Analyses

Description : F:\Werner\orig\02_inet\Ignition\site\img\pag\entete.jpg

Accueil

 

Agitprop

English

Art

Français

Références

Español

Présentation

Plan site

 

 

 

 

 

Français   >   Références   >

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

13e Plenum du Comité exécutif
de l'Internationale communiste
(Décembre 1933)

Dmitrij Zaharovič Manuilʹskij
La crise révolutionnaire, le fascisme et la guerre

5 décembre 1933

 

 

Source:

D. Z. Manouilski: La crise révolutionnaire, le fascisme et la guerre; Paris, Bureau d'éditions, 1934 [1].

Le document en allemand 

 

 

 

 

 

 

Établi: octobre 2017

Version imprimable
Documents de l'Internationale communiste ‑ Sommaire

 

 

 

 

 

 

L'objectif de la présente Assemblée plénière consiste premièrement à examiner ce qui s'est passé de nouveau depuis la 12e Assemblée plénière aussi bien dans le développement de la crise mondiale que dans la situation mondiale en général; deuxièmement à analyser les changements survenus durant cette dernière année dans le rapport des forces entre les classes, aussi bien à l'intérieur des pays capitalistes que dans l'arène internationale; troisièmement, à faire, sur la base de cette analyse, le calcul exact des forces de la révolution et de la réaction. Les partis communistes attendent de l'Assemblée plénière des réponses aux questions suivantes: que représente le stade actuel du développement mondial; quel est le poids, à ce stade, d'une part des éléments de la crise révolutionnaire et, d'autre part, des éléments du fascisme et de la guerre impérialiste; l'arrivée du fascisme au pouvoir en Allemagne a-t-elle interrompu la maturation des éléments de crise révolutionnaire existant dans ce pays; comment s'exprime concrètement, au stade actuel du rapport des forces de classe, la maturation de la crise révolutionnaire mondiale.

Enfin, et quatrièmement, l'Assemblée plénière doit indiquer les tâches principales du mouvement communiste international en accord avec l'analyse exacte des forces en présence, de la révolution et de la réaction.

I

Ce qu'il y a de nouveau dans la situation internationale

Voici ce qu'il y a de nouveau dans le développement de la crise économique mondiale:

1. Dans certains pays capitalistes (États-Unis, Japon, Allemagne), on a constaté, durant l'été de 1933, une certaine animation de la conjoncture économique, due premièrement à un accroissement des commandes de guerre; deuxièmement, à la pratique de l'inflation; troisièmement, à des mesures gouvernementales des tinées à relever artificiellement et même pour un très court délai, la production et les prix. Ce relèvement ne dura en tout que quelques mois et fut suivi, aux États-Unis, d'une nouvelle chute rapide de la production et des prix industriels. Cependant, il faut remarquer que cette nouvelle chute n'a pas encore atteint le point le plus bas qui caractérisait, dans le passé, le développement de la crise.

2. L'enchevêtrement de la crise économique mondiale avec la crise générale du capitalisme est allé si loin que, bien que la possibilité d'amélioration, pour certaines conjonctures, ne soit pas exclue, la ligne principale du développement du capitalisme mondial, qui détermine sa crise générale, s'abaissera cependant. Des millions de gens comprennent de plus en plus claire ment que le capitalisme ne peut pas revenir à la situation qu'il avait avant la crise, que la "prosperity" ne fut qu'un bref épisode de la stabilisation capitaliste. En liaison avec cela, d'une part la crise se "politise" de plus en plus et, d'autre part, elle fait apparaître, de plus en plus violemment, en tant que facteurs de destruction du système capitaliste, les indices de la crise générale du capitalisme: le fascisme, la guerre, le mouvement révolutionnaire de masse.

3. Les efforts de la bourgeoisie pour sauver la société capitaliste de la mort (plan Roosevelt, conférence d'Ottawa, autarchie économique), s'ils donnèrent par fois et à certains endroits des améliorations temporaires de la conjoncture, se sont avérés impuissants à liquider la crise générale du capitalisme. Les hommes d'État, magiciens à la recherche de moyens pour guérir un régime voué à la perte, rappellent de plus en plus le banquier suisse Necker, à la veille de la grande Révolution française.

4. Durant l'année écoulée, les éléments du fascisme et de la guerre ont mûri beaucoup plus rapidement que les éléments de la crise révolutionnaire. Et cependant la crise révolutionnaire, qui était mûre seulement dans certains pays capitalistes au moment de la 12e Assemblée plénière de l'I.C., se trouve maintenant dans la voie de sa transformation en crise révolutionnaire de tout le système mondial du capitalisme. Cela ne signifie pas que cette crise révolutionnaire embrasse en même temps tous les pays capitalistes. Cela signifie seulement que la quantité des changements amenés par la crise économique dans l'économie capitaliste mondiale entraînera un tel changement qualitatif que bien que la crise révolutionnaire puisse ne pas exister dans tel ou tel pays, cependant la crise révolutionnaire de tout le système du capitalisme mondial sera devenue un fait. Cette crise révolutionnaire se développera sur la base d'un approfondissement et d'une aggravation ultérieurs de la crise générale du capitalisme. La liaison dialectique interne des processus de maturation de la crise, du fascisme et de la guerre dépend des changements extrêmement rapides, dans le rapport des forces de classe. Le fascisme, en présence d'une résistance insuffisante de la part des travailleurs se développe en guerre impérialiste, et la guerre impérialiste, si elle ne se transforme pas en révolution prolétarienne victorieuse, engendre le fascisme, comme l'indique l'exemple de l'Italie. D'un autre côté, la guerre impérialiste entraînera la révolution (exemple: la Russie tsariste et les Empires centraux) et la révolution provoque l'attaque du monde capitaliste comme l'indique l'expérience de l'intervention. Et s'il y a aujourd'hui des forces qui empêchent la guerre impérialiste, c'est la menace de la révolution prolétarienne et la peur de la bourgeoisie devant l'U.R.S.S.

5. La préparation fébrile des États capitalistes à de nouvelles guerres impérialistes a créé une atmosphère pré-guerrière. C'est maintenant que donnent leurs fruits les années de travail secret des états-majors de la Société des nations en tant qu'instrument des guerres impérialistes, de propagande dissolvante faussement pacifiste de la social-démocratie, qui préparait la guerre. Tout ce qui caractérise l'atmosphère pré-guerrière existe en fait: rupture des traités et accords internationaux (violation des engagements de Versailles et de Washington); accroissement des armements, connus et secrets; militarisation de la vie économique et sociale des pays capitalistes; renforcement de la réaction politique. La guerre économique, prélude de la guerre impérialiste, bat son plein. Le fascisme par son agitation chauvine effrénée, sa propagande de la haine nationale sauvage crée une atmosphère psychologique propice à de sanglantes batailles; une croisade est dirigée contre les communistes, les manifestations du mécontentement des masses sont étouffées avec une dureté impitoyable, la dictature de la bourgeoisie prend de plus en plus un caractère terroriste, ce qui rend possible pour la bourgeoisie de courir le risque de jeter encore une fois les peuples dans une tuerie sanglante. Et les masses travailleuses du monde entier doivent savoir qu'une nouvelle guerre impérialiste accélérera, dès le premier jour, le processus de fascisation de tous les États capitalistes; qu'elle créera une atmosphère de réaction dans laquelle il sera difficile de respirer, si les travailleurs ne mettent fin au régime capitaliste avant qu'il ne les entraîne dans une catastrophe guerrière.

