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4e Congrès de l'Internationale communiste
(5 novembre - 5 décembre 1922)

Interventions de Grigori Zinoviev
(Extraits)

 

 

Source:

G. Zinoviev: L'Internationale communiste au travail, Paris, Librairie de "L'Humanité", 1923, pp. 64‑66 et pp. 69‑75 [1].

 

 

 

 

 

 

Établi: novembre 2016

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Documents de l'Internationale communiste ‑ Sommaire

 

 

 

 

 

 

D'un congrès à l'autre
Rapport sur l'activité du Comité exécutif

[...]

8. Le gouvernement ouvrier

Le mot d'ordre de gouvernement ouvrier n'est pas encore tout à fait clair. La tactique du front unique est applicable dans presque tous les pays. Il serait difficile de trouver une contrée ayant un prolétariat considérable où la tactique du front unique ne soit pas applicable. Elle s'adapte aussi bien à l'Amérique qu'à la Bulgarie, à l'Italie et à l'Allemagne. Dans les conditions actuelles, elle a une importance presque universelle. On n'en saurait dire autant du mot d'ordre de gouvernement ouvrier. C'est une devise qui ne peut s'imposer d'une façon aussi universelle. Elle a un sens limité. On ne peut mettre en avant ce mot d'ordre qu'e dans les pays où le problème du pouvoir, le problème du gouvernement se place au premier plan parlementaire et extra-parlementaire. Il est hors de doute qu'en Amérique même, actuellement, le mot d'ordre de gouvernement ouvrier peut servir à une utile propagande, quand on dira aux travailleurs américains: Si vous désirez vous émanciper, vous devez vous emparer du pouvoir. Mais cela ne signifie pas que, dans le rapport actuel des forces en Amérique, le mot d'ordre du gouvernement ouvrier puisse trouver un écho comme cela s'est passé en Tchéco-Slovaquie, comme cela peut avoir lieu en Allemagne, comme cela a eu lieu et peut se renouveler en Italie.

Le mot d'ordre de gouvernement ouvrier ne saurait être aussi général que la tactique du front unique. Le gouvernement ouvrier, c'est une application concrète de la tactique du front unique dans des conditions particulières. Sur ce terrain, il est bien facile de se tromper. Il me semble, camarades, que nous devons lutter contre ceux qui essaieraient de donner ce mot d'ordre pour une nécessité universelle, comme si nous devions nécessairement passer dans chaque pays par un gouvernement ouvrier. Au contraire, j'estime que dans la mesure où il est permis de prophétiser, le gouvernement ouvrier ne peut devenir une réalité qu'en des cas exceptionnels, dans certaines conditions concrètes, tout à fait spéciales à tel ou tel pays. En outre, il n'est pas permis de penser que nous aurons à traverser une période d'évolution à moitié pacifique et que le gouvernement ouvrier nous affranchira des difficultés de la lutte. Le gouvernement ouvrier qui se basera exclusivement sur des positions parlementaires ne vaudra rien. Il ne constituera qu'un petit épisode de la lutte et ne pourra empêcher la guerre civile. Cela ne veut pas dire que dans les circonstances actuelles, le mot d'ordre du gouvernement ouvrier soit inapplicable. Mais la classe ouvrière doit comprendre nettement que le gouvernement ouvrier ne peut être qu'une phase de transition. Il faut déclarer bien haut que ce gouvernement n'empêchera jamais la guerre civile. Il faut insister sur ce point, car il' est essentiel de comprendre tout le danger que comporte ce mot d'ordre pour s'en servir ensuite tranquillement, comme d'une arme.

Bien entendu, la tactique du front unique, elle aussi, présente certains dangers que le Comité exécutif a indiqués dans ses thèses de décembre[2]. Mais cette tactique devient des plus dangereuses quand le front unique prend forme de gouvernement ouvrier. Car, dans les pays à traditions parlementaires, comme la France, on interprète cette formule comme s'il ne s'agissait plus pour nous d'une dictature du prolétariat, mais d'autre chose. Or, nous comprenons ce mot d'ordre, exclusivement, comme une application de la dictature du prolétariat. Même dans le cas où un gouvernement ouvrier pourrait se constituer, nous n'éviterions pas la guerre civile. Et, dans certains cas, la guerre n'en serait que plus dure, plus pénible.

