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Textes de D. N.  Aidit,
secrétaire général du Parti communiste indonésien

 

 

Les textes ci-dessous sont reproduits d'après un dossier sur l'histoire du Parti communiste d'Indonésie, en relation avec le coup d'Etat de 1965, publié par le CEMOPI.

 

 

 

 

 

 

Bulletin international
Nouvelle série n° 16‑17 (98‑99) juillet 2001
Nouvelle série n° 18‑19 (100‑101) - troisième et quatrième trimestres 2001
édité par le CEMOPI
(Centre d'étude sur le mouvement ouvrier et paysan international),
France

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Indonésie 1954‑1966 - Sommaire

 

 

 

 

 

 

Les communistes et le Front national (Présentation d'extraits de textes, 1951‑1961)

Comment achever la révolution indonésienne (1958)

Intensifier l'offensive révolutionnaire et s'opposer avant tout aux “cinq maux” (mai 1965)

Les controverses publiques sont utiles; il n'y a pas lieu d'y mettre fin (16 août 1965)

Les communistes et le front national[1]

Présentation d'extraits de textes de D. N. Aidit, 1963

Le tome des oeuvres choisies de D. N. Aidit[2], président du Comité central du Parti communiste d'Indonésie, qui contient les travaux relatifs à une période très importante de l'histoire du Parti s'étendant de 1951 à 1961, reflète l'activité multiple des communistes pour la création d'un front unique anti-impérialiste dans le pays et l'édification d'un parti communiste comme parti de masse capable de lutter efficacement pour réaliser les tâches de la révolution socialiste en Indonésie. Ces écrits montrent avec évidence le rôle joué par le Parti et la ligne juste qu'il a appliquée dans les domaines politique, idéologique et d'organisation pour le développement du mouvement révolutionnaire des peuples des anciens pays coloniaux et pour le renforcement du front international uni du mouvement communiste et ouvrier.

En Indonésie, pays sous-développé et entravé encore par les survivances de l'oppression coloniale, du féodalisme et de l'emprise impérialiste, le Parti communiste a concentré l'essentiel de ses efforts sur la réalisation des tâches de la révolution nationale et démocratique par le rassemblement de toutes les forces progressistes du pays autour de la classe ouvrière. Considérant les tâches démocratiques comme partie intégrante de la lutte pour le socialisme et appliquant la théorie générale du marxisme-léninisme aux conditions concrètes de l'Indonésie, le Parti a formulé et appliqué avec esprit de conséquence un programme de front unique national et anti-impérialiste comme moyen efficace de résoudre les problèmes sociaux et politiques qui se posent au pays. C'était là la forme la meilleure permettant de développer les forces progressistes, de réaliser l'union avec les forces intermédiaires et isoler les réactionnaires à mesure que l'Indonésie se transforme en pays libre, démocratique et avancé.

Ces questions occupent une place essentielle dans les travaux de D. N. Aidit réunis dans ce recueil. Caractérisant la nature des différentes forces sociales du pays, Aidit écrit:

En premier lieu, les forces réactionnaires, c'est-à-dire les féodaux et la bourgeoisie compradore agissant de concert avec l'impérialisme étranger... En second lieu, les forces progressistes, c'est-à-dire les ouvriers, les paysans, la petite bourgeoisie des villes et les intellectuels révolutionnaires... En troisième lieu, les forces intermédiaires, c'est-à-dire la bourgeoisie nationale et tous les autres secteurs patriotiques et anticolonialistes, y compris les propriétaires terriens orientés à gauche (relativement progressistes). (p. 316- 317.)

Il montre plus loin qu'

allant vers un compromis avec les forces intermédiaires, le Parti s'en tient à sa tactique d'alliance et de lutte. En union avec celles-ci, le Parti lutte contre l'impérialisme et le féodalisme, mais dès le moment où ces forces voudraient restreindre la liberté du Parti et des travailleurs, le Parti est prêt à lutter contre elles. (p. 728.)

La base et la force motrice de ce large front national anti-impérialiste et anti-féodal, dont l'objectif est d'instaurer un État de démocratie nationale, doit être l'alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie laborieuse anti-féodale sous la direction de la classe ouvrière.

Dans un pays tel que l'Indonésie, écrit Aidit, où la paysannerie représente 60 à 70 % de la population, le Parti communiste ne pourra rien faire tant qu'il ne l'aura pas entraînée de son côté. Le front national ne reposera sur des bases solides et ne prendra un caractère anti-impérialiste conséquent que lorsqu'il s'appuiera sur l'unité de la classe ouvrière et de la paysannerie anti-féodale. (p. 9.)

Le problème des formes de passage au socialisme, et en particulier celui de la voie pacifique de la révolution, occupe une place importante dans les travaux d'Aidit.

Considérant l'ensemble des problèmes relatifs à cette question, il écrit:

En relation avec la thèse du passage possible au socialisme par la voie parlementaire, signalé dans le rapport du CC du Parti communiste de l'Union soviétique au XXe Congrès, les communistes se demandent souvent si le passage pacifique au socialisme par la voie parlementaire est possible en Indonésie. Mais il faut avant tout considérer que dans l'état actuel des choses, la question du passage direct au socialisme ne se pose pas en Indonésie. Le problème qui se pose maintenant est de savoir comment se fera le passage de la situation actuelle de l'Indonésie à un système de pouvoir démocratique du peuple, pouvoir capable de répondre de façon conséquente aux revendications de la Révolution d'août 1945[3], d'abattre définitivement la puissance de l'impérialisme et du féodalisme, de mener à bien des transformations démocratiques. Un tel passage est-il possible par la voie pacifique, parlementaire? À cette question les communistes répondent: il est possible, et nous devons consacrer tous nos efforts à faire de cette possibilité une réalité. Ainsi donc, en ce qui concerne les communistes, la forme la meilleure, la forme idéale de passage à un pouvoir démocratique populaire, qui n'est qu'une étape transitoire vers le socialisme, est la forme pacifique, parlementaire. Par conséquent, tant que le choix ne dépendra que des communistes, ceux-ci choisiront la forme pacifique car, naturellement, ils préfèrent qu'il n'y ait pas de victimes. Mais il s'agit alors de savoir si les autres groupes et partis accepteront le passage pacifique, parlementaire, au pouvoir populaire. C'est à cette question qu'ils doivent répondre avant de lancer d'absurdes accusations centre les communistes. Ceux-ci ne peuvent savoir tout ce que pensent et trament les réactionnaires, aussi doivent-ils être toujours vigilants et appeler sans cesse le peuple à se tenir constamment en garde contre les vils projets des réactionnaires. (p. 357‑358.)

