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3e Congrès de l'Internationale communiste
(22 juin - 12 juillet 1921)

Thèses :
Sur la tactique
(Extraits)

12 juillet 1921

 

 

Source:

Thèses et Résolutions adoptées au IIIe Congrès de l'Internationale Communiste. Moscou, Section de la Presse de l'Internationale Communiste, 1921, Bruxelles, Les Éditions communistes[1].

Le document en allemand 

 

 

 

 

 

 

Établi: novembre 2016

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Documents de l'Internationale communiste ‑ Sommaire

 

 

 

 

 

 

Thèses sur la Tactique
(adoptées à la 24e Session du 3e Congrès, le 12 Juillet 1921)

1. Délimitation des questions

"La Nouvelle Association Internationale des Travailleurs est fondée dans le but d'organiser une action d'ensemble du prolétariat des différents pays, tendant à une seule et même fin, à savoir: le renversement du capitalisme, l'établissement de la dictature du prolétariat et d'une République Internationale des Soviets qui permettront d'abolir totalement les classes et de réaliser le socialisme, premier degré de la société communiste."

Cette définition des buts de l'Internationale communiste, posée dans ses statuts, délimite clairement toutes les questions de tactique qui sont à résoudre.

Il s'agit de la tactique à employer dans notre lutte pour la dictature du prolétariat. Il s'agit des moyens à employer pour conquérir aux principes du communisme la plus grande partie de la classe ouvrière, des moyens à employer pour organiser les éléments socialement déterminants du prolétariat dans la lutte pour la réalisation du communisme. Il s'agit des relations avec les couches petites-bourgeoises prolétarisées, des moyens et procédés à prendre pour démolir le plus rapidement possible les organes du pouvoir bourgeois, les réduire en ruines et engager la lutte finale internationale pour la dictature.

La question de la dictature elle-même, comme unique voie menant à la victoire est hors de discussion. Le développement de la révolution mondiale a montré nettement qu'il n'y a qu'une alternative offerte dans la situation historique actuelle: dictature capitaliste ou dictature prolétarienne.

Le 3e Congrès de l'Internationale communiste reprend l'examen des questions de tactique dans des conditions nouvelles, puisque dans bien des pays la situation objective a pris une acuité révolutionnaire et que plusieurs grands partis communistes se sont formés, qui cependant ne possèdent encore nulle part la direction effective du gros de la classe ouvrière dans la lutte révolutionnaire réelle.

2. À la veille de nouveaux combats

La révolution mondiale, c'est-à-dire la destruction du capitalisme, le rassemblement des énergies révolutionnaires du prolétariat et l'organisation du prolétariat en une puissance agressive et victorieuse, exigera une période assez longue de combats révolutionnaires.

L'acuité diverse des antagonismes, la différence de la structure sociale et des obstacles à surmonter selon les pays, le haut degré d'organisation de la bourgeoisie dans les pays de haut développement capitaliste de l'Europe Occidentale et de l'Amérique du Nord, étaient des raisons suffisantes pour que la guerre mondiale n'aboutisse pas immédiatement à la victoire de la révolution mondiale. Les communistes ont donc eu raison de déclarer, déjà pendant la guerre, que la période de l'impérialisme conduirait à l'époque de la révolution sociale, c'est-à-dire à une longue suite de guerres civiles à l'intérieur des divers États capitalistes et de guerres entre les États capitalistes d'une part, les États prolétariens et les peuples coloniaux exploités d'autre part.

La révolution mondiale n'est pas un processus qui progresse en ligne droite; c'est la dissolution lente du capitalisme, c'est la sape révolutionnaire quotidienne, qui s'intensifient de temps à autre et se concentrent en crises aiguës.