9. Les Conseils de fabriques et d'usines

Je crois indispensable de dire quelques mots encore sur les conseils de fabriques et d'usines. J'ai consacré dans mes thèses un paragraphe tout entier à cette question[3]. Voici la thèse que j'avance: "Le parti qui, dans les usines, n'a pas créé des organisations communistes, un noyau communiste, ne saurait être pris au sérieux, ce n'est pas un parti communiste de masse." Plus loin, j'affirme ceci: "Le parti ouvrier qui n'a pas encore pu organiser un mouvement de masse pour la constitution des conseils de fabriques, ce parti n'est pas un sérieux parti révolutionnaire." Ces thèses sont applicables à presque toutes les grandes manifestations du mouvement ouvrier de notre temps. C'est un signe de notre époque qu'en Allemagne, dans un pays qui marche assez vite vers le combat décisif, les conseils de fabriques et d'usines tiennent la tête du mouvement. Si nous passons à d'autres pays, nous devons conseiller à nos camarades d'organiser avant tout des noyaux communistes dans les entreprises, et, en second lieu, d'appuyer le mouvement des conseils de fabriques. Un grand nombre de nos partis ont laissé ce conseil inappliqué. Au IIIe Congrès mondial, nous avions adopté une magnifique résolution, rédigée par notre camarade Kuusinen, indiquant comment chaque parti communiste devait travailler, quel devait être le mécanisme de son travail, comment on devait organiser des noyaux, etc. Mais il convient de dire qu'il est absolument inutile d'adopter de si bonnes résolutions quand on ne les applique pas. Ce qui importe, c'est d'appliquer cette résolution, c'est de constituer des noyaux. À cette condition seulement, le mouvement pourra progresser.

[fin section 9.]

[...]

Discours complémentaire sur l'activité du Comité exécutif

Encore le Gouvernement ouvrier ‑ Camarades, permettez-moi d'abord de vous parler plus en détail du gouvernement ouvrier. Je ne suis pas bien certain qu'il y ait parmi nous de sérieuses divergences d'opinion sur cette question. Peut-être que, tout simplement, la question même n'a pas été posée avec toute la clarté nécessaire, peut-être la discussion ne porte-t-elle que sur les mots. Nous le verrons plus nettement par la suite des travaux du Congrès et, surtout, lorsque nous élaborerons la résolution sur les questions de tactique dont nous nous occuperons après la question russe. Pour moi, il ne s'agit nullement du "pseudonyme" dont on a parlé ici[4]. Je ferai volontiers mon deuil d'un mot qui pourrait gêner la discussion, car il ne s'agit pas ici de mots, mais de conceptions. Je pense, camarades, que la question deviendra plus claire si je l'exprime comme suit: Il est évident pour nous que tout gouvernement bourgeois est en même temps un gouvernement capitaliste. Il est bien difficile qu'un gouvernement bourgeois soit autre chose. Mais la fatalité le veut ainsi. Et tout gouvernement ouvrier n'est pas nécessairement un gouvernement prolétarien, ni même un gouvernement socialiste. Cette antithèse a un sens très profond. Nous 'constatons ici que la bourgeoisie a des postes avancés à l'intérieur de notre classe. Et, d'autre part, malgré notre désir, nous n'aurons jamais de .postes avancés solidement établis dans le camp de la bourgeoisie. Ainsi, le gouvernement bourgeois est nécessairement un gouvernement capitaliste. Bien plus, certains gouvernements ouvriers peuvent se révéler, par leur composition sociale, comme des gouvernements bourgeois. Et l'inverse ne se produit jamais. Selon moi, tel est le fait saillant: il y a gouvernement ouvrier et gouvernement ouvrier.

Il me semble qu'on peut se figurer quatre espèces de gouvernements ouvriers, et encore la liste des modalités possibles ne sera-t-elle pas épuisée. Tel gouvernement ouvrier sera, par sa composition, libéral. L'Australie nous en a donné un exemple, elle a déjà eu un gouvernement ouvrier de ce genre. C'est la raison pour laquelle certains de nos camarades australiens affirment que la devise du gouvernement ouvrier ne vaut rien par elle-même, l'Australie ayant déjà connu des gouvernements ouvriers qui étaient en réalité bourgeois. Gouvernements en effet simplement libéraux... Gouvernements ouvriers bourgeois, si l'on nous passe l'expression. Des élections ont lieu en ce moment en Angleterre. On peut se figurer, théoriquement, bien que ce ne soit guère probable, que ces élections donneront un gouvernement ouvrier qui ressemblera à celui d'Australie et dont la composition sera tout à la fois ouvrière et libérale. Un gouvernement bourgeois libéral de ce genre, dans la situation actuelle de l'Angleterre, pourrait servir de point de départ à une agitation révolutionnaire dans le pays. Ce serait possible; mais enfin, l'on n'aurait rien de plus encore qu'un gouvernement ouvrier libéral. Nous autres, communistes, nous donnons en ce moment nos voix au Labour Party. C'est tout comme si nous votions pour un gouvernement ouvrier libéral. Dans la situation actuelle, les communistes anglais sont forcés de voter ainsi. C'est une tactique absolument juste. Pourquoi? Parce que, objectivement parlant, ce sera un progrès, parce que le gouvernement libéral ébranlera l'équilibre en Angleterre, parce que, mieux qu'un autre, il préparera la faillite du capitalisme.