La voie pacifique de développement de la révolution ne se réduit pas, pour les communistes, à une simple activité parlementaire, mais suppose encore une action parmi les masses, action orientée vers une modification du rapport des forces entre les classes, modification du rapport des forces entre impérialistes, propriétaires terriens et bourgeoisie compradore d'une part, et de l'autre, les masses populaires, et cela par la mobilisation et l'organisation de ces dernières. (p. 360.)

Le Parti ne saurait remplir son rôle dirigeant que s'il se guide sur une théorie juste. Aussi est-il très attentif à assurer l'unité idéologique marxiste-léniniste.

D. N. Aidit souligne que cette tâche acquiert une importance particulière du fait que l'idéologie petite-bourgeoise exerce encore sur le peuple une influence assez forte:

La petite bourgeoisie a précisément servi de base sociale aux deux types de subjectivisme bourgeois qui se sont manifestés dans notre parti: le dogmatisme et l'empirisme. Ils constituent tous deux la base idéologique de ceux qui furent en leur temps condamnés comme porteurs des déviations opportunistes de droite et de “gauche” dans notre parti. Le dogmatisme et l'empirisme ont des bases opposées, mais ces deux tendances idéologiques se distinguent par leur extrême étroitesse. Les dogmatiques ne se fondent que sur les livres et certaines thèses théoriques, sans voir tout ce qui vit, qui change et se développe. Isolant la théorie de la pratique, des masses, ils la rendent stérile. Les empiristes, au contraire, travaillent comme des bêtes, sans connaître cependant les causes des phénomènes dont ils se préoccupent, en quoi consiste le but de leur travail, quelles sont les voies justes leur permettant d'atteindre leur objectif... La lutte contre le subjectivisme, c'est-à-dire contre le dogmatisme et l'empirisme, est pour notre Parti d'une grande importance. Ces deux variétés de subjectivisme sont également dangereuses pour le Parti communiste d'Indonésie. Et le subjectivisme sera encore plus dangereux si on ne le combat point. (p. 139‑140.)

Analysant la situation internationale dans la période correspondante, Aidit indique dans son rapport à la IVe session du CC du Parti communiste d'Indonésie de 1956 que

le rapport du CC du Parti communiste de l'Union soviétique au XXe Congrès nous est d'une grande aide pour comprendre l'actuelle situation internationale. Il expose en effet avec clarté divers principes fondamentaux caractérisant l'évolution de la situation internationale, explique le cours des événements internationaux à l'époque actuelle et indique les perspectives d'avenir. La politique de l'Union soviétique et des autres pays du camp socialiste, qui appliquent avec conséquence la politique léniniste de coexistence pacifique entre États à régime sociaux différents, l'unanimité et la ferme confiance des peuples des pays socialistes et de tous les peuples pacifiques du monde dans la possibilité d'éviter la guerre à l'étape actuelle de l'éveil des peuples des pays récemment libérés et de ceux des pays coloniaux ou semi-coloniaux, exercent une grande influence sur la situation internationale contemporaine. (p. 306‑307.)

En 1951, le gouvernement réactionnaire lança une vague d'attaques et de répression de type fasciste contre le Parti. À cette époque, le travail du Parti révéla une série de défauts. D. N. Aidit les analyse dans l'un des articles contenus dans ce tome, montre quelle en fut l'origine et comment les surmonter. Il voit tout d'abord un de ces défauts dans la passivité de certains militants:

La passivité, ou encore la “docilité”, écrit-il, sont des conséquences de la politique d'éducation pratiquée à dessein du temps de la domination coloniale et que l'on n'a pas encore éliminées complètement... il existe en outre à l'intérieur même du Parti des traces du passé, restes de l'époque où les éléments anarchistes jouissaient d'une certaine autorité dans le Parti. (p. 26‑27.)

Cela fait que certains cadres communistes ne ripostaient pas avec suffisamment d'énergie aux attaques de la réaction. (p. 26.)

D. N. Aidit voit un deuxième défaut dans le fait que certains militants

tombent dans une “manie de la généralité”, parlant des choses en général et de façon abstraite, sans relier les problèmes entre eux, en les isolant de la réalité qui se transforme. (p. 29.)

et il observe plus loin que des discussions sérieuses et approfondies

peuvent nous aider à donner des réponses concrètes à tous les problèmes qui se posent au peuple; et nous pourrons ainsi entreprendre des actions concrètes répondant aux intérêts du peuple. (p. 32.)

Le troisième défaut, Aidit le voit dans certaines manifestations de libéralisme entre militants de diverses organisations du Parti. Libéralisme qui, entre autres choses, provoque dans le travail de ces organisations une manière de faire qui empêche

un strict contrôle de la façon et du sérieux, avec lequel les militants remplissent les décisions adoptées en discussion... (p. 34), [cela aboutit à ce que] le travail n'est pas exécuté comme il devrait l'être, la discipline se relâche, l'expérience s'acquiert lentement et la direction ne remplit pas le rôle qui devrait être le sien. (p. 34-35.)

Comme quatrième défaut, il isole l'attitude incorrecte à l'égard des membres et des cadres du Parti qui, "à côté de traits positifs, présentent des côtés faibles qui sont une conséquence de l'éducation coloniale et des erreurs passées commises par le Parti" (p. 37).