Mais l'événement le plus important de cette dernière année est l'arrivée des fascistes au pouvoir en Allemagne. La portée de cet événement est très grande. D'abord, l'établissement de la dictature fasciste en Allemagne a refoulé dans l'illégalité, dans une illégalité extrêmement pénible, inconnue encore dans l'histoire, un des plus forts partis de l'I.C. Ce parti était suivi par des millions de travailleurs. Parmi ceux des pays capitalistes, c'était le parti qui était le plus près de la conquête de la majorité de la classe ouvrière. Ce fait seul ne nous permet pas de laisser de côté cet événement sans tirer, pour toutes les autres sections de l'I.C., les leçons de l'agression du bourreau du prolétariat allemand. L'établissement du fascisme en Allemagne a amené un regroupement de forces parmi les puissances capitalistes; il rapproche considérablement le déclenchement de nouvelles guerres impérialistes; non seulement il frappe le prolétariat allemand, mais encore sa pointe est dirigée contre le foyer du bolchévisme mondial, l'U.R.S.S. Il a entraîné dans l'orbite du fascisme toute l'Europe centrale; il a accéléré le processus de fascisation dans tous les pays capitalistes, en y renforçant le vent de la réaction qui porte, dans ses tour billons convulsifs, la tempête révolutionnaire. L'As semblée plénière ne peut laisser de côté cet événement pour cette raison encore que dans l'esprit du prolétariat mondial, il a provoqué une énorme révision des valeurs, bien qu'à une échelle moindre que pendant la guerre mondiale, mais une révision qu'il ne faut pas sous-estimer. Il a accéléré le processus de désagrégation de la social-démocratie internationale, - ce qui constitue encore un fait nouveau dans le développement politique qui a suivi la 12e Assemblée plénière. Les succès de l'édification socialiste en U.R.S.S. d'une part, la crise économique des pays capitalistes de l'autre, ont eu comme conséquence la crise de la social-démocratie. La banqueroute de la social-démocratie allemande en face du fascisme, à côté de la préparation fébrile du monde capitaliste à une guerre impérialiste, ont transformé cette crise en commencement de désagrégation de la 2e Internationale.

Mais l'instauration de la dictature fasciste en Allemagne a amené certaines hésitations dans les chaînons les plus faibles des partis communistes. En France comme en Angleterre, en Tchécoslovaquie, en Suisse, en Autriche et même en Allemagne, il y eut des gens qui ne trouvèrent pas la force de supporter cette épreuve. La position envers la question allemande est devenue la pierre de touche du degré de bolchévisation des sections de l'Internationale, de leur endurance bolchévik, de leur capacité de marcher la tête haute parmi les tournants rapides des événements qui accompagnent inévitablement la fin de la stabilisation capitaliste. Et il faut constater, à cette Assemblée plénière, avec la plus grande satisfaction, que les sections de l'I.C. ont supporté l'épreuve avec honneur. Pensez, camarades, à ce que cela eût été, il y a quelques années, quand la bolchévisation des sections de l'I.C. subissait des crises successives! Un événement de cet ordre aurait sûre ment amené une profonde crise au sein de l'I.C. Alors qu'aujourd'hui, non seulement le P.C. allemand n'a pas subi de crise, mais il est encore bien plus héroïque et il tient plus haut encore le drapeau trempé dans le sang de ses meilleurs fils, des meilleurs lutteurs de la classe ouvrière. Rien que la conduite de Dimitrov au procès de Leipzig fait battre fièrement nos coeurs à la pensée que les Dimitrov ont été forgés par notre parti communiste international; que des dizaines de milliers de communistes allemands forcent l'admiration même de leurs ennemis, par leur courage, leur dévouement inébranlable à la cause de la révolution prolétarienne mondiale. Et à côté de cet héroïsme de masse, apparaît encore plus honteuse la désertion des Remmele et des Neumann qui reflètent dans leur ligne politique la dé moralisation des couches d'ouvriers arriérés qui suivaient auparavant la social-démocratie et qui furent désorientés lorsque la social-démocratie allemande capitula devant le fascisme. Engels a écrit: "Le mouvement du prolétariat passe inévitablement par différents degrés de développement et à chacun de ces degrés s'embourbent des gens qui ne peuvent pas aller plus loin." (Engels. - "Lettre à Bebel", du 20 juin 1873.) Remmele comme Neumann se sont embourbés dans le marais social-démocrate; ils se sont embourbés parce qu'ils voulaient, d'une façon criminelle, utiliser les coups portés à la classe ouvrière allemande pour dénigrer le Parti et sa direction bolchévik.

Il ne fait pas doute que la ligne du P.C. allemand et de son chef, Thaelmann, fut absolument juste lorsqu'il n'accepta pas la lutte ouverte et armée contre les bandes fascistes. Aujourd'hui on voit, par le procès de l'incendie du Reichstag, que les bandits fascistes comptaient provoquer cette lutte, afin de décapiter physiquement l'avant-garde de la classe ouvrière allemande. C'est également ce que voulaient la social-démocratie allemande et toute la 2e Internationale, lorsqu'elles repoussèrent les propositions de front unique de lutte contre le fascisme faites par l'I.C. le 5 mars. Amener les communistes allemands sous la hache du fascisme, en finir d'un seul coup avec l'un des détachements d'avant-garde du bolchévisme international, le P. C. allemand, cela répondait aux désirs des Wels. C'est justement pour cette raison que les Wels non disposés à se battre contre le fascisme, repoussèrent les efforts répétés du P.C. allemand pour établir la lutte commune des ouvriers social-démocrates et communistes contre le fascisme.

L'écrasement du Parti de Thaelmann, fidèle à l'T.C., voilà ce que voulait également cette fripouille de Trotski, devenu le principal pourvoyeur d'idées de la réaction internationale. Et ces plans scélérats du fascisme allemand et du social-fascisme envers le P.C allemand sont étroitement liés à toute la position de la 2e Internationale envers le bolchévisme mondial et l'U.R.S.S.

La social-démocratie internationale, de concert avec les Trotski, voudrait la destruction de l'U.R.S.S. par la guerre, car elle sait que la victoire du socialisme c'est la mort de la social-démocratie.

Et si le P.C. allemand, s'appuyant sur une partie du prolétariat, scindé par la social-démocratie, partie encore isolée de la paysannerie et de la petite bourgeoisie des villes, ne disposant d'aucune force armée, avait engagé la bataille contre les bandes fascistes et la Reichswehr réunies, - c'eût été là une pure aventure. C'est justement sur ce point que se basent les accusations de certains défaitistes du P.C. allemand qui disent qu'une fois que la social-démocratie eut repoussé le front unique de lutte, le Parti ne réalisa aucune action non pas même une action armée, mais une action en général. Et ici il devient tout à fait clair que nous avons affaire à des perroquets social-démocrates, qui ont cédé à la pression de la social-démocratie et qui enlèvent à celle-ci sa responsabilité pour la faire retomber uniquement sur le P.C. allemand. Au lieu de clouer au pilori, devant les ouvriers de leur pays, la social-démocratie, qui a abandonné le prolétariat dans la période difficile, qui l'a conduit sciemment, désarmé au point de vue matériel et politique, sous la hache du bourreau fasciste, ces gens-là lancent des pierres au Parti qui a rempli et qui remplit encore courageusement son devoir envers le prolétariat. Ces gens-là sont un obstacle pour la conquête des ouvriers social-démocrates et les démasquer constitue la condition de la lutte victorieuse contre la social-démocratie.

II

LES CHANGEMENTS DANS LES RAPPORTS DES FORCES DE CLASSE

L'arrivée des fascistes au pouvoir en Allemagne a encore une autre importance; c'est celle d'avoir eu une répercussion sur le rapport des forces entre le prolétariat et la bourgeoisie dans les autres pays capitalistes.