Le cours de la révolution mondiale a été rendu encore plus traînant du fait que de puissantes organisations et partis ouvriers, à savoir les partis ainsi que les syndicats social-démocrates, fondés par le prolétariat pour guider sa lutte contre la bourgeoisie, se sont transformés pendant la guerre en instruments d'influence contre-révolutionnaire et d'immobilisation du prolétariat et sont restés tels quels après la fin de la guerre. C'est ce qui a permis à la bourgeoisie mondiale de surmonter facilement la crise de la démobilisation; c'est ce qui lui a permis pendant la période de prospérité apparente de 1919‑1920 d'éveiller dans la classe ouvrière un nouvel espoir d'améliorer sa situation dans le cadre du capitalisme, cause essentielle de la défaite des soulèvements de 1919 et du ralentissement des mouvements révolutionnaires en 1919‑1920.

La crise économique mondiale, qui apparut au milieu de 1920 et qui s'est étendue aujourd'hui sur tout l'univers, augmentant partout le chômage, prouve au prolétariat international que la bourgeoisie n'est pas en mesure de reconstruire le monde. L'exaspération de tous les antagonismes politiques mondiaux, la campagne rapace de la France contre l'Allemagne, les rivalités anglo-américaine et américano-japonaise avec la course aux armements qui s'ensuit, montrent que le monde capitaliste à l'agonie titube de nouveau vers la guerre mondiale. La Société des nations, trust international des États vainqueurs pour l'exploitation des concurrents vaincus et des peuples coloniaux, est minée pour le moment par la concurrence américaine. L'illusion avec laquelle la social-démocratie internationale et la bureaucratie syndicale ont détourné les masses ouvrières de la lutte révolutionnaire, l'illusion qu'elles pourraient, en renonçant à la conquête du pouvoir politique par la lutte révolutionnaire, obtenir graduellement et pacifiquement le pouvoir économique et le droit de s'administrer elles-mêmes, cette illusion est en train de mourir.

En Allemagne les comédies de socialisation avec lesquelles le gouvernement Scheidemann-Noske[2], en mars 1919, chercha à retenir le prolétariat de l'assaut décisif, touchent à leur fin. Les phrases sur la socialisation ont fait place au système bien réel de Stinnes[3], c'est-à-dire à la soumission de l'industrie allemande à un dictateur capitaliste et à sa clique. L'attaque du gouvernement prussien sous la direction du social-démocrate Severing[4] contre les mineurs de l'Allemagne centrale forme l'introduction à l'offensive générale de la bourgeoisie allemande en vue de la réduction des salaires du prolétariat allemand.

En Angleterre tous les plans de nationalisation sont tombés à l'eau. Au lieu de réaliser les projets de nationalisation de la commission Sankey[5], le gouvernement appuie d'une levée de troupes le lock-out contre les mineurs anglais.

Le gouvernement français n'arrive à ajourner sa banqueroute économique que par une expédition de rapine en Allemagne. Il ne pense à aucune reconstruction systématique de son économie nationale. Même la reconstruction des contrées dévastées du Nord de la France, dans la mesure où elle est entreprise, ne sert qu'à l'enrichissement des capitalistes privés.

En Italie la bourgeoisie est montée à l'attaque de la classe ouvrière avec l'aide des bandes blanches des fascistes.

Partout la démocratie bourgeoise a dû se démasquer, plus complètement dans les vieux États démocratiques bourgeois que dans les nouveaux, issus de l'écroulement impérialiste. Gardes-blancs, arbitraire dictatorial du gouvernement contre les mineurs grévistes en Angleterre, fascistes et Guarda Regia en Italie, Pinkertons[6], exclusion des députés socialistes des parlements, loi de lynch aux États-Unis, terreur blanche en Pologne, en Yougoslavie, en Roumanie, Lettonie, Estonie, légalisation de la terreur blanche en Finlande, en Hongrie, et dans les pays Balkaniques, "lois communistes" en Suisse, France etc., partout la bourgeoisie cherche à faire retomber sur la classe ouvrière les conséquences de l'anarchie économique croissante, à allonger la journée de travail et à faire tomber les salaires. Partout la bourgeoisie trouve des auxiliaires dans les chefs de la social-démocratie et de l'Internationale Syndicale d'Amsterdam[7]. Cependant ces derniers peuvent retarder l'éveil des masses ouvrières pour un nouveau combat et l'approche de nouvelles vagues révolutionnaires, ils ne peuvent pas les empêcher.

