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7e congrès de l'Internationale communiste
(25 juillet - 20 aout 1935)

Wilhelm Florin :
Intervention - Pour le front unique prolétarien
et pour le front populaire antifasciste

4 aout 1935

 

 

Source:

L'Internationale communiste, Organe bimensuel du Comité exécutif de l'Internationale communiste, Numéro spécial (17‑18), septembre 1935, Bureau d'Éditions, Paris.

(Texte sténographique abrégé.)[1].

Le document en allemand 

 

 

 

 

 

 

Établi: novembre 2016

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Documents de l'Internationale communiste ‑ Sommaire

 

 

 

 

 

 

Nous menons une lutte acharnée contre l'orgie guerrière du fascisme hitlérien, fauteur de guerre, pour lui arracher ses armes avant qu'il ne les dirige contre les travailleurs d'Europe. Le camarade Thorez a déjà donné la réponse qu'il méritait au commérage des fascistes allemands qui prétendent aujourd'hui que, sur l'ordre de Staline, les communistes français se sont faits impérialistes et chauvins. Que la bourgeoisie allemande sache que si la guerre de rapine hitlérienne éclate vous, camarades français, et nous, communistes allemands, nous n'aurons qu'un but: écraser le fascisme allemand! Que le peuple allemand sache que communistes français et communistes allemands, nous ne luttons que pour sa liberté, et que nous ne permettrons plus aux pirates impérialistes, quels qu'ils soient, d'opprimer le peuple allemand. Il faut que Hitler sache que nous, communistes du monde entier, sommes les combattants les plus actifs dans la lutte pour la liberté et pour la paix.

Le mécontentement général contre le régime hitlérien grandit et gagne de grandes masses de la population travailleuse des villes et de la campagne, et ces masses deviennent plus accessibles aux influences révolutionnaires. Presque chaque mesure du gouvernement hitlérien soulève le mécontentement et se heurte à de la résistance, sans que nous ayons encore réussi cependant à organiser un large courant de résistance.

Les fascistes tentent de freiner le cours de ce développement en recourant à la démagogie nationale et sociale, au chauvinisme largement déployé, à une terreur aggravée contre tous les courants d'opposition.

La destruction de la base de masse de la dictature fasciste, l'ébranlement prochain du régime· dépendent du développement de la force d'action du prolétariat, de la création du front unique prolétarien. La grande masse du prolétariat est antifasciste, mais elle est divisée et, de ce fait, affaiblie.

Mais dès maintenant s'accomplit un, processus de rassemblement et de groupement des couches les plus actives· du prolétariat. De plus grandes couches prolétariennes s'orientent vers la réalisation de la solidarité de classe contre le patronat et la Gestapo.

Camarades, il est un fait que nous devons constater avant tout: il y a disproportion entre le mécontentement général, la confiance accrue envers le Parti communiste, et l'aptitude du Parti à donner un véritable déploiement au mouvement du front unique, à l'aide de sa force d'organisation. C'est en partie le résultat du régime de terreur de l'ennemi de classe. Pour pouvoir supprimer cette disproportion il faut, avant tout, développer et renforcer à la base nos organisations au cours de l'orientation de nos tâches; il faut créer des organismes directeurs aptes au travail et obtenir un maximum d'initiative de la part des rouages de base et des directions, pour l'établissement du front unique.

Camarades, la question essentielle du renversement de la dictature fasciste et le pivot de la révolution prolétarienne en Allemagne, c'est la création entre notre Parti et la masse des social-démocrates et leurs organisations de rapports qui soient conformes à la situation nouvelle.

Quand la social-démocratie allemande était soudée à l'appareil de l'État, pendant l'ère de Weimar, les dirigeants des organisations de base s'en trouvaient influencés, paralysés et liés intimement par des milliers d'illusions à la politique de la bourgeoisie: aussi étions-nous obligés, pour développer le front unique, de commencer notre travail à la base, d'aborder les membres individuels, les militants de base du Parti social-démocrate d'Allemagne.

Des fautes et des erreurs, des faiblesses graves s'étaient manifestées dans notre travail de front unique. Dans ces dernières années, à la veille de l'instauration de la dictature fasciste, nous avons également sous-estimé le développement du mouvement hitlérien, du mouvement fasciste le plus réactionnaire. Le camarade Dimitrov a cité de nombreux exemples pour montrer, en particulier, quelles forces de notre Parti ont influencé assez fortement la direction du Parti par leurs opinions erronées sur le développement du fascisme. Nous stigmatisions, aux yeux des ouvriers social-démocrates, le rôle de leurs chefs dans le processus général de la fascisation, mais sans profiter suffisamment des antagonismes croissants entre la direction et les masses social-démocrates, en 1932, pour aborder les organisations et les directions de base du Parti social-démocrate à un moment où la bourgeoisie se préparait manifestement à modifier ses méthodes de domination. Aussi notre proposition à la direction social-démocrate, le 20 juillet 1932, lors du coup d'État en Prusse, ne trouva pas d'écho. Et c'est précisément pourquoi le Comité central du Parti social-démocrate put avoir le front de repousser notre proposition. Notre offre resta sans effet profond sur nos relations avec les masses des ouvriers social-démocrates et des organisations social-démocrates et syndicales. C'est ce qui détermina alors le camarade Thaelmann à intervenir démonstrativement et à souligner devant notre Parti cette grande étroitesse sectaire manifestée dans notre politique.

