques et de libération nationale, les vrais partis marxistes-léninistes, par leur travail et leur lutte, se gagnent la confiance de leurs alliés, prennent la tête de ces fronts et les dirigent effectivement. La direction du parti marxiste-léniniste, sa juste ligne révolutionnaire dans l'intérêt des larges masses unies dans le front, sont la garantie de la force et de la vitalité des fronts et de leur grand rôle dans la réalisation des objectifs de la révolution. Il a été prouvé plus dune fois que, lorsque ces fronts sont dirigés par d'autres forces sociales et partis politiques, ils ne sont pas durables, ils ne suivent pas une ligne révolutionnaire conséquente, ils sont souvent utilisés à des fins contre- révolutionnaires et ils se volatilisent comme des bulles de savon au premier choc avec la réaction.

En suivant la ligne de l'unité avec tous ceux qui peuvent être unis en un front, les partis marxistes-léninistes, contrairement aux points de vue des révisionnistes modernes, doivent non seulement sauvegarder leur indépendance et leur rôle dirigeant, mais combattre en même temps les hésitations de leurs divers alliés, leurs tendances réactionnaires et leurs tentatives de diviser les fronts et d'entrer en marchandages avec les forces de la réaction. La ligne de l'unité et de la lutte contribue au renforcement des fronts, à leur épuration des éléments réactionnaires et contre-révolutionnaires, au raffermissement de la cohésion et de l'esprit révolutionnaire, à la réalisation d'une unité plus élevée et assise sur une base plus solide. S'en tenir seulement à la ligne de l'unité et renoncer à la lutte a pour effet de créer une unité fausse, de pure forme et permet aux éléments et aux forces réactionnaires de la saper et de la liquider facilement, en portant un coup rude à la cause même de la révolution.

Dans les alliances avec différentes couches et forces sociales pour la réalisation de tels ou tels objectifs aux diverses étapes de la révolution, il importe que les communistes n'oublient jamais leur but final: le triomphe du socialisme.

Il faut savoir relier la lutte pour la démocratie à la lutte pour la révolution socialiste, en subordonnant la première à la seconde ‑ a dit Lénine. C'est là que réside toute difficulté, c'est là toute l'essence ... Il ne faut pas oublier le principal (la révolution socialiste), placez-la au premier plan ... en subordonnant à la révolution socialiste toutes les exigences démocratiques, en les coordonnant avec elle, en les faisant dépendre d'elle[3].

Dans leurs alliances avec les autres forces sociales, les communistes sont sincères, ils combattent fermement pour la mise oeuvre des programmes des fronts uniques, mais, en même temps, ils ne cachent nullement leurs idéaux. Après l'accomplissement des tâches démocratiques, nationales, ils sont décidés à ne pas s'arrêter à mi-chemin, mais à faire avancer la révolution jusqu'au triomphe du socialisme et du communisme.

Le combat de notre Parti au cours de la Lutte de libération nationale, les accords, les discussions avec les éléments progressistes, et même avec des fractions de la bourgeoisie réactionnaire, nous ont appris à nous orienter correctement et avec succès dans ce labyrinthe. L'expérience ainsi acquise dans la lutte est bénéfique pour notre Parti. Elle lui est très utile pour mener sa juste politique envers les larges masses travailleuses en matière de politique intérieure, comme pour l'orientation de la politique extérieure, pour étudier et résoudre les contradictions non antagonistes et antagonistes, à l'intérieur et à l'extérieur du pays comme dans le mouvement communiste international.


Déviations idéologiques

Enver Hoxha, 23 août 1966

Les déviations dans le domaine de la culture, contre lesquelles a été déclenchée la Révolution culturelle sont, comme l'expliquent la presse et la propagande chinoises, une réalité. La direction chinoise a plus ou moins défini aussi à la direction principale le groupe responsable de ces déviations. Les principaux éléments de ce groupe sont Peng Tchen et Lu Din-yi[4].

La question se pose: Ceux-ci sont-ils, à la direction principale, les seuls responsables de ces déviations néfastes? Qu'ont fait les autres pendant si longtemps pour ne pas les voir et ne pas prendre les mesures requises contre ces déviations?