Par conséquent, poursuit Aidit, alors que s'accentue l'attaque de la réaction, il ne s'agit pas, si de nouveaux adhérents sont déconcertés, de s'irriter ou de les accabler, mais de travailler patiemment à les tranquilliser et les aider à recouvrer leurs esprits de façon à ce qu'ils retrouvent toute leur combativité. (p. 37.)

Le cinquième défaut, Aidit le voit dans le fait que

certains militants font preuve d'un manque de confiance dans leurs propres forces, dans le Parti et dans notre victoire future. Ils ne sont pas encore fermement persuadés que notre combat sera nécessairement couronné de victoire: ils hésitent parfois, pensent à la possibilité d'une défaite, d'un maintien de la domination bourgeoise. (p. 37.)

Certains d'entre eux, dit-il plus loin,

font des déclarations apparemment justes et constructives telles que, par exemple: "Nous avons eu, avec la provocation de Madiun[4], assez de cadres assassinés par la réaction. Maintenant, il faut nous taire, renoncer à l'agitation et à la propagande, ne pas critiquer les atrocités commises par le gouvernement, nous devons conserver nos forces et, lorsque se déclenchera la troisième guerre mondiale, l'armée de le Chine populaire viendra nous libérer." On peut entendre aussi ce genre de raisonnement: "Dans la mesure où l'Indonésie est incontestablement au pouvoir des impérialistes américains, nous ne pouvons rien faire de plus; et si même nous pouvions faire quelque chose, notre aide serait insignifiante. Aussi devons-nous attendre le début de la troisième guerre mondiale, qui nous offrira de grandes possibilités." Ou bien encore: "il est inutile de collecter des signatures pour les appels en faveur de la paix, car notre peuple en aura d'autant moins de combativité, et l'unique moyen de vaincre le capitalisme mondial passe par la troisième guerre mondiale" etc. (p. 38‑39.)

Critiquant ces conceptions “gauchistes” et aventuristes, conséquences de la passivité et du manque de confiance dans les forces révolutionnaires, Aidit écrivait:

De telles déclarations sont très dangereuses! Il n'en est pas de plus dangereuses. Et, étant exprimées par des membres du Parti communiste, elles sont encore plus dangereuses que la propagande belliciste de Truman lui-même et de ses agents en Indonésie ou dans tout autre endroit. Ces déclarations “gauchistes” sont le fruit d'idées sans fondement qui, si elles ne sont pas réfutées dès à présent, peuvent paralyser ou contrarier notre travail en faveur d'une puissante unité nationale et du développement du mouvement pour la paix, le plus important pour éviter à l'humanité les calamités d'une nouvelle guerre mondiale, activement préparée par les États-Unis; elles aident dans une large mesure les impérialistes et leurs agents à répandre leurs accusations mensongères contre le Parti communiste d'Indonésie et l'ensemble du mouvement populaire. Elles vont dans le sens de la calomnie que la réaction et ses agents diffusent intensivement dans le but de provoquer le peuple, affirmant que “la liberté nationale” est menacée, car les communistes cherchent à atteindre leurs objectifs politiques avec l'aide de forces étrangères, et que, en réalité, ce sont eux qui désirent la guerre mondiale, espérant pouvoir pêcher en eau trouble. De telles déclarations, qu'elles soient intentionnelles ou non, ne sont-elles pas des manifestations ou des idées essentiellement anticommunistes? Ces déviations “gauchistes” ne servent en pratique qu'à isoler le Parti du peuple. (p. 39.)

Toujours à propos de ces affirmations, Aidit signale plus loin que le programme du Parti communiste d'Indonésie

non seulement ne dit pas que pour libérer le pays, il faut compter sur l'arrivée d'une armée étrangère ou sur une troisième guerre mondiale, mais il indique concrètement que la tâche du Parti dans le domaine de la politique intérieure consiste à "organiser et unir les ouvriers, paysans, intellectuels, petits patrons, entrepreneurs nationaux et toutes les forces anti-impérialistes et anti-féodales aussi bien que les minorités nationales". En même temps, en ce qui concerne la politique extérieure, les objectifs du Parti sont l'alliance avec le prolétariat international, avec tous les peuples opprimés, avec les peuples coloniaux et avec les nations qui nous traitent d'égal à égal et respectent notre indépendance nationale, avec les pays de démocratie populaire et avec les forces de paix du monde entier. (p. 40.)

Dans le discours qu'il a prononce à l'occasion du 32e anniversaire de la fondation du Parti communiste d'Indonésie, Aidit, abordant la question du Parti et de la paix mondiale, explique que le développement inégal de l'impérialisme rend impossible la victoire simultanée du socialisme dans tous les pays et que, de ce fait, il est possible et nécessaire que les pays à régime social, économique et politique différent coexistent pacifiquement. Soulignant que

les communistes n'ont nullement besoin d'une guerre, Aidit ajoute: Les communistes du monde entier, y compris ceux d'Indonésie, n'ont besoin que de la paix car c'est seulement dans les conditions de la paix qu'il est possible d'édifier le socialisme et le communisme. (p. 76-77.) Les communistes indonésiens sont persuadés que la paix peut être sauvegardée et consolidée grâce à la lutte des masses populaires... Le Parti communiste d'Indonésie est convaincu que la lutte des peuples pour une paix durable triomphera nécessairement des préparatifs bellicistes des impérialistes américains. (p. 77.)

À l'appui de cette conclusion, il déclare dans un autre article:

Il est incontestable que tant qu'existe l'impérialisme il existera toujours une base économique de la guerre. Nous ne le nions pas. Et c'est pourquoi, tant qu'existe l'impérialisme, nous ne devons en aucune façon relâcher notre lutte pour la paix... Mais l'impérialisme ne représente plus aujourd'hui un système mondial universel. À notre époque, le système socialiste est déjà devenu un système mondial et dispose de réserves morales et matérielles suffisantes pour repousser l'agression; en même temps, luttent activement pour prévenir la guerre de nombreux États qui ne font pas partie du camp socialiste et dont la population se chiffre par centaines de millions d'habitants, aussi bien que le mouvement ouvrier et populaire pour la sauvegarde de la paix dans les pays capitalistes eux-mêmes. C'est la preuve qu'existent déjà les conditions sociales et politiques permettant de prévenir le déclenchement de la guerre par les impérialistes. Ces facteurs mettent en évidence la possibilité à notre époque d'éviter la guerre. (p. 307‑308.)