Nous n'avons pas assez tiré les leçons du 20 juillet qui nous enjoignaient de tenir compte des circonstances qui changeaient de plus en plus et de nous adresser toujours et toujours, de plus en plus hardiment, aux organisations de base de la social-démocratie. Lorsque le Bureau du PSA interdit à ses organisations de base tout accord avec le PCA, nous nous bornâmes à dénoncer ce geste dans notre propagande.

Camarades, la social-démocratie allemande est chassée aujourd'hui de l'appareil de l'État par les éléments les plus réactionnaires et les plus chauvins du capital financier; elle est persécutée et réduite également à l'illégalité et, partant, ses privilèges et ses illusions ont disparu.

C'est pourquoi, devant cette situation tout à fait nouvelle, alors que des changements profonds se sont accomplis et s'accomplissent dans l'idéologie des militants et des masses social-démocrates, nous devons nous adresser toujours et sans cesse à toutes ces organisations et à leurs directions, en leur proposant le front unique dans le but de réaliser un travail commun, de conclure des accords de longue ou de courte durée en vue de l'unité d'action. Cette application nouvelle de la tactique du front unique, nous ne l'avons pas suffisamment élaborée et rendue assez intelligible à l'ensemble du Parti.

Nos erreurs sectaires commises pendant la période qui a suivi l'instauration de la dictature hitlérienne consistent dans le fait que nous avons appliqué notre appréciation de la social-démocratie, exacte dans la période de Weimar, liée alors à l'armature de l'État, à la situation où la social-démocratie est illégale et où un revirement sérieux s'est opéré parmi les social-démocrates du rang et parmi ses militants.

Ici se révélèrent deux aspects du même sectarisme. D'un côté, sous-estimation d'un processus de développement authentique vers la gauche, plus spécialement dans les cadres des militants social-démocrates, sous-estimation qui suscita l'opinion que l'on ne pouvait organiser un large front unique; pendant que nous, direction du PCA, n'apprécions pas exactement le processus de réelle différenciation au sein des couches dirigeantes de 1a social-démocratie.

D'autre part, il y avait surestimation de ce processus de radicalisation, engendrant l'opinion que les masses social-démocrates en proie aux durs coups de la dictature en viendrait très vite à rompre automatiquement avec tout leur passé, avec le Parti social-démocrate, et à passer au communisme.

De là découlait notre tactique erronée: nous consacrer principalement à la propagande de notre doctrine révolutionnaire.

Nous estimions que nous pourrions empêcher le rétablissement du Parti social-démocrate en attirant à nous, en premier lieu, les éléments les plus actifs et les plus avancés qui s'orientaient à gauche. Nous sous-estimions toute la force des liens unissant les masses ouvrières social-démocrates à leurs organisations dévastées par le fascisme. Ces masses étaient encore idéologiquement attachées à elles.

Nous ne remarquions pas qu'après une certaine période de dépression les ouvriers social-démocrates (les syndiqués actifs, les membres de la Reichsbanner[2], etc.), recommençaient à se grouper. Nous n'avons pas abordé ces organisations en posant, d'une façon nouvelle, la question du front unique.

Nous avions raison de relever toutes les déclarations réactionnaires de la direction de Prague du PSA Nous stigmatisions son espoir d'une nouvelle coalition avec la bourgeoisie, d'un rétablissement des rapports avec les milieux de la Reichswehr[3], nous dénoncions ses attaques contre le PCA et l'Union soviétique, Mais, son refus d'accepter le front unique et sa servilité devant la dictature fasciste, nous les invoquions pour prouver que la social-démocratie comme telle n'avait pas changé, qu'elle était restée ce qu'elle était autrefois.

Ce faisant, nous ne voyions pas suffisamment qu'au sein de la social-démocratie, et notamment parmi les militants, de la base au sommet, avait commencé un processus de développement révolutionnaire. Ce processus a trouvé son expression, par exemple, dans le fait que des groupes actifs d'ouvriers social-démocrates et de militants ont reconnu le principe du front unique et de la dictature prolétarienne, avant même d'avoir une notion absolument claire de la forme et du contenu de la dictature. On pourrait citer de nombreux exemples tout récents de militants social-démocrates, ayant encore de l'influence parmi les masses, qui se prononcent ouvertement pour le front unique avec les communistes. Cela nous montre de quelles grandes possibilités nous disposons en Allemagne.

Sans doute, la propagande de notre doctrine révolutionnaire nous a permis de reprendre à la social-démocratie des milliers de combattants brillants. Mais l'étroitesse sectaire de notre politique du front unique nous a empêchés de nous orienter vers la conquête du gros des .couches essentielles des ouvriers et des militants social-démocrates.

Au début de cette année, après avoir critiqué d'une façon approfondie ces erreurs avec le concours de l'IC notre Parti a entrepris un tournant décisif vers la politique du front unique prolétarien, vers la politique du front populaire antifasciste, vers la rénovation des méthodes de notre travail.

Nous pouvons constater quelques premiers succès obtenus grâce à l'application de la résolution de janvier du CC du PCA qui a stigmatisé le sectarisme comme le principal obstacle à la conquête des masses. Je souligne que la résolution de janvier garde sa valeur comme ligne directrice de tout notre travail de masse pour la création du front unique prolétarien.