La cause de l'assurance que la réaction a dans ses forces doit être recherchée dans la scission de la classe ouvrière, scission provoquée par la trahison de la social-démocratie internationale. C'est la trahison de la social-démocratie qui a permis à la bourgeoisie d'écraser, en 1919-1921, la révolution prolétarienne dans les Empires centraux et de rétablir la stabilisation capitaliste sur des cadavres ouvriers. Aujourd'hui c'est encore elle qui permet à la bourgeoisie de se diriger vers la guerre et l'instauration du fascisme quand ce n'est pas elle qui réalise l'un et l'autre dans les différents pays capitalistes.

La division de la classe ouvrière ne date pas d'aujourd'hui ni de cette dernière année. Il ne s'agit pas ici de changements quantitatifs. Mais ce qui est nouveau, c'est l'importance que revêt la scission de la classe ouvrière devant le fascisme mûrissant et la guerre impérialiste.

Durant la stabilisation capitaliste, la social-démocratie trahissait les grèves, mais il s'agissait pour les ouvriers de défaites partielles. La trahison devant l'attaque fasciste est un coup porté à toute la classe ouvrière. C'est un crime d'une portée historique presque aussi grande que la trahison du 4 août, que l'écrasement, dans le sang, de la révolution prolétarienne en Allemagne.

Il suffit de se représenter une minute ce que serait le monde si la social-démocratie, hypocrite canaille, avait été écrasée au sein de la classe ouvrière, si le mouvement ouvrier international était uni sous la di rection des P.C. et de l'I.C., avec en outre l'existence de l'Union soviétique plus les Soviets chinois. Il n'y aurait alors ni fascisme allemand ni menace de guerre impérialiste.

L'établissement de la dictature fasciste permet à la bourgeoisie de concilier momentanément les intérêts de différents groupes, de réunir ces groupes en un seul poing qui frappe la classe ouvrière, ce qui renforce considérablement la résistance de la bourgeoisie à la révolution prolétarienne. Et à cette bourgeoisie et ces forces de réaction unies, s'oppose une classe ouvrière divisée. Rien que cela change le rapport des forces dans les pays capitalistes, au désavantage du prolétariat.

Cela ne signifie pas que cette dynamique dans le rapport des forces ne peut pas changer et changer très rapidement. Cela se réalise et se réalisera inévitable ment avec une vitesse catastrophique, étant donné les conditions de la fin de la stabilisation capitaliste; mais, en attendant, le développement des tendances fascistes, dans le monde capitaliste, rend plus difficile la lutte du prolétariat. La crise a une grosse répercussion révolutionnaire sur les masses, mais, en même temps, elle crée, surtout parmi la jeunesse, de nombreux cadres de chômeurs dont une partie est aujourd'hui entraînée par le fascisme, grâce à la démagogie sociale éhontée de celui-ci.

L'influence fasciste pénètre de cette façon dans certains groupes du prolétariat.

Si vous tenez compte ensuite des difficultés plus grandes de la lutte gréviste dans les conditions de la crise, de la terreur patronale dans les entreprises, de la pression inouïe exercée sur la classe ouvrière par l'appareil d'État de la dictature terroriste, des grandes difficultés du développement du mouvement ouvrier dans des formes légales, vous verrez alors pourquoi il y a un certain arrêt relatif du mouvement ouvrier dans les pays capitalistes, pendant la période qui sépare la 12e Assemblée plénière de l'I.C. de la 13e et pourquoi le mouvement ouvrier ne s'amplifie pas dans ces pays d'une façon continue.

C'est également dans ces changements qu'il faut rechercher l'explication du fait que le nombre général des adhérents aux partis constituant les sections de l'I.C. n'est pas supérieur aux chiffres indiqués à la 12e Assemblée plénière.

Cela ne signifie pas naturellement que certaines sections n'aient pas augmenté le chiffre de leurs adhérents. Le P.C. chinois, par exemple, a recruté en un an 100.000 membres, ce qui fait monter à 400.000 le chiffre de ses adhérents. Mais il est des sections qui ont, cette année, beaucoup souffert des coups de l'ennemi de classe. Indubitablement, celui qui a le plus souffert c'est le P.C. allemand qui, depuis l'arrivée des fascistes au pouvoir, compte plus de 2.000 tués, 60 à 70.000 emprisonnés dans les camps de concentration, mais qui, cependant, d'après le camarade Pieck, a conservé environ 100.000 membres.

Même si le Parti allemand venait aujourd'hui devant l'Assemblée plénière avec la moitié, le tiers même de ce chiffre, nous devrions encore dire que le P.C. allemand reste une section modèle de l'I.C. Et cette année, ce n'est pas seulement lui, mais, dans une mesure plus ou moins grande, la majorité des sections de l'I.C. qui ont compté des victimes.

Pour les huit premiers mois de 1933, le S.R.I. indique 46.000 assassinés, 160.000 blessés et estropiés et 228.000 arrêtés, parmi les ouvriers et paysans révolutionnaires dont la majorité appartient au P.C. ou aux partisans actifs des idées communistes.

Au Japon, on compte 14.000 arrestations durant ces deux dernières années et 30.000 depuis 1929. Mais c'est là tout un parti!

Il ne faut non plus oublier que cette dernière année de nombreuses sections sont passées soit à l'illégalité, soit à la semi-légalité. Le Parti est interdit non seulement en Allemagne, mais encore en Autriche, etc. La presse communiste est interdite, les syndicats rouges aussi.

Et si, dans les conditions de terreur blanche, les P.C. des pays capitalistes qui n'ont pas d'expérience de l'illégalité, qui se sont développés dans une atmosphère de légalisme bourgeois, se sont repliés dans l'illégalité avec ordre, et ont su, bien qu'avec des difficultés, réorganiser leurs méthodes de travail, c'est là déjà une grande victoire de l'I.C.

Il faut comprendre que la tendance générale du développement, dans les conditions d'un choc inévitable entre deux classes et deux mondes, dont les antagonismes augmentent, mène à un régime où il n'y aura point de place, pour les organisations de la classe adverse, pour ce qu'on a appelé des éléments de liberté démocratique. Impitoyablement, la dictature bourgeoise écrasera, détruira les organisations révolutionnaires de la classe ouvrière et cela est un symptôme caractéristique de la période de révolutions et de guerres.

Les changements survenus dans le rapport des forces de classe dans les pays capitalistes sont liés aussi à un renforcement de l'influence fasciste parmi la paysannerie et la petite bourgeoisie des villes. Seules quelques sections de l'I.C., le Parti bulgare, par exemple, ont su renforcer leur influence parmi la paysannerie, alors que dans la grosse majorité des pays capitalistes la paysannerie suivait jusqu'à présent les partis bourgeois.

Un fait nouveau de cette dernière année c'est que, sous l'influence d'une crise agraire très aiguë, une partie plus ou moins importante de la paysannerie a rejoint, dans certains pays, le camp fasciste.

Ce processus fut accusé encore avec plus de netteté parmi la petite bourgeoisie des villes et les classes moyennes ruinées par la crise. Et ici il faut dire tout à fait franchement qu'il n'y a pas un seul parti, dans les pays capitalistes, qui se soit occupé jusqu'à présent de gagner au prolétariat la petite bourgeoisie des villes ou tout au moins de la neutraliser.

Cependant que le fascisme, s'il n'a pas réussi à con quérir ces réserves du prolétariat, a fait incontestablement un pas en avant dans cette voie.

La force d'attraction du prolétariat envers ces réserves était affaiblie du fait même de la division du mouvement ouvrier international, car la petite bourgeoisie respecte la force, elle penche du côté qui lui impose le plus par sa force.