Déjà on voit le prolétariat allemand se préparer à la contre-attaque; on voit les mineurs anglais, malgré la trahison des chefs trade-unionistes, tenir bon, héroïquement, pendant de longues semaines dans la lutte contre le capital minier. Nous voyons comment la volonté de combat s'accroît dans les rangs avancés du prolétariat italien après l'expérience qu'il a faite de la politique d'hésitation du groupe Serrati[8], volonté de combat qui s'exprime par la formation du Parti communiste d'Italie. Nous voyons comment en France, après la scission, après la séparation des social-patriotes et des centristes, le parti socialiste commence à passer de l'agitation et de la propagande du communisme à des manifestations de masses contre les appétits rapaces de l'impérialisme français. En Tchécoslovaquie, nous assistons à la grève politique de décembre, entraînant malgré son manque complet d'une direction unique, un million d'ouvriers, avec, comme conséquence, la formation d'un Parti communiste tchèque, parti des masses. En février nous avons eu en Pologne une grève des cheminots, dirigée par le Parti communiste, et une grève générale en est résultée, et nous avons assisté à la décomposition progressive du Parti Socialiste Polonais social-patriote.

Ce qu'il nous faut attendre, ce n'est pas le fléchissement de la révolution mondiale ni le reflux de ses vagues, mais tout le contraire: dans les circonstances données une exaspération immédiate des antagonismes sociaux et des combats sociaux est ce qu'il y a de plus vraisemblable.

3. La tâche la plus importante du moment

La conquête de l'influence prépondérante sur la plus grande partie de la classe ouvrière, l'introduction dans le combat des fractions déterminantes de cette classe, voilà à l'heure actuelle le problème le plus important de l'Internationale communiste.

Car nous avons beau être en présence d'une situation économique et politique objectivement révolutionnaire dans laquelle la crise révolutionnaire la plus aiguë peut éclater absolument à l'improviste (à la suite d'une grande grève, d'une révolte coloniale, d'une nouvelle guerre ou même d'une grande crise parlementaire, etc.), le plus grand nombre des ouvriers n'est pas encore sous l'influence du communisme, surtout dans les pays où la puissance particulièrement forte du capital financier a donné naissance à de vastes couches d'ouvriers corrompus par l'impérialisme (par exemple en Angleterre et aux États-Unis), et où la véritable propagande révolutionnaire parmi les masses vient seulement de commencer.

Dès le premier jour de sa fondation, l'Internationale communiste s'est donnée pour but, clairement et sans équivoque, non pas de former de petites sectes communistes cherchant à exercer leur influence sur les masses ouvrières uniquement par l'agitation et la propagande, mais de prendre part à la lutte des masses ouvrières, de guider cette lutte dans le sens communiste et de constituer dans le processus du combat de grands partis communistes révolutionnaires.

Déjà au cours de sa première année d'existence, l'Internationale communiste a répudié les tendances sectaires en prescrivant aux partis affiliés, si petits fussent-ils, de collaborer aux syndicats, de participer à vaincre leur bureaucratie réactionnaire de l'intérieur même des syndicats et de les transformer en organisations révolutionnaires des masses prolétariennes, en instruments de combat. Dès sa première année d'existence, l'Internationale communiste a prescrit aux Partis communistes de ne pas se renfermer dans des cercles de propagande, mais de se servir pour l'éducation et l'organisation du prolétariat, de toutes les possibilités que la constitution de l'État bourgeois est obligée de leur laisser ouvertes: liberté de la presse, liberté de réunion et d'association et toutes les institutions parlementaires bourgeoises, si lamentables soient-elles, pour en faire des armes, des tribunes, des places d'armes du communisme. À son 2e Congrès, l'Internationale communiste, dans ses résolutions sur la question syndicale et sur l'utilisation du parlementarisme, a répudié ouvertement toutes les tendances au sectarisme.

