|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
||||
|
|
|||||
|
|
|
Français > Références > |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
13e Plenum du Comité exécutif Vilʹgelʹm Knorin Décembre 1933 |
|
|
Source: V. Knorine: Le fascisme, la social-démocratie et les communistes; Paris, Bureau d'éditions, 1934 [1]. Le document en allemand ► |
|
|
|
|
|
Établi: octobre 2017 |
Version
imprimable |
|
|
|
|
|
I. Notre tactique est juste Il y a six ans à peine, Rudolf Hilferding formulait, au congrès de Kiel de la social-démocratie allemande, le nouveau programme d'après-guerre de la social-démocratie, la théorie du "capitalisme organisé" et de l'évolution pacifique vers le socialisme par la démocratie". Les communistes coulent à pic. Ce ne peut être qu'une question de temps. Pour le mouvement socialiste, les communistes n'ont plus la moindre importance, ils sont perdus. La grande victoire de la social-démocratie est possible... Je le répète, nous connaissons la voie, nous connaissons le but. Si nous menons le combat sous le mot d'ordre de fidélité aux principes socialistes, de continuité dans la lutte pour notre but: la conquête du pouvoir d'État, en conservant la liberté de manoeuvrer dans notre tactique, la possibilité de vaincre deviendra réalité. C'est en ces termes que Rudolf Hilferding terminait son discours au congrès du Parti à Kiel, avant les élections au Reichstag de 1928. Le monde se trouvait alors sous le signe de la stabilisation relative du capitalisme. La production, le commerce et la technique progressaient. Les États-Unis étaient grisés par leur prospérité, le "miracle économique américain". En 1928 la social-démocratie, qui, depuis 1918, détenait le gouvernement de la Prusse, accédait au pouvoir en Allemagne. La théorie du "capitalisme organisé" était devenue le privilège de la 2e Internationale tout entière. Dans le mouvement révolutionnaire se faisait encore sentir l'accalmie qui avait commencé en 1923. C'est dans ces conditions qu'en 1928 se tinrent deux congrès mondiaux: celui de la 2e Internationale à Bruxelles, et le 6e congrès de l'Internationale communiste à Moscou. Tandis que les social-démocrates décidaient à leur congrès de Bruxelles que le capitalisme avait guéri ses plaies, notre 6e congrès de l'Internationale communiste constatait à la même époque, dans les mois d'automne 1928, l'avènement d'une nouvelle période, la troisième, de la crise capitaliste d'après-guerre, période où la stabilisation du capitalisme périclitait et où l'essor révolutionnaire des masses allait progressant. Alors que la social-démocratie célébrait avec l'ensemble de la bourgeoisie la guérison du capitalisme, notre parti communiste mondial leur jetait à la face son jugement, tel un défi: Messieurs, vous pouvez aujourd'hui encore festoyer, mais vous êtes mortellement atteints; avant même que vous soyez rentrés chez vous, le fléau de la crise vous abattra. Un an plus tard le monde entier sentait l'approche d'une crise économique de surproduction. À la suite des manifestations de masse qui s'étaient déroulées en 1927 contre l'exécution de Sacco et Vanzetti, et qui attestaient que l'accalmie dans le mouvement ouvrier était près de finir, un puissant mouvement de grève déferla en 1928 (Lodz, Ruhr, Munchen-Gladbach, etc.). Mais la social-démocratie, qui s'était écartée du marxisme, comprenait moins que toute autre chose les changements survenus. Elle continuait de s'engouer pour les théories du "capitalisme organisé" et de l´"évolution sans crise". Face à la banqueroute imminente de la République de Weimar, la social-démocratie allemande étalait toujours ostensiblement sa force à son congrès de Magdebourg, en 1929. Dietmann déclarait alors: Il y a plus de socialisme en Allemagne qu'en U.R.S.S. Et Wels de dire: Dictature, oui, mais la nôtre! La social-démocratie accentuait sa terreur contre le prolétariat révolutionnaire, contre l'essor révolutionnaire croissant des masses; elle révélait toujours plus sa physionomie antidémocratique. Contraste tranché avec les points de vue de la social-démocratie: à notre10e Exécutif élargi de juillet 1929, nous indiquions l'aggravation des antagonismes entre les classes et les États, le développement du nouvel essor révolutionnaire, la proximité de la crise économique. Il se passa encore quelque temps. La crise économique sévissait déjà dans le monde entier. Au printemps de 1930, la bourgeoisie vida des fauteuils ministériels la social-démocratie d'Allemagne. En automne le gouvernement labouriste d'Angleterre essuyait une défaite. La théorie du "capitalisme organisé s'était effondrée. Les social-démocrates prônèrent alors une "théorie" d'après laquelle le capitalisme était gravement malade et c'était à la social-démocratie de le soigner. Pendant ce temps, à la 11e Session plénière du C.E. de l'I.C., nous montrions aux masses le contraste grandissant des deux systèmes, celui du socialisme en construction et celui du capitalisme pourrissant; nous signalions les prodromes de plus en plus nets de la crise révolutionnaire dans une série de pays, en indiquant que la révolution était la seule issue à la crise pour les mas ses travailleuses. Enfin, à notre 12e Session de l'Exécutif de l'I.C., alors que la social-démocratie, désemparée, s'était mise à pérorer sur la situation contre-révolutionnaire, nous avons proclamé haut et clair que la stabilisation du capitalisme avait pris fin; que le monde était à la veille de grands conflits entre les classes et les États; que des tournants et des revirements brusques étaient possibles dans la marche des événements; que l'on passait à un nouveau cycle de révolutions et de guerres. Et notre manière de voir était la bonne. Notre analyse se confirmait d'année en année. Nous n'avions rien à réviser. Mais tous les arguments que nous opposaient les théoriciens de la bourgeoisie et, avant tout, la social-démocratie, croulaient d'année en année comme des châteaux de cartes. Car nous nous basions et continuons de nous baser sur la seule théorie scientifique, celle du marxisme-léninisme, tandis que la social-démocratie a depuis longtemps trahi le marxisme. Nous ne craignons pas de regarder les faits bien en face et d'appeler les choses par leur nom. Forts de la théorie du marxisme-léninisme, analysant à l'aide de cette dernière la situation mondiale, conscients des formidables difficultés qui se dressaient devant nous, nous appelions les masses travailleuses à la lutte contre le fascisme et la guerre, pour le renversement du pouvoir des classes exploiteuses et l'instauration de la dictature du prolétariat. Nous nous rendions compte de l'immense responsabilité qui nous incombait pour les destinées du mouvement ouvrier mondial, et c'est pourquoi nous avons mené toute notre action de l'année passée en nous inspirant des indications du 12e* Exécutif de 1'I.C. Sur deux points cruciaux, en Allemagne et en Extrême Orient, les contradictions du système capitaliste atteignaient le maximum d'acuité. L'essor révolutionnaire continuait à s'étendre dans le monde entier. En Chine, la révolution soviétique se développait. En Espagne, en Allemagne, en Pologne, en Tchécoslovaquie et dans beaucoup d'autres pays, d'importantes batailles de classes se déroulaient. Mais le fascisme avait temporairement triomphé en Allemagne. La bourgeoisie allemande affermissait son pouvoir pour un temps. En Extrême Orient la guerre prenait de l'extension. L'agression du Japon contre l'U.R.S.S. passait à l'ordre du jour. Nous pouvons dire cependant que notre glorieux parti communiste d'Allemagne a fait tout ce qui était en son pouvoir dans sa lutte contre le fascisme, et tout ce que lui imposait le rapport concret des forces de classes. Nous pouvons également affirmer que les P.C. du Japon et de Chine ont fait pour lutter contre la guerre tout ce qui était en leur pouvoir et tout ce que leur imposait le rapport concret des forces de classes. Si, aujourd'hui, le fascisme accède au pouvoir dans une série de pays, si le danger de guerre est imminent, nous pouvons dire néanmoins, avec plus d'assurance que jamais, que les forces de la révolution augmentent en dépit de la terreur fasciste et de la social-démocratie. Il n'est point de bandes hitlériennes ni d'armées d'Araki qui puissent empêcher ce développement des forces de la révolution. Notre analyse de la situation est exacte, notre tactique est juste, voilà ce que montre un coup d'œil rétrospectif sur le développement des événements au cours des cinq années qui ont suivi le 6e congrès de l'Internationale communiste. II. L'État capitaliste actuel Aujourd'hui le monde, en vertu des lois immuables de son évolution, est, comme l'a dit ici le camarade Kuusinen, en présence d'un nouveau cycle de révolutions et de guerres. Les fondements les plus solides de la société capitaliste sont ébranlés par la puissance destructrice de la crise, par la force du développement de l'U.R.S.S. et la poussée du mouvement révolutionnaire des masses travailleuses au sein même des pays capitalistes. Les antagonismes entre les classes et les États s'aggravent catastrophiquement. Aucun État capitaliste n'est assuré de l'inviolabilité de ses frontières. Aucun gouvernement capitaliste n'a la certitude du lendemain. Partout des collisions violentes se produisent entre les forces de la révolution et celles de la réaction. La guerre entre les États se prépare par la guerre des principales forces de la bourgeoisie contre les partis communistes et la classe ouvrière. L'aggravation des antagonismes est extrême entre les pays capitalistes. En même temps monte une vague de nationalisme, que la bourgeoisie exploite pour instaurer, en maints pays, le pouvoir des partis bourgeois, réactionnaires, chauvins, fascistes, les plus extrêmes. Les forces occultes de la réaction, les vestiges de la barbarie moyenâgeuse sont mobilisés pour défendre le capitalisme moribond, agonisant. Néanmoins, les classes dominantes se rendent compte qu'elles n'ont pas leur gouvernail en main. Le monde capitaliste vogue à la dérive, il va au devant de sa perte. Les philosophes des classes exploiteuses, accablés du plus profond pessimisme, parlent du déclin de l'Europe. Les écrivains de la bourgeoisie font des romans utopiques sur la guerre future et l'instauration de la dictature fasciste, la dictature d'une minorité - ingénieurs, techniciens ou aviateurs. Ses économistes, qui pronostiquent une nouvelle prospérité et la fin de la crise, s'avèrent de simples boursiers spéculant sur la hausse du cours des actions, ou bien des utopistes réactionnaires rêvassant à un retour de l'histoire vers la petite économie marchande. Ses politiciens parlent avec cynisme de la guerre à venir, comme ils feraient