Enfin, dans les colonies, à l'exception de la Chine, par suite de la différenciation du mouvement national-révolutionnaire, il faut constater cette année, en comparaison des années précédentes, un certain affaiblissement de l'ampleur du mouvement, rappelant peut-être l'accalmie qui précède l'orage, mais en tout cas une accalmie qui permet d'autant plus sauvagement à la bourgeoisie d'attaquer le prolétariat.

Toutes ces circonstances ont sans aucun doute favorisé la maturation beaucoup plus rapide qu'auparavant des éléments de fascisme et de guerre. De plus, elles fournirent à la social-démocratie internationale et aux renégats qui la suivent l'occasion de déclarer, la période actuelle, une période de contre-révolution. Peut-on parler maintenant d'une période de réaction noire semblable à celle qui, en Europe, suivit la révolution de 1848, ou bien encore après l'écrasement de la Commune de Paris, en 1871?

Non, camarades. L'histoire connaît différentes sortes de réaction, mais en général on peut les ranger en deux catégories: celle qui se produit après la défaite de la révolution et l'écrasement du prolétariat, alors que la vague révolutionnaire s'abaisse. La réaction qui suivit 1848 et 1871 en est un exemple. Mais il y eut aussi dans l'histoire d'autres périodes de sauvage réaction, périodes qui précédèrent la révolution. Le tsarisme prit des mesures de terreur inouïes à la veille même de la révolution. En 1918, la monarchie allemande chancelante fit fusiller les matelots révolutionnaires, et cela quelques mois avant sa chute. La dictature terroriste de la période de guerre (1914-1918) ne peut empêcher la révolution en Europe centrale de mettre fin à la guerre mondiale. Et cependant durant les quelques mois et même les quelques semaines avant la fin de la guerre, la terreur contre les travailleurs, contre les soldats, prit, dans tous les pays capitalistes, les formes les plus sauvages. Les grèves furent déclarées hors la loi, la liberté d'opinion fut réprimée comme une trahison envers la patrie; les conseils de guerre prononcèrent des dizaines de condamnations à mort; on fit feu sur les soldats qui refusaient de prendre part à l'offensive. Cette terreur était loin de témoigner de la solidité du pouvoir des classes dirigeantes. Les classes dirigeantes recouraient à la terreur comme suprême moyen de reculer l'explosion révolutionnaire.

C'est justement dans ces périodes que l'idée de Marx, selon laquelle le parti de la révolution soude le parti de la réaction, a une portée beaucoup plus grande. Elle convient surtout à un moment où les forces du prolétariat ne sont pas suffisamment développées pour commencer à. renverser, à main armée, les classes dirigeantes et où, d'autre part, la position des classes dirigeantes s'est tellement affaiblie qu'elles doivent recourir à des mesures extraordinaires pour maintenir leur domination. Mais, camarades, la pensée de Marx a aussi sa contre-partie: les forces de la réaction soudent les forces de la révolution. Le fascisme ne fait pas que rendre la lutte de classe plus difficile, mais il accélère encore le processus de maturation de la crise révolutionnaire.

C'est justement des périodes comme aujourd'hui qui caractérisent le développement de deux processus antagonistes, de deux vagues montantes: celle de la révolution et celle de la réaction. Chacun de ces processus ébranle, de différentes façons, le système capitaliste, plus fortement, plus profondément. Et celui qui ne voit ici qu'une seule tendance, une tendance uniquement de réaction politique, se développant au détriment des éléments de la crise révolutionnaire mûrissante, celui-là prend inévitablement la position d'une reconnaissance d'un "capitalisme organisé", qui surmonterait les contradictions qui le déchirent par la réaction unie.

Quels sont actuellement les éléments de la crise révolutionnaire mûrissante?

1. Des rapports de classe considérablement tendus. Dans ces rapports, la dictature fasciste met une violence nettement déclarée, la guerre civile. Comme en 1914, alors qu'elle mettait à l'ordre du jour les baïonnettes, elle enlève aux masses leurs illusions sur le légalisme, sur la légalité bourgeoise. Par cela même, la dictature bourgeoise creuse sa propre tombe.

L'histoire de l'humanité ne connaît pas de rapports si tendus entre les classes, non pas parce que les classes ne se heurtaient pas auparavant dans des conflits aussi violents, mais parce que les antagonismes économiques qui sont à la base de cette tension dépassent tout ce que l'humanité a connu jusqu'à présent.

La pression formidable que le capital monopoleur exerce sur les masses entraînera inévitablement des explosions révolutionnaires inconnues dans le passé.

Le fascisme nourrit chez les masses travailleuses une haine non seulement envers ses détachements de ban dits, mais encore envers la bourgeoisie en tant que classe, celle qui est responsable de toutes les violences, de toutes les oppressions envers les travailleurs. Qui sème le vent récoltera la tempête.

Le pacifisme hypocrite, aussi, bien dans les rapports de classe que dans les rapports nationaux, a fait une banqueroute évidente.

C'est le règne de la violence déclarée, aussi bien en ce qui concerne les rapports entre les classes que les rapports entre les États capitalistes, qui constitue le principal contenu de l'époque du capitalisme périssant, après la fin de la stabilisation capitaliste. C'est le trait caractéristique du second cycle des guerres et des révolutions.

2. La colère grandissante des masses constitue le second facteur qui fait mûrir la crise révolutionnaire mondiale. Étouffée, refoulée profondément, cette colère des masses est maintenant, dans les pays de dictature fasciste, absolument souterraine. Souvent le simple regard ne la saisit pas, c'est justement pour cela qu'elle éclate en explosions inattendues.

Déjà en 1916, Lénine a écrit[2]:

La révolution socialiste peut partir non seulement d'une grève importante ou d'une démonstration de rue, ou d'une émeute provoquée par la faim, ou d'un soulèvement dans l'armée, ou d'une révolte coloniale, mais encore de n'importe quelle crise politique dans le genre de l'affaire Drey fus ou de l'incident de Saverne ou bien encore à la suite d'un referendum relatif à la séparation d'une nation opprimée.

Les historiens bourgeois français affirment que celui qui aurait passé dans les rues de Paris quelques jours avant la prise de la Bastille n'aurait absolument rien remarqué qui eût pu lui faire prévoir les événements du 14 juillet 1789. L'aspect "tranquille" trompe politiquement les classes dirigeantes. La dictature fasciste, qui a refoulé le mécontentement des masses, perd le sens des réalités; elle juge de la situation d'après les rapports des "crétins hystériques" à qui elle a confié la direction de ses détachements d'assaut. Les camarades qui ont gardé Nicolas II pourraient conter la façon presque idiote dont cet homme, placé à la tête d'un grand pays, comprenait le sens des événements qui se produisaient dans le pays en révolution. Les fascistes, tels des vandales déchaînés, détruisent tout ce qui permettait de sentir l'état d'esprit des masses: statistiques, syndicats, élections, etc. Et toutes les réactions les rejoignent plus ou moins dans cette voie. De là provient le caractère "inattendu" des explosions de masse.

Le 1 er mai 1926, nous avons eu la grève générale en Angleterre; le 15 juillet 1927, l'insurrection des ouvriers viennois; en automne 1931, des mouvements dans la flotte anglaise; ce sont là les signes du mécontentement croissant des masses envers l'ordre capitaliste. Quelqu'un peut-il affirmer qu'avec le développement de la crise ce mécontentement est allé en décroissant? Peut- on actuellement évaluer ce mécontentement dans les pays de dictature fasciste seulement par les grèves et les démonstrations? Des faits tels que les fusillades de Genève, les événements de Roumanie, le soulèvement dans la flotte néerlandaise des marins hollandais et malais ne sont-ils pas des signes indiquant la croissance de ce mécontentement?