Les expériences de ces deux ans de lutte des Partis communistes ont confirmé en tous points la justesse du point de vue de l'Internationale communiste. Celle‑ci, par sa politique, a amené les ouvriers révolutionnaires dans bien des États à se séparer, non seulement des réformistes déclarés, mais aussi des centristes. Dès lors que les centristes ont formé une Internationale 2 ½[9] qui s'allie publiquement aux Scheidemann, aux Jouhaux[10] et aux Henderson[11] sur le terrain de l'Internationale Syndicale d'Amsterdam, le champ de bataille est devenu beaucoup plus clair pour les masses prolétariennes, ce qui facilitera les combats à venir.

Le communisme allemand, grâce à la tactique de l'Internationale communiste (action révolutionnaire dans les syndicats, lettre ouverte, etc.), d'une simple tendance politique qu'il était dans les combats de janvier et mars 1919, s'est changé en un grand parti des masses révolutionnaires. Il a acquis dans les syndicats une influence telle que la bureaucratie syndicale a été forcé d'exclure de nombreux communistes des syndicats par crainte de l'influence révolutionnaire de leur action syndicale, et de prendre sur elle l'odieux de la scission.

En Tchécoslovaquie, les communistes ont réussi à gagner à leur cause la majorité des ouvriers organisés.

En Pologne, le Parti communiste, grâce surtout à son travail de sape dans les syndicats, a su non seulement entrer en contact avec les masses, mais devenir leur guide dans la lutte, malgré les persécutions monstrueuses qui contraignent les organisations communistes à une existence absolument clandestine.

En France, les communistes ont conquis la majorité au sein du Parti socialiste.

En Angleterre, le processus de consolidation des groupes communistes sur le terrain des directives tactiques de l'Internationale communiste se termine et l'influence croissante des communistes oblige les socialistes-traîtres à essayer de rendre impossible aux communistes l'entrée dans le Labour Party.

Les groupes communistes sectaires par contre (comme le K.A.P.D. etc.), n'ont pas rencontré sur leur voie un seul succès. La théorie du renforcement du communisme par la propagande et l'agitation seules, par la fondation de syndicats communistes distincts, a fait complètement faillite. Nulle part aucun Parti communiste de quelque influence n'a pu être fondé de cette façon.

4. La situation au sein de l'Internationale communiste.

[...]

5. Combats et revendications partiels

Les Partis communistes ne peuvent se développer que dans la lutte. Même les plus petits des partis communistes ne doivent pas se borner à la simple propagande et à l'agitation. Ils doivent constituer, dans toutes les organisations de masses du prolétariat, l'avant-garde qui montre aux masses retardataires, hésitantes ‑ en formulant pour elles des buts concrets de combat, en les incitant à lutter pour réclamer leur besoins vitaux ‑ comment il faut mener la bataille et qui par là leur révèle la traîtrise de tous les partis non communistes. C'est seulement à condition de savoir se mettre à la tête du prolétariat dans tous ses combats, et de provoquer ces combats, que les partis communistes peuvent gagner effectivement les grandes masses prolétariennes à la lutte pour la dictature.

Toute l'agitation et la propagande, toute l'action du Parti communiste doivent être pénétrées de ce sentiment que, sur le terrain du capitalisme, aucune amélioration durable de la situation de la masse du prolétariat n'est possible; que seul le renversement de la bourgeoisie et la destruction de l'État capitaliste permettront de travailler à améliorer la situation de la classe ouvrière et à restaurer l'économie nationale ruinée par le capitalisme.

Mais ce sentiment ne doit pas nous faire renoncer à combattre pour les revendications vitales actuelles et immédiates du prolétariat, en attendant qu'il soit en état de les défendre par sa dictature. La social-démocratie qui, maintenant, au moment où le capitalisme n'est plus en état d'assurer aux ouvriers même une existence d'esclaves rassasiés, présente le vieux programme social-démocrate des réformes pacifiques, réformes qui doivent être réalisées par la voie pacifique sur le terrain et dans le cadre du capitalisme en faillite, cette social-démocratie trompe sciemment les masses ouvrières. Non seulement le capitalisme, pendant la période de sa dislocation, n'est pas capable d'assurer aux ouvriers des conditions d'existence quelque peu humaines, mais encore les social-démocrates, les réformistes de tous les pays prouvent chaque jour qu'ils n'ont pas la moindre intention de mener le moindre combat pour la plus modeste des revendications contenues dans leur propre programme.