Nous avions constaté alors que l'esprit sectaire se manifestait tout spécialement dans la résistance au développement du front unique le plus étendu, dans la résistance au rétablissement des syndicats libres, dans une attitude non différenciée a l'égard des militants et des dirigeants social-démocrates de gauche et de droite, dans une analyse pseudo-radicale de la situation, dans une certaine sous-estimation de l'autocritique.

Nous en sommes arrivés maintenant à aider les éléments de gauche et les éléments révolutionnaires des organisations social-démocrates, les ouvriers et les militants social-démocrates qui se prononcent pour l'unité d'action et le front unique, dans leur lutte contre les éléments de droite de la direction de Prague, pour le front unique de lutte avec les communistes.

Mais ce serait rendre un mauvais service à notre travail de masse que d'affirmer qu'il a été possible de vaincre, en un temps aussi court, l'esprit sectaire dont la pénétration dans notre Parti s'est prolongée pendant si longtemps.

Nous avons vu se manifester dans notre Parti l'opinion que les masses ayant exprimé leur mentalité antifasciste pendant les élections des « Conseils d'hommes de confiance », ce fait doit être considéré comme la réalisation effective d'un vaste front unique. C'est une appréciation qui ne peut que gêner notre effort pour l'élaboration et la création d'un front unique organisé et pour une lutte antifasciste cohérente. Il importe de développer tout accord occasionnel, si élémentaire soit-il, entre ouvriers communistes et ouvriers social-démocrates, qui marque le début du développement du front unique, à l'aide d'un travail suivi, systématique, persévérant, pour passer des formes simples à des formes supérieures de front unique.

Conclure un système de pactes et d'accords, créer un réseau de comités de front unique, réaliser la collaboration directe de toutes les organisations ouvrières, telle est l'application nouvelle de la tactique du front unique que nous voulons obtenir.

Nous pouvons constater que les accords de front unique conclus ces temps derniers en Allemagne ont un contenu plus concret que précédemment. Il faut que les ouvriers social-démocrates se rendent compte, au cours de l'application commune de ces accords, de l'importance que nous attribuons à cette œuvre commune.

Il est certain que nous ne pourrons arracher les ouvriers social-démocrates à l'influence des chefs réactionnaires que si nous savons appuyer sur les leviers susceptibles d'accroitre l'entente: dans la lutte commune contre la réduction des salaires, contre l'aggravation des conditions de travail, dans la lutte commune pour le rétablissement des syndicats libres, dans l'organisation de la solidarité prolétarienne contre la sanglante terreur fasciste, etc. Mais cette unité et cette entente ne pourront avoir une forme et une force largement organisées dans le cadre du front unique que lorsqu'elles seront organisées sur la base d'un accord entre les organisations social-démocrates et les nôtres. C'est à ce but que nous devons tendre, nous, communistes.

Nous, communistes, qui avons une longue expérience conspirative, devons assumer la pleine responsabilité de la plus grande sécurité possible des organismes de front unique contre la répression de l'ennemi de classe. C'est très important pour fortifier la confiance mutuelle entre nous et les ouvriers social-démocrates.

Camarades, nous reconnaissons ouvertement, sur le plan de l'autocritique, nos erreurs, les défauts et les points faibles de notre lutte antifasciste et de notre politique de front unique.

Nous voulons que tous les ouvriers et tous les militants social-démocrates soient mis au courant de cette autocritique pour qu'ils se rendent compte du caractère sérieux de notre volonté de front unique et qu'ils tâchent, de leur côté, de vaincre tous les obstacles qui s'y opposent, dans leurs rangs.

Camarades, nous voyons que le processus de pénétration révolutionnaire des ouvriers social-démocrates a progressé grandement ces temps derniers, devant l'aggravation du péril de guerre et la sauvage terreur exercée par les nazis, sous l'influence aussi de la politique de paix de l'Union soviétique et de notre politique de front unique.

Nous pouvons constater que, sur beaucoup de points importants, la direction de Prague de la social-démocratie est obligée de modifier dans une certaine mesure sa position passée sur les questions importantes, sous l'influence de l'état d'esprit des masses ouvrières en Allemagne et des grands succès dans la réalisation de la tactique du front unique de la part de notre Parti français, phénomènes qui ont provoqué une différenciation au sein de la Ile Internationale.

À en juger par l'attitude actuelle de la presse social-démocrate allemande, nous pouvons conclure, peut-être, que des possibilités plus favorables s'ouvrent aujourd'hui pour des accords de front unique contre la sauvage terreur fasciste.

Le fait que les éléments de la social-démocratie allemande, qui n'ont jamais dissimulé leur hostilité envers le front unique, les communistes et l'URSS, ni leur désir de coalition avec la bourgeoisie, se trouvent refoulés à l'arrière-plan, est la preuve du grand accroissement des forces qui poussent au front unique prolétarien.

Dans ces conditions, du haut de la tribune du prolétariat international nous nous adressons de nouveau à la direction du Parti social-démocrate et à chacun de ses membres, en les appelant à établir le front unique avec nous, communistes, ne serait-ce, au début, que pour la lutte commune contre la terreur.