Nous avons déjà vu en Russie, sous Kérensky, comment la situation du capitalisme fût ébranlée, bien que les libéraux se conduisissent comme ses agents. Plékhanov, de février à octobre 1917, appelait les menchéviks des demi-bolchéviks. Nous estimions que c'était inexact, que les menchéviks n'étaient pas même des quarts de bolchéviks. Nous parlions ainsi parce que nous menions contre eux une lutte acharnée et que nous voyions comment ils trahissaient le prolétariat; mais, objectivement, Plékhanov avait raison. Objectivement, un gouvernement de menchéviks était ce qu'il y avait de mieux pour gâter le jeu du capitalisme, pour rendre sa situation intenable. Nos partis, qui mènent en ce moment la lutte contre le menchévisme, n'ont pas encore su tenir compte de cette situation. Au cours de la lutte même, nous ne voyons habituellement qu'une chose: c'est que les menchéviks trahissent la classe ouvrière. En effet, ils ne sont pas les adversaires de la bourgeoisie, mais, quand ils prennent en mains les armes de cette bourgeoisie, ils peuvent mener les choses de telle façon qu'ils nuisent en fait à l'État bourgeois. Nous soutenons donc, en Angleterre, le gouvernement bourgeois libéral et aussi le Labour Party. La bourgeoisie anglaise a raison quand elle dit que le gouvernement ouvrier commence par Clynes[5] et peut se terminer par l'aile gauche.

Tel est le premier type de gouvernement ouvrier que l'on peut se figurer.

En second lieu, on peut se représenter un gouvernement social-démocrate. Imaginez par exemple qu'en Allemagne le parti social-démocrate unifié[6] constitue un gouvernement purement socialiste. Ce sera, en même temps, un gouvernement "ouvrier" (naturellement, entre guillemets). Il est permis de se représenter que nous accorderions à ce gouvernement un crédit conditionnel, un appui conditionnel. On peut imaginer que, sous certaines conditions, ce gouvernement "socialiste" servirait d'étape vers la révolution. Telle est la seconde possibilité.

Nous avons un troisième type sous la forme d'un gouvernement de coalition, c'est-à-dire d'un gouvernement dans lequel peuvent siéger des social-démocrates, des chefs de syndicats sans-parti et peut-être même des communistes. Il est permis de le concevoir ainsi. Ce gouvernement ne serait pas encore une dictature du prolétariat, mais il pourrait servir de point de départ pour la dictature. Si l'affaire marchait bien, nous ferions sortir de ce gouvernement les social-démocrates un à un, jusqu'à ce que le pouvoir reste enfin à la disposition des seuls communistes. C'est là une possibilité historique.

Et enfin, quatrième possibilité, je songe à un véritable gouvernement ouvrier, c'est-à-dire communiste, car il n'existe pas d'autre gouvernement vraiment ouvrier. Ce quatrième type, je le considère en effet comme un pseudonyme de la dictature du prolétariat; mais il nous donne en même temps un gouvernement vraiment ouvrier dans le plein sens du mot. Et cependant, avec ces quatre types toutes les possibilités ne sont pas épuisées; nous pouvons en concevoir beaucoup d'autres qui, tous, pourraient servir de points 'de départ pour engager une action vraiment révolutionnaire.

J'ai bien peur qu'à chercher des définitions rigoureusement scientifiques, nous ne laissions de côté le sens politique de l'affaire. Nous n'avons pas besoin de couper des cheveux en quatre, de chercher de subtiles définitions; l'essentiel pour nous est de ne pas laisser échapper l'intérêt de la révolution. Certains camarades semblent se figurer que si nous marchons avec les social-démocrates, nous aurons dès lors un gouvernement ouvrier. Ils n'oublient qu'une chose, et c'est précisément qu'il faut d'abord renverser la bourgeoisie. La bourgeoisie ne cédera pas sa place de bon gré, elle luttera pour son pouvoir.