Revendiquer la socialisation ou la nationalisation des plus importantes branches d'industrie, comme le font les partis centristes, c'est encore tromper les masses populaires. Les centristes n'ont pas seulement induit les masses en erreur en cherchant à les persuader que la socialisation peut arracher des mains du capital les principales branches d'industrie sans que la bourgeoisie soit vaincue, ils cherchent encore à détourner les ouvriers de la lutte vitale réelle pour leurs besoins les plus immédiats, en leur faisant espérer une mainmise progressive sur les diverses industries les unes après les autres, après quoi commencera la construction "systématique" de l'édifice économique. Ils reviennent ainsi au programme minimum de la social-démocratie, c'est-à-dire à la réforme du capitalisme, qui est aujourd'hui une véritable duperie contre-révolutionnaire.

Si dans ce programme de nationalisation, par exemple de l'industrie du charbon, l'idée lassalienne joue encore un rôle pour fixer toutes les énergies du prolétariat sur une revendication unique, pour en faire un levier d'action révolutionnaire conduisant par son développement à la lutte pour le pouvoir, dans ce cas nous avons affaire à une rêverie de songe-creux: la classe ouvrière souffre aujourd'hui dans tous les États capitalistes de fléaux si nombreux et si effroyables qu'il est impossible de combattre toutes ces charges écrasantes et ces coups en poursuivant un objet trop subtil tout à fait imaginaire. Il faut au contraire prendre chaque besoin des masses comme point de départ de luttes révolutionnaires qui, dans leur ensemble, pourront constituer le courant puissant de la révolution sociale. Les Partis communistes ne mettent en avant pour ce combat aucun programme minimum tendant à fortifier et à améliorer l'édifice vacillant du capitalisme. La ruine de cet édifice reste leur but directeur, leur tâche actuelle. Mais pour remplir cette tâche, les Partis communistes doivent émettre des revendications dont la réalisation constitue une nécessité immédiate et urgente pour la classe ouvrière et ils doivent défendre ces revendications dans la lutte des masses, sans s'inquiéter de savoir si elles sont compatibles ou non avec l'exploitation usuraire de la classe capitaliste.

Les Partis communistes doivent prendre en considération non pas les capacités d'existence et de concurrence de l'industrie capitaliste, non pas la force de résistance des finances capitalistes, mais l'étendue de la misère que le prolétariat ne peut pas et ne doit pas supporter. Si ces revendications répondent aux besoins vitaux des larges masses prolétariennes, si ces masses sont pénétrées du sentiment que sans la réalisation de ces revendications leur existence est impossible, alors la lutte pour ces revendications deviendra le point de départ de la lutte pour le pouvoir. A la place du programme minimum des réformistes et des centristes, l'Internationale communiste met la lutte pour les besoins concrets du prolétariat, pour un système de revendications qui dans leur ensemble démolissent la puissance de la bourgeoisie, organisent le prolétariat et constituent les étapes de la lutte pour la dictature prolétarienne et dont chacune en particulier donne son expression à un besoin des larges masses, même si ces masses ne se placent pas encore consciemment sur le terrain de la dictature du prolétariat.

Dans la mesure où la lutte pour ces revendications embrasse et mobilise des masses de plus en plus grandes, dans la mesure où cette lutte oppose les besoins vitaux des masses aux besoins vitaux de la société capitaliste, la classe ouvrière prendra conscience de cette vérité que si elle veut vivre, le capitalisme doit mourir. Cette constatation fera naître en elle la volonté de combattre pour la dictature. C'est la tâche des Partis communistes d'élargir les luttes qui se développent au nom de ces revendications concrètes, de les approfondir et de les relier entre elles. Toute action partielle entreprise par les masses ouvrières pour des revendications partielles, toute grève économique sérieuse, provoque immédiatement la mobilisation de toute la bourgeoisie pour protéger ceux des entrepreneurs qui sont menacés, et pour rendre impossible toute victoire, ne fût-ce que partielle du prolétariat (Secours technique des briseurs de grèves bourgeois pendant la grève des cheminots anglais, fascistes). La bourgeoisie mobilise également tout le mécanisme de l'État pour combattre les ouvriers (militarisation des ouvriers en Pologne, lois d'exception pendant la grève des mineurs en Angleterre). Les ouvriers qui luttent pour leurs revendications partielles sont entraînés automatiquement à combattre toute la bourgeoisie et son appareil d'État. Dans la mesure où les luttes pour des revendications partielles, où les luttes partielles des divers groupes d'ouvriers grandissent en une lutte générale de la classe ouvrière contre le capitalisme, le Parti communiste a le devoir de proposer des mots d'ordre plus élevés et plus généraux, jusque et y compris celui du renversement direct de l'adversaire.