De nombreux ouvriers social-démocrates et, avec eux, les militants de gauche qui ont adhéré au groupe des socialistes-révolutionnaires disent: "Il faut créer un nouveau parti unique." Jusqu'à présent, nous n'avons pas donné de réponse satisfaisante à cela. Nous devons répondre affirmativement et dire en toute sincérité que nous sommes les partisans ardents de la création d'un seul parti du prolétariat, dans le but d'en finir avec la scission organique. Notre camarade Dimitrov a dit à cette tribune dans quelles conditions et circonstances un tel parti pourrait être organisé. La réalisation du front unique sera un pas sérieux vers l'unité organique.

Si les militants social-démocrates et, plus particulièrement, les militants de gauche, ont peur que nous les trompions au cours de ce processus, nous leur déclarons que la réalisation de l'unité organique de la classe ouvrière en un parti révolutionnaire unique fondé sur le marxisme implique une démocratie prolétarienne réalisée de la base au sommet; car la condition nécessaire de la création d'un parti unique est le centralisme démocratique.

Bien que la question centrale du front unique se ramène aux rapports avec la social-démocratie, nous n'entendons pas, cependant, réduire le front unique à une entente avec la social-démocratie. Nous voulons réaliser aussi le front unique avec les syndicats catholiques ouvriers et avec les syndicats chrétiens dont certains sont encore restés en liaison entre eux.

Les fascistes veulent affaiblir encore davantage tout le prolétariat par la destruction de ces organisations catholiques. Nous devons chercher à conclure aussi des accords concrets avec les camarades catholiques pour la défense des organisations ouvrières semi-confessionnelles. Et si, malgré la lutte, l'on ne peut leur conserver un statut légal, nous proposerons à ces ouvriers de se grouper avec nous pour mener une lutte organisée à l'intérieur des organisations fascistes.

Nous constatons qu'en Allemagne un profond état d'esprit d'opposition et même de lutte existe parmi la jeunesse, et que nous avons ainsi toutes les conditions nécessaires pour créer un vaste mouvement d'opposition de la jeunesse, embrassant tous les éléments mécontents du régime hitlérien. Créer et développer ce mouvement à la base, au moyen de négociations avec les dirigeants, à l'aide d'un travail invisible, méthodique, systématique, dans toutes les organisations qui groupent la jeunesse, telle est la nouvelle tâche principale du Parti communiste et des JC dans le domaine du travail parmi les jeunes.

C'est seulement à condition de développer aussi largement ce travail que les JC pourront, en tant que noyau agissant, consolider sur la base d'un large mouvement de la jeunesse leurs propres organisations et améliorer et assurer les formes illégales de leur travail.

Les JC doivent adapter à cette ligne politique leur langage et leurs formes d'organisation. En Allemagne, la base fondamentale de la forme d'organisation des JC c'est à côté de la cellule d'entreprise, la cellule à l'intérieur des organisations fascistes de masse.

Nous observons en général parmi les ouvriers social-démocrates et parmi la jeunesse favorable à l'opposition une certaine déviation sectaire à l'égard du travail à faire dans les organisations fascistes de masse. Raison de plus pour nous efforcer de surmonter chez nous cette attitude sectaire.

Nous avions mené faiblement et parfois d'une façon erronée notre travail dans les syndicats réformistes pendant les dernières années de notre existence légale, avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Bien que le camarade Thaelmann eût toujours lutté pour qu'on travaille dans les syn­dicats réformistes et qu'il eût combattu toutes les déformations sectaires de la politique de l'OSR, il n'y avait pas eu d'amélioration réelle, sérieuse du travail à l'intérieur des syndicats réformistes. Et lorsque le fascisme se fut emparé de force de ces syndicats et qu'il les eut intégrés au "Front du travail", nous jouâmes encore une fois en quelque sorte le rôle de spectateurs. Beaucoup de nos camarades croyaient indigne d'un communiste de travailler à l'intérieur du "Front du travail", pensant que les ouvriers considèreraient cela comme une trahison à l'égard de la cause du prolétariat. Lorsque les communistes furent contraints par les fascistes, dans de nombreuses entreprises, d'adhérer au "Front du travail", ils en sabotèrent les réunions ou y gardèrent un silence obstiné pour bien montrer leurs sentiments de mépris et de haine. Mais de cette manière nous avons laissé échapper la possibilité d'influencer les masses qui y sont, cependant que les fascistes se livraient à une campagne déchainée et systématique, en attisant les préjugés nationalistes et chauvins.

Nous faisons en Allemagne de la propagande pour le mot d'ordre: "Rétablissez les syndicats libres". Nous organisons cette reconstitution des syndicats, et déjà nous avons quelques succès.

Toutefois, cette reconstitution, qui se fait sous le pénible régime de l'illégalité, est ralentie par l'absence d'un large front unique. D'autre part, nous constatons que l'effort tendant à la création du front unique doit être concentré avant tout sur un point: le travail de masse commun, à l'intérieur des organisations fascistes de masse. Mais pour y arriver, nous devons rejeter toutes les formules qui nous arrêtaient à mi-chemin, autrement dit, toutes les formules “suivistes”. Par exemple, nous ne déclarions que timidement jusqu'ici qu'il fallait nous servir des possibilités légales et semi-légales au lieu de dire ouvertement et hardiment: le travail mené à l'intérieur des organisations fascistes de masse doit être notre principale méthode de travail.