Les déviations en question ne peuvent pas être purement “culturelles”. Elles sont avant tout de nature idéologique et politique. C'est là, comme l'explique la propagande chinoise, une question qui concerne toute la “superstructure”. Ainsi, d'après elle, il apparaît qu'à la direction chinoise Peng Tchen et Lu Din-yi avaient en main toute la politique et l'idéologie. À mon avis, cela ne peut être vrai. D'autres aussi ont été engagés dans cette affaire.

Mais raisonnons par l'absurde. Admettons que Peng Tchen et Lu Din-yi soient les seuls responsables de ces déviations culturelles, et que la direction centrale n'ait pas été à même pendant un certain temps de les découvrir dans toute leur ampleur. Mais nous ne pouvons admettre que Peng Tchen et Lui Din-yi aient été seuls à définir la politique du parti et de l'État. Il y en avait sûrement d'autres. On peut alors se demander: Qui est responsable de cette instabilité dangereuse et lourde de conséquences?

En premier lieu, il n'est fait nulle part aucune sorte d'analyse, il n'est affiché aucun datsibao[5] qui évoque les déviations idéologiques dans la ligne, en dehors du domaine de la culture. Des orientations ont été données contre le révisionnisme moderne, elles ont été modifiées, et on en a donné d'autres. Mais pourquoi cette instabilité dans la ligne s'est-elle manifestée? Qui en est responsable? Sur cela, pas un mot. Le silence, du moins pour nous et pour l'opinion.

Prenons la question de la création du “front anti-impérialiste comprenant aussi les révisionnistes[6]. La ligne de notre Parti sur ce problème capital a été marxiste-léniniste, ferme, conséquente, alors que la ligne du Parti communiste chinois, elle, a oscillé, puis elle a été rectifiée. Pour notre Parti, un “front contre l'impérialisme avec la participation des révisionnistes modernes” ne peut se constituer, alors que pour le Parti communiste chinois cela serait possible. Sur cette question clé, capitale, d'une immense portée, nous nous sommes trouvés en contradiction idéologique et politique aiguë avec les camarades chinois et, s'ils n'avaient pas alors changé de chemin, à coup sûr un conflit idéologique et politique aurait surgi entre nos deux partis. Les camarades chinois ont vu tout le sérieux de notre réaction et ils ont abandonné cette voie néfaste, car ce cours était révisionniste. Sans combattre le révisionnisme comme il se doit, on ne peut combattre l'impérialisme. C'est là la thèse léniniste sur laquelle nous nous guidons.

Mais, que voulait dire la proposition des Chinois: “marchons contre l'impérialisme sur un même front avec les révisionnistes modernes”? Cela impliquait que:

1 ‑ Les vues de nos partis étaient identiques à celles des révisionnistes soviétiques et des autres quant à la nature de l'impérialisme, avec à sa tête l'impérialisme américain, et notre lutte contre lui s'identifiait pleinement avec celle des révisionnistes modernes.

2 ‑ Du moment qu'on admettait cette identité de vues et d'actions communes sur cette question capitale, toute autre divergence était reléguée au dernier rang, car pour s'engager dans une lutte commune côte à côte avec les révisionnistes modernes contre l'ennemi féroce qu'est l'impérialisme américain, et mener effectivement cette lutte, il faudrait renoncer à la polémique et à la lutte acharnée contre les traîtres au marxisme-léninisme, et admettre que les révisionnistes modernes “sont des marxistes-léninistes qui ont commis quelques erreurs corrigibles, mais qu'ils n'en sont pas moins des marxistes”. C'est cette thèse que soutiennent maintenant des dirigeants révisionnistes du Parti du Travail de Corée et du Parti communiste du Japon, qui affirment qu'il “faut avancer sur un seul front avec les révisionnistes soviétiques contre l'impérialisme américain et qu'en combattant celui-ci, nous combattons aussi le révisionnisme moderne”.

3 ‑ Suivre cette voie reviendrait pour nos partis à éteindre leurs divergences idéologiques et politiques avec les révisionnistes soviétiques, accepter la ligne traîtresse de la “coexistence pacifique” khrouchtchévienne, leurs accords et les traités ouverts et secrets soviéto-américains, accepter les idées pacifistes bourgeoises khrouchtchéviennes, accepter leurs idées félonnes, révisionnistes sur le parti, sur l'État, sur le socialisme, abandonner la révolution et ne pas soutenir la lutte de libération nationale des peuples. Bref, si l'on suivait cette voie, nos partis marxistes-léninistes se rangeraient sur une même ligne avec les partis révisionnistes “au nom” d'une unité fausse contre l'impérialisme américain. C'était là la ligne et l'exigence des khrouchtchéviens.

