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Karl Marx

Le Capital - Livre 3e
3e section : La loi de la baisse tendancielle du taux de profit

Chapitre 13 : Nature de la loi
(Extraits)

Chapitre 14 : Causes qui contrecarrent la loi
(Extraits)

 

 

Source:

Le Capital - Livre troisième - Tome I
Paris, Éditions sociales, 1969, p. 225‑253

 

 

 

 

 

 

 

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Textes de Karl Marx ‑ Sommaire

 

 

 

 

 

 

Chapitre 13 : Nature de la loi

Pour un salaire et une journée de travail donnés, un capital variable de 100, par exemple, représente la mise au travail d'un certain nombre d'ouvriers: c'est l'indice de ce nombre. Mettons par exemple que 100 l.st. soient le salaire de 100 ouvriers, disons pour une semaine. Si ces 100 ouvriers accomplissent autant de travail nécessaire que de surtravail, s'ils travaillent chaque jour autant de temps pour eux, c'est-à-dire pour reproduire leur salaire, que pour le capitaliste, c'est-à-dire pour produire de la plus‑value, la valeur total qu'ils produiront sera de 200 l. st. et la plus‑value s'élèvera à 100 l. st. Le taux de la plus‑value serait de 100 %. Mais, comme nous l'avons vu, ce taux de plus‑value se traduirait par des taux de profit très différents suivant le volume du capital constant c et partant du capital total C, le taux de profit étant égal à pl/C.

Pour un taux de plus‑value de 100 %,

si c = 50, v = 100;  = 100/150 = 66 2/3 %

si c = 100, v = 100;  = 100/200 = 50 %

si c = 200, v = 100;  = 100/300 = 33 1/3 %

si c = 300, v = 100;  = 100/400 = 25 %

si c = 400, v = 100;  = 100/500 = 20 %

Le degré d'exploitation restant le même, un même taux de plus‑value se traduirait donc par un taux de profit en baisse, parce que le volume de valeur du capital constant et partant de l'ensemble du capital croit avec son volume matériel, même si l'augmentation n'est pas proportionnelle.

Si l'on admet en outre que cette modification graduelle dans la composition du capital ne se produit pas seulement dans des sphères de production isolées, mais qu'on la retrouve plus ou moins dans toutes, ou du moins dans les sphères clés de la production, qu'elle implique donc des modifications dans la composition organique moyenne de l'ensemble du capital d'une société déterminée, il faut bien que cet accroissement progressif du capital constant par rapport au capital variable ait nécessairement pour résultat une baisse graduelle du taux de profit général, le taux de la plus‑value ou encore le degré d'exploitation du travail par le capital restant les mêmes. Or nous avons montré que c'est une loi du mode de production capitaliste: à mesure que celle-ci se développe, il se produit une diminution relative du capital variable par rapport au capital constant et donc au capital total mis en mouvement. Ce qui signifie tout simplement ceci: le même nombre d'ouvriers, la même quantité de force de travail, que faisait travailler un capital variable d'un volume de valeur donné, mettra en mouvement, dans le même laps de temps, par suite du développement des méthodes de production propres à la production capitaliste, une masse toujours plus grande de moyens de travail, de machines et de capital fixe de toute sorte, traitera et consommera productivement une quantité toujours plus grande de matières premières et auxiliaires ‑ par conséquent il fera fonctionner un capital constant d'un volume de valeur en perpétuelle augmentation. Cette diminution progressive, relative, du capital variable par rapport au capital constant ‑ et par suite au capital total ‑ est identique à l'élévation progressive de la composition organique du capital social moyen. Ce n'est encore qu'une autre façon d'exprimer le progrès de la force productive sociale du travail qui se traduit précisément par ce fait: en utilisant plus de machines et en général en employant davantage de capital fixe, le même nombre d'ouvriers peut transformer en produits une plus grande quantité de matières premières et auxiliaires dans un même laps de temps ‑ c'est-à-dire avec moins de travail. À cet accroissement du volume de valeur du capital constant ‑ même s'il ne traduit que très approximativement l'accroissement de la masse réelle des valeurs d'usage qui, matériellement, constituent ce capital ‑ correspond une diminution croissante du coût du produit. En effet, chaque produit individuel pris à part contient une somme de travail moindre qu'il n'en recélait à des stades inférieurs de la production, quand le capital déboursé en travail était bien plus grand, proportionnellement à celui investi en moyens de production. Donc, la série établie au départ comme hypothèse traduit bien la tendance réelle de la production capitaliste. À mesure que diminue progressivement le capital variable relativement au capital constant, s'élève de plus en plus la composition organique de l'ensemble du capital, et la conséquence immédiate de cette tendance c'est que le taux de plus‑value se traduit par un taux de profit général en baisse continuelle, le degré d'exploitation du travail restant sans changement ou même augmentant. (Nous verrons plus loin[1] pourquoi cette baisse ne se manifeste pas sous sa forme absolue, mais sous forme de tendance à une baisse progressive.) Donc la tendance progressive à la baisse du taux de profit général est tout simplement une façon, propre au mode de production capitaliste, d'exprimer le progrès de la productivité sociale du travail. Nous ne disons pas qu'il ne saurait y avoir d'autres raisons à une baisse passagère du taux de profit; mais nous avons prouvé par là que le progrès de la production capitaliste implique nécessairement que le taux général moyen de la plus‑value se traduise par une baisse du taux de profit général: c'est une nécessité évidente découlant de l'essence du mode de production capitaliste. La masse du travail vivant employé diminuant sans cesse par rapport à la masse du travail matérialisé qu'elle met en oeuvre, par rapport aux moyens de production consommés productivement, il faut bien que la fraction non payée de ce travail vivant qui se concrétise en plus‑value voie son rapport au volume de valeur du capital total diminuer sans cesse. Or ce rapport de la masse de plus‑value à la valeur du capital total employé constitue le taux de profit; celui-ci doit donc baisser continuellement.