d'un voyage d'agrément pour l'été prochain. Le marasme règne parmi les classes dominantes en déconfiture devant l'histoire. Le capitalisme a fait son temps. L'élite pensante de la société capitaliste commence de plus en plus à s'en rendre compte. Ses sympathies s'orientent de plus en plus vers nous. Des centaines d'écrivains, de savants, d'ingénieurs et de techniciens suivent avec la plus grande sympathie l'édification socialiste en U.R.S.S. Les sympathies des vastes contingents d'intellectuels, notamment en Amérique et en Extrême Orient, sont acquises à la Chine soviétique, devenue un imposant facteur politique en Extrême Orient. Quant au capitalisme, il ne se maintient que par la force des baïonnettes, de son appareil d'État prodigieusement enflé, qui fait suer aux contribuables l'argent nécessaire pour subventionner les banques, les grands trusts, et qui réprime par le fer et par le feu le mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans. La crise du capitalisme est si grave que même Mussolini, dans son discours de novembre 1933, au conseil national des corporations fascistes, a été obligé de déclarer: Nous en sommes au point que, si l'État venait à s'endormir pour vingt-quatre heures, cette interruption suffirait pour déclencher la catastrophe. Il n'est plus aujourd'hui un seul domaine économique où l'État puisse ne pas s'ingérer. Si nous voulons faire durer la dernière heure de ce capitalisme, nous aboutissons au capitalisme d'État, qui n'est autre chose que le socialisme d'État à rebours. C'est bien là la crise du système capitaliste dans son acception universelle. Si l'État bourgeois actuel du capitalisme monopolisateur venait à s'endormir pour vingt-quatre heures, le capitalisme s'effondrerait, le pouvoir passerait aux communistes. Voilà ce que reconnaît Mussolini, ce représentant éminent du capital monopolisateur moderne. Mais plus la crise est profonde, plus les affaires vont mal pour la bourgeoisie, et plus grossit son appareil d'État parasitaire. Avant la guerre, le budget d'État, en Allemagne, représentait 7 % du revenu national. En 1929, les dépenses générales de l'Empire, des diverses régions et communes, absorbaient déjà 26 % et, en 1932, 33 % du revenu national. Aux États-Unis, le budget fédéral ne s'élevait en 1913 qu'à 2 % du revenu national; en 1932, il était six fois plus considérable. En Angleterre, le budget était de 8 % avant guerre; en 1932, de 23 %. En France, il est passé, de 14 % avant guerre à 25 % aujourd'hui, et en Italie, de 16 % à 34 %. Pour ce qui est des dépenses militaires figurant au budget général, elles sont passées en France, de 1920 à 1931, de 17 à 32 %. En Italie, de 1929 à 1932, de 30 à 35 %. Au Japon, de 1929 à 1933, de 28 à 37 %, etc. Il convient de dire que nous prenons ici les dépenses militaires dans l'acception étroite du terme. Si l'on tient compte des frais d'entretien de la police, des frais d'amortissement de la dette publique, on verra que les dépenses engagées par les États bourgeois en vue de la guerre passée et de la guerre future, absorbent 40 à 70 % du budget tout entier. N'est-ce pas là un développement formidable du parasitisme? Il convient d'ajouter à ces chiffres les sommes considérables qui ont été dépensées par les gouvernements bourgeois pour sauver les plus grands trusts, consortiums, banques, en vue de conserver leurs bénéfices. Nous avons déjà montré qu'aux États-Unis les mesures prises par Roosevelt en 1933 coûteront à l'État 15 milliards de dollars, dépenses et garanties. En Italie, pour couvrir le déficit des grands consortiums, le gouvernement leur a accordé 7 milliards de lires. En Allemagne, le gouvernement a dépensé 1,1 milliard de marks rien que pour sauver les grandes banques. La "création des travaux", en Allemagne, coûtera au "troisième Reich" une somme de 3.967 millions de marks. Mais le gouvernement hitlérien reporte cette somme au compte du budget des années à venir, de sorte qu'en 1933 il ne sera dépensé que 700 mirions de marks sur les revenus budgétaires de 1934 et 2 milliards de marks au moins sur les dépenses de 1938. Ces déprédations et cette escroquerie sont appelées "préfinancement. Les données que le camarade Kuusinen a rapportées ici, à la Session plénière, sur l'augmentation considérable de la portion du revenu national prélevée et dévorée par l'État, je les considère comme l'indice d'une aggravation formidable de la lutte de classes et de la lutte entre États, comme l'indice de la faiblesse et de la précarité de l'ordre capitaliste. Le capitalisme entend prolonger sa vie en amplifiant la machine d'État, en multipliant les moyens de répression des classes exploitées. "L'État", comme l'a dit Engels, "c'est avant tout des détachements d'hommes armés avec des attributs matériels, dans le genre des prisons." Plus le capitalisme est mûr, et plus la bourgeoisie, pour écraser la résistance des masses travailleuses, s'appuie sur l'armée, la police, toute la technique militaire moderne, plus s'accentue la terreur exercée contre les masses travailleuses. La domination de la bourgeoisie tourne au régime sanglant du massacre des manifestations ouvrières et des soulèvements de paysans, des attaques par avions et au moyen des gaz contre les villages des peuples coloniaux, et des inquisitions moyenâgeuses dans les cachots des pays dits avancés, cultivés, civilisés. La révolution d'Octobre et la guerre civile qui l'a suivie sont, d'ores et déjà, dépassées, pour le nombre des victimes, par la révolution chinoise et la lutte en Allemagne. Bien que la terreur soit devenue sa méthode habituelle d'administration, la bourgeoisie n'a pu affermir sa domination. Aussi l'oligarchie financière s'efforce-t-elle d'amplifier l'appareil d'État, de constituer un pouvoir politique capable de surmonter par la terreur les contradictions internes du système capitaliste, d'étouffer dans le sang le mouvement révolutionnaire qui monte, de mobiliser toutes les forces de l'État capitaliste autour de la lutte contre les masses travailleuses. La politique de l'oligarchie financière est donc, tout naturellement, en cette période, c'est-à-dire à la veille du nouveau cycle de révolutions et de guerres, le fascisme, ultime tentative désespérée des groupements nationalistes terroristes les plus réactionnaires de la bourgeoisie pour conserver le pouvoir d'État, et cela en renforçant l'appareil de répression, la terreur et la guerre civile contre les masses travailleuses. Le fascisme est une tentative pour trouver une issue à la crise dans l'organisation active d'une nouvelle guerre impérialiste pour un nouveau partage du monde. La vague fasciste actuelle n'est pas un indice de puissance, mais un signe de faiblesse et de désorganisation du système capitaliste tout entier, que la bourgeoisie cherche à renforcer en augmentant la machine de l'État et en recourant aux méthodes fascistes de répression des masses. La bourgeoisie adopte, pour gouverner, les méthodes de terreur de la dictature fasciste, non point de son propre gré, mais poussée par le besoin. Elle s'organise un appui au sein de la petite bourgeoisie exaspérée par la crise, en lui promettant de consolider la petite propriété. Elle forme des bandes terroristes, qu'elle recrute parmi les éléments nationalistes et chauvins. Elle les intègre à l'appareil d'État et, s'appuyant sur elles, ouvre la guerre civile contre la classe ouvrière, parce que son ancien appareil normal ne peut plus s'acquitter de sa formation qui consiste à réprimer les classes opprimées. Elle abolit la légalité bourgeoise, parce que le prestige du pouvoir de l'État bourgeois et de ses lois a cessé d'agir sur les masses ouvrières; parce que l'illusion sur la possibilité de l'évolution pacifique du capitalisme et de la voie démocratique conduisant au socialisme, se dissipe; parce que des batailles décisives s'annoncent et que la bourgeoisie est placée devant des guerres inévitables, extrêmement pénibles et dangereuses pour elle-même; parce que le parlementarisme n'est plus en mesure d'assurer la défense du capitalisme contre le mouvement révolutionnaire croissant, et les préparatifs de guerre pour le partage des débouchés entre les impérialistes. La bourgeoisie commence à s'ingérer dans l'activité économique, à prendre des mesures dites de capitalisme d'État, parce que tout le système capitaliste est ébranlé, que la déconfiture de tels trusts ou banques menace d'entraîner l'effondrement de l'État. Rien d'étonnant par suite si un gouvernement capitaliste financier, archiréactionnaire, comme celui de Hitler ou de Mussolini, s'emploie à unifier les banques ou parle de les étatiser. Ce n'est point là un pas vers le socialisme. C'est, au contraire, une tentative pour sauver de sa banqueroute définitive le pouvoir du capital financier. Cependant la victoire du fascisme ne devient inévitable et possible que lorsque la social-démocratie arrive, par son système d'organisations ouvrières centralisées, à détourner ses partisans prolétariens du front unique révolutionnaire avec les communistes; à empêcher, malgré la crise profonde, les partis communistes de gagner la majorité du prolétariat; à faire échec aux succès de la lutte de classe du prolétariat pour la dis créditer ainsi, de même que le marxisme, aux yeux des masses de la petite bourgeoisie urbaine et de la paysannerie. Le fascisme ne peut vaincre dans aucun pays sans l'aide et le soutien directs de la social-démocratie, laquelle s'attache, au cours d'une période de longue haleine, à désagréger le prolétariat, à le détourner de la lutte, à affaiblir sa combativité par la répression policière, la terreur et le mensonge, à le livrer pieds et poings liés au fascisme. III. Le fascisme et la social-démocratie allemande Plus les masses sont organisées, plus la situation du capitalisme est pénible, plus rapide et plus complète est la liquidation par la dictature fasciste de toutes les organisations non fascistes ou incomplètement fascistes, et plus cette dictature a besoin des mesures dites de capitalisme d'État et du système des corporations. Mussolini a procédé en Italie à la liquidation des partis bourgeois par étapes successives, parce que leur existence n'entravait pas beaucoup la réalisation de la dictature fasciste. Il a toléré pour un certain laps de temps la social-démocratie, parce qu'elle ne jouait en Italie qu'un rôle relativement insignifiant. Et il l'a détruite lorsque la dictature fasciste est entrée dans sa première crise aiguë. Hitler avait accédé au pouvoir dans un pays "archiorganisé", où il était impossible de centraliser davantage la direction sans supprimer tous les partis et organisations bourgeois; où la lutte acharnée entre les divers groupes de la bourgeoisie