L'idée dominante qui inspire tous les travaux contenus dans ce tome est plus précisément exprimée dans la préface d'Aidit à l'édition russe:

Le Parti communiste d'Indonésie et le mouvement révolutionnaire du peuple indonésien sont partie intégrante du mouvement international qui lutte pour l'édification d'un monde nouveau où seront garanties à l'humanité la justice et la prospérité. La Déclaration et le Manifeste de la paix signés par les 81 partis communistes et ouvriers à la Conférence de Moscou de novembre 1960 servent de véritable guide au Parti communiste d'Indonésie.


Comment achever la révolution indonésienne

D. N. Aidit - secrétaire général du Parti communiste indonésien, 1958

L'étude ci-après est tirée d'un exposé fait dernièrement par D. N. Aidit devant l'Université populaire de Djakarta. Celle-ci a été ouverte le 25 septembre 1958, sur l'initiative du Parti communiste, avec l'objectif de contribuer à former un corps d'intellectuels patriotes issus du peuple, communistes et non-communistes, en les éduquant dans l'esprit du marxisme-léninisme, pour les mettre en mesure de mieux servir la cause de la Révolution indonésienne.

Plus de 750 étudiants suivent les cours et conférences de l'Université populaire, qui sont assurés par les dirigeants communistes et des spécialistes sans parti. Dans le Comité de patronage de l'Université figurent des représentants des organisations de masse et des professeurs aux Universités d'État. Nos amis projettent de créer plusieurs filiales.

Afin d'illustrer et de compléter la conférence de D. N. Aidit, nous l'avons fait suivre d'informations puisées surtout dans le projet de thèses du Parti communiste pour son 6ème Congrès, qui aura lieu vers le milieu de cette année.

Démocratie nouvelle, [n° 3] mars 1959

Le but des études à l'Université populaire est de mieux servir la cause de la Révolution indonésienne. Nos faiblesses et nos erreurs dans le passé étaient dues largement à ce que l'étude théorique était séparée de la pratique révolutionnaire. Autrefois les professeurs n'étaient guère que des traducteurs de livres et on apprenait surtout aux élèves à être l'écho des professeurs, et non à résoudre des problèmes concrets. On entendait par “théoricien” celui qui avait appris par coeur quelques formules révolutionnaires, sans pour autant savoir trouver une solution aux questions pratiques qui sont posées au peuple indonésien.

Le front national uni

Aujourd'hui tout le monde chez nous, des plus hautes personnalités officielles aux enfants des écoles, parle de la “révolution nationale”, de “l'achèvement de la Révolution d'août 1945”, mais beaucoup ne voient pas clairement ce qui doit être achevé, chacun a sa propre interprétation. Pour certains, la Révolution est achevée lorsqu'ils possèdent une entreprise commerciale et en tirent beaucoup de profits. Pour d'autres, elle l'est lorsqu'ils deviennent ministres, ambassadeurs ou hauts-fonctionnaires. Les travailleurs conscients ont naturellement une autre idée de cet achèvement. Il est donc urgent de s'entendre sur ce point capital, et cela est conditionné par une connaissance exacte de la société indonésienne d'aujourd'hui.

Nous disons souvent que l'Indonésie est déjà indépendante. C'est vrai, abstraction faite de l'Irian occidental[5]. Notre pays n'est plus un pays colonial, mais sommes-nous réellement indépendants, du point de vue politique, économique, culturel? Sommes-nous absolument libres de décider en toutes choses conformément à nos aspirations profondes? Il faut aller au fond de ces questions.

Les étudiants de notre Université apprennent qu'il existe aujourd'hui chez nous une double forme d'oppression, celle de l'impérialisme et celle du féodalisme. Les contradictions entre l'impérialisme et la nation indonésienne, entre le féodalisme et les larges masses populaires, en premier lieu la paysannerie réduite à la misère, sont fondamentales, la première au plus haut degré et celle-ci doit être résolue d'abord. Ainsi il est clair pour nous que l'impérialisme et le féodalisme sont les ennemis fondamentaux de la Révolution indonésienne à sa présente étape. Ce sont donc des fautes graves de la part des communistes que de considérer la bourgeoisie nationale comme l'ennemi ou de la part de nationalistes ou de dirigeants religieux que de regarder les communistes et la classe ouvrière comme les ennemis de la Révolution indonésienne.

La tâche la plus vitale est de se débarrasser de l'impérialisme. Mais n'oublions pas que cela ne peut être obtenu que si les larges masses populaires prennent part à la lutte; chez nous leur majorité est faite de paysans misérables, qui ne peuvent être dressés contre l'impérialisme que s'ils sont également secondés dans leur lutte contre le féodalisme.

C'est une très grave erreur de croire que la tâche révolutionnaire actuelle consisterait à liquider ou à entraver le développement des industriels et des hommes d'affaires nationaux. C'en est également une de penser que la Révolution doit freiner le mouvement ouvrier, le mouvement paysan, le mouvement communiste. Dans les deux cas, la liquidation de l'impérialisme et du féodalisme serait retardée.