3. Enfin, un facteur qui ne joue pas un mince rôle dans la maturation de La crise révolutionnaire dans le monde entier c'est l'influence du P.C., des idées communistes en général. Cette influence s'exerce dans trois directions. Avant tout, elle augmente le nombre des partisans directs des idées et des buts communistes parmi la classe ouvrière; deuxièmement, elle augmente le nombre de ceux qui ne se considèrent pas comme des communistes mais qui, dans le mouvement, adoptent, instinctivement, par leur sens de classe, nos mots d'ordre, nos méthodes de lutte et servent les buts de leur classe. Dans n'importe quelle grève spontanée, dans n'importe quel mouvement spontané, on peut trouver ainsi, dans la masse, des "activistes" inattendus. Enfin, l'influence des idées communistes pénètre les organisations adverses, et avant tout la social-démocratie, ce qui accélère sa désagrégation.

III

Les forces de la révolution

Mais quelle est l'importance de la tendance de la crise révolutionnaire mondiale par rapport à celle du fascisme et de la guerre?

On ne peut répondre à cette question qu'en comptant les forces de la révolution qui s'opposent aux forces de la réaction mondiale. Les forces de la révolution sont: 1. les partis communistes des pays capitalistes; 2. le mouvement national-révolutionnaire aux colonies; 3. la Chine soviétique; 4. l'U.R.S.S., en tant que facteur décisif, des plus important, de la révolution prolétarienne mondiale.

Les P.C. des pays capitalistes constituent un facteur très important de la révolution prolétarienne, mais, à l'exception de quelques-uns, ils n'ont pas encore une large base de masse organisée, ce qui permet aux éléments du fascisme et de la guerre de se développer très rapidement. Ces mêmes P.C. ont d'ailleurs de nombreuses et importantes lacunes dans leur travail.

Premièrement, tous ces P.C. des pays capitalistes, sans exception, n'ont pas suffisamment utilisé la crise économique mondiale pour se renforcer, tant au point de vue politique que d'organisation. Ils n'ont pas partout pris la direction des mouvements de la classe ouvrière pour ses revendications partielles: ils n'ont pas déclenché un grand mouvement de masse chez les chômeurs, correspondant à l'ampleur de la crise actuelle; ils n'ont pas toujours su mobiliser les masses autour de mots d'ordre, clairs, concrets, correspondant à leur état d'esprit pour la lutte contre le capitalisme et la dictature bourgeoise. Et la faiblesse du travail des P.C. dans ce domaine provient d'une passivité opportuniste, d'habitudes sectaires non encore surmontées, qui freinent le développement des sections de l'I.C., tant au point de vue politique que d'organisation. Et si les P.C., en particulier les petits, avaient surmonté ces manifestations opportunistes, ils seraient venus ici à l'Assemblée plénière, avec d'autres bilans que ceux qu'ils ont apportés.

Une politique de masse, un travail de masse, telles sont les questions qui doivent être la pierre angulaire de toute l'activité des P.C., s'ils veulent sérieusement barrer la route au fascisme et à la guerre impérialiste, et accélérer la maturation de la crise révolutionnaire mondiale.

Deuxièmement, les P.C. n'ont pas utilisé suffisamment la banqueroute de la démocratie bourgeoise en Allemagne, la crise politique et d'organisation de la social-démocratie allemande, pour saper la base d'in fluence de toute la 2e Internationale.

Il n'y a pas eu suffisamment de la part des sections de l'I.C., d'offensive bolchévik décisive contre la social-démocratie internationale. On vit apparaître des hésitations opportunistes, exprimées par Humbert-Droz dans le P.C. suisse, Guttmann dans le P.C. tchécoslovaque, Schüller dans le P.C. autrichien, hésitations qui allaient vers un affaiblissement de la lutte contre la social-démocratie, vers un glissement déclaré aux positions social-démocrates et qui étaient empreintes "d'un esprit d'opportunisme, de manque de foi, de désagrégation". (Staline.)

Le camarade Ercoli nous demande comment expliquer ce fait que la social-démocratie a encore su manoeuvrer, développer de nouvelles théories, de nouveaux arguments pour défendre la trahison de la social-démocratie allemande. Nous répondons que c'est justement parce que l'offensive des sections de l'I.C. contre la social-démocratie internationale a été insuffisante. Certains se sont mis à douter, à se demander si, après les coups portés contre elle par le gouvernement hitlérien, si la social-démocratie constituait encore le principal appui social de la bourgeoisie. Comme si les fonctions sociales des Wels et des Blum dépendaient des formes de la dictature bourgeoise!

La question principale qui détermina le rôle de la social-démocratie dans le système de la dictature bourgeoise est la suivante: la social-démocratie est-elle restée, après l'arrivée d'Hitler au pouvoir, un agent du Capital, à l'intérieur de la classe ouvrière, un agent qui divise le prolétariat et facilite ainsi la victoire du fascisme; et, par conséquent, la social-démocratie aide-t-elle au maintien du capitalisme?

La social-démocratie, chassée du Reichstag, a-t-elle changé de position envers le P.C. de l'U.R.S.S., de la révolution prolétarienne, de la lutte de classe, du front unique pour résister au fascisme, etc.?

Non, camarades, il faut en conclure que la social-démocratie reste le principal appui social de la bourgeoisie, comme le disent justement les thèses.

Troisièmement. Les P.C., à l'exception des P.C. japonais et chinois, et, peut-être, du P.C. français, n'ont pas utilisé suffisamment la menace de guerre impérialiste pour mobiliser les masses dans la lutte contre le chauvinisme et le danger de guerre. Et ici la faute en revient à l'esprit fataliste qui a pénétré dans nos rangs. Parfois on essaie d'interpréter les directives de Lénine pour la délégation à la conférence de La Haye, pour dire qu'on ne peut pas empêcher le déclenchement de la guerre impérialiste, que la révolution commencera seulement à la suite d'une nouvelle guerre impérialiste. C'est une erreur, camarades.

L'I.C. et ses sections auraient belle allure si au moment où le monde capitaliste attaquait l'U.R.S.S., nous attendions que le capitalisme soit exsangue pour commencer des opérations militaires contre lui.

Rappelez-vous, camarades, que dans la lutte contre la préparation de la guerre impérialiste, profondément réactionnaire, du monde capitaliste contre l'U.R.S.S., vous aurez à repousser dans vos pays tous les coups de l'ennemi de classe, dans une atmosphère de terreur et de chauvinisme inouïe. Vous devez être prêts à cela, car il ne pourra alors y avoir, ni faiblesse, ni recul. Quelle que soit la force d'organisation insuffisante des sections de l'I.C., quelle que soit la force apparente de l'ennemi de classe qui a tanks, canons, toute sorte d'armements sur terre, sur mer et dans l'air - notre force n'a pas encore donné tout son effet, elle est encore à l'état potentiel.

Une des différences entre la dictature bourgeoise et la dictature prolétarienne consiste en ce que chez la première, entre les buts, les intérêts qu'elle défend et sa base de masse diverse, il y a une rupture profonde. Cela n'existe pas dans la dictature du prolétariat.

Mais cette fissure de la dictature bourgeoise, y compris la dictature fasciste, constitue justement son défaut organique, qui amène inévitablement des déplacements, des "fuites", dans sa base de masse.

Il ne faut pas oublier que ces mêmes gens qui en août 1914, partaient à la guerre, en chantant, la fleur au fusil, plantaient à la fin de la guerre leurs baïonnettes dans le corps de leurs officiers. Ce que les forces de la réaction montrent le moins, c'est de la stabilité sociale; elles sont mouvantes, elles sont sujettes à des chocs souterrains, à des ébranlements de terrain sous les pieds.