au sujet de la répartition de la portion décroissante de la plus-value, de la somme sans cesse diminuée des bénéfices, où la lutte entre les divers groupes capitalistes pour la couverture par l'État de leur déficit ne pouvait être écartée sans que fussent détruites leurs représentations de groupes (partis, organisations). Hitler est venu au pouvoir dans un pays dont la classe ouvrière est organisée plus que partout ailleurs. Mais les syndicats du prolétariat allemand, dont la direction a été accaparée par les social-démocrates, ont depuis longtemps cessé d'être des organisations combatives de classe. Le plus grand parti, qui mène derrière lui la majorité du prolétariat, est devenu social-fasciste. Le Parti communiste, malgré le développement rapide de son influence, n'a pas encore su saper l'influence de la social-démocratie. La classe ouvrière, privée de sa direction révolutionnaire, est incapable d'agir. Pour qu'elle puisse oeuvrer dans le sens révolutionnaire, elle doit être groupée autour de son parti révolutionnaire. Étant donné que le Parti communiste n'avait pas encore rallié la majorité de la classe ouvrière, le sort du prolétariat allemand dépendait de la conduite de la social-démocratie. Le fascisme, pour écraser la classe ouvrière, s'assignait pour tâche d'anéantir d'abord le Parti communiste. Mais en présence de la situation aggravée qui existait et continue d'exister en Allemagne, le Parti social-démocrate, les syndicats surtout, pouvaient de venir le réservoir où s'accumuleraient les éléments mécontents du fascisme. Par la force des choses, toute organisation, fût-elle aussi réactionnaire que le Casque d'acier, devenait, dès le mois de mars, un réservoir de ce genre. Voilà pourquoi le fascisme, venu au pouvoir parce que la social-démocratie était encore assez forte pour empêcher, au moyen de ses organisations centralisées, la résistance des masses à l'offensive de la dictature fasciste, mais déjà trop faible pour assurer par son soutien la solidité du système capitaliste, voilà pourquoi le fascisme a tué son auxiliaire, la social- démocratie. Il a brisé l'organisation social-démocrate pour réduire en poussière la classe ouvrière, pour tenter de se mettre lui-même à la tête de la masse des ouvriers désemparés et spoliés de leurs organisations, pour les intégrer à l'État fasciste ou, en cas d'insuccès, tout au moins les émietter. Les rythmes que les fascistes allemands ont adoptés pour accomplir toute cette procédure d'unification des partis bourgeois et des organisations capitalistes, ainsi que de la social-démocratie et des syndicats réformistes et chrétiens, ne sont pas dus au fait que Hitler a profité des leçons de Mussolini, mais, avant tout, au fait qu'il a pris le pouvoir dans une situation où le capitalisme allemand ne pouvait être temporairement sauvé que par la subordination immédiate de tous ses rouages au pouvoir dictatorial centralisé à fond de l'État fasciste; en second lieu, au fait que le système parlementaire en Allemagne et, avec lui, la social-démocratie qui, depuis 1918, participait au gouvernement, avaient fait faillite et s'étaient décomposés plus que dans tout autre pays. La social-démocratie allemande était disposée à tout, elle avait elle-même laissé venir au pouvoir Hitler; mais le fascisme exigeait d'elle une telle forte dose de nationalisme et de chauvinisme, une telle subordination à la volonté du capital financier qu'elle équivalait à la disparition de ses organisations, à l'unification, à la fusion avec les nazis. Or la social-démocratie, tant que la guerre impérialiste n'avait pas commencé, ne pouvait faire accepter cela par son organisation, encore qu'elle l'eût tenté. Témoin l'abandon par Wels de la 2e Internationale au début de mars 1933 et le vote de la fraction social-démocrate du 17 mai 1933 au Reichstag pour la politique de Hitler. Celui-ci montrait une hâte manifeste. La situation en Allemagne, l'état catastrophique du capitalisme allemand l'obligeait à faire diligence. Aussi fut-il contraint de demander à la social-démocratie, cette dame d'honneur déjà trop mûre, plus qu'elle ne pouvait donner et, comme elle ne pouvait satisfaire ses désirs, il la mit à mort. La social-démocratie allemande a cessé d'exister en tant que parti, après avoir rempli jusqu'au bout son rôle de courtisane de la bourgeoisie allemande, qui satisfaisait dans la mesure de ses forces les désirs de tous ses maîtres, depuis le Parti démocrate jusqu'au Parti national-socialiste inclusivement. Au reste, cette mort ressemble bien plus à un suicide qu'à un assassinat. La social-démocratie, comme l'a dit Heckert dans son article intitulé: "Où va l'Allemagne?", n'a pas péri parce que Hitler s'est avéré plus fort; elle est morte parce qu'elle s'est suicidée au point de vue politique et moral, en refusant de lutter contre le fascisme, en capitulant devant lui, en acceptant de passer à son service. La faillite de la social-démocratie allemande est évidente, même pour la 2e Internationale, pour ses théoriciens et ses publicistes, au point que toute tentative de la nier serait ridicule. Mais, reconnaissant la banqueroute de la social-démocratie allemande, les autres partis de la 2e Internationale entendent cacher leur propre déconfiture. Ils s'attachent à dissimuler qu'ils ont perdu leur ligne politique, qu'ils sont contraints de voguer à la dérive; à faire croire que seule la social-démocratie allemande est banqueroutière, que la faute en incombe à ses chefs, aux conditions spéciales où se trouvait l'Allemagne, aux erreurs commises par la social-démocratie allemande, et non pas à la ligne de la 2e Internationale, ni au fait qu'ils sont devenus des social-fascistes. À notre sens, cela tient justement à ce qu'ils sont devenus social-fascistes. Mais la critique apportée par la 2e Internationale à la social-démocratie allemande, à sa catastrophe, à sa banqueroute, n'est pas neuve. Wels a fait, moins heureusement et avec d'autres suites, ce qu'avant lui avait fait Mac Donald. Alors Wels et Vandervelde avaient critiqué Mac Donald; aujourd'hui Vandervelde, Blum, Henderson et Bauer ont critiqué Wels. Mac Donald a divisé les travaillistes anglais, est passé ouvertement aux côtés de la bourgeoisie, est demeuré un ministre du roi. Il s'est avéré utile. Wels s'est révélé inutile. Et on l'a chassé. Les choses se sont terminées par une réconciliation temporaire entre Wels et Vandervelde, parce que Wels ne pouvant s'intégrer au front national allemand, s'est vu obligé de rentrer au sein de la 2e Internationale. Car enfin, c'est bien ce qui s'est passé: il quitte la 2e Internationale, va trouver Hitler, on ne veut pas de lui, on lui dit: Va plutôt servir à la 2e Internationale. Il s'en retourne à la 2e Internationale: Accepté. Les théoriciens de la 2e Internationale reprochent à la social-démocratie allemande le fait que la "révolution allemande de 1918" n'a pas parachevé les tâches historiques qui se posaient devant la révolution démocratique bourgeoise de 1848, telles que la transformation de l'État semi-absolutiste en État démocratique, l'aboutissement de la révolution agraire bourgeoise commencée en 1789 en France contre le féodalisme, l'offensive générale contre les junkers qui continuaient â jouer un rôle considérable dans l'Allemagne de Weimar; ils lui reprochent d'en rejeter la faute sur les "conditions spéciales de la révolution de 1918", qui l'auraient soi-disant "empêchée de passer des problèmes de la révolution démocratique bourgeoise à la solution des problèmes de la révolution prolétarienne"; accusant la social-démocratie d'Allemagne de n'avoir pas "assuré la solidité du régime démocratique en Allemagne et d'avoir cédé le pouvoir à Hitler", les théoriciens de la 2e Internationale, qui apportent leurs critiques à la social-démocratie allemande, entendent sauver "l'honneur" du "socialisme démocratique", garder au moins l'apparence que tout leur plan stratégique n'a pas fait fiasco, sauver si peu que ce soit la vie de la 2e Internationale. En expliquant la défaite de leur parti dirigeant, qui a devancé leur tactique et leur stratégie, par les conditions spécifiques de l'Allemagne, ils entendent maintenir sous leur influence les masses des autres pays, sauver les chefs banqueroutiers et leur système, sauver et ressusciter la social-démocratie. Mais toutes ces tentatives d'explication de la catastrophe du Parti social-démocrate allemand sont vaines. Certes, il est exact que la révolution de 1918 n'a pas parachevé les révolutions démocratiques bourgeoises de 1848 et 1789; il est exact que la social-démocratie, après avoir écrasé cette révolution, a non seulement laissé la jouissance de la terre aux hobereaux, mais conservé pour l'avenir la caste des junkers et des officiers des Hohenzollern, en leur assurant des pensions. Il est exact, à coup sûr, qu'en 1918 la social-démocratie n'a pas pris le chemin de la révolution socialiste, encore qu'elle en eût toute possibilité; au lieu de cela, alliée aux junkers et aux officiers, elle a anéanti la révolution socialiste commençante. Mais ce n'est pas tout, tant s'en faut. Le fait est que la social-démocratie allemande a réalisé, en dernière analyse, depuis 1918, la dictature de la bourgeoisie sous la forme de la République de Weimar qui, dans les conditions de la crise générale du capitalisme, surtout dans un pays aussi éprouvé par la guerre impérialiste que l'était l'Allemagne, ne pouvait être autre chose qu'une dictature bourgeoise réactionnaire. Luttant contre toutes les forces véritablement révolutionnaires du pays et accordant pleine liberté aux fascistes, détruisant les organisations ouvrières révolutionnaires, la social-démocratie allemande a amené le prolétariat à la dictature fasciste. Sans la social-démocratie, le fascisme n'existerait pas en Allemagne. Sans l'aide directe de la social-démocratie, la bourgeoisie ne peut instaurer la dictature fasciste, ne peut gouverner le pays. IV. Si la social-démocratie en 1932... Il y a trois ans, le social-démocrate de gauche Muller, de Breslau, a écrit un roman fantastique intitulé Si en 1918... où il décrit la tournure qu'auraient prise les événements si la social-démocratie avait été un parti révolutionnaire en 1918. Nous pourrions tracer maintenant un tableau utopique pour montrer ce qui serait advenu si la social-démocratie avait voulu, en juillet 1932, défendre la "démocratie" de Weimar. Nous proposions alors à la social-démocratie le front unique en vue de la proclamation de la grève générale. Les masses ouvrières étaient pour cette grève. Elles n'attendaient que les indications de leurs syndicats et du Parti social-démocrate. Les ouvriers social-démocrates ne se décidaient pas à répondre à l'appel des