Quelque simple que paraisse cette loi après les développements qui précèdent, aucun économiste n'a cependant réussi jusqu'ici à la découvrir, comme nous le verrons dans une section ultérieure[2]. Constatant le phénomène, les économistes se sont torturé l'esprit pour aboutir à des essais d'explication contradictoires. Étant donné l'importance de cette loi pour la production capitaliste, on peut dire que c'est le mystère dont la solution préoccupe toute l'économie politique depuis Adam Smith. Et, ce qui distingue les diverses écoles depuis A. Smith, c'est la différence des tentatives pour parvenir à sa solution. Mais si par ailleurs on réfléchit que, jusqu'ici, l'économie politique a tâtonné autour de la distinction entre capital constant et capital variable, sans jamais arriver à la formuler avec précision; qu'elle n'a jamais présenté la plus‑value séparée du profit et que le profit lui-même elle ne l'a pas exposé dans sa pureté, en le distinguant de ses composants promus respectivement à l'autonomie: profit industriel, profit commercial, intérêts, rente foncière; qu'elle n'a jamais analysé à fond les différences dans la composition organique du capital, pas plus par conséquent que la formation du taux de profit général ‑ alors il n'y a plus de mystère à ce que la solution de cette énigme lui ait toujours échappé.

C'est à dessein que nous exposons cette loi avant d'expliquer comment le profit se décompose en différentes catégories promues respectivement à l'autonomie. Puisque cet exposé ne dépend pas de la division du profit en divers éléments qui échoient à différentes catégories de personnes, ceci prouve dès l'abord que la loi, dans sa généralité, est indépendante de cette division et des rapports réciproques régissant les catégories de profit qui en résultent. Le profit dont il est question ici, c'est simplement une autre dénomination de la plus‑value, étudiée dans son rapport avec le capital total, au lieu de l'être par rapport au capital variable qui lui donne naissance. La baisse du taux de profit traduit donc la baisse du rapport de la plus‑value elle-même à l'ensemble du capital avancé, et elle est donc indépendante de toute répartition ‑ quelle qu'elle soit ‑ de cette plus‑value entre des catégories différentes de bénéficiaires.

[...]

La loi de la baisse progressive du taux de profit, ou de la diminution relative du surtravail que s'approprie le capitaliste par rapport à la masse de travail matérialisé que le travail vivant met en oeuvre, n'exclut nullement que la masse du travail mis en mouvement et exploité par le capital social augmente en grandeur absolue, ni, partant, que puisse augmenter la masse du surtravail que celui-ci s'approprie. Elle n'exclut pas davantage que les capitaux placés sous les ordres des capitalistes individuels commandent à une masse croissante de travail et partant de surtravail, celui-ci pouvant même augmenter alors que le nombre des ouvriers placés sous leur coupe ne s'accroît pas.