Les masses quitteront inévitablement le fascisme et ce processus a déjà commencé en Allemagne. C'est justement pourquoi nous ne pouvons pas dire qu'il y a un arrêt du développement révolutionnaire en Allemagne. La crise n'est pas encore complètement mûre en Allemagne, mais sa maturation a pris de nouvelles formes, elle se développe en zigzags, au lieu de suivre une courbe directement ascendante.

Il est des camarades qui assurent que l'instauration du fascisme en Allemagne est une pénible défaite pour toute la classe ouvrière internationale. Il est certain que la victoire du fascisme en Allemagne est un coup pénible et pas seulement pour la classe ouvrière allemande. Mais aussi, cette année, la classe ouvrière internationale a remporté des victoires formidables, en Chine et en U.R.S.S. Il ne faut pas juger des rapports de force en prenant chaque pays séparément.

"Maintenant", a dit Staline, "il faut parler de la révolution prolétarienne mondiale car les différents fronts nationaux du capital sont devenus les anneaux d'une chaîne unique: le front mondial de l'impérialisme." (Staline, les Questions du léninisme, t. I., p. 87, E.S.I., 1926.)

Les victoires remportées en Chine et dans l'U.R.S.S. ont déplacé les rapports de force de classe sur l'arène internationale au profit du prolétariat. Les processus de fermentation révolutionnaire dans les colonies agirent également dans ce sens. Ils n'ont point partout pris des formes violentes mais l'impérialisme n'a pas renforcé ses positions dans les colonies. La différenciation du mouvement national-révolutionnaire a diminué l'ampleur du mouvement mais elle a augmenté l'in fluence du P.C. sur les travailleurs qui abandonnaient les national-réformistes. En Mandchourie actuellement il y a plus de 100.000 partisans, au lieu des quelques centaines de milliers qui existaient auparavant, mais ce mouvement n'est plus maintenant dirigé par le général Ma ou bien Sou-Vin-Véyé, mais par des chefs choisis par les masses elles-mêmes.

En outre, l'année écoulée est caractérisée par un essor du mouvement national-révolutionnaire dans les pays arabes: Syrie, Palestine, Algérie, Tunisie, etc. Mais il reste, sans aucun doute, que les plus grands succès ont été remportés par la révolution chinoise dans les régions soviétiques. Le P.C. chinois, les Soviets chinois, l'Armée rouge chinoise, ce n'est plus déjà un simple mouvement: c'est un État ouvrier et paysan organisé, et un État mieux organisé et plus civilisé que n'importe quel État capitaliste. Il ignore la hache du bourreau; il ne jette pas au feu les oeuvres de génie de l'humanité; il est reconnu comme un des plus fer mes et des plus solides gouvernements de Chine, même par les ennemis les plus acharnés de la révolution chinoise.

Ce gouvernement est déjà devenu un élément sérieux de la politique internationale; il mène des pourparlers avec les gouvernements de certaines provinces; les grands États capitalistes comptent avec lui; les Soviets chinois menacent déjà aujourd'hui de flanc l'impérialisme japonais, freinant de cette façon son attaque contre l'U.R.S.S., car les impérialistes japonais savent bien qu'une agression contre l'U.R.S.S. mettrait en mouvement 400 millions de Chinois et que les Soviets chinois peuvent prendre la direction du mouvement pour l'émancipation nationale-révolutionnaire de la Chine du joug des impérialistes, pour obliger les spoliateurs japonais à retirer leurs troupes de la Mandchourie et de la Chine du Nord. Non seulement les succès de la Chine soviétique rendent invincible la révolution chinoise, mais encore ils renforcent la position de la classe ouvrière mondiale dans sa lutte contre la bourgeoisie; par eux, la Chine soviétique est devenue un élément des plus importants de maturation de la crise révolutionnaire mondiale.

Et que se passe-t-il en U.R.S.S.? Il ne s'agit plus seulement des hauts fourneaux de Magnitogorsk ou des feux de Dniéprostroï. Le fait que dans le bassin du Donetz un plan intense d'extraction du charbon a été réalisé pour la première fois depuis des années; que le pays de l'édification du socialisme va vers une production journalière de fonte de près de 26.000 tonnes, n'est qu'une petite illustration du tableau grandiose qui se déroule aujourd'hui devant nos yeux ou qui se déroulera demain. Nous avons recueilli cette année une récolte abondante; les ensemencements d'automne ont été faits excellemment, par les kolkhoziens; la lutte contre l'ivraie a mobilisé cette année des millions de bras kolkhoziens. Il y a longtemps que nous n'ayons eu comme cette année un ensemencement aussi bon. Pour les cultures techniques, dont les ensemencements se feront en printemps, les jachères ont été labourées, ce que l'ancienne Russie ne faisait pas. Notre chef, notre guide, notre grand capitaine éprouvé, notre grand stratège de la révolution prolétarienne mondiale, le camarade Staline, a dit au Parti et aux travailleurs de notre pays que cette année devait être la dernière année de nos difficultés et tout le Parti, tout le pays travaillent avec acharnement, avec une énergie invincible à réaliser ce mot d'ordre. Nous travaillons actuellement à développer l'élevage du porc, mettant là-dedans toute notre passion révolutionnaire, toute la ténacité bolchévik, toute l'énergie ardente des anciens lutteurs de la guerre civile. Au printemps prochain, nous nous occuperons de la basse- cour, car nous savons qu'à l'intérieur de l'œuf soviétique mûrira la crise révolutionnaire mondiale; dans les deux prochaines années, nous augmenterons le bétail et nous sommes persuadés que la vache soviétique de Yaroslavl abattra avec ses cornes non seulement le fascisme, mais tout le capitalisme mondial. Vous voyez pour quelles raisons nous avons en cette année un renforcement inouï dans l'organisation des kolkhoz, basé sur un relèvement net du salaire journalier dans les kolkhoz. Si l'année dernière un kolkhoz où les kolkhoziens recevaient 3 ou 4 kilogs de produits pour une journée de travail était considéré comme un bon kolkhoz aujourd'hui de tels kolkhozs ne seraient pas à l'honneur. Grâce à la justesse de la ligne générale de notre parti, nous avons obtenu cette année un renforcement de la discipline de travail dans les kolkhoz, un renforcement de l'attitude socialiste envers le travail, une élévation de la confiance de la masse des kolkhoziens envers le Parti et le pouvoir soviétique. Cela est encore bien plus évident chez les kolkhoziennes. Je vous assure que la kolkhozienne sans parti a une confiance bien plus ferme et plus saine dans les perspectives révolutionnaires que, par exemple, Remmiele, ce membre démissionnaire du C.E. de l'I.C. La collectivisation agricole, réalisée sur la base d'une révolution technique introduite par nous, a brisé l'ancienne division du travail qui consistait pour la femme kolkhozienne à se consacrer uniquement aux travaux domestiques. Elle a grimpé sur le tracteur, le combiné, elle est conductrice de la batteuse; elle laboure les champs. La femme kolkhozienne, hier esclave domestique, se sent maintenant les mêmes droits que les autres membres du kolkhoz; sa conscience de classe s'est très développée; le pouvoir soviétique a fait la con quête de ces millions de femmes, éveillées à la vie politique par la révolution kolkhozienne et qui deviennent maintenant des édificatrices conscientes de la société socialiste.