communistes et à marcher contre la social-démocratie. Si cette dernière avait accepté la proposition de front unique faite par les communistes en vue de la grève générale, si elle avait au moins mis à profit son appareil d'État pour faire échec au coup de force fasciste opéré en Prusse, les fascistes se seraient vus contraints de se replier. Les masses petites-bourgeoises et paysannes se seraient tournées vers la révolution. Devant l'impossibilité de prendre le pouvoir, les fascistes se seraient désagrégés. Car enfin les éléments de désagrégation, en août 1932, étaient très forts, bien que la Prusse se trouvât déjà aux mains des commissaires de Papen. Les communistes étaient pour la lutte. Mais celle-ci fut sabotée par les social-démocrates. En janvier 1932, la situation s'aggravait, mais la social-démocratie était néanmoins plus forte que les fascistes. Si les social-démocrates avaient soutenu la manifestation de janvier déclenchée par les communistes contre le fascisme à Berlin, Hitler n'aurait pas osé convoiter le pouvoir. Si, même le 30 janvier 1933, la social-démocratie avait accepté les propositions de grève générale faites par les communistes, si elle avait proclamé la grève générale, au lieu d'en détourner les masses et de la torpiller, Hitler aurait pu être battu par les forces unifiées du prolétariat, quoique tous les délais fussent dépassés et que l'explosion nationaliste fût chose acquise. Combien de temps la République de Weimar se serait-elle maintenue à la suite de cette grève? Cela aurait dépendu des masses ouvrières elles-mêmes. Les communistes auraient continué à lutter avec un redoublement d'énergie pour conquérir la majorité de la classe ouvrière. Ils auraient montré aux masses que la solution de la crise n'est que dans le socialisme, que l'on ne peut définitivement vaincre les fascistes qu'en instaurant la dictature du prolétariat. Mais cette union de combat contre Hitler n'aurait pas signifié l'avènement de la révolution socialiste, pour autant que la majorité de la classe ouvrière ne suivait pas les communistes. C'eût été, dans son genre, une lutte contre le "kornilovisme". Les communistes allemands auraient combattu avec les ouvriers social-démocrates contre les bandes de Hitler et du "Casque d'acier"; ils auraient dénoncé en même temps les faiblesses, les flottements de Braun-Severing, leurs tentatives de négociations avec Hitler; ils auraient préparé les conditions nécessaires au prolétariat pour qu'il pût réellement s'emparer du pouvoir. Mais la social-démocratie allemande détourna les masses de la lutte, en capitulant sans coup férir devant Hitler; elle acclama même Hitler comme étant issu du milieu des travailleurs. C'est elle qui a anéanti définitivement la République de Weimar; c'est elle qui s'est suicidée. Ce n'est pas en Allemagne seulement que les choses se passent ainsi. En Espagne, à la suite de la révolution d'avril 1931, la social-démocratie, en coalition avec les partis bourgeois, arrive au pouvoir. Dès lors, elle s'engage en tout point dans la voie contre-révolutionnaire de la social-démocratie allemande. S'appuyant sur l'ancien appareil d'État de la monarchie, sur sa garde civile, sur la police et l'armée, le gouvernement de coalition engage le combat contre les masses ouvrières et paysannes en lutte pour le pain, pour les assurances sociales, la journée de sept heures, la terre aux paysans, le droit des peuples opprimés à disposer d'eux-mêmes. Les grands propriétaires féodaux, les monastères, les églises, conservaient leurs droits; les survivances féodales, moyenâgeuses, entre autres celles du servage, subsistent. Aucune mesure révolutionnaire n'est réalisée. Pas une organisation de combat de la bourgeoisie et des propriétaires fonciers n'a été désarmée; rien n'a été fait pour organiser la résistance aux forces de la contre-révolution. Cependant le Parti communiste est l'objet de persécutions, sa presse est interdite. Les ouvriers et les paysans révolutionnaires sont poursuivis. Rien d'étonnant que, devant cette politique de la social-démocratie, les masses lui tournent le dos; que la social-démocratie ait subi une cuisante défaite aux élections récentes. La social-démocratie espagnole critique pour sa part la conduite de la social-démocratie allemande, mais elle emprunte la même voie que cette dernière, car il ne saurait y en avoir d'autre pour la social-démocratie, quelle que soit la phraséologie radicale derrière laquelle elle se retranche. La social-démocratie espagnole, de même que l'allemande, cédera le pouvoir au fascisme, si les communistes espagnols ne se hâtent de l'isoler des masses. En Autriche, Otto Bauer a maintes fois écrit que la social-démocratie n'avait pu s'orienter en 1918 vers la conquête du socialisme, parce que l'Autriche, pays de faible importance, aurait été du coup écrasée par les interventionnistes, si elle avait tenté de marcher contre le capitalisme. Or, Otto Bauer veut cacher qu'en Autriche, où il était au pouvoir, non seulement rien n'a été entrepris pour instaurer le socialisme, mais que les tâches de la révolution démocratique bourgeoise n'ont pas été accomplies jusqu'au bout, que l'influence des junkers et celle des officiers des Habsbourg n'a pas été détruite. En critiquant la social-démocratie allemande, Otto Bauer veut cacher que, déjà le 1er décembre 1929, il s'était produit en Autriche quelque chose comme un 20 juillet de Prusse; que la social-démocratie autrichienne, se retranchant derrière une phraséologie radicale, cédait pas à pas et continue de céder la place à la dictature fasciste; qu'elle compromettait la lutte du prolétariat contre l'offensive austro-fasciste, de même que l'avait fait, des années durant, la social- démocratie allemande. Otto Bauer oublie qu'il y a quatre ans à peine son ami et compagnon, austro-marxiste également, Karl Renner, s'est attaché à démontrer que les social-démocrates, forts de la leçon italienne, devaient essayer de travailler en bonne intelligence avec les fascistes, de renoncer à l'activité parlementaire et de lutter pour conserver leurs postes dans l'appareil d'État. Ainsi Karl Renner avait, il y a quatre ans, déjà théoriquement fondé la politique ignominieuse que Loebe et Künstler réalisèrent le 17 mai 1933 au Reichstag. On ne saurait oublier cela. La social-démocratie autrichienne, par suite de cette politique, a considérablement faibli depuis quelques années. Néanmoins, elle est encore aujourd'hui incomparablement plus forte que le fascisme autrichien. Si elle voulait exploiter la force des ouvriers autrichiens qui la suivent, les austro-fascistes disparaîtraient de la face du monde. En présence des contradictions aggravées, qu'Otto Bauer ne cesse d'alléguer, aucun état- major général n'oserait intervenir. Il n'est guère probable que des pays importants se décident, pour l'Au triche, à commencer la guerre, dans l'état actuel des choses. La social-démocratie autrichienne ne fait que bavarder en disant qu'elle appellerait à la grève générale au cas où les troupes étrangères envahiraient l'Autriche, où le bourgmestre social-démocrate de Vienne, Seitz, serait relevé de son poste; en cas d'interdiction du Parti social-démocrate et de la "mise au pas" des syndicats réformistes. La social-démocratie laisse passer un délai après l'autre; par son inaction, elle écarte du prolétariat les masses petites-bourgeoises. Par sa politique d'abandon de la lutte, elle démoralise le prolétariat. Elle prépare sa capitulation complète devant le fascisme, la cession de Vienne et de l'Autriche aux fascistes. Par sa politique, elle prépare la défaite du prolétariat autrichien. Les cinq sixièmes de ce dernier suivent encore la social-démocratie. Les ouvriers sont pour la grève générale; ils veulent lutter. Mais ils croient encore que la social-démocratie est leur organisation à eux, qu'elle les appellera à la lutte au moment voulu. Si la social- démocratie appelait à la grève générale, le prolétariat serait uni dans sa lutte contre le fascisme, dont il repousserait l'offensive. Les communistes seraient les premiers organisateurs de la lutte, ils ne poseraient pas la question de l'établissement immédiat de la dictature du prolétariat tant que la majorité de la classe ouvrière ne les suivrait pas. Ils ne feraient momentanément que de l'agitation pour la dictature du prolétariat, pour le pouvoir soviétique, comme le seul moyen de sauver la classe ouvrière autrichienne de la misère, de la détresse et du fascisme. Ils mèneraient la lutte pour l'hégémonie dans le mouvement Ouvrier d'Au triche, et s'attacheraient à démontrer que le seul sa lut, l'unique moyen de sortir de cette misère et de cette détresse, c'est la dictature du prolétariat. Ce n'est qu'après avoir conquis les masses, qu'ils accepteraient l'insurrection armée en vue d'instaurer le pouvoir soviétique. Cependant les communistes combattraient le fascisme en union avec les social-démocrates, si ces derniers voulaient bien combattre. Les communistes sont seuls contre le front unique de la social-démocratie et de la bourgeoisie tout entière: ils ne peuvent pas encore réaliser avec succès la grève générale, n'étant pas en mesure d'entraîner derrière eux le gros du prolétariat. Mais ils s'assignent comme tâche de montrer aux ouvriers la voie à suivre pour combattre le fascisme, d'organiser la lutte à laquelle les social-démocrates se dérobent. Si ces derniers, profitant de la faiblesse relative des communistes, cèdent le pouvoir aux fascistes, la responsabilité de toutes les horreurs qui s'abattront alors sur la classe ouvrière autrichienne retomberait uniquement sur la social-démocratie. Les communistes ne capitulent pas. Ils continueront à combattre seuls le fascisme et la guerre, pour la dictature du prolétariat. La dictature fasciste s'installe en Lettonie et en Esthonie. Là encore, la social-démocratie, de même qu'en Autriche, décide du sort de la dictature fasciste. C'est elle, et elle seule, qui est responsable des destinées de la classe ouvrière lettone et esthonienne dans la situation actuelle. Sans le concours direct de la social-démocratie, la dictature fasciste n'aurait pas triomphé en Allemagne et ne saurait être établie ni en Autriche, ni en Espagne, ni en Lettonie, ni en Esthonie, ni dans aucun autre pays. En Tchécoslovaquie, la dictature fasciste s'impatronise à une allure rapide. Déjà en avril 1933, le secrétariat du C.E. de l'I. C. écrivait au Comité central du Parti communiste de Tchécoslovaquie ce qui suit: La fascisation de la Tchécoslovaquie suivra sa voie propre, une voie particulière. Vouloir parler aujourd'hui de brünningiade en Tchécoslovaquie, et encore d'une brünningiade qui ne fait que de s'annoncer, reviendrait à sous-estimer