Il nous faut donc rassembler les forces sociales anti-impérialistes et anti-féodales conséquentes, en d'autres termes les forces actives, motrices de la Révolution. Ces forces motrices comprennent d'abord la classe ouvrière, la paysannerie, la petite bourgeoisie, et les autres éléments démocratiques lésés par l'impérialisme. C'est ce que nous appelons, à l'étape actuelle, les forces progressistes, c'est-à-dire celles qui sont objectivement du côté de la révolution et dont la solidité a été démontrée. Ces forces progressistes sont non seulement en faveur de la liquidation de l'impérialisme et du féodalisme en Indonésie, mais également en faveur de l'avènement d'une société socialiste. Mais nous ne devons pas entraîner seulement ces forces motrices, nous devons nous efforcer de gagner les forces centristes, c'est-à-dire la bourgeoisie nationale, laquelle bien qu'hésitante par nature est aussi anti-impérialiste et anti-féodale (elle est vacillante parce qu'elle est à la fois en antagonisme avec les impérialistes et les grands propriétaires fonciers, et d'un autre côté avec les travailleurs).

Révolution nationale démocratique

Afin d'achever la révolution indonésienne, de caractère national et démocratique, la tactique la plus sûre est d'unir les forces progressistes avec les forces centristes. C'est ce que nous appelons: édifier le front national uni. Puisque la majorité de la population se compose d'ouvriers et de paysans il n'est pas possible de forger un front national solide si celui-ci n'est pas basé sur l'alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie, et s'il n'est pas dirigé par la plus avancée et la plus ferme des classes opprimées, qui et la classe ouvrière. À ce moment de notre analyse, nous pouvons préciser quelle est la nature de notre révolution à l'étape actuelle: ce n'est pas une révolution socialiste prolétarienne, mais une révolution nationale démocratique ou démocratique bourgeoise.

Des gens qui ne connaissent pas la société indonésienne se plaisent à proclamer démagogiquement que nous devons tout de suite faire une révolution socialiste. Ils sont peut-être bien intentionnés; mais ils pensent et agissent subjectivement, sans tenir compte des conditions sociales. Il en est aussi qui, en proclamant ce but immédiat, visent à désagréger la révolution et à l'entraver. Une telle démagogie est très dangereuse, elle provoque dans les rangs de la bourgeoisie nationale une peur qui la rend hostile à la révolution, elle engendre des divisions au sein des forces populaires et affaiblit le front national.

Étant donné que l'économie indonésienne est retardataire ‑ c'est une économie agraire semi- féodale ‑ la révolution ne peut être socialiste. Non seulement elle ne peut avoir pour tâche de liquider la propriété privée des moyens de production qui sont entre les mains du peuple indonésien, elle doit même remettre des moyens de production ‑ la terre gratuite ‑ à des millions de paysans (révolution agraire). Cela marque le caractère bourgeois de la Révolution indonésienne à l'heure présente; ce caractère apparaît encore plus clairement quand on sait que cette dernière doit en outre venir en aide aux industriels et hommes d'affaires nationaux patriotes. Ce que la Révolution doit faire à l'étape actuelle, c'est confisquer et nationaliser les moyens de production qui sont entre les mains des gros capitalistes étrangers: et cela indique son caractère national.

Le gouvernement correspondant aux nécessités de la Révolution n'est donc pas un gouvernement de dictature du prolétariat, mais de dictature du peuple, un gouvernement démocratique populaire. Ce gouvernement procède d'une manière dictatoriale à l'égard des ennemis du peuple ‑ impérialistes, seigneurs féodaux et autres réactionnaires ‑ mais il applique la démocratie la plus complète au sein du peuple.

D. N. Aidit


Sur les relations entre le PC d'Indonésie et le président Sukarno

Intensifier l'offensive révolutionnaire et s'opposer avant tout aux “Cinq Maux”

D. N. Aidit, mai 1965[6]

Bung Karno[7] est ici avec nous au plus haut des commémorations du 45e anniversaire de la fondation du Parti communiste d'Indonésie. Cela plonge dans l'inquiétude les impérialistes et leurs laquais. Les relations entre Sukarno et les communistes sont ce qui effraie les impérialistes et leurs acolytes. Comme le déclara lui-même Bung Karno, le Parti communiste d'Indonésie "est un parent et un frère et s'il mourrait, ce serait une grande perte pour moi". C'est aussi Bung Karno en personne qui, en 1962, lança au Parti communiste d'Indonésie l'appel suivant: “Allons de l'avant, poursuivons notre marche pour accomplir ensemble la révolution indonésienne.” Animés de sentiments amicaux et d'un grand sens des responsabilités, les communistes indonésiens ont répondu aux déclarations et à l'appel de Bung Karno. Les relations existant entre le président Sukarno et les communistes indonésiens sont loyales ‑ convenables et légitimes ‑, ce sont celles qui existent entre des révolutionnaires qui croient en la vérité du marxisme et servent la cause de la révolution.

Si les impérialistes et leurs acolytes hurlent contre nos activités, c'est bien. Cela prouve que nous avons raison et que nos actes sont corrects. Si les impérialistes aimaient nos actions et nous louaient, alors ce serait mal!

Le Parti communiste d'Indonésie exprime de tout coeur ses remerciements au président Sukarno pour assister au meeting et pour le discours qu'il y prononcera, aux dirigeants du gouvernement indonésien, des organisations populaires et des divers milieux présents parmi nous ainsi qu'à tous ceux qui ont envoyé des messages de félicitations au PKI à l'occasion de l'anniversaire de sa fondation et lui ont offert leur soutien pour le succès des cérémonies commémoratives. [...]

Le Comité central du Parti communiste d'Indonésie a tenu sa 4e session plénière la veille des cérémonies d'anniversaire. À cette session, les communistes indonésiens ont affirmé la résolution unanime d'appliquer encore plus résolument la ligne générale révolutionnaire en accord avec la théorie du Manifeste politique[8], c'est-à-dire réaliser la révolution nationale et démocratique, par le canal du front national ayant pour noyau le Nasakom[9], les ouvriers et les paysans comme piliers et les Cinq principes de la fondation de l'État[10] comme base morale, et avancer vers le socialisme indonésien. Dans le cadre de l'application de la ligne générale révolutionnaire, le Parti communiste d'Indonésie intensifiera son offensive révolutionnaire dirigée avant tout contre les “Cinq Maux[11]”.