La base de la dictature prolétarienne s'est élargie cette année, aussi bien à la ville qu'à la campagne. Le koulak et son travail de sabotage a reçu un coup mortel dont il ne se relèvera pas. Les kolkhoz sont devenus une base inébranlable du régime soviétique. Et tout cela augmente encore la capacité de défense de l'U.R.S.S. Il ne s'agit pas seulement de l'équipement technique de l'Armée rouge, mais de la force politique du Parti et du pouvoir soviétique auxquels se dévouent des millions d'ouvriers. La liquidation de nos difficultés, vers laquelle nous nous acheminons aura une très grosse répercussion révolutionnaire sur les masses travailleuses des pays capitalistes. Et si, en réalisant avec succès le premier plan quinquennal, nous avons montré au monde entier que seul le socialisme assure aux forces de production un développement puissant, nous montrerons à tous les travailleurs, par la liquidation de nos difficultés au début du second plan quinquennal, que seul le socialisme garantit aux masses un niveau élevé de leurs besoins et le bien-être matériel. Sentez- vous, camarades, quelle arme puissante vous recevez pour votre lutte contre le capitalisme et la social-démocratie? L'Assemblée plénière doit dire aux prolétaires allemands, à nos frères de classe et de parti qui languissent dans les prisons fascistes et les camps de concentration: Frères! Nous vous entendons, nous sommes fiers de votre lutte, nous souffrons avec vous. Des milliers de marteaux brisent, dans l'Union soviétique, l'enveloppe du vieux monde, élargissant les fissures du système capitaliste, et rapprochent l'heure de la libération de tout le prolétariat mondial!

IV

Les tâches des Partis communistes

Mais si dans le développement mondial apparaissent des tendances contradictoires, la situation internationale se complique d'autant plus que l'effet de la crise générale du capitalisme n'est pas égal dans les différents pays du capitalisme; il faut en déduire que la ruine du capitalisme n'est pas égale dans les différents pays, ni les rapports de classe aussi tendus; que le processus de fascisation est différent suivant le niveau du mouvement ouvrier, de même qu'il y a différents degrés dans la maturation de la crise révolutionnaire. Il est nécessaire de le souligner parce que, quel que soit le rôle énorme de l'Allemagne dans le réseau complexe des rapports mondiaux, il ne faudrait pas internationaliser le fascisme allemand et donner à tous les partis des tâches tactiques identiques à celles répondant aux conditions de l'Allemagne. Il est certain que des éléments fascistes se développent dans tous les pays capitalistes, mais tout d'abord, les formes en seront différentes, ensuite, il n'y aura pas nécessairement dans les autres pays capitalistes qui vont à des formes fascistes de dictature bourgeoise un développement du même type que celui du fascisme allemand; pour la bourgeoisie française, par exemple, l'enveloppe démocratique bourgeoise qui couvre habilement les méthodes fascistes, est bien plus avantageuse, actuellement, que la dictature fasciste ouverte. Premièrement, cette enveloppe démocratique donne à la bourgeoisie française une idéologie toute prête pour sa future guerre impérialiste contre l'Allemagne; deuxièmement elle permet à l'impérialisme français de mieux atteindre ses buts, aussi bien dans les colonies que dans les États vassaux; troisièmement, en entretenant chez les ouvriers des illusions démocratiques elle permet à la bourgeoisie française de renforcer son régime d'oppression politique et d'exploitation économique du prolétariat.

En tenant compte de cela, il faut mettre en garde les sections de l'I.C. contre un "universalisme de dilettante", qui mettrait à la base de la tactique des P.C. des tendances générales de développement sans tenir compte des particularités de chaque pays pris séparé ment. Les tâches des P.C. doivent être rigoureusement différenciées, selon la situation concrète du moment et le rapport des forces donné dans leurs pays respectifs. On peut résumer ainsi ces tâches, d'après le développement des pays respectifs:

1. Les P.C. doivent faire tout ce qu'ils peuvent pour empêcher la guerre impérialiste, profondément réactionnaire, du monde capitaliste contre l'Union soviétique, patrie de tous les travailleurs et bastion de la révolution prolétarienne mondiale. Et il ne s'agit pas, camarades, d'une guerre en général, abstraite, dont la préparation durera plusieurs années, mais d'une guerre concrète, dont les forbans de l'impérialisme japonais menacent aujourd'hui l'Union soviétique. Nous devons aujourd'hui concrétiser les thèses du 6e congrès de l'I.C. sur la lutte contre la guerre impérialiste, en liaison avec la situation faite en Extrême Orient. Et ici, le plus grand rôle revient au jeune Parti communiste japonais, aux communistes coréens, aux communistes chinois de Mandchourie. La lutte des communistes contre le danger de guerre qui menace l'Union soviétique est étroitement liée à la lutte contre la guerre de rapine que l'impérialisme japonais fait déjà en Chine. La défense, par tous les moyens, des masses travailleuses chinoises, qui nous est dictée par la situation don née, est, en même temps, la défense de l'U.R.S.S. Les communistes d'Angleterre, des États-Unis, de France, n'ont pas suffisamment fait, comme l'a souligné le camarade Van-Min, pour la défense de la révolution chinoise. Vous n'avez pas su écarter de la Chine les sales mains de vos impérialistes; vous n'étiez pas assez forts, soit! Mais dans votre agitation il n'y eut pas assez de feu, d'indignation qui, par sa sincérité, pouvait s'imposer à l'ouvrier; il y eut trop peu d'actions qui auraient pu faire sentir à l'ouvrier et au paysan chinois, que leur cause était la cause même du communisme mondial. Les communistes anglais, américains et français doivent élargir leur lutte contre leurs gouvernements qui aident le Japon à s'armer pour faire la guerre à la Chine et pour attaquer l'U.R.S.S.

2. Les communistes de France, d'Allemagne et de Pologne doivent faire tout ce qu'ils peuvent pour empêcher une nouvelle guerre, soit franco-allemande, soit polono-allemande.

3. Les communistes doivent être prêts à empêcher rétablissement de la dictature fasciste, là où la bourgeoisie va vers la fascisation de son appareil d'État. Que la bourgeoisie ne fasse pas un mouvement sans rencontrer la résistance du P.C. mobilisant les masses pour la lutte. La classe ouvrière et les travailleurs doivent lutter inlassablement pour chaque liberté partielle, en reliant cette lutte à la défense des revendications immédiates du prolétariat. Rappelez-vous, camarades, qu'une lutte de classe exaspérée n'enlèvera pas, jusqu'à la dernière et décisive bataille, les revendications partielles des travailleurs, mais qu'elle donnera à ces revendications une pointe révolutionnaire, très forte, qui sera dirigée contre tout le système de la dictature bourgeoise. Dans la lutte contre le fascisme qui s'achemine vers la conquête de l'appareil d'État, dans la lutte contre la dictature fasciste déjà instaurée, les P.C. ne peuvent pas enlever de leur arsenal une arme de résistance de classe telle que la grève politique de masse. 4. Les communistes doivent tendre toutes leurs for ces pour renverser la dictature fasciste là où elle est instaurée. L'opinion selon laquelle la dictature fasciste peut seulement être remplacée par la dictature prolétarienne est empreinte d'automatisme. Il est certain que dans un pays comme l'Allemagne, c'est la dictature du prolétariat qui remplacera le fascisme. Mais l'expérience a démontré que là où les P.C. sont faibles, ne dirigent pas les actions de la classe ouvrière comme Une force indépendante, la dictature fasciste peut être remplacée par la dictature de la bourgeoisie sous une forme républicaine (exemple, l'Espagne). C'est pourquoi on ne peut pas exclure la possibilité d'un jeu d'équilibre fasciste-démocratique, si les communistes ne portent pas un coup décisif à la social-démocratie. Une tâche des plus importantes de tout le mouvement communiste mondial c'est la lutte contre le fascisme allemand et l'appui par tous les moyens de la lutte héroïque du P.C. allemand. Accélérer la banqueroute du fascisme allemand, le renverser serait, pour la réaction mondiale, un coup des plus dur.