la gravité du moment actuel et la possibilité, de la part du gouvernement au pouvoir, de déclencher des attaques subites et des provocations contre le Parti communiste; ce serait aussi sous-estimer le rôle contre-révolutionnaire de la social-démocratie. Ce qui importe par-dessus tout pour les communistes tchèques à l'heure présente, c'est de comprendre que le "burg" est la direction de la bourgeoisie tchèque, qui s'attache à réaliser la concentration nationale et la fascisation de la Tchécoslovaquie, sous le drapeau de la défense de la "démocratie" et de la "défense" militaire du système de Versailles, en union avec la Pologne fasciste, la Yougoslavie et la Roumanie, sous la conduite de la France, tant contre la révolution prolétarienne que contre les plans révisionnistes fascistes de l'Allemagne. La vague de nationalisme en Allemagne visait la République de Weimar, expression de l'assujettissement de l'Allemagne par les pays vainqueurs. Le symbole du triomphe du nationalisme tchèque est le "burg"; aussi est-il le torrent principal où affluent les courants nationalistes qui se forment dans le peuple tchèque; en présence de la menace croissante pour la Tchécoslovaquie, le "burg" jouera ce rôle avec encore plus d'ampleur. C'est dans cette voie que, nous le voyons, s'opère la fascisation de la Tchécoslovaquie. Sur ce point, le rôle le plus actif incombe à la social-démocratie, qui réa lise le fascisme sous le drapeau de la défense de la démocratie. La social-démocratie tchécoslovaque est l'auteur d'une loi d'exception, de projets d'interdiction des organisations communistes, du P.C. Le fascisme, en Tchécoslovaquie, est instauré par la social-démocratie, par la coalition de cette dernière avec les partis bourgeois. Mais il va de soi que ce processus de fascisation ne s'arrêtera pas là. En Tchécoslovaquie, la social-démocratie ne doit pas nécessairement être anéantie comme en Allemagne. Sa fin peut survenir dans des conditions quelque peu différentes et moins tragiques. Mais, en fin de compte, les conséquences seront identiques. La social-démocratie tchécoslovaque se suicide en tant que parti, en liquidant la "démocratie" dans le pays. Elle montre dans les faits que non seulement elle n'est pas un parti socialiste, mais qu'elle n'est même pas un parti démocrate, dans la vieille acception masarykiste de ce mot. Elle est le parti de la bourgeoisie réactionnaire, avec laquelle elle instaure la dictature fasciste. S'il y avait, en Tchécoslovaquie, un vrai parti démocrate bourgeois, il tendrait à approfondir la démocratie, à libérer les peuples opprimés, à consommer la révolution agraire, la lutte plébéienne contre le fascisme et la guerre. Mais ce parti est inexistant en Tchécoslovaquie. Il n'existe plus dans aucun autre pays impérialiste. Tous les partis bourgeois, y compris la social-démocratie, sont devenus les partis de la réaction, de la contre-révolution. Il n'est qu'un seul parti de la révolution; c'est le Parti communiste. La social-démocratie a perdu sa physionomie en tant que parti indépendant; elle forme un front contre-révolutionnaire unique avec la bourgeoisie. Le fascisme doit son succès à la fascisation de la social-démocratie, au fait que celte dernière est devenue un parti social-fasciste, ainsi que nous l'avons constaté au 6e congrès de l'Internationale communiste. Si, en 1918, la social-démocratie avait été un parti marxiste révolutionnaire, l'Europe serait depuis longtemps socialiste. Si, en 1933, la social-démocratie était au moins un parti démocratique, l'Allemagne n'aurait pu devenir fasciste. La crise actuelle de la social-démocratie découle de sa fascisation rapide, de sa capitulation devant le fascisme. V. Caractéristiques de la crise actuelle de la social-démocratie La crise actuelle de la social-démocratie se distingue foncièrement de celle qui l'avait frappée pendant la guerre impérialiste. À ce moment la social-démocratie, devenue un parti petit-bourgeois réformiste, avait trahi la classe ouvrière; elle était passée, dans chaque pays, aux côtés de la bourgeoisie et s'était transformée en parti social-nationaliste, social-chauvin, social-patriote, social-impérialiste. Après avoir écrasé le prolétariat allemand et autrichien en 1918, elle avait reparu comme parti de l´"évolution démocratique vers le socialisme", de l´"intégration pacifique au socialisme", s'appuyant sur les illusions patriotico-démocratiques et patriotico-pacifistes des masses lassées par la guerre. La 2e Internationale fut restaurée après la formation de la Société des nations, en tant qu'appendice "socialiste" de cette dernière. Elle mettait à la base de sa politique extérieure la coopération des gouvernements capitalistes au sein de la S.D.N, et la lutte contre l'U.R.S.S. Elle assignait comme base à sa politique intérieure la division du mouvement ouvrier, la lutte anticommuniste. Sa politique, à l'intérieur de chaque parti, tendait à utiliser les anciennes organisations, autrefois marxistes, de la classe ouvrière, en vue d'enchaîner l'énergie révolutionnaire de cette dernière. La crise actuelle de cette 2e Internationale d'après-guerre commença lorsque apparut le contraste grandissant entre le pays du socialisme en construction et les pays du capitalisme pourrissant, contraste qui devint évident au moment où la social-démocratie d'Allemagne capitulait devant Hitler. La 2e Internationale se désagrège à l'échelle mondiale dans le sens des antagonismes nationaux des États bourgeois, et dans chaque pays par groupes distincts qui reflètent le degré de fascisation des diverses couches de la social-démocratie du pays en question. C'est là la preuve que la social-démocratie a trahi désormais non seulement comme parti révolutionnaire, mais comme parti réformiste et parti démocratique. Aussi est-on parfaitement fondé à parler aujourd'hui non seulement de la défaite politique, mais de la catastrophe idéologique de la social-démocratie. Cette catastrophe idéologique aboutit à ce fait que les groupes en lesquels s'est désagrégée la social-démocratie se critiquent les uns les autres, s'accusent réciproquement, en utilisant à cet effet des arguties empruntées à leur vieux bagage idéologique. En Allemagne, l'organisation social-démocrate est inexistante aujourd'hui. La social-démocratie allemande comprend le groupe de Prague, qui formule le mot d'ordre de la "révolution contre Hitler pour le rétablisse ment de la démocratie", le groupe berlinois Loebe-Künstler, qui s'adapte au régime fasciste dans la mesure où celui-ci le lui permet, le groupe parisien, qui assaisonne la bouillie idéologique social-démocrate de quelques phrases radicales; puis viennent des dizaines de petits groupements et d'écrivains qui apportent leurs critiques à leur vieille idéologie, mais qui sont incapables de s'élever au marxisme, au communisme, qui cherchent midi à quatorze heures, qui, par leur confusion idéologique, entravent très sérieusement la lutte de la classe ouvrière et qui, par leurs procédés, empêchent les masses de passer au communisme. En France, le groupe Renaudel-Déat passe ouvertement dans le camp du nationalisme bourgeois; le groupe Blum s'efforce de maintenir ses anciennes positions; le groupe de l´"Action socialiste" traduit l'évolution à gauche des masses ouvrières. En Angleterre, les nationaux-labouristes, les travaillistes, les indépendants; des éléments de décomposition, en Autriche et en Suisse; deux partis en Hollande. Presque dans chaque pays on compte déjà trois partis social-démocrates au moins; dans chacun de ces partis s'affrontent des dizaines de points de vue, et la seule chose qui les unisse, c'est leur rôle commun de principal soutien social de la bourgeoisie et d'ennemi actif de l'Internationale communiste. La 2e Internationale s'attache, pour la forme à unifier ce fatras de partis nationalistes, de groupes et sous-groupes emmêlés. Elle s'emploie à réconcilier Blum avec Renaudel (sur ce point une décision a été prise à la dernière session du Bureau de la 2e Internationale), Wels avec Seidewitz; elle accepte tranquillement le départ et le retour de Wels. Elle rédige des résolutions où elle met tout son espoir dans le miracle qui doit s'opérer à Genève. C'est là que la Société des nations désagrégée et la conférence du "désarmement" banqueroutière doivent unifier et désarmer les impérialistes. Vraiment, on n'a plus le sentiment du ridicule. On montre ainsi non seulement qu'on a perdu toute ligne politique, mais aussi qu'on perd la tête. Cela est vrai non seulement pour la social-démocratie allemande, mais pour l'ensemble de la 2e Internationale. En effet, la social-démocratie allemande n'avait pas de politique à elle; il n'y a, et il n'y a jamais eu qu'une seule politique commune à la social-démocratie internationale tout entière; le sort de la social-démocratie allemande est partagé par les partis social-démocrates de tous les pays. Ils ont tous formé un front unique contre-révolutionnaire avec la bourgeoisie pour lutter contre le front unique du prolétariat; ils font tous une politique tendant à affaiblir le prolétariat; ils sont tous des social-fascistes, des partis acceptant la capitulation devant le fascisme. Où chercher les causes de cette crise qui frappe la social-démocratie? C'est que, en premier lieu, le monde est à la veille d'un nouveau cycle de guerres impérialistes, dont les préparatifs ont déjà amené une puissante explosion de nationalisme. Aussi la 2e Internationale se disloque-t-elle, la social-démocratie de chaque pays se rangeant derrière sa bourgeoisie nationale. En second lieu, la social-démocratie actuelle ne pouvait avoir de place dans le système bourgeois d'administration qu'en régime parlementaire. Avec la centralisation extraordinaire du pouvoir d'État, dont j'ai déjà parlé, elle est devenue inutile dans l'appareil même de gestion de certains pays. En troisième lieu, la misère et la détresse croissantes des masses ont fait perdre à la social-démocratie l'influence qu'elle exerçait sur ces dernières, ce qui la contraint à s'adapter encore plus promptement aux exigences de sa bourgeoisie, à se fasciser encore plus vite. D'où la fascisation accélérée de la social-démocratie dans chaque pays, sa division en une série de groupes et de partis, marquant les différents degrés de sa fascisation; de là la dissociation de la 2e Internationale en ses éléments constitutifs nationaux, qui formeront autant de groupements adverses dans la prochaine guerre impérialiste; de là, la confusion et la banque-route de l'idéologie social-démocrate, puisque la théorie du "socialisme démocratique" fait faillite et que disparaissent les illusions sur le développement pacifique du capitalisme et sur l´"évolution démocratique