Je suis fermement convaincu que si nous avions la possibilité de faire occuper des milliers de postes de sous-officiers dans l'armée allemande par nos partisans, ceux-ci n'hésiteraient pas à les accepter. Pourquoi donc ne nous décidons-nous pas à mener une lutte vraiment intelligente pour l'occupation des postes subalternes dans les organisations fascistes de masse? Là encore il faut rejeter toutes les formules qui, jusqu'à présent, entravaient, rétrécissaient notre travail.

Le camarade Dimitrov a déjà dit qu'au fur et à mesure de l'application de la tactique du front unique, le danger de droite irait en grandissant. Mais la peur du danger de droite ne doit pas nous empêcher de suivre une politique juste. Quand on sait que le danger  de droite peut se manifester et lorsque le Parti est sur ses gardes, ce danger diminue déjà dans une certaine mesure.

C'est à juste titre que le camarade Dimitrov déclare dans son rapport que la politique du front unique largement appliquée suppose et exige une lutte idéologique renforcée contre le réformisme. Notre Parti doit apprendre à unir la propagande inlassable de la doctrine de Marx, Engels, Lénine et Staline à l'art de mettre en pratique cette doctrine au cours de l'application de la politique du front unique et du front populaire.

A l'heure même où siège notre congrès, les fascistes d'Allemagne, devant le mécontentement croissant des masses et l'aggravation des désaccords au camp de la bourgeoisie, se voient obligés de masquer leur politique antipopulaire en adressant des avertissements à la réaction prétendument écrasée qui “veut relever la tête”.

Mais cette phraséologie anticapitaliste deviendra le talon d'Achille du régime fasciste si nous savons tourner contre les fascistes leur propre organisation au cours de notre travail à l'intérieur des organisations fascistes de masse.

Se borner à dénoncer cette phraséologie du dehors, ce serait agir en sectaires, ce serait borner nos possibilités et renoncer aux grandes possibilités du travail parmi les masses.

L'ennemi nous livre lui-même les moyens de développer un vaste front unique en nous permettant de retourner contre lui, dans le cadre des questions concrètes de tous les jours, sa démagogie anticapitaliste.

La phraséologie anticapitaliste des fascistes est complétée par une démagogie sociale fortement développée et très souple. "La force dans la joie", "Les secours d'hiver", "Les ateliers coquettement décorés", les appels faits à l'usine, les jurys d'honneur sont autant de moyens utilisés par cette démagogie.

Là encore, il ne suffit pas de stigmatiser ces moyens, de les traiter d'escroquerie, mais il faut nous en servir pour rendre actifs les ouvriers.

Mais de telles méthodes de lutte ne peuvent pas être apportées du dehors en général, on ne peut les développer qu'à l'intérieur des organisations fascistes de masse. Si l'action est bien orientée vers le but visé, nous pourrons transformer rapidement toute démagogie sociale de fac­teur de mensonge en facteur de la lutte de classe. Je me bornerai à trois exemples.

Les fascistes entreprirent une campagne d'encouragement des mariages en versant des primes aux nouveaux-mariés. Eh bien, au lieu d'exiger pour tous 1es jeunes ménages le paiement de ces primes, l'augmentation de leur taux, l'avance de prêts sans intérêts, nous nous bornions souvent à écrire que tout cela était une seule et même façon de duper les nouveaux mariés.

Le "Front du travail" organise des excursions de vacances pour un petit nombre d'ouvriers, afin de les corrompre et d'inspirer des illusions aux travailleurs. Au lieu de populariser cette revendication: tous les ouvriers doivent avoir des vacances payées et suffisantes, le séjour gratuit dans les sanatoriums, une allocation spéciale des vacances, nos journaux se sont fréquemment bornés à constater que c'était simplement une escroquerie sociale.

Un beau jour les fascistes ont lancé une campagne pour "orner le lieu du· travail". Eh bien, au lieu de profiter de cette propagande pour faire formuler dans les entreprises des revendications systématiques, nous nous sommes contentés de nous moquer de cette démagogie social-fasciste.

La démagogie sociale est l'arme dont les fascistes se servent constamment contre la classe ouvrière pour essayer de désarmer le prolétariat. Faisons en sorte que ces coups de la démagogie sociale frappent les fascistes eux-mêmes, par ricochet.

La ligne principale de notre lutte contre la démagogie fasciste doit tendre à l'utiliser pour éveiller les besoins des masses, pour formuler tous les vœux et toutes les revendications des masses et pour les conduire à la lutte en faveur de leurs propres revendications.

Le chauvinisme gagne non seulement la grande masse des partisans du régime fasciste, il a séduit aussi des parties de la classe ouvrière. Il est bien vrai que les antagonismes de classe, l'exploitation et l'oppression empêchent ces idées chauvines de s'enraciner solidement dans les masses.

C'est de notre travail que dépend la réponse à cette question: les masses sauront-elles reconnaitre la vraie physionomie du chauvinisme sous le voile qui la dissimule et rester entièrement réfractaires aux excitations chauvines? Le mécontentement et la méfiance ne sont pas une garantie suffisante, si les masses ne voient clairement dans quelle direction doit être dirigé le coup.