Et ces quatre points nous amènent au mot d'ordre central de nos thèses, celui du renversement de la dictature bourgeoise et de l'établissement du pouvoir soviétique dans le monde entier. Nous concrétisons sciemment la dictature du prolétariat en tant que tâche, en lui donnant la forme soviétique; et nous le faisons pour démasquer la social-démocratie qui joue avec le mot d'ordre de la dictature du prolétariat qui devient chez elle une sorte d'école politique pour préparer les masses à la démocratie bourgeoise.

Notre voie vers la réalisation de ce mot d'ordre central reste la même qu'avant : conquérir la majorité de la classe ouvrière - ce qui est la condition nécessaire pour rétablir l'unité du prolétariat, dans l'action révolutionnaire, et pour gagner, du côté du prolétariat les réserves de la révolution. Et cela suppose la défaite des agents de l'ennemi de classe au sein de la classe ouvrière, la défaite de la social-démocratie internationale.

En posant le mot d'ordre du pouvoir soviétique, nous voulons souligner fortement l'importance du soulèvement armé des masses, en tant que seul moyen capable de renverser la dictature de la bourgeoisie. Par cela même, nous voulons attirer l'attention non seulement des communistes, mais de tous les travailleurs sur la nécessité de gagner l'armée au peuple soulevé, sur la nécessité du travail communiste parmi les soldats et les matelots, ce qui peut assurer le succès de l'insurrection armée.

Nous ne cachons pas nos buts: ils ont été indiqués dans le Manifeste communiste il y a 85 ans. Mais les classes dirigeantes, qui sentent le sol trembler sous leurs pieds, ouvrent des yeux étonnés et elles accusent les communistes de comploter. Quelle bêtise! Des millions d'hommes sont venus au mouvement et des juristes fascistes, à toques ridicules, veulent faire entrer l'énorme mouvement révolutionnaire des masses dans le cadre d'un complot, à caractère policier et provocateur. Mais la fureur des classes dirigeantes contre les communistes pose avec plus d'acuité la question du passage des P.C. à l'illégalité. Ce n'est déjà plus quelque chose à venir, camarades. La préparation des P.C. à l'illégalité, basée sur un renforcement du travail de masse, c'est la tâche la plus importante de cette Assemblée plénière. Nous ne savons pas combien de partis resteront jusqu'à la guerre dans la semi-illégalité, mais nous savons parfaitement qu'à la déclaration de guerre toutes les sections de l'I.C. deviendront illégales. Que les partis communistes ne viennent pas nous dire ici que leurs cadres sont faibles et non préparés à l'illégalité. Nous leur répondons ce que disait Lénine :

Ce n'est pas vrai que les Français soient incapables d'un travail clandestin systématique, ce n'est pas vrai! Les Français ont appris très rapidement à se cacher dans les tranchées. Ils apprendront rapidement les conditions nouvelles du travail illégal et de la préparation systématique du mouvement révolutionnaire des masses[3].

Déjà, aujourd'hui, en se servant de l'expérience de l'Italie et de l'Allemagne, les P.C. devront dans le plus bref délai, réorganiser leur travail sur la base de cellules d'usines illégales. C'est la première et élémentaire condition de la préparation à l'illégalité.

La seconde sera de nettoyer rapidement les partis des provocateurs qui sapent le travail de certaines sections de l'I.C.

La troisième condition sera de savoir joindre les méthodes illégales ou semi-légales aux méthodes légales, en utilisant toute l'expérience du mouvement révolutionnaire mondial. Et ici, le travail à l'intérieur des organisations fascistes revêt une importance extraordinaire.

4. Cette réorganisation dans la structure des partis et dans leurs méthodes de travail doit être faite de façon à garantir une certaine décentralisation, afin de per mettre aux militants de mieux se dissimuler et aussi afin d'appliquer ce vieux principe conspiratif: chacun sait, non pas ce qu'il peut savoir, mais ce qu'il doit savoir.

5. C'est la préparation des cadres. Pour la période qui vient, il nous faut non pas de simples communistes, mais des communistes conspirateurs. Ça doit être des gens absolument sûrs, qui savent subir des interrogatoires et se conduire dans les procès de façon à les utiliser comme une tribune pour démasquer l'ennemi de classe. Ce doit être des gens à l'idéologie bien ferme, politiquement forgés qui resteront des bolcheviks dans le travail quotidien comme dans les moments de changements brusques de la situation. Cela doit être des gens indépendants, capables de prendre des décisions rapides et hardies dans les situations les plus complexes. Enfin, ce doit être des révolutionnaires jouissant d'une influence de masse, capables de sentir ce qui se passe dans les masses, de parler une langue compréhensible aux masses, introduisant chaque pensée révolutionnaire, chaque cause révolutionnaire dans une lutte de masse. Il nous faut, dans la période qui vient, non pas des Neumann, stériles aussi bien dans la théorie que dans la pratique du mouvement ouvrier, mais des lutteurs de masse, du genre de ceux qu'ont donné et que donnent le P.C. bolchevik de l'U.R.S.S., les partis allemands, chinois et polonais.

Où éduquer de tels cadres? Dans la lutte, au sein même de la classe ouvrière. Le développement de tels cadres est lié à tout le processus de bolchévisation des P.C. Les partis communistes ont déjà subi une longue école pour se bolchéviser. Mais la période historique qui s'ouvre devant le mouvement communiste mondial exigera des P.C. bien plus d'efforts pour se bolchéviser.

Les sections de PI.C. se renforceront dans le feu des batailles révolutionnaires et deviendront égales au Parti bolchévik de l'U.R.S.S. Mais pour que ces batailles soient victorieuses, il faut, dès aujourd'hui, ouvrir un feu bien décidé contre l'opportunisme de droite, principal danger et contre les déviations de gauche. Il faut nourrir chez chaque communiste le sentiment d'une haine physique envers l'opportunisme sous toutes ses formes, en tant qu'obstacle à la conquête de la majorité des masses du côté du communisme.

Les sections de l'I.C. suivent une route difficile. La rigoureuse épreuve que traverse actuellement le P.C. allemand va le forger comme un acier révolutionnaire de la plus haute qualité. Il n'est pas une épreuve difficile du P.C. et de la classe ouvrière qui soit vaine, qui ne les enrichisse d'expérience révolutionnaire et qui n'élève les P.C. à un degré supérieur de bolchévisation. La classe qui historiquement doit prendre le dessus, et son parti, se renforcent sous les coups, et les classes, vouées par l'histoire à la ruine et leurs partis croulent sous le poids de leurs victoires. Les victoires de l'U.R.S.S. renforcent le monde qui vient de naître; les victoires du fascisme prolongent l'agonie du vieux monde qui expire. Le parti allemand, poursuivi et réprimé, se sent beaucoup plus sûr de lui, en face des perspectives d'avenir, que le fascisme qui l'opprime. C'est pourquoi, au procès de Leipzig, ce n'est pas Dimitrov qui fut jugé, mais ce fut Dimitrov qui jugea le fascisme. C'est pourquoi le bourreau Goering courba, au procès de Leipzig, sa tête bestiale, tel un criminel, écrasé, couvert du mépris général, tandis que Dimitrov enchaînés, se transforma en un puissant tribun, appelant les travailleurs de tous les pays à s'unir sous le drapeau du communisme.

Que les chiens sanglants du fascisme s'abandonnent à leur fureur - les communistes vont de l'avant, con vaincus qu'ils ont raison, sûrs de leurs forces et de leur victoire!

 

 

 

 

 

Notes



[1].     [321ignition] Les annotations sont formulées par nous en tenant compte d'éventuelles notes figurant dans la source.

[2].     Lénine, Oeuvres complètes, t. 19, art.: "La révolution socialiste et le droit à l'autodétermination". [N.Ed.]

[3].     Lénine (P.B.L., n° 4, p. 84, Bureau d'Éditions, 1932), "Les tâches de l'opposition en France". [N.Ed.]