Si nous voulons édifier notre pays en toute sécurité, nous devons écraser et disloquer complètement ce produit néo-colonialiste ‑ la “Malaysia”[12] ‑ qui a été mise sur pied délibérément pour arrêter notre révolution. Il n'y a pas d'autre voie. Par conséquent, le Parti communiste d'Indonésie accueille chaleureusement la décision du président Sukarno qui a refusé de se rendre à Tokyo pour rencontrer Tunku Abdul Rahman[13], mais reste au sein du peuple indonésien. Afin d'écraser la “Malaysia” et de répondre au soutien accru apporté par l'impérialisme américain et britannique à la “Malaysia”, le Parti communiste d'Indonésie a demandé que les ouvriers et les paysans soient armés. Le Parti communiste d'Indonésie est persuadé que seul le peuple armé, et en particulier les ouvriers et les paysans armés, peuvent arrêter l'invasion des troupes impérialistes et mettre en défaite toute offensive qu'elles oseraient lancer. Le peuple armé mettra les troupes impérialistes dans une position où leurs opérations seront irréalisables et où on ne leur laissera pas le temps de souffler. La lutte du peuple vietnamien est une preuve vivante de cette vérité.

J'aimerais profiter de cette occasion pour exprimer mes remerciements au président Sukarno pour la promesse qu'il a faite d'armer les ouvriers et les paysans si nécessaire. [...].

Si nous voulons éliminer du sol indonésien les vestiges de l'impérialisme, nous devons lancer des attaques plus fréquentes et plus opiniâtres contre l'impérialisme américain, le démon mondial et le chef de bande de tous les impérialistes. Il n'y a pas d'autre solution. Dans la situation du monde actuel, ce serait une grosse plaisanterie que de lutter contre l'impérialisme mais non contre l'impérialisme américain.

Aujourd'hui, la tâche pressante du peuple indonésien est de confisquer et de nationaliser toutes les entreprises américaines, y compris les entreprises pétrolières, pour répondre à l'“aide active” des États-Unis à la “Malaysia” et à leurs actes de barbarie perpétrés à l'encontre des peuples d'Indonésie et d'autres pays. De plus, le peuple indonésien est décidé à apporter un soutien plus positif et plus grand, avec les autres forces progressistes et révolutionnaires, aux peuples qui combattent aujourd'hui l'impérialisme américain, tels les peuples de la République dominicaine, du Congo, de l'Asie du Sud-Est, particulièrement le peuple vietnamien, afin de contraindre les États-Unis à quitter cette année le Vietnam.

Si nous voulons développer l'économie indonésienne d'une façon saine et développer tout d'abord une politique progressiste et révolutionnaire dans notre pays, nous devons intensifier l'offensive révolutionnaire contre la dynastie économique des capitalistes bureaucrates. Il n'y a pas d'autre solution. À ce point de vue, la “sainte-alliance” entre les capitalistes bureaucrates, les trotskistes et les impérialistes doit être complètement brisée. Le Parti communiste d'Indonésie exprime sa haute considération au président Sukarno et au gouvernement indonésien pour les mesures prises à l'encontre des nouvelles personnalités trotskistes et la proscription du Parti Murba[14] - chef de file du “corps de soutien du sukarnoisme”[15].

Si nous voulons continuer à progresser sur la voie de la révolution, nous devons lancer sans cesse des offensives révolutionnaires contre le révisionnisme moderne et continuer en même temps notre combat contre le dogmatisme moderne. Il n'y a pas d'autre solution. Ce seraient des paroles vides si la lutte anti-impérialiste n'était pas associée à une lutte contre l'opportunisme. À l'heure actuelle, pour le mouvement communiste international et le mouvement révolutionnaire général dans le monde entier, l'opportunisme le plus dangereux est le révisionnisme moderne. Alors qu'ils célèbrent le 45e anniversaire de la fondation du Parti communiste d'Indonésie, les communistes indonésiens sont résolus unanimement à continuer dans tous les domaines leurs offensives contre le révisionnisme moderne. Ce n'est qu'en agissant ainsi que le Parti communiste d'Indonésie restera révolutionnaire et maintiendra son prestige tant dans les rangs de l'unité nationale, avec pour noyau le Nasakom, que dans le mouvement communiste international.

Les communistes indonésiens considèrent les trois principes sacrés du président Sukarno, les trois principes sacrés de l'émancipation nationale ‑ souveraineté politique, confiance en soi sur le plan économique et culture nationale ‑ comme une part importante de leur programme général. Ces trois principes sont devenus les slogans fondamentaux du 45e anniversaire du Parti.

Bung Karno a donné au peuple des armes efficaces pour la lutte: parmi elles se trouvent le concept du Nasakom, l'idée des cinq principes de la fondation de l'État, le Manifeste politique qui fut suivi par les mesures politiques concernant son application et enfin, l'idée de la confiance en ses propres forces qu'il proposa cette année.

En accord avec la théorie du Nasakom de Bung Karno le peuple indonésien s'est lancé dans une lutte inlassable pour mettre en pratique la théorie du Nasakom dans tous les domaines. La réalisation du Nasakom dans tous les domaines est la condition préalable indispensable pour la défense et le développement de la souveraineté politique, pour la confiance en ses propres forces sur le plan économique et pour le développement d'une identité nationale dans le domaine de la culture. C'est aussi la condition préalable indispensable pour l'exécution plus aisée de l'ordre en deux points du peuple pour faire échec à la “Malaysia”, pour le renforcement de la défense nationale, pour un plus grand soutien à la lutte de libération de la Malaisie et du Kalimantan septentrional et pour la dissolution de la “Malaysia”. La réalisation du Nasakom dans tous les domaines est également la condition préalable indispensable pour que nous développions la lutte des nouvelles forces montantes contre les vieilles forces établies et réalisions le Nasakom international. Nous commencerons à rendre réel le Nasakom international en tenant l'an prochain une conférence des nouvelles forces montantes.