Prenons une population ouvrière donnée, de deux millions par exemple; considérons en outre comme donnés la durée et l'intensité de la journée moyenne de travail ainsi que le salaire, et, par conséquent, le rapport du travail nécessaire au surtravail: le travail total de ces deux millions d'ouvriers, et de même leur surtravail qui s'exprime en plus‑value produiront toujours la même grandeur de valeur. Mais à mesure que s'accroît la masse du capital constant ‑ fixe et circulant ‑que ce travail met en mouvement, on voit diminuer le rapport de cette grandeur de valeur à la valeur de ce capital, qui, elle, augmente avec la masse de celui-ci, même si l'augmentation n'est pas proportionnelle. Ce rapport et partant le taux de profit baissent, bien que, comme auparavant, le capital commande à la même masse de travail vivant et absorbe la même quantité de surtravail. Si ce rapport est modifié, ce n'est pas parce que la masse du travail vivant diminue, mais parce qu'augmente la masse du travail déjà matérialisé qu'il met en mouvement. La diminution est relative et non absolue; et, en fait, elle n'a rien à voir avec la grandeur absolue du surtravail et du travail mis en mouvement. La baisse du taux de profit provient d'une baisse purement relative et non pas absolue de l'élément variable de l'ensemble du capital, par comparaison à l'élément constant de celui-ci.

Or le raisonnement qui vaut pour une masse de surtravail et de travail donnée est valable aussi pour l'augmentation du nombre des ouvriers et donc, dans notre hypothèse initiale, pour l'accroissement du travail sous les ordres du capital, en général, et de sa partie non payée, le surtravail, en particulier. Si la population ouvrière passe de 2 à 3 millions, si de même le capital variable qu'on lui verse en salaire passe de 2 millions naguère à 3 millions maintenant et que, par contre, le capital constant se soit élevé de 4 à 15 millions, dans les conditions de notre hypothèse (journée de travail et taux de plus‑value constants) la masse du surtravail, de la plus‑value, augmentera de moitié, de 50 %, passant de 2 millions à 3. Il n'en reste pas moins que, malgré cet accroissement de 50 % de la masse absolue du surtravail et donc de la plus‑value, le rapport du capital variable au capital constant tomberait de 2 : 4 à 3 : 15 et que le rapport de la plus‑value au capital total s'établirait comme suit (en millions):

I. 4 c + 2 v + 2 pl; C = 6,  = 33 1/3 %.

II. l5 c + 3 v + 3 pl; C = 18,  = 16 2/3 %.

Tandis que la masse de plus‑value a augmenté de moitié, le taux de profit n'est plus que la moitié de ce qu'il était auparavant. Mais le profit n'est que la plus‑value rapportée au capital social et la masse du profit, sa grandeur absolue, est, par suite, du point de vue social, égale à la grandeur absolue de la plus‑value. La grandeur absolue du profit, sa masse totale, aurait donc augmenté de 50 % en dépit d'une diminution énorme du rapport de celle-ci au capital total avancé, autrement dit en dépit de l'énorme baisse du taux de profit général. Le nombre des ouvriers employés par le capital, donc la masse absolue du travail qu'il met en mouvement, d'où la masse absolue du surtravail qu'il absorbe, d'où la masse de plus‑value qu'il produit, d'où la masse absolue de profit qu'il produit, peuvent donc s'accroître et s'accroître progressivement, en dépit de la baisse progressive du taux de profit. Il ne suffit pas de dire qu'il peut en être ainsi; il faut qu'il en soit ainsi ‑ des oscillations passagères mises à part ‑ sur la base de la production capitaliste.