Il ne faut pas oublier qu'elle est là, en dehors des partis ouvriers, que pendant des dizaines d'années elle s'est maintenue au pouvoir et qu'elle a tout fait pour ne pas se laisser désarmer. Ainsi donc, pour constituer un gouvernement ouvrier qui ait un caractère révolutionnaire, il faut d'abord renverser la bourgeoisie. C'est l'essentiel. N'oublions pas qu'il faut ici distinguer deux choses. En premier lieu nos méthodes de propagande: la question se pose de savoir comment il faut parler à un simple ouvrier, comment il faut lui expliquer sa situation. Sous ce rapport, il me semble que la devise du gouvernement ouvrier est très commode.

Mais il existe une seconde question: on peut se demander quel sera le développement historique des événements, sous quelle forme concrète se présentera la révolution. Essayons ici de soulever un peu le voile de l'avenir.

Quelle sera la marche de la révolution? Nous sommes disposés à admettre qu'elle passera par différents stades: gouvernement de coalition, gouvernement ouvrier et enfin guerre civile. Nous aimons tous à prophétiser, à prévoir la marche de la révolution, alors que toutes les prédictions, on peut le dire, sont presque toujours démenties. Il est fort probable que la révolution se produira autrement que nous ne l'avions imaginé, qu'elle viendra par une tout autre porte. Notre révolution russe nous en a donné un exemple. Il y a cinq ans, on prédisait tout ce que l'on voulait. On craignait que le blocus, la famine, etc., ne nous obligeassent à céder la place. On admettait toutes les possibilités imaginables, sauf celle d'une nouvelle politique économique et de la route que suit maintenant la révolution.

La situation dans chaque pays est différente. Selon toute probabilité, la révolution en Allemagne se produira tout autrement qu'en Angleterre. Cela ne veut pas dire, cependant, qu'en qualité de révolutionnaires conscients nous n'ayons pas le droit de soulever le voile de l'avenir. Nous sommes des hommes de pensée, nous voulons marcher à la tête de la classe ouvrière. Nous devons essayer de nous expliquer de toutes manières la situation des choses. Mais il est vraiment difficile d'e donner ici des prédictions. Si nous examinons le mot d'ordre du gouvernement ouvrier comme une des voies concrètes de la révolution prolétarienne, on peut encore douter que ce soit justement par la porte gouvernement ouvrier que la révolution mondiale viendra à nous. Hier, notre ami Radek disait que le gouvernement ouvrier n'était qu'une des éventualités de la période transitoire qui mène à la dictature du prolétariat. Je voudrais souligner qu'en effet ce n'est qu'une éventualité et encore des moins probables. Je ne veux pas dire par là, certainement, que le mot d'ordre du gouvernement ouvrier soit mauvais; il est fort bon au contraire. Lorsque la corrélation des forces nous sera favorable, le gouvernement ouvrier pourra nous rendre de grands services dans l'agitation. Mais s'il s'agit de déterminer la voie que prendra la révolution, s'il faut affirmer que la révolution suivra nécessairement ce chemin, je déclare la question insoluble. Le gouvernement ouvrier est probablement, de toutes les voies, l'une des moins possibles. Dans les pays possédant une bourgeoisie hautement développée, nous ne conquerrons le pouvoir que par la guerre civile, et, une fois la bourgeoisie renversée, il est bien douteux que pendant un certain temps nous soyons obligés de nous arrêter à la phase transitoire. C'est possible, mais il est inutile d'en discuter; on ne peut faire que des suppositions. La seule chose qui nous soit nécessaire, c'est de discerner nettement toutes les possibilités essentielles qui s'offrent à la révolution. Un gouvernement ouvrier peut venir qui ne sera pas autre chose qu'un gouvernement ouvrier libéral: on peut le voir en Angleterre, en Australie et ailleurs. Ce gouvernement ouvrier peut également rendre des services objectifs à la classe ouvrière. Il est donc juste de faire de l'agitation en faveur de ce gouvernement. Mais nous ne devons pas oublier les perspectives révolutionnaires. J'ai là devant moi une merveilleuse page imprimée dans la feuille tchéco-slovaque du ministre Bénès, le Tchas (18 septembre). Je vais vous en donner lecture.

Le Parti communiste construit le front prolétarien unique sous le mot d'ordre d'une lutte contre le chômage. On ne peut refuser aux communistes le don de l'invention. Ils savent offrir aux ouvriers le même plat sous toutes sortes de sauces. C'est ainsi qu'autrefois les communistes ont mené leur propagande pour la formation de Soviets; cette propagande étant restée sans succès, ils l'ont arrêtée pour la recommencer, six mois plus tard, sous forme d'agitation en faveur des comités du front unique. Certes, le front unique prolétarien pourrait devenir une force immense s'il était basé sur des idées de progrès... etc.