vers le socialisme". Chaque parti social-démocrate possède plusieurs fractions qui traduisent la décadence idéologique de la social-démocratie; mais ce sont les droites qui agissent, qui marchent ouvertement vers le fascisme et s'attellent au char du nationalisme. Les "gauches" restent passifs et bavardent, empêchant les masses de passer au communisme. Les droites agissent, organisent; les "gauches" rédigent des résolutions "gauches", se livrent à leur phraséologie radicale, prononcent des discours gauchistes sur la dictature du prolétariat, préconisent des projets tendant à réformer la social-démocratie, maintiennent les masses dans le front contre-révolutionnaire avec la bourgeoisie. Là est la division du travail, là est le rôle des "gauches". Dans ces conditions de décadence de la social-démocratie, les petits groupes de Trotski, Brandler et autres sont pour la bourgeoisie un moyen d'empêcher les masses de se joindre aux communistes, un moyen de soumettre la classe ouvrière à la dictature de la bourgeoisie. Ils s'emploient à remplir pour la bourgeoisie la tâche la plus importante et la plus difficile aujourd'hui, tâche dont la vieille social-démocratie n'est plus en mesure de s'acquitter. Ils sont en même temps les principaux pourvoyeurs de la théorie et de l'argumentation contre l'U.R.S.S. et l'Internationale communiste. Ils accomplissent encore une troisième tâche non moins importante pour les fascistes, celle qui consiste à désagréger le mouvement ouvrier, à en faire un conglomérat de sectes et de groupes. C'est là leur rôle d'avant-poste de la bourgeoisie contre-révolutionnaire. Combattant la social-démocratie, l'Internationale communiste doit en même temps lutter pour la suppression des groupes de trotskistes et de brandlériens encouragés par les fascistes, contre la dispersion du mouvement ouvrier en petits groupes, pour son unification sous la conduite des communistes. VI. Nous allons à la révolution... La crise de la social-démocratie est une des parties constitutives les plus importantes de la crise générale du système capitaliste. En Allemagne, les masses populaires ne veulent pas vivre sous la botte de Hitler et ne veulent pas non plus revenir à la démocratie de Weimar. En Pologne, en Hongrie, en Italie, la dictature fasciste faiblit manifestement. L'Autriche est une chaudière en ébullition. En Lettonie et en Esthonie, une portion considérable de la population, bien que non prépa rée encore à la révolution prolétarienne, est en quête d'un parti capable du jour au lendemain de chasser la clique dominante. Au Japon, on voit percer à travers le système de terreur déchaînée la volonté des masses d'en venir à la révolution. De grands événements révolutionnaires peuvent s'amorcer d'une façon fort inattendue. Aussi avons-nous le devoir, comme l'a dit le camarade Kuusinen de mettre à l'ordre du jour la question de la lutte pour le pouvoir soviétique, du renversement du pouvoir des classes dominantes par l'insurrection armée. Nous devons préconiser partout le programme de l'instauration du gouvernement soviétique, mobiliser autour de ce programme les masses, les préparer pour que, sachant nos buts, elles soient capables de prendre le pouvoir en mains quand le rapport des forces nous sera favorable et que la situation sera révolutionnaire. La situation révolutionnaire n'existe encore dans aucun des principaux pays impérialistes, mais elle peut surgir à bref délai. La phase actuelle n'est plus celle de l'évolution pacifique. Pour la majorité des pays, ce n'est plus une période où il faille simplement dénoncer la social-démocratie. En Allemagne et en Autriche, ce n'est pas simplement une période de lutte pour la majorité de la classe ouvrière, mais la période de formation d'une armée révolutionnaire en vue des batailles de classes décisives pour la prise du pouvoir, la période de mobilisation de cadres disposés à tous les sacrifices pour abolir le régime actuel, pour amener la victoire du prolétariat. Qu'est-ce à dire? La poussée, l'effervescence spontanée des masses est là, bien qu'elle n'éclate pas encore ouvertement. Les communistes ne la perçoivent pas toujours, ne lui donnent pas toujours la direction voulue. Les communistes ne saisissent pas toujours le moment précis où le mécontentement déborde le cadre des revendications économiques, où il est dirigé contre l'État tout entier. Il nous faut être plus attentif à cette poussée spontanée, à cette effervescence instinctive des masses. En Allemagne, les masses cherchent à savoir comment, dans quelle mesure et sous quelles formes, il est possible de se dresser contre la dictature fasciste. Qu'une grève importante ou une manifestation se produise, et la voie sera ouverte à l'explosion de leur mécontentement. Aussi bien, concurremment au mot d'ordre de lutte pour la prise du pouvoir, nous devons mettre à l'ordre du jour celui de la grève générale, organisée et conduite par les communistes, et pour laquelle il est nécessaire de mobiliser les masses en déclenchant des grèves économiques. En Autriche, le mot d'ordre de grève politique générale a été formulé sous la poussée des masses par les social-démocrates, mais ceux-ci redoutent plus la révolution que le fascisme. Les communistes ont le devoir de canaliser par tous les moyens la poussée spontanée des masses qui réclament cette grève. Les communistes doivent être les principaux agitateurs en faveur de la grève générale. Cela est également vrai pour la Lettonie, de même que pour tous les autres pays qui sont menacés de voir s'établir chez eux la dictature fasciste. En Pologne, avec le vaste mouvement de grève qui a lieu cette année, les grèves politiques sont moins nombreuses. Mais cela ne doit pas signifier et ne signifie pas que la décision de la 11e Session plénière relative à la grève générale en Pologne puisse être oubliée. Non, elle ne peut être vouée à l'oubli. En Tchécoslovaquie, sous le gouvernement de coalition social-démocrate, il y a eu une série de bonnes grèves politiques dirigées contre l'État. Elles doivent et peuvent se renouveler. Ces dernières semaines, le développement des événements, dont les camarades tchèques ont parlé dans leurs interventions, permet d'escompter la montée du mouvement de grèves politiques. L'Amérique, l'Angleterre, la France demeurent, dans l'ensemble, des pays à grèves économiques; mais, là aussi, il faut élever le mouvement de la grève économique à la grève politique. L'Amérique surtout peut se trouver placée devant des grèves politiques importantes. C'est de ce côté que le P.C. américain doit désormais orienter l'effervescence des masses. Quels peuvent être, à l'heure actuelle, les mots d'ordre de la grève politique de masse ? Ils doivent dresser les masses à la lutte pour la prise du pouvoir, les mener de la défensive à l'offensive. En Autriche, en Lettonie, en Tchécoslovaquie, partout où le fascisme prend l'offensive, la grève politique s'assigne pour tâche de défendre les droits élémentaires des ouvriers, de lutter contre l'instauration de la dictature fasciste, contre le gouvernement actuel réalisateur du fascisme. Pour l'Allemagne, les mots d'ordre de la grève politique peuvent être la liberté d'élire les conseils d'entreprise, l'élargissement de tous les détenus, le retrait des gardes d'assaut des quartiers ouvriers, le renversement de la dictature fasciste, l'établissement du pouvoir soviétique. Mais ce qui importe le plus pour la formation de l'armée révolutionnaire, c'est la tactique du front uni. Forts de l'effervescence spontanée des masses, les partis communistes doivent faire appel aux ouvriers social-démocrates et sans-parti, sans lâcher l'espace d'une seconde la direction du mouvement. À eux de montrer que l'action commune et féconde des ouvriers dirigés par les partis communistes permettra de barrer la route au fascisme. À eux de montrer que, si la social-démocratie n'a pas combattu le fascisme en Allemagne, la division du mouvement ouvrier n'y est pour rien. Seuls les social-démocrates, en Allemagne comme dans tout autre pays, sont coupables de l'avènement des fascistes au pouvoir. La scission du mouvement ouvrier n'y est pour rien. Les scissionnistes sont les social-démocrates, qui ont formé le front unique contre-révolutionnaire avec la bourgeoisie, le front unique révolutionnaire peut toujours et à tout moment être constitué, si la social-démocratie veut lutter contre le fascisme. Il sera formé à l'encontre de la social-démocratie quand les ouvriers seront convaincus que cette dernière les livre aux fascistes. Le plus grand malheur, c'est de ne pas le comprendre. La tactique allemande du front uni a toujours eu ceci de positif que les camarades allemands n'ont cessé de dire aux ouvriers social-démocrates la vérité sur leur parti et ont toujours montré la voie qu'il convenait de suivre. Ils ont parfaitement raison de dire, maintenant, que l'essentiel est de ne pas laisser rétablir la direction social-démocrate dans les organisations ouvrières, les syndicats surtout, de ne pas permettre d'exploiter les organisations ouvrières pour détourner les ouvriers de la lutte. Ce qu'il y avait de mauvais dans la tactique de Gutmann, en Tchécoslovaquie, c'est que ce dernier défendait l'unité pour l'unité, qu'il ne s'inspirait pas de la nécessité de former une armée révolutionnaire en vue de la lutte pour les objectifs politiques de notre parti, pour la conquête du pouvoir, mais conviait à s'adapter aux tendances et aux conceptions retardataires des ouvriers social-démocrates. C'est pourquoi la tactique de front unique préconisée par Thaelmann était révolutionnaire, tandis que celle de Gutmann était opportuniste. Dans la mesure où le gutmanisme, si l'on peut s'exprimer ainsi, s'est infiltré dans certains milieux du P.C. tchécoslovaque, il a, bien entendu, causé à ce dernier un grand préjudice. Mais le P.C. de Tchécoslovaquie est assez fort, il a des cadres suffisamment robustes et des relations assez solides avec les masses pour corriger, sous la direction du camarade Gotwald, les erreurs commises et marcher vers de nouveaux succès. VII. La question allemande et l'Internationale communiste Trois questions importantes permettent aujourd'hui d'éprouver la maturité révolutionnaire et la conscience de chaque parti communiste, de chaque membre du P.C., de chaque révolutionnaire. Premièrement, la question relative à l'U.R.S.S., l'intelligence du rôle et de la signification de l'U.R.S.S. pour la révolution prolétarienne internationale, la compréhension de la politique de l'U.R.S.S., modèle pour la refonte de tous les pays. Quiconque ne donne pas toutes ses forces à la défense de l'U.R.S.S., n'est pas un révolutionnaire. C'est un contre-révolutionnaire, c'est