Le procès de production capitaliste est en même temps par essence procès d'accumulation. On a montré comment, à mesure que progresse la production capitaliste, la masse de valeur qui doit obligatoirement être simplement reproduite, conservée, s'accroît et augmente avec le développement de la productivité du travail, même si la force de travail utilisée demeurait constante. Mais le développement de la productivité sociale accroît encore plus la masse des valeurs d'usage produites, dont les moyens de production constituent une partie. Et le travail additionnel, dont l'appropriation permet de reconvertir en capital cette richesse ajoutée, dépend non de la valeur mais de la masse de ces moyens de production (subsistances incluses), l'ouvrier n'ayant pas affaire, dans le procès de travail, à la valeur, mais à la valeur d'usage des moyens de production. Quant à l'accumulation elle-même, et à la concentration du capital qui va de pair avec elle, ce n'est qu'un moyen matériel d'accroître la force productive. Or cet accroissement des moyens de production implique l'augmentation de la population ouvrière; la création d'une population d'ouvriers qui corresponde à ce surplus de capital et même qui, en gros, déborde sans cesse ses besoins; il implique donc une surpopulation ouvrière. Un excédent momentané du capital par rapport à la population ouvrière qu'il fait travailler aurait un double effet. D'une part, la hausse de salaire qui s'ensuivrait, entraînant un adoucissement des conditions qui déciment, voire anéantissent la progéniture des ouvriers et facilitant les mariages, ferait s'accroître peu à peu la population ouvrière, d'autre part, l'emploi des méthodes créatrices de plus‑value relative (introduction et perfectionnement des machines) créerait bien plus rapidement encore de manière artificielle une surpopulation relative qui, de son côté, constituerait à son tour le terrain favorable qui permet une multiplication rapide de la population -car en régime de production capitaliste la misère fait naître du monde. De la nature du procès d'accumulation capitaliste ‑ simple phase du procès de production capitaliste ‑ il résulte tout naturellement que la masse accrue de moyens de production destinés à être convertis en capital a toujours sous la main une population ouvrière exploitable dont l'accroissement correspond au sien et même le dépasse. À mesure que progressent les procès de production et d'accumulation, il faut donc que croisse la masse du surtravail appropriable et approprié et, par conséquent, la masse absolue du profit que s'approprie le capital social. Mais ces mêmes lois régissant la production et l'accumulation font augmenter, avec sa masse, la valeur du capital constant selon une progression croissante plus rapide que celle du capital variable converti en travail vivant. Donc, ce sont les mêmes lois qui entraînent pour le capital social une hausse absolue de la masse du profit, et une baisse du taux de celui-ci.

On fait ici complètement abstraction du fait qu'à mesure que progresse la production capitaliste avec le développement correspondant de la productivité du travail social, et à mesure que se multiplient les branches de production et par suite les produits, la même grandeur de valeur représente une masse de valeurs d'usage et de plaisirs qui augmente progressivement.

Le développement de la production et de l'accumulation capitalistes détermine des procès de travail à une échelle et donc à des dimensions de plus en plus grandes et en conséquence des avances de capital en augmentation pour chaque établissement particulier. Une concentration croissante des capitaux (s'accompagnant en même temps, quoique à un moindre degré, de l'augmentation du nombre des capitalistes) est donc à la fois une des conditions matérielles et un des résultats de cette production. De pair avec ces phénomènes, agissant sur eux et en subissant l'action, se produit une expropriation progressive des producteurs directs ou indirects. On comprend dès lors que les capitalistes individuels commandent à des armées de travailleurs en augmentation croissante (quelque forte que soit pour eux la diminution du capital variable par rapport au capital constant), que la masse de la plus‑value et donc du profit qu'ils s'approprient augmente simultanément à la baisse de leur taux de profit et en dépit de cette baisse. Ce sont précisément les mêmes causes qui concentrent des armées massives de travailleurs sous le commandement de capitalistes individuels, qui font aussi s'enfler en proportion croissante la masse du capital fixe utilisé et celle des matières premières et auxiliaires par rapport à la masse du travail vivant utilisé.

De plus il suffit de mentionner ici que, pour une population ouvrière donnée, si le taux de plus‑value augmente, que ce soit par la prolongation de la journée de travail ou l'intensification de celui-ci, ou par une diminution de valeur du salaire résultant du développement de la force productive du travail, la masse de la plus‑value et donc la masse absolue du profit doivent alors augmenter nécessairement malgré la diminution relative du capital variable par rapport au capital constant.

Ce même développement de la productivité du travail social, ces mêmes lois qui se manifestent dans la baisse relative du capital variable comparé au capital total, et dans l'accumulation qui s'en trouve accélérée, tandis que d'un autre côté par un choc en retour cette accumulation constitue le point de départ d'un nouveau développement de la force productive et d'une nouvelle baisse relative du capital variable, ce même développement donc se traduit ‑ laissons de côté des fluctuations temporaires ‑ par l'augmentation croissante de la masse totale de force de travail employée, par la hausse croissante de la masse absolue de la plus‑value, donc du profit.

[...]

Chapitre 14 : Causes qui contrecarrent la loi

[...]