Il faut combattre toutes les manifestations et toutes les nuances du chauvinisme. La première condition préalable, pour cela, est de dénoncer systématiquement la catastrophe de guerre où le fascisme entraine le pays. La deuxième est que les communistes doivent s'attaquer à une théorie social-démocrate très répandue en Allemagne et selon laquelle le fascisme ne pourra être écrasé qu'au cours d'une guerre et avec l'aide de forces extérieures. Le seul résultat de cette théorie c'est que, poussés par leur impatience révolutionnaire, les ouvriers se mettent à souhaiter que la guerre éclate au plus tôt: ils ne mènent plus, alors, une lutte assez sérieuse contre les fauteurs de guerre fascistes et contre la propagande effrénée du chauvinisme parmi les masses.

La troisième condition préalable est celle-ci: notre Parti ne doit pas oublier la nécessité de dénoncer inlassablement la dangereuse duplicité diplomatique des chefs fascistes, qui trouve son expression la plus saillante dans la contradiction entre les déclarations pacifiques des dirigeants et la propagande franchement belliciste menée par les bureaucrates subalternes, corrompus.

Partant des besoins et des misères de la vie quotidienne, du désir plus en plus fortement manifesté chez les masses de conquérir des libertés démocratiques, nous pourrons faire converger les sentiments des masses par des dizaines de milliers de canaux vers ce point unique: la lutte pour les libertés démocratiques.

C'est là le principal maillon qu'il importe de saisir au cours de notre lutte pour le renversement de la dictature hitlérienne, et c'est une étape qui ne peut être sautée. Mener cette lutte par des moyens légaux cela revient à l'introduire dans toutes les organisations de masse du fascisme. Tel est le seul chemin qui conduit au front populaire antifasciste.

Camarades, chaque fois que les difficultés du régime fasciste grandissent en Allemagne, que la population travailleuse exprime son mécontentement sous les formes les plus diverses et que les discordes s'accentuent dans le parti fasciste “totalitaire”, chaque fois, cette situation s'accompagne des plus sauvages pogroms antisémites. Les fascistes veulent terroriser ainsi la population et la mettre à leur discrétion. Les pogroms juifs sont organisés et exécutés par le Parti national-socialiste et par les autorités publiques. Au cours de ces pogroms on fausse et on déforme la volonté du peuple.

Nous, communistes, qui somme les amis de tous les opprimés, et par conséquent aussi des Juifs allemands, nous avons pu organiser à beaucoup de reprises, ces temps derniers, une lutte directe contre ces pogroms. Nous avons toujours rencontré dans cette action la plus grande solidarité auprès de tous les honnêtes gens. La lutte contre les sauvages pogroms juifs peut être énergiquement appuyée sur la solidarité de tous les hommes, dans le monde entier, qui ont des sentiments d'humanité.

Camarades, le fascisme allemand a grimpé au pouvoir sur le dos de la petite bourgeoisie, en dissimulant sa vraie figure sous le masque de représentant de la petite bourgeoisie. C'est pour cela que la social-démocratie s'est imaginée que le fascisme était un mouvement des classes moyennes et que le camarade Remmele est arrivé à la conclusion que le fascisme était le pouvoir du lumpenprolétariat.

La petite bourgeoisie croyait que la victoire de Hitler la sauverait du processus gigantesque de prolétarisation.

Mais la situation de la petite bourgeoisie continue à s'aggraver sous le fascisme. La petite bourgeoisie est profondément désabusée, même désespérée, et cherche donc une orientation nouvelle. Nous devons la lui donner.

C'est dans ce secteur de notre travail, en Allemagne, que nous sommes obligés de constater les plus grandes lacunes. Nous avons proclamé le mot d'ordre du front populaire antifasciste, mais nous sommes encore loin de l'avoir développé d'une façon adéquate à la situation concrète actuelle et aux diverses couches des masses travailleuses.

Autrefois, nous nous bornions à affirmer que le capitalisme impérialiste détruit la petite bourgeoisie et la rejette dans les rangs du lumpenprolétariat ‑ dans la mesure, d'ailleurs, où nous en parlions; aujourd'hui, nous devons tenir un langage positif et dire: nous, communistes, voulons vous empêcher vous tous, paysans, artisans, petits détaillants et intellectuels, de tomber dans les rangs du prolétariat et dans les rangs du lumpenprolétariat, parce que cela n'est pas conforme aux intérêts du prolétariat.

Nous voulons vous épargner cette chute par le moyen d'une lutte commune pour une véritable prospérité nouvelle. Engels disait[4]:

Plus grand sera le nombre de paysans que nous n'aurons pas laissés tomber au rang du prolétariat et que nous aurons gagnés à notre cause encore en tant que paysans, et plus vite et plus facilement s'accomplira la transformation sociale.

Hitler a déclaré au Reichstag que nous, communistes, nous voulons un nivèlement inculte. Nous opposons à cette calomnie l'exemple de l'Union soviétique où paysans et ouvriers ont obtenu une vie aisée, où les forces créatrices individuelles de chacun se réveillent et se développent amplement.

Nous ne tolérons pas que ce mécontentement des masses soit capté par les groupes d'opposition de la grosse bourgeoisie, et utilisé de nouveau dans l'intérêt de la bourgeoisie contre le prolétariat. À cet effet, nous réaliserons pratiquement l'alliance des ouvriers, des paysans et de la petite bourgeoisie des villes contre les magnats de la finance. Tel est le problème fondamental de la politique du front populaire.