Le Parti communiste d'Indonésie n'est pas isolé dans la lutte qu'il mène pour vaincre les ennemis du peuple indonésien, à savoir l'impérialisme, le féodalisme, le capitalisme bureaucratique et le capitalisme comprador. Grâce à sa fidélité à l'idée du Nasakom, le Parti communiste d'Indonésie a de bons camarades de combat parmi les nationalistes et les croyants. Grâce à sa fidélité au marxisme-léninisme et à l'internationalisme prolétarien, le Parti communiste d'Indonésie bénéficie du soutien des partis marxistes-léninistes et des mouvements révolutionnaires et progressistes du monde entier. [...]

L'intégration du patriotisme à l'internationalisme prolétarien d'une manière militante et créatrice et empreinte d'un caractère qui lui est propre, continue à guider l'action, la position et les mesures prises par le Parti communiste d'Indonésie. Toute la nation indonésienne est aujourd'hui dans une situation révolutionnaire en plein essor et en pleine maturation. Le rôle joué par les masses populaires dans la vie politique de notre pays devient sans cesse plus grand et décisif. Les impérialistes se voient détrônés de leurs positions privilégiées. Au cours de leur retraite, ils offrent une aide et un soutien plus importants aux contre-révolutionnaires nationaux. Dans ces circonstances, ce n'est que lorsque nous savons adopter une attitude d'offensive révolutionnaire que nous pouvons faire progresser la révolution de notre pays. Ce n'est qu'avec une discipline rigoureuse et ferme que nous pourrons obtenir de bons résultats dans notre offensive révolutionnaire. J'appelle les communistes indonésiens à être courageux, capables, à être des communistes trempés et aguerris et soumis à une discipline rigoureuse.

Le Parti communiste d'Indonésie est devenu maintenant l'un des facteurs les plus importants de la vie politique de notre pays. Le Parti communiste d'Indonésie qui, en 1951, année de sa renaissance, possédait moins de 8 000 membres, dispose maintenant de plus de 3 millions de membres. En ajoutant les 3 millions de jeunes communistes de la Ligue de la Jeunesse du Peuple[16], le nombre dépasse 6 millions. Dans toute l'Indonésie, on compte environ 20 millions de sympathisants du Parti communiste d'Indonésie. Du point de vue du nombre de membres, le Parti communiste d'Indonésie est le troisième parti du monde et le plus grand en dehors du camp socialiste. Aussi, nous, communistes indonésiens, portons sur nos épaules une lourde responsabilité, tant à l'égard du peuple indonésien qu'à celui du mouvement révolutionnaire international.

À la réception de clôture du 7e Congrès du Parti communiste d'Indonésie, en 1962, Bung Karno exprima clairement pourquoi le Parti communiste d'Indonésie s'était développé si rapidement. Il affirmait: "Le Parti communiste d'Indonésie est devenu fort, le Parti communiste d'Indonésie s'est étendu partout et le Parti communiste d'Indonésie est devenu puissant. C'est parce que le Parti communiste d'Indonésie a servi invariablement les ouvriers et les paysans, parce que le Parti communiste d'Indonésie a toujours aimé notre patrie, l'Indonésie. C'est précisément pour toutes ces raisons que le Parti communiste d'Indonésie a gagné en force."

J'appelle les communistes indonésiens à apprendre par coeur l'analyse correcte de Bung Karno sur la façon dont le Parti communiste d'Indonésie est devenu grand et fort. La raison pour laquelle le Parti communiste d'Indonésie est devenu fort est simplement qu'il est de tout son coeur et de toute son âme concerné par les souffrances du peuple.

Marchons sans cesse de l'avant dans l'esprit de l'offensive révolutionnaire, en ayant à coeur les souffrances du peuple.


Une déclaration sur des problèmes internationaux d'actualité

Les controverses publiques sont utiles - Il ny a pas lieu d'y mettre fin

D. N. Aidit, 16 août 1965[17]

Le 16 août, D. N. Aidit, président du Parti communiste d'Indonésie (PKI) et vice-président de la Conférence consultative provisoire du Peuple indonésien[18], a rencontré 50 journalistes afro-asiatiques et latino-américains en visite à Djakarta. Voici, d'après le texte publié par le Bureau d'information du PKI, les réponses qu'il a faites à certaines de leurs questions[19].

Au sujet des controverses publiques au sein du mouvement communiste international

En réponse à une question ayant trait à l'attitude du PKI à l'égard des controverses publiques au sein du mouvement communiste international, Aidit a dit que, voici deux ans, il s'était rendu à Moscou et à Pékin pour proposer au Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique et au Comité central du Parti communiste chinois la cessation des polémiques ouvertes et le rétablissement de l'unité entre les deux Partis.

"Cependant, en juillet 1963, alors que j'étais encore à Moscou, le Comité central du PCUS a publié une lettre ouverte aux membres du Parti, qui attaquait le PCC et ses dirigeants. À mon arrivée à Pékin, les dirigeants du PCC m'ont informé qu'ils répondraient à cette lettre ouverte du PCUS.

"Étant donné que les controverses publiques étaient appelées à se poursuivre, j'ai, dans une déclaration faite à mon retour à Djakarta, il y a deux ans, invité les membres du PKI à considérer les controverses publiques comme un cours de marxisme-léninisme, et je les ai engagés à étudier les documents polémiques émanant de tous les Partis et à exercer leur jugement pour déterminer qui avait raison et qui avait tort. Un communiste qui n'exerce pas son jugement ne saurait être un bon communiste.

"Ainsi les communistes indonésiens ont-ils tiré parti des controverses publiques; et aujourd'hui, ils estiment que leur cessation serait regrettable. À la faveur de ces controverses publiques, les communistes indonésiens ont pu saisir l'essence réelle du révisionnisme moderne et, par là, approfondir leur intelligence du marxisme-léninisme authentique. De toute évidence, la lecture des documents polémiques est la plus efficace des méthodes d'étude. Sans ces controverses publiques, peut-être n'aurions-nous pas encore réussi à saisir vraiment la nature du révisionnisme moderne, ni, par conséquent, à comprendre le marxisme-léninisme authentique. Qui plus est, si ces controverses publiques n'avaient eu lieu, nous aurions pu, à notre insu, devenir des révisionnistes.