4 ‑ Suivre cette ligne équivaudrait ou bien à aller jusqu'au bout dans la voie de la trahison ou bien à fournir aux révisionnistes soviétiques une aide morale et une arme pour nous combattre, car on ne peut organiser un front avec les révisionnistes contre l'impérialisme américain sans appliquer cette ligne jusqu'au bout. Cela, surtout pour nous, signifie avoir une politique identique, ce qui implique des vues idéologiques identiques, cela signifie organiser nos forces militaires et économiques dans l'unité. Il faudrait donc élaborer et adopter d'autres attitudes politiques, économiques, militaires, conformes à la situation nouvelle.

Il est évident que les révisionnistes soviétiques ne pourraient jamais abandonner leurs positions de trahison, et que, partant, c'est nous qui devrions abandonner nos justes positions marxistes-léninistes. En d'autres termes, si nous suivions cette voie, nous passerions de positions révolutionnaires à des positions opportunistes, admettant par là que notre ligne et nos attitudes ont été erronées.

5 ‑ Dans le cours des événements postérieurs, si l'on suivait cette ligne, la Chine aurait dû modifier ses positions à l'égard de l'Inde ou admettre les positions politiques de celle-ci envers l'impérialisme américain, tout comme les admettent les Soviétiques; souscrire aussi à la politique des autres États bourgeois “indépendants” et “socialistes” qui feraient partie de ce “front anti-impérialiste”. Si nous suivions une telle ligne nous devrions admettre les traîtres titistes dans ce “front”.

Cette ligne de trahison, révisionniste, antimarxiste, devait non seulement ne pas être suivie, comme notre Parti ne l'a pas suivie, mais encore être combattue, comme nous l'avons combattue et comme nous la combattrons jusqu'au bout. Par contre, la direction du Parti communiste chinois est tombée dans l'erreur, elle a soutenu pour un certain temps virtuellement cette ligne, mais elle est vite revenue de son erreur. Or, le fait que la direction chinoise a prôné cette ligne erronée antimarxiste, a laissé des traces et a eu d'amères conséquences. Les révisionnistes s'en sont servis comme d'une arme, et ils ont mis à profit cette hésitation des camarades chinois.

Au début, cette ligne erronée nous a été prônée par Liu Shao-chi. Sûrement, avant de venir nous vanter cette ligne (car les camarades chinois savaient fort bien que nous ne céderions pas sur cette question capitale, pas plus que sur les autres), ils l'ont prônée au Parti du Travail de Corée, au Parti des Travailleurs du Vietnam, au Parti communiste du Japon, au Parti communiste d'Indonésie et au Parti communiste de Nouvelle-Zélande. Nous l'avons rejetée avec fermeté et dénoncée officiellement (sans en citer la source). Pour autant qu'on sache, le Parti communiste de Nouvelle-Zélande aussi s'est détourné de cette voie dangereuse, alors que les autres ont souscrit à cette ligne avec enthousiasme. C'est ce que confirment les attitudes actuelles de certains partis communistes d'Asie, les flottements de leurs directions et le grand tapage qu'ils font autour de “l'aide soviétique”, ce qui constitue la mise en oeuvre pratique d'une partie de cette ligne. C'est ce dont témoignent les événements au sein du Parti communiste d'Indonésie.

Qui est responsable dans la direction chinoise du fait que l'on ne dit pas un mot ouvertement et publiquement de cette question si importante? Qui est-ce qui soutient cette ligne, qui, si elle était suivie, conduirait à la catastrophe? Est-ce seulement Peng Tchen? Nous ne pouvons nous en convaincre. Liu Shao-chi se serait-il trompé lui aussi? Nous ne pouvons répondre à cela par l'affirmative. Ou bien est-ce encore Chou En-laï, lequel fit preuve de tant de zèle dans ses brutales tentatives pour nous faire aller à Moscou après la chute de Khrouchtchev?

Si le plénum du Comité central du Parti communiste chinois, qui s'est tenu ce mois-ci, n'a pas analysé une si grande erreur et n'a pas défini les responsabilités, il n'a pas bien fait. Cela veut dire que le plénum a considéré les problèmes superficiellement, ce qui témoigne d'un manque de sérieux. En fait, dans la documentation intérieure que les Chinois ont diffusée dans leur parti sur la Révolution culturelle (et qu'ils nous ont aussi transmise) ces grandes questions de ligne sont absentes. Il se peut que cela demeure une question de parti purement et rigoureusement interne.