Je pense que ce bourgeois a raison. Je voudrais que nous, communistes, méritions plus souvent des éloges de ce genre. Et cependant, nous qui avons affaire à la classe ouvrière, asservie pendant des dizaines et des centaines d'années par la bourgeoisie, nous devons nous efforcer de toute notre énergie d'éclairer notre classe. Je dis qu'il peut exister un gouvernement ouvrier qui en fait sera bourgeois, mais que l'on peut également se représenter un gouvernement ouvrier dont l'action serait, bien révolutionnaire. Nous devons tenter d'éclairer par différents moyens les différents groupes du prolétariat, mais le contenu de notre travail éducatif doit demeurer toujours le même. Autre chose encore, camarades. Gouvernement des soviets ne signifie pas toujours dictature du prolétariat. Le "gouvernement" des soviets a existé en Russie, pendant huit mois, à côté de celui de Kérensky, et il ne constituait pourtant pas une dictature du prolétariat. Malgré cela, nous soutenions alors l'idée d'un gouvernement des soviets. C'est pourquoi je pense, camarades, que nous pouvons hardiment lancer le mot d'ordre du gouvernement ouvrier, à la condition seulement de comprendre clairement ce que cela signifie. Malheur à nous si en cours d'agitation nous laissons apparaître même une minute cette idée que le gouvernement ouvrier viendra nécessairement, qu'il pourra surgir pacifiquement, que c'est une période transitoire qui peut tenir lieu de guerre civile, etc.! Si des conceptions de ce genre existent, et sans doute existent-elles quelque part, il faut les combattre impitoyablement et élever la classe ouvrière dans cette idée que pour faire un gouvernement ouvrier, il faut commencer par vaincre et culbuter la bourgeoisie. Voilà le contenu essentiel de ce mot d'ordre. Voulons-nous avoir un gouvernement ouvrier? Parfait! Mettons-nous d'accord même avec les social-démocrates. Si même nous nous disons qu'ils nous trahiront, nous n'en sommes par moins partisans du gouvernement ouvrier, nous acceptons que les social-démocrates en fassent partie. À une condition, bien entendu: il faut que ce gouvernement soit disposé à combattre à nos côtés la bourgeoisie. Dans ces conditions, je lance un défi à la bourgeoisie, et, si un gouvernement ouvrier sort du combat, il aura une base solide et servira véritablement de point de départ à la dictature du prolétariat. Il ne s'agit pas pour moi de ce "pseudonyme" dont je fais volontiers cadeau au camarade Meyer. Non, il s'agit de prendre une position nette. Ce mot d'ordre n'est en aucune façon une ruse de guerre destinée à égarer le seigneur Dieu et la bourgeoisie dans les maquis de la guerre civile. L'Internationale doit faire de bonne stratégie, mais il n'y a aucune stratégie qui puisse nous éviter la guerre civile et nous permettre de glisser insensiblement, comme sur un parquet ciré, vers un gouvernement ouvrier. Rien ne se fait ainsi dans la nature. La décision sera donnée par le combat. C'est contraindre la bourgeoisie qu'il nous faut et, quand nous la tiendrons bien liée, alors seulement pourront surgir certaines formes de gouvernements ouvriers.

[...]

 

 

 

 

 

Notes



[1].       [321ignition] Les annotations sont formulées par nous en tenant compte d'éventuelles notes figurant dans la source.

[2].       Thèses sur l'unité du front prolétarien, 18 décembre 1921. Cf. le texte: .

[3].       Résolution sur la tactique de l'Internationale communiste. Cf. le texte: .

(Les citations données ici par Zinoviev ne correspondent pas littéralement au texte du document reproduit à l'endroit indiqué.)

[4].       Le camarade allemand Ernst Meyer m'avait reproché d'avoir employé le terme de "gouvernement ouvrier" comme simple pseudonyme de "dictature du prolétariat". [note G. Z.]

[5].  Cf. notice historique: Labour Party ►.

[6].       En avril 1917 d'anciens membres du SPD tiennent un congrès pour constituer le “Unabhängige Sozialdemokratische Partei Deutschlands” (Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne, USPD). Pour marquer la distinction vis-à-vis de l'USPD, le SPD est alors désigné comme “Mehrheits-Sozialdemokratische Partei Deutschlands” (Parti social-démocrate majoritaire d'Allemagne, MSPD). Après l'intégration de l'aile gauche de l'USPD au KPD en décembre 1920, le reste de l'USPD rejoint en septembre 1922 le SPD. Pendant quelque temps est alors d'usage la désignation “Vereinigte sozialdemokratische Partei Deutschlands” (Parti social-démocrate unifié d'Allemagne, VSPD).