l'adversaire de la dictature du prolétariat, de la révolution socialiste. Deuxièmement, la question de l'attitude à l'égard de la révolution chinoise et de la République soviétique de Chine. Quiconque ne donne pas toutes ses forces et ses capacités d'organisation à la défense de la révolution chinoise et de la République soviétique de Chine, brise l'union internationale des communistes, ne lutte pas pour l'alliance du prolétariat des pays impérialistes avec les peuples travailleurs des colonies et des semi-colonies, ne songe pas sérieusement à la dictature du prolétariat, au pouvoir soviétique dans son propre pays. Troisièmement, la question de l'attitude envers la révolution allemande, la compréhension de ses problèmes et de la lutte du prolétariat allemand. Quiconque ne comprend pas la question allemande, ne comprend pas non plus quelle est la voie du développement de la révolution prolétarienne en Europe. Celui qui ne donne pas toutes ses forces pour soutenir le prolétariat allemand, celui-là ne lutte pas pour la révolution prolétarienne en Europe. Car la victoire du prolétariat en Allemagne signifierait le triomphe de la révolution prolétarienne dans toute l'Europe; la défaite du prolétariat allemand ferait traîner en longueur le développement de la révolution prolétarienne dans les autres pays européens. L'Allemagne a été et reste le maillon le plus faible dans la chaîne des États impérialistes. C'est le pays où les antagonismes de classe sont le plus aigus. C'est le pays où tous les antagonismes du monde capitaliste s'enchevêtrent sous la forme la plus violente. D'autre part, l'Allemagne est le coeur de l'Europe capitaliste, un pays dont l'économie et la politique s'entrelacent avec celles de tous les pays capitalistes d'Europe. Aussi la révolution prolétarienne est-elle plus proche en Allemagne que dans tout autre pays. Or, la victoire du prolétariat de ce pays équivaut au triomphe de la révolution prolétarienne dans toute l'Europe, parce que l'Europe capitaliste ne saurait exister si elle venait à perdre son cœur. Il est clair par conséquent que les questions allemandes apparaissent essentielles à la veille du deuxième cycle de guerres et de révolutions. Ce fait impose à tous les P.C. et à tous les communistes la responsabilité la plus grande pour les destinées de la révolution allemande. Le succès du fascisme en Allemagne a été la grande épreuve qui a permis de vérifier la façon dont chaque parti, chaque communiste comprenait la situation internationale et le cours du processus révolutionnaire. C'est dans cette épreuve que s'est révélée notre force et aussi, bien entendu, ce qui, malheureusement, subsistait encore de gangrené dans nos rangs. Il importe de noter avec la plus vive satisfaction, le fait que notre jeune parti communiste d'Espagne, avec son organe central Mundo Obrero, se trouvant lui-même dans le feu de la révolution, avait, dès le début, apprécié exactement la situation, l'importance des événements en Allemagne, et avait su déployer une vaste campagne de solidarité prolétarienne internationale avec les prolétaires de ce pays. Une campagne de solidarité également énergique a été déclenchée par le parti polonais, en lutte lui-même contre le joug du fascisme. Le P.C.P. a fait une large campagne dans les usines, les mines et les fabriques. Des mois durant toute sa presse a été consacrée aux affaires allemandes. Elle disait aux masses: Le prolétariat allemand n'est pas seul; il sera entouré de la solidarité active et de l'aide du prolétariat révolutionnaire mondial, qui se rend compte que le triomphe de la révolution socialiste en Allemagne assurera la victoire de la révolution mondiale. À cette lutte active prendront part, avant tout, les masses travailleuses de Pologne, en lutte elles-mêmes contre le joug fasciste. Les P.C. autrichien, belge, danois, hollandais et une série d'autres petits partis ont mené une campagne d'éclaircissement assez active parmi les masses. Bien plus faibles comparativement à leurs moyens se sont montrés, dans la question du soutien du prolétariat allemand, les partis communistes des États-Unis, de France, de Tchécoslovaquie. Nos camarades d'Amérique n'ont pas accordé durant une période prolongée, une attention sérieuse à la portée des événements d'Allemagne, sur lesquels ils n'ont pas éclairé les masses. Dans le P.C. anglais, qui n'avait pas montré beaucoup d'entrain les premiers jours, n'ayant visiblement pas jugé à sa valeur la nécessité de combattre le fascisme, la camarade Gallacher a su développer plus tard une campagne sérieuse et soutenue, et adopter une ligne politique claire. En Tchécoslovaquie, la campagne antifasciste de solidarité, bien commencée, a été sensiblement affaiblie par suite des tendances opportunistes du groupe Gutmann qui, aidé en cela par l´"ultra-gauche, historiquement gauche", camarade Reinmann, s'était emparé de la presse du Parti. (Piatnitski, de sa place. - Ultra-gauche entre guillemets!) Ils ont eu des "droites historiques", je pense que nous sommes tout aussi fondés à dire qu'ils ont des "gauches historiques", qui, dans le fond, sont des droites. Cela est également vrai pour la France, où, en mars et en avril, on avait vu s'accréditer dans le Parti le point de vue trotskiste que le P.C.A. avait capitulé; où les Cahiers du bolchévisme s'occupaient bien plus de rechercher les "erreurs" du P.C.A. que de dénoncer le rôle de traître de la social-démocratie dans la victoire du fascisme en Allemagne et de mobiliser les masses contre le fascisme allemand. Mais, camarades, si l'on peut marquer les succès de nos partis dans ce domaine, succès qui montrent la croissance de l'internationalisme agissant, il convient de dire que là même où notre campagne de soutien de la révolution allemande et d'explication du sens des événements d'Allemagne avait été le mieux organisée, elle n'en laissait pas moins beaucoup à désirer. En particulier notre campagne pour le soutien et la défense du prolétariat allemand en rapport avec le procès de Dimitrov, Torgler, Popov et Tanev, est loin d'être suffisante. Comparant la campagne que nous avons déployée maintenant à celle qu'avait déclenchée le prolétariat mondial lors du procès de Sacco et Vanzetti, on doit reconnaître que cette dernière était plus étendue que la campagne d'aujourd'hui. Nous n'avons pas encore pu atteindre ce niveau, encore que l'importance politique du procès de Leipzig soit beaucoup plus grande que l'affaire Sacco et Vanzetti. Nous étions alors tout au début de l'essor révolutionnaire. L'expérience du mouvement de masse déclenché pour la défense de Sacco et Vanzetti nous avait fait conclure pour la première fois que la vague révolutionnaire, une nouvelle vague révolutionnaire, montait. Nous sommes aujourd'hui à la veille du deuxième cycle de révolutions et de guerres. Si alors on était au début d'un nouveau mouvement d'envergure, aujourd'hui, cette vaste campagne de solidarité avec les camarades d'Allemagne, avec les prisonniers de Leipzig, est notre lutte internationale pour la révolution allemande, notre, soutien de cette dernière, notre mouvement de masse contre la terreur fasciste; elle peut devenir le point de départ d'une vigoureuse action et de puissants mouvements politiques de la classe ouvrière. VIII. La lutte contre la social-démocratie de "gauche" et la déviation à droite dans les partis communistes Camarades, je tiens à demander ici d'où venait et ce que signifiait l'attitude du camarade Gutmann, qui a simplement saboté la publication et la popularisation des résolutions adoptées par le C.E. de l'I.C. sur la situation en Allemagne, et encore d'où venait l'orientation des collègues opportunistes du camarade Reinmann de la rédaction des Cahiers du bolchévisme. Ces camarades avaient perdu la perspective révolutionnaire, s'étaient laissé influencer par la social-démocratie, en particulier par les brandlériens et les trotskistes, qui mènent une campagne féroce contre l'Internationale communiste et le P.C.A. Lorsque la capitulation de la social-démocratie allemande devant Hitler eut provoqué l'indignation des masses ouvrières dans les autres pays, la social-démocratie, menacée de voir passer aux communistes, les ouvriers, indignés par la conduite des social-démocrates allemands, entreprit une grande manoeuvre contre l'U.R.S.S. et l'Internationale communiste pour les discréditer aux yeux des masses travailleuses. Les social-démocrates tchécoslovaques déclaraient que l'U.R.S.S. avait déçu les prolétaires allemands en ne déclenchant pas la guerre contre le fascisme. Cette campagne de provocation manifeste n'eut cependant pas de succès. Alors une campagne fut entreprise pour accuser l'U.R.S.S. de trahir la classe ouvrière, en cultivant des relations diplomatiques normales avec l'Allemagne. Mais le ton énergique dont l'U.R.S.S. usa à l'égard de l'Allemagne mit fin à cette campagne. Nous, communistes, n'avons pas à rougir quand le plus grand pays capitaliste, le plus arrogant, les États-Unis, pour renforcer la paix ainsi que ses positions, reconnaît l'U.R.S.S. au bout de seize ans. Nous, communistes, n'avons pas à rougir quand Mussolini prie Litvinov de passer à Rome. L'U.R.S.S., pour parler à tout le monde, emploie le langage de la force. Elle a fait avaler au Japon la pilule qu'a été la publication des documents diplomatiques japonais. La reconnaissance la plus importante pour les communistes, c'est quand nos pires ennemis sont contraints de traiter avec l'U.R.S.S.; c'est quand les États bourgeois doivent compter avec la puissance de l'U.R.S.S., avec la force de la dictature du prolétariat. Ce n'est plus simplement du contraste entre l'U.R.S.S. et les pays capitalistes qu'il s'agit de parler aujourd'hui, mais de la supériorité de l'U.R.S.S. sur tout État impérialiste et sur des groupes entiers de pays impérialistes. Lorsque la campagne déclenchée contre l'U.R.S.S. échoua, les social-démocrates formulèrent le mot d'ordre du boycottage des marchandises allemandes. Certains journaux ont, à ce moment, écrit à tort que les communistes ne participaient pas au boycottage, soi-disant parce que celui-ci était contraire aux intérêts économiques de l'U.R.S.S. Or, l'Union soviétique n'a point d'intérêts opposés aux intérêts de la révolution mondiale; de même le prolétariat mondial n'a pas d'intérêts différents de ceux de l'Union soviétique. Qu'aurait pu donner le boycottage au prolétariat d'Allemagne et à la révolution allemande? Une aggravation de la guerre économique au profit des groupes concurrents du capitalisme. Le boycottage est-il capable de briser l'existence d'un pays capitaliste? Évidemment non. Pourquoi devrions-nous participer à un boycottage en vue duquel les social-démocrates