Mais les conséquences demeurent et elles sont graves: le Parti communiste du Japon et quelque autre parti se sont détachés de notre ligne. Les directions de ces partis sont révisionnistes. La responsabilité n'en peut être imputée au Parti communiste chinois, pas plus que celui-ci ne doit verser dans l'opportunisme pour maintenir ces partis sur sa ligne. Mais le fait est que les directions de certains partis utilisent le flottement, que j'ai évoqué plus haut, des Chinois dans leur ligne, comme une arme contre ceux-ci et ils en ont fait leur propre ligne. Ils prétendent que ce sont les Chinois qui bougent, que ce sont ceux-ci qui cherchent à leur imposer leur ligne. Il va de soi qu'ils entendent par là la ligne juste de la lutte contre les révisionnistes, car, quant à la ligne erronée des Chinois ils y adhéraient, ils continuent de la suivre fidèlement et de la claironner publiquement.

Les camarades chinois auront du mal à attaquer cette ligne qui est celle de certains partis, car ils se sont eux-mêmes compromis. Voilà une autre conséquence des attitudes erronées. Mais nous attaquerons toute attitude révisionniste, de quelque côté qu'elle vienne.

Considérons maintenant la question du Parti communiste d'Indonésie. Celui-ci a essuyé un coup extrêmement dur. Naturellement, la faute en retombe sur la direction même du Parti communiste d'Indonésie pour ne pas parler du bourgeois réactionnaire Sukarno, qui devait jouer, comme il l'a joué, son rôle dans cette affaire.

Mais le Parti communiste et le gouvernement chinois assument-ils quelque responsabilité en cette question? Nous ne pouvons, bien sûr, nous prononcer catégoriquement, car nous ne sommes pas concrètement au courant des relations intérieures du Parti communiste chinois avec le Parti communiste d'Indonésie; nous ne savons pas s'ils se consultaient entre eux dans un esprit de camaraderie, si les camarades chinois approuvaient pleinement le cours que suivait le Parti communiste d'Indonésie et dans quelle mesure le PCC influait sur Aidit et ses camarades. Si le Comité central du Parti communiste chinois a souscrit à ce cours et influé dans ce sens, il en porte la responsabilité directe. Mais même s'il en est différemment, le Parti communiste chinois en porte la responsabilité indirecte.

Officiellement, les Chinois observaient une attitude complaisante à l'égard du Parti communiste d'Indonésie et d'Aidit. Ils le flattaient, lui décernaient des titres, souscrivaient même à sa “ligne” instable envers les révisionnistes soviétiques.

Je pense que l'attitude des Chinois à l'égard du Parti communiste d'Indonésie et d'Aidit était opportuniste. Pourquoi en a-t-il été ainsi? Je crois qu'ici les Chinois se laissaient influencer, tout autant qu'Aidit, par les attitudes de Sukarno. Et même, sachant l'attitude instable des Chinois, qui exagéraient la nécessité de trouver à tout prix un appui à leur politique extérieure chez des éléments non communistes ou dits démocrates, je pense qu'ils avaient une grande confiance en Sukarno, dans sa politique du Nasakom, dans son “amitié” pour la Chine. Non seulement ils aidaient matériellement, par des crédits, le régime de Sukarno, cherchant par là à faire concurrence aux crédits que lui accordaient les révisionnistes soviétiques, mais ils ont sauté de joie et ils ont cru avoir obtenu le plus grand des succès, lorsque Sukarno s'est retiré de l'organisation des Nations Unies. Chou En-lai s'est hâté de déclarer qu'il convenait de créer une nouvelle organisation des nations unies. Mais la chute de Sukarno est venue dissiper cette illusion. Naturellement, la Chine ne pouvait pas intervenir, mais ses calculs sur la création d'une nouvelle organisation des nations unies ne se sont pas avérés justes, car il y avait quelque chose d'erroné, d'opportuniste, dans sa politique. Elle n'a pas conçu cette politique correctement, de manière à pouvoir exercer une influence avant le coup de force réactionnaire indonésien. Mais, même par la suite, la Chine n'a pas observé et elle n'observe toujours pas une attitude juste et révolutionnaire à l'égard de la réaction indonésienne.