"Au cours de ma récente visite à Moscou et à Pékin, je n'ai avancé aucune proposition tendant à l'arrêt des controverses publiques. Je ne crois ni nécessaire ni utile d'y mettre un terme. Bien loin d'être préjudiciables, les controverses publiques rendent de grands services à tout parti communiste qui adopte une attitude correcte à leur endroit. Le PKI en a fait l'expérience. Aujourd'hui encore, nous ne cessons, le Comité central du PKI et moi-même, de recommander aux membres de notre Parti l'étude des documents que le PCUS le PCC et tous les autres Partis ont publié à l'occasion de ces controverses."

Le PKI se prononce pour un marxisme- léninisme créateur

Le PKI s'est de fait intégré au Nasakom indonésien (nationalistes-croyants-communistes) et il en est indissociable; que pense-t-il de la théorie universelle du marxisme-léninisme? À cette question, Aidit a expliqué qu'il y avait dans le monde deux sortes de marxistes: les créateurs et les dogmatiques.

"Le PKI appartient à la première catégorie, il est créateur. En qualité de marxistes créateurs, les communistes indonésiens appliquent le marxisme-léninisme aux conditions concrètes propres à l'Indonésie, parmi lesquelles figure l'existence du Nasakom.

"S'agissant du concept de Nasakom, le président Sukarno n'a jamais demandé aux communistes de devenir croyants ou nationalistes, aux croyants de se faire nationalistes ou communistes ni aux nationalistes de se muer en croyants ou en communistes. Dans ses écrits de 1962, Bung Karno a expressément souligné que c'était la coopération des trois groupements qui s'imposait, et non leur fusion."

Les agresseurs américains doivent quitter le Vietnam

Interrogé sur le règlement de la question vietnamienne, Aidit a déclaré qu'il dépendait avant tout de la voie suivie par le peuple vietnamien.

"À présent, l'agression contre le peuple vietnamien met en oeuvre deux sortes d'armes: les bombes, et le pseudo règlement pacifique. À n'en guère douter, la seconde forme d'agression est la plus dangereuse pour peu que les révolutionnaires relâchent leur vigilance. Ce qui est très encourageant, c'est que, face à cette “offensive de paix”, le peuple vietnamien et ses dirigeants restent sur leurs gardes.

"Les Vietnamiens sont des combattants ingénieux et courageux. Avec ou sans aide extérieure, ils vaincront les agresseurs américains. Aussi, ceux qui ont fourni une aide au Vietnam n'ont-ils pas lieu de se glorifier de son ampleur. Leur devoir est d'accroître toujours plus leur aide au Vietnam. Ils ne devraient jamais oublier que, si énorme soit-elle, leur assistance ne saurait égaler l'aide que le peuple vietnamien fournit à ceux qui l'ont aidé. À la lutte menée contre l'impérialisme américain, ennemi des peuples du monde entier, le peuple vietnamien apporte une aide supérieure à celle qu'il a reçue d'aucun peuple à aucun moment. Les Vietnamiens versent leur sang et sacrifient leur vie même pour combattre l'ennemi de tous les peuples - l'impérialisme américain; décidément cette aide excède l'aide la plus considérable ‑ politique, morale, ou matérielle ‑ qu'aucun peuple leur ait jamais fournie.

"Je suis d'avis que le problème vietnamien ne pourra être résolu que lorsque les États-Unis auront quitté le Vietnam."

À propos du retrait de Singapour de la “Malaysia”

Interrogé sur le retrait de Singapour de la “Malaysia”, Aidit a déclaré que c'était là une bonne chose, et, dans une certaine mesure, une victoire pour la politique de confrontation menée par l'Indonésie.

"Sans nul doute cette confrontation porte des coups aux impérialistes, elle les a forcés à changer de tactique. Cependant, il nous faut en toutes circonstances nous tenir sur nos gardes, car les États-Unis et la Grande-Bretagne se sont livrés, et ne manqueront pas de se livrer, aux manoeuvres les plus diverses. La politique indonésienne de confrontation vise, non ce qu'on dénomme la “Malaysia”, mais les bases militaires impérialistes en Malaisie, à Singapour et au Kalimantan septentrional. La confrontation se poursuivra aussi longtemps que ces bases militaires, dont l'objet est d'endiguer la révolution indonésienne, subsisteront sur ces territoires."


Notes

 

 

 

 



[1]. Recension par Jean Marr, La Nouvelle Revue internationale, n° 7, juillet 1963, pp. 150‑155.

[2]. D. N. Aidit, Oeuvres choisies, Moscou 1962, 783 p.

[3]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[4]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[5]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[6]Pékin Information, n° 23, 7 juin 1965, pp. 8‑10. Extraits du discours prononcé par D. N. Aidit au meeting tenu à Djakarta à l’occasion du 45e anniversaire de la fondation du PKI.

[7]. Dans les noms javanais commençant par “Su”, cette syllabe est un préfixe lequel parfois, en fonction du contexte, n'est pas prononcé. “Bung” signifie “frère”, “camarade". [Note 321Ignition.]

[8]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[9]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[10]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[11]. Les “Cinq Maux”: la “Malaysia”, les “sept démons” des régions rurales, l’impérialisme américain - ce démon universel, le “règne économique” du capital bureaucratique et le révisionnisme moderne.

[12]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[13]. Tunku Abdul Rahman, Premier ministre de Malaysia. C'est lui qui avait négocié l'indépendance de Malaya vis-à-vis de la Grande Bretagne, en 1957, puis la constitution de Malaysia, en 1963.

[14]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[15]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[16]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[17]Pékin Information, n° 23, loc. cit.

[18]. Cf. Glossaire Indonésie 1914‑1966. [Note 321Ignition.]

[19]Pékin Information, n° 35, pp. 25‑26, 30 août 1965. (Les passages soulignés en gras l’ont été par “PI”.)