Avant de poursuivre, afin d'éviter tout malentendu, nous voulons rappeler encore deux propositions déjà développées à plusieurs reprises.

Premièrement, le même processus, qui dans l'évolution du mode de production capitaliste produit des marchandises à des prix de plus en plus bas, provoque une modification de la composition organique du capital social employé à la production de ces marchandises et par suite la chute du taux de profit. Il est donc indispensable de ne pas confondre la diminution du coût relatif de la marchandise singulière, et même de la part de ce coût qui recèle l'usure de l'outillage, et l'accroissement de valeur du capital constant comparé au capital variable, bien qu'inversement toute diminution du coût relatif du capital constant, le volume de ses éléments matériels restant le même ou même grandissant, est un facteur d'élévation du taux de profit, c'est-à-dire qu'elle agit dans le sens d'une diminution correspondante de la valeur du capital constant relativement au capital variable employé en proportion de plus en plus faible.

Deuxièmement, dans les marchandises singulières, dont la totalité compose le produit du capital, le travail additionnel vivant qu'elles contiennent est en proportion décroissante par rapport aux matières premières traitées qu'elles recèlent et aux moyens de travail qui ont été consommés pour leur production; donc, c'est une quantité toujours plus faible de travail vivant additionnel qui est matérialisé en elles, puisque avec le développement de la productivité sociale leur production requiert moins de travail: or ce fait n'affecte pas le rapport selon lequel le travail vivant que recèle la marchandise se répartit en travail payé et non payé. Tout au contraire. Bien que diminue la quantité totale de travail additionnel vivant qu'elle contient, la fraction qui n'est pas payée s'accroît relativement à celle qui l'est, par une diminution absolue ou proportionnelle de la fraction payée; car ce même mode de production qui réduit la masse totale du travail vivant ajouté dans une marchandise s'accompagne d'une hausse de la plus‑value absolue et relative. La chute tendancielle du taux de profit s'allie à une hausse tendancielle du taux de la plus‑value, donc du degré d'exploitation du travail. Il n'est donc pas de plus grande niaiserie que d'expliquer la chute du taux de profit par une hausse du taux du salaire, bien qu'exceptionnellement le cas puisse se produire. C'est seulement si l'on comprend d'abord les conditions qui créent le taux de profit que l'on pourra ensuite, grâce à la statistique, établir des analyses réelles du taux de salaire à différentes époques et dans divers pays. Le taux de profit ne baisse pas parce que le travail devient moins productif, mais parce qu'il le devient plus. Les deux phénomènes: hausse du taux de la plus‑value et baisse du taux de profit ne sont que des formes particulières qui, en régime capitaliste, expriment l'accroissement de la productivité du travail.

VI. ‑ Augmentation du capital par actions.

Aux cinq points ci-dessus on peut encore ajouter le suivant que nous ne pourrons cependant approfondir pour l'instant. À mesure que progresse la production capitaliste, et qui va de pair avec une accumulation plus rapide, une partie du capital n'est plus comptée et employée que comme capital productif d'intérêt. Non pas en ce sens que tout capitaliste qui prête du capital se contente des intérêts, tandis que le capitaliste industriel empoche son bénéfice d'entrepreneur. Ce fait, lui, n'intéresse nullement le niveau du taux de profit général, car pour lui, le profit = intérêt + profit de toute sorte + rente foncière, et sa distribution entre ces catégories particulières lui est indifférente. Mais ces capitaux, bien que placés dans de grandes entreprises productives, ne fournissent, déduction faite de tous les frais, que des intérêts plus ou moins grands qu'on appelle dividendes: dans les chemins de fer par exemple. Ils n'entrent donc pas dans le système de péréquation du taux de profit général, étant donné qu'ils rendent un taux de profit inférieur au taux moyen. S'ils y entraient, celui-ci tomberait beaucoup plus bas. D'un point de vue théorique, on peut les y inclure et on obtient alors un taux de profit inférieur à celui qui semble exister et qui détermine réellement les capitalistes, car c'est justement dans ces entreprises que le capital constant est le plus élevé relativement au capital variable.

 

 

 

 

 

Notes



[1]. Voir ci-dessous, chap. XIV. (N. R.) [321ignition] C'est-à-dire ici ►.

[2]. Voir K. Marx, Théories..., t. 2, p. 517-555 et p. 644-647. (N. R.)