L'attitude de la Chine n'est pas digne. La réaction indonésienne a humilié la Chine à Djakarta, elle a pénétré plusieurs fois dans son ambassade, elle a molesté et blessé les diplomaties, dérobé et brûlé les documents et les meubles, brûlé les portraits de Mao, et finalement déchiré même le drapeau, le grand emblème de la République Populaire de Chine.

Qu'a fait le gouvernement chinois? Il a réagi par quelques notes de protestation et quelques articles, mais il n'a jamais rompu les relations diplomatiques, même après ces vexations provocatrices. Mais l'on pourra dire que c'est précisément ce que recherchait la réaction indonésienne, aussi les Chinois ne devaient-ils pas donner prise à cette provocation. À mon avis, cette façon de voir les choses est erronée et, si les camarades chinois sont tombés dans l'erreur, c'est parce qu'ils entretiennent toujours des illusions sur Sukarno et sur un revirement possible de sa part. Les camarades chinois ont commis une erreur de jugement en pensant que s'ils rompaient les relations diplomatiques on les accuserait d'avoir eux-mêmes poussé les communistes indonésiens à faire le coup d'État du septembre. (Ils en ont quand même été accuses.) Les camarades chinois n'ont pas rompu les relations diplomatiques pour éviter “d'être jugés comme l'avait été le gouvernement soviétique lorsqu'il les a rompues avec l'Albanie”, mais nous n'étions ni Nasution, ni Suharto, et la République Populaire de Chine n'est pas le gouvernement révisionniste de Khrouchtchev. S'ils ont pensé ne pas rompre les relations diplomatiques avec le gouvernement réactionnaire indonésien pour ne pas rompre les relations avec le peuple indonésien, je considère que le peuple ne peut tenir en haute estime un ami qui permet à son ennemi de l'humilier.

Ce sont, à mes yeux, toutes ces considérations qui ont conduit le Parti communiste chinois à ne pas défendre le Parti communiste d'Indonésie dans ce grand malheur qui l'a frappé. Si l'on proclame que l'on défend les peuples du monde dans leur lutte, si l'on veut défendre les partis communistes et les communistes, c'était là l'occasion de défendre les camarades communistes indonésiens, car il y a peu de chance pour qu'il s'en présente une autre de manière aussi dramatique.

Que peuvent penser les communistes japonais, indonésiens, néo-zélandais, et autres, de la solidarité internationaliste que le Parti communiste chinois témoigne dans la lutte ? Naturellement peu de bien, car l'attitude qu'il a adoptée à l'égard des événements d'Indonésie et du Parti communiste d'Indonésie n'était pas juste ni révolutionnaire.

Le plénum du Comité central du Parti communiste chinois qui s'est réuni ce mois-ci, a-t-il examiné ce problème important pour définir les responsabilités et en tirer des enseignements? S'il ne l'a pas fait, cela est la preuve d'un manque de sérieux marxiste-léniniste.

Il me semble que ces problèmes de ligne sont d'une importance capitale, que ce sont des problèmes clés. Il est bon, il est juste, il est positif d'organiser les masses dans la Révolution culturelle, mais il vaut mieux régler d'abord ces questions de ligne, avant de couper les cheveux ou de changer les enseignes de magasin; il vaut mieux auparavant décider publiquement de supprimer effectivement la rente que l'on continue de verser aux capitalistes chinois plutôt que de changer les noms des rues. Il y a, dans la ligne chinoise, d'étranges contradictions, elle comporte de bons, de justes aspects, mais elle comporte aussi des choses erronées, parfois antimarxistes, qui vous amènent à vous demander pourquoi et comment elles se manifestent, et comment il est permis qu'elles se manifestent!


Notes

 

 

 

 



[1]Bulletin d'Information du Comité central du Parti du Travail d'Albanie, n° 4, 1965, p. 52.

[2]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[3]. Lénine, Oeuvres, éd. alb., t. 35, pp. 260‑261. Ed. française, t. 35, p. 267 et 268, Lettre à Inessa Armand du 25 décembre 1916.

[4]. Enver Hoxha, Réflexions sur la Chine, Tirana, 1979, vol. 1, pp. 260‑269. Extrait du Journal politique.

[5]. Affiches murales manuscrites.

[6]. En gras dans le texte (BI).