Le rayonnement du front unique prolétarien sera l'aimant qui attirera les classes moyennes travailleuses. Notre Parti frère français nous a donné un exemple de lutte pour le front unique. Non seulement nous suivons avec un vif intérêt le développement de ce mouvement en France, mais nous pouvons déclarer aux représentants de notre Parti frère qui sont dans cette salle que les répercussions de leurs succès facilitent notre travail en Allemagne.

En Allemagne, certains chefs social-démocrates se sont élevés contre le front unique en prétendant qu'il rebuterait les couches moyennes. Mais le front unique en France a démontré exactement le contraire.

Nous devons nous rapprocher hardiment de toutes les organisations d'opposition hostiles au régime fasciste qui groupent des ouvriers ou d'autres travailleurs. Le Comité central du PCA a l'intention d'agir de même au faîte.

Nous devons faire comprendre aux millions de travailleurs catholiques dont les droits et les intérêts ont été durement frappés par l'interdiction des jeunesses catholiques, par l'interdiction de la presse catholique, par les poursuites contre les associations artisanales et le clergé catholique, que nous sommes avec eux dans la lutte contre les répressions et les mesures de violence fascistes. Nous voulons ici nous débarrasser de toute étroitesse libre penseuse.

La création d'un vaste front antifasciste en Allemagne est impossible si l'on n'aborde pas d'une façon judicieuse les questions de la lutte de l'Église et de l'opposition catholique.

Si la lutte des membres des organisations catholiques, hommes, femmes, jeunes, n'est pas poussée au-delà du cadre des conflits confessionnels, si elle n'est pas orientée vers le but politique du renversement de la dictature fasciste, elle risque d'être dispersée ce qui ne profiterait qu'aux Hitler, aux Rosenberg, aux Streicher. C'est pourquoi les communistes doivent organiser le contact avec les masses catholiques.

Jusqu'à présent, nous n'avons pas su, sous le régime de la dictature hitlérienne, faire un travail de masse parmi les plus importantes couches intermédiaires de la paysannerie allemande, bien que les mesures de la dictature fasciste aient mis en effervescence les paysans et que notre Parti frère polonais nous ait donné nombre d'exemple et d'indications précises par sa politique efficace du travail mené parmi les paysans.

Ce qui est très important pour développer le front populaire en Allemagne et gagner à nous les couches moyennes, les intellectuels, etc., c'est de leur prouver que nous accueillons, que nous défendons et développons non seulement tout ce qu'il y avait de positif dans l'œuvre de l'ancienne social-démocratie révolutionnaire et de la IIe Internationale, mais aussi tout ce que la culture bourgeoise a créé de positif. C'est chez .les camarades français que nous devons apprendre à ranimer les traditions révolutionnaires.

Même dans les conditions les plus difficiles de l'illégalité, nous devons montrer aux intellectuels, aux savants, aux artistes que nous qui combattons pour la libération révolutionnaire du prolétariat, nous sommes aussi les défenseurs les plus sûrs de la culture et du progrès.

Pour montrer aux masses travailleuses d'Allemagne, écrasées sous le joug du régime fasciste, des perspectives réalisables, nous, communistes, déclarons:

Premièrement, que nous sommes prêts à marcher coude à coude avec tous ceux qui veulent changer les formes de la domination fasciste, avec tous ceux qui veulent renverser le gouvernement national-socialiste ;

Deuxièmement, que nous recherchons l'alliance de toutes les couches et organisations qui veulent se grouper en un front populaire antifasciste pour le renversement de la dictature fasciste;

Troisièmement, que nous faisons· tous nos efforts pour réaliser le front unique le plus dense avec toutes les organisations ouvrières qui veulent le renversement du système capitaliste.

La lutte pour les droits et les libertés populaires démocratiques, tel est le but immédiat autour duquel nous voulons et pouvons réunir et mettre en mouvement tous ceux qui, pour le moment, ne veulent pas aller plus loin.

La terreur fasciste engendre dans les masses un sentiment de solidarité élémentaire. Ce sentiment, ce désir ardent d'entraide est un important point initial pour la politique du front unique et du front populaire.

Malgré toutes les excitations chauvines, la majorité du peuple veut, aujourd'hui aussi, le maintien de: la paix. C'est là un autre point initial important pour la création du front unique et populaire.

Nous devons montrer aux masses, en Allemagne, le chemin des libertés démocratiques. Nous devons leur montrer en quoi devront consister ces libertés démocratiques futures et comment nous pouvons les assurer. Nous, communistes, nous commettons fréquemment une faute essentielle. Il arrive souvent qu'à un moment peu propice nous voulons faire du mot d'ordre stratégique de notre Parti, de notre classe, du mot d'ordre de la dictature du prolétariat, le mot d'ordre principal pour tout le peuple.

À l'heure actuelle, en Allemagne, ce mot d'ordre ne peut être mis en avant que comme un mot d'ordre d'orientation stratégique au sein du prolétariat lorsque nous discutons avec des ouvriers et des militants social-démocrates sur les principes de la lutte de classe du prolétariat. Là encore il importe, surtout, de faire preuve de souplesse dans l'application de la tactique du front populaire contre le fascisme, et d'exploiter les désaccords au sein du camp de la bourgeoisie.

Par exemple, nous disons à la population de Danzig: "Nous, communistes, sommes pour la collaboration et la lutte commune de tous les adversaires du sénat fasciste". Si le gouvernement est renversé à la suite d'un plébiscite basé sur un tel front de lutte, nous soutiendrons toutes les mesures conformes aux intérêts du peuple.