eux-mêmes ne font rien et qu'ils veulent imposer aux communistes, boycottage inutile et voué à l'échec? Dans sa communication sur le boycottage, la social-démocratie autrichienne déclare en termes très précis qu'elle doit boycotter l'Allemagne hitlérienne parce que celle-ci a fermé l'accès de l'Autriche aux voyageurs. Or, quelle importance cela peut-il avoir pour les intérêts du mouvement ouvrier international? Pour les tenanciers des hôtels autrichiens, oui, mais pour le mouvement ouvrier international? S'il s'agit réellement des intérêts de la révolution allemande, si le boycottage devient réellement le soutien du mouvement révolutionnaire allemand, la lutte pour le renversement de Hitler; si réellement un mouvement de masse éclate en faveur du boycottage, si une action de masse est déclenchée en Allemagne même, les communistes seront les premiers à organiser ce boycottage. Impuissants dans leur banqueroute et dans leur rage contre l'Internationale communiste et l'U.R.S.S., les brandlériens et les trotskistes affirment maintenant que la banqueroute frappe non seulement le Parti social-démocrate allemand, mais aussi le P.C.A. Pour couvrir la faillite du P.S.A., ils s'attachent à prouver la banqueroute des deux partis. Ces lâches et ces gredins se sont mis à exiger du P.C.A. une insurrection au moment où Hitler accédait au pouvoir. Le but de cette manœuvre était évident: discréditer le seul parti capable d'organiser les masses et de les mener à la révolution. Les plus "gauches" d'entre eux, par exemple Brockway, alors que le P.C.A. avait provoqué l'admiration générale par son héroïsme, apportaient, à la conférence "internationale" des groupes de renégats, leur formule propre disant "que la politique de la social-démocratie allemande n'avait pas seule fait faillite, mais que le P.C.A. était également responsable de la catastrophe allemande et que, tout en restant sain au point de vue révolutionnaire, son échec s'expliquait par sa tactique erronée". On se demande si ce n'est pas ce point de vue "gauche" qu'avait adopté Gutmann en déclarant que "certaines faiblesses du P.C.A. dans l'application du front unique avaient facilité la victoire de Hitler"; que, "si l'on ne reconnaît pas les erreurs du P.C.A., c'est qu'on se range au point de vue que la dictature fasciste était inévitable". Est-ce que ce ne sont pas ces "gauches" qui ont fourni la liste des "erreurs" du P.C.A. aux rédacteurs de Cahiers du bolchévisme? Ne sont-ce pas eux qui ont donné à l'archisilencieux camarade Humbert-Droz l'idée que l'I.C., par sa réponse au message de la 2e Internationale, avait inauguré une nouvelle tactique dans la question du front uni? Ces gens, aussi bien que Remmele-Neumann, ont fait bloc avec la social-démocratie de gauche. S'étant embrouillés au moment décisif, ils sont devenus les thuriféraires de la social-démocratie, des liquidateurs vis- à-vis de leur parti. Aussi, il importe avant tout de prendre nettement position à l'égard de la social-démocratie, à l'égard de la social-démocratie de gauche surtout, cet ennemi le plus dangereux du communisme. À Genève, à la suite des grands événements politiques de l'an dernier, les social-démocrates remportent aux élections une victoire retentissante; les communistes sont battus. Les ouvriers disent avec raison: À quoi bon voter pour les communistes, si l'on n'aperçoit pas de différence entre ces derniers et les social-démocrates ? À Genève, les social-démocrates sont "gauches", les communistes "droites". Mais le social-démocrate "gauche" Nicole a fait bloc à Genève avec les partis bourgeois, constitué un gouvernement de coalition et accédé au pouvoir. Aujourd'hui, au nom de ce gouvernement de coalition, il proclame la "démocratie ouvrière et paysanne" à Genève, il proclame Genève République socialiste. Il est des communistes, nous dit-on, qui s'en laissent imposer et saluent le gouvernement de Nicole. Mais ce dernier a plus d'une fois prononcé des phrases gauchistes, et est allé à Canossa pour capituler devant les droitiers. Nous n'avons aucune raison de faire confiance à l´"ultra-gauche" Nicole. Nous avons le devoir de formuler des exigences envers lui, de le dénoncer, de dire, dès à présent, qu'il est en collusion avec la bourgeoisie, qu'il marchera non pas contre celle-ci, mais avec elle contre les ouvriers. Nous devons faire pénétrer profondément dans l'esprit des masses l'idée que le prolétariat ne peut accéder au pouvoir autrement qu'en renversant la bourgeoisie et en détruisant son armature d'État. Genève étant un phénomène typique, force m'est de vous en parler. Il convient de dire qu'entre les social-démocrates de "gauche" et les partis bourgeois de droite, la différence n'est pas substantielle: si les droites font fusiller des centaines et des milliers d'ouvriers et en tirent vanité, les social-démocrates de "gauche" genre Nicole en massacrent des dizaines pour se lamenter ensuite: Voilà à quoi les communistes m'ont réduit, moi, démocrate et pacifiste. Toute la différence est là. Il n'est et il ne peut y avoir de gauche que notre parti. Nous sommes les seuls gauches. Cela nous devons le dire aujourd'hui en toute clarté. Dans la situation actuelle, pour devenir un vrai révolutionnaire, il faut prendre position ouvertement contre la social-démocratie contre-révolutionnaire. Qu'est-ce que ces révolutionnaires, Nicole en Suisse et Fischer en Autriche, qui obéissent au doigt et à l'oeil à la direction social-démocrate? Ou bien rejoindre nos rangs, ou bien marcher contre nous, lutter contre nous. Pas d'autre voie. Et nous mènerons la lutte la plus acharnée contre les "gauches", dernier bastion de la bourgeoisie. Pour que notre tactique soit claire vis-à-vis de la social-démocratie, il faut combattre résolument l'opportunisme dans nos rangs. Remmele-Neumann se sont manifestés sous un masque de "gauche"; Gutmann, sous un masque de droite. Mais les uns et les autres sont les thuriféraires de la social-démocratie. Que la social-démocratie traverse une crise profonde, cela prouve que la lutte doit être encore plus violente contre elle, contre tous ses groupes; en même temps il faut mener la lutte sur deux fronts dans nos propres rangs. C'est ainsi seulement qu'il nous sera possible de résoudre les grands problèmes qui se posent à nous. La conscience communiste, nous sommes les seuls à la porter dans le mouvement ouvrier qui se développe spontanément. Sans un travail opiniâtre, nous ne pouvons gagner la majorité de la classe ouvrière à la lutte révolutionnaire. Là seulement où le mouvement spontané s'allie au travail conscient des communistes on peut parler d'action révolutionnaire. La tâche la plus importante aujourd'hui, pour tous les partis communistes, notamment pour les P.C. allemand, tchécoslovaque et autrichien, c'est d'assurer la direction politique des masses, de réagir en temps voulu aux événements et de donner des mots d'ordre politiques appropriés à la situation. Cela seul nous permettra d'assurer la direction des masses. Autre tâche d'importance: il faut savoir combiner le travail illégal avec le caractère de masse que doit avoir ce travail. Troisième tâche: assurer la continuité de l'activité de chaque organisation du Parti, depuis la cellule jusqu'au C.C., afin que nous ne restions pas à l'écart des événements et que nous puissions y réagir. Quatrième tâche importante: l'internationalisme prolétarien, non pas verbal, mais effectif. Parmi les partis illégaux, le meilleur exemple de l'exécution de ces tâches a été et est fourni par le P.C. polonais, qui est le plus ancien parti illégal de masse. * * * Nos tâches sont difficiles, mais nos buts sont élevés et clairs, notre voie sûre. Nous pouvons l'affirmer aujourd'hui avec plus de raison que jamais. Songez un peu ce qui serait advenu si, il y a trente ans, les bolchéviks ne s'étaient pas dressés contre l'opportunisme de la 2e Internationale; si, il y a quinze ans, l'Internationale communiste n'avait pas été constituée; si l'Union soviétique n'existait pas. Alors le mouvement ouvrier européen serait terrassé, déchiré par le nationalisme. Le fascisme chanterait victoire. La classe ouvrière, trahie par la social-démocratie, serait dépourvue de perspectives, de direction. Aujourd'hui, il n'est pas une force capable de nous abattre. Le sort du mouvement ouvrier mondial est, somme toute, entre nos mains. La social-démocratie oriente les masses vers une époque de fascisme; nous signalons, quant à nous, l'approche d'un nouveau cycle de révolutions et de guerres. La révolution devancera-t-elle la guerre, ou celle-ci devancera-t-elle la révolution, nous ne le savons pas. Au reste, la guerre même ne peut nous effrayer, car la révolution suivra. L'U.R. S.S. est devenue la plus grande force dans la politique mondiale. Le socialisme est devenu réalité sur un sixième du globe. La République soviétique de Chine se développe. Nous quitterons cette Session de l'Exécutif avec le mot d'ordre de lutte pour le pouvoir soviétique dans le monde entier. Que doit-on exiger de chacun de nous? Aujourd'hui ce qu'on exige de chaque communiste, c'est avant tout la volonté de lutte pour la conquête du pouvoir. Vouloir conquérir le pouvoir, c'est mener une lutte tenace, âpre et pleine d'abnégation pour gagner la majorité de la classe ouvrière, pour former une armée révolutionnaire de combattants dévoués jusqu'au bout à la cause du communisme. Vouloir conquérir le pouvoir, c'est mener une lutte opiniâtre pour la défense des intérêts quotidiens de la classe ouvrière dans les fabriques, les usines, les syndicats et les Bourses du travail. Vouloir conquérir le pouvoir, c'est mener une lutte opiniâtre et acharnée pour gagner à la révolution les alliés du prolétariat, la masse des paysans et de la petite bourgeoisie urbaine ruinée par la crise; car qui ne pense pas aux alliés ne pose pas sérieusement la question du pouvoir, ne pense pas sérieusement à la dictature du prolétariat. Vouloir conquérir le pouvoir, c'est lutter contre la guerre et le fascisme, c'est lutter pour la défense de l'U.R.S.S. et des Soviets chinois, pour la défense du prolétariat allemand. Il me souvient d'une ancienne byline[2] russe sur Mikoula Sélianovitch, qui était doué d'une force colossale, mais à qui il manquait un levier. "Si j'avais un levier, je soulèverais toute la terre", disait-il. Ce levier, nous l'avons trouvé. C'est l'action au sein des masses. Notre force est grande, et si nous l'appliquons à l'action de masse, si nous remédions à nos faiblesses, si nous faisons un vrai travail à la fabrique, à l'usine, au syndicat, nous pourrons, en dépit de toute la bourgeoisie mondiale et du fascisme, retourner le monde entier et assurer la victoire complète du prolétariat. |
|
|
|
|