En établissant leurs revendications partielles, les partis communistes doivent veiller à ce que ces revendications, ayant leur attache dans les besoins des larges masses, ne se bornent pas à entraîner ces masses dans la lutte, mais par elles-mêmes soient de nature à les organiser.

Tous les mots d'ordre concrets ayant leur source dans les besoins économiques des masses ouvrières doivent être introduits dans le plan de la lutte pour le contrôle ouvrier, qui ne sera pas un système d'organisation bureaucratique de l'économie nationale sous le régime du capitalisme, mais la lutte contre le capitalisme menée par les soviets industriels et les syndicats révolutionnaires. Ce n'est que par la construction d'organisations industrielles de cette sorte, ce n'est que par leur liaison en branches d'industrie et en centres industriels, que la lutte des masses ouvrières pourra acquérir une unité organique, qu'une opposition pourra être faite à la division des masses par la social-démocratie et par les chefs syndicaux. Les soviets industriels accompliront cette tâche seulement s'ils prennent naissance dans la lutte pour des buts économiques communs aux plus larges masses des ouvriers, seulement s'ils créent la liaison entre toutes les parties révolutionnaires du prolétariat: le Parti communiste, les ouvriers révolutionnaires et les syndicats en voie de développement révolutionnaire.

Toute objection contre l'élévation de revendications partielles de ce genre, toute accusation de réformisme sous prétexte de ces luttes partielles, découlent de cette même incapacité à comprendre les conditions vivantes de l'action révolutionnaire qui s'est manifestée déjà dans l'opposition de certains groupes communistes à la participation aux syndicats et à l'utilisation du parlementarisme. Il ne s'agit point de se borner à prêcher toujours au prolétariat les buts finaux, mais de faire progresser une lutte concrète, qui seule peut le conduire à lutter pour ces buts finaux. À quel point les objections contre les revendications partielles sont dénuées de base et étrangères aux exigences de la vie révolutionnaire, cela ressort surtout du fait que même les petites organisations fondées par les communistes dits de gauche, comme asiles de la pure doctrine, ont été obligées de mettre en avant des revendications partielles, quand elles ont voulu essayer d'entraîner dans la lutte des masses ouvrières plus nombreuses que celles qui se groupent autour d'elles ou quand elles veulent prendre part aux luttes des grandes masses populaires pour pouvoir y exercer leur influence.

La nature révolutionnaire de l'époque actuelle consiste précisément en ceci que les conditions d'existence les plus modestes des masses ouvrières sont incompatibles avec l'existence de la société capitaliste, et que pour cette raison la lutte même pour les revendications les plus modestes prend les proportions d'une lutte pour le communisme.

Tandis que les capitalistes profitent de l'armée toujours croissante des sans-travail pour exercer une pression sur le travail organisé en vue d'une réduction des salaires, les social-démocrates, les Indépendants et les chefs officiels des syndicats se détournent lâchement des sans-travail, les considèrent simplement comme sujets de la bienfaisance gouvernementale et syndicale et les caractérisent politiquement comme un lumpenprolétariat. Les communistes doivent se rendre clairement compte que dans les conditions actuelles l'armée des sans-travail constitue un facteur révolutionnaire d'une valeur colossale. La direction de cette armée doit être prise par les communistes. Par la pression exercée par les sans-travail sur les syndicats, les communistes doivent