Nous disons aux social-démocrates et au Parti catholique, au Parti du Centre et à tous les groupements d'opposition de Danzig que nous ferons tous nos efforts pour réaliser le front populaire antifasciste, à Danzig, avec leurs organisations. Nous sommes prêts à formuler des propositions pour un programme revendicatif de lutte commune. Une fois l'accord réalisé, un large front populaire antifasciste créé, le mouvement de lutte aura acquis la force nécessaire, et nous nous prononcerons alors, selon les circonstances, pour le lancement du mot d'ordre: instaurons un gouvernement du front populaire antifasciste.

Ainsi, nous dirons à la population de Danzig: "Nous, communistes, voulons la collaboration et la lutte commune de tous les adversaires des actes fascistes. Le nouveau gouvernement, nous le voulons en conformité avec les intérêts du peuple."

Camarades, il nous arrive d'entendre des conceptions abstraites sur le renversement de la dictature fasciste. Selon l'une, le système capitaliste s'écroulerait en même temps que serait renversé le fascisme. Sans doute, notre but est de parvenir à ce résultat. Mais considérer cela comme fa seule éventualité possible, c'est risquer de rétrécir la politique du front populaire pour le renversement de la dictature fasciste.

Suivant une autre conception, une sorte de période Kérenski devra inévitablement succéder au renversement de la dictature hitlérienne. Cette conception est tout aussi erronée. Dans sa rigidité elle comporte le danger de ne pas s'orienter d'une manière vraiment révolutionnaire vers les couches moyennes, d'estomper la ligne de classe, de ne pas voir que les couches intermédiaires de la population doivent être aussi nos alliés dans le renversement du capitalisme.

Nous devons tendre vers la première de ces perspectives, sans toutefois perdre de vue la seconde.

Cela exige une tactique infiniment souple de notre part, en même temps qu'une fermeté de principe dans. la réalisation de nos tâches. Nous ne devons tolérer aucune confusion dans notre lutte pour le front unique et pour le front populaire, quant au rôle du Parti communiste dans le front unique et au rôle de la classe ouvrière qui doit avoir l'hégémonie dans le front populaire.

De nombreux camarades ont cité à la tribune de ce congrès les actes d'héroïsme de nos combattants dans les différents pays. Le sanguinaire fascisme allemand lui-même est obligé de reconnaitre cet héroïsme, la rage au cœur. Nous ferons tous nos efforts pour faire sortir cet héroïsme du cadre étroit du travail illégal et pour l'orienter vers le développement du plus vaste travail de masse.

Des garanties doivent être créées pour la réalisation efficace de cette grande œuvre, pour l'application de cette ligne politique, à tous les échelons. Ces conditions consistent, selon moi, dans une ligne politique unique, dans un effort collectif pour la suppression des erreurs et des faiblesses, dans un style stalinien de notre travail adapté à la situation, dans le choix et la répartition des militants, en les subordonnant à la nature des tâches à accomplir, dans la sollicitude à l'égard des cadres pour les aider à surmonter leurs erreurs et à se développer.

Nous savons que cette ligne politique correspond à l'esprit et aux vœux de Thaelmann. Dans la situation difficile où nous nous trouvons, nous sommes obligés de réaliser cette politique importante sans notre chef. Le camarade Thälmann a inculqué à notre Parti la fière conviction que toutes les fois que des difficultés se dressent sur son chemin, le PCA trouve invariablement l'aide et les conseils les meilleurs auprès de l'Internationale communiste.

Le fascisme allemand a tourné toute sa haine précisément contre cette pierre angulaire de notre internationalisme.

Nous sommes fiers de la superbe défense qu'a prise le camarade Dimitrov de l'honneur de notre Parti devant le tribunal de Leipzig. Nous sommes fiers de ce que l'Internationale communiste a élu notre cher captif Ernst Thaelmann, président d'honneur du VIIe congrès mondial. Nous sommes fiers d'être étroitement unis à l'Internationale communiste et à son grand chef, le camarade Staline.

 

 

 

 

 

Notes



[1].       [321ignition] Les annotations sont formulées par nous en tenant compte d'éventuelles notes figurant dans la source.

[2].       L'organisation “Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold” (Bannière du Reich Noir-Rouge-Or) est une organisation de masse proche du SPD, fondée en 1924 par ce parti ensemble avec le Parti du centre (Zentrumspartei, Zentrum), le Parti démocratique allemande (Deutsche Demokratische Partei, DDP) et quelques petits partis, ayant comme but la protection de la République contre les activités d'extrême droite et aussi du KPD. De la fondation jusqu'en 1931, le président est Otto Hörsing (SPD). Les couleurs noir-blanc-rouge constituaient à partir de 1867 le drapeau de l'Union allemande du Nord [Norddeutscher Bund], puis servaient de 1871 à 1919 ainsi que de 1933 à 1945 comme couleurs de l'Empire allemand. En 1919 l'Assemblée nationale de Weimar décide que les couleurs nationales sont noir-rouge-or, mais les groupes monarchistes, conservateurs et national-socialistes continuaient à arborer les couleurs noir-blanc-rouge.

[3].       Forces armées de l'Allemagne.

[4].       F. Engels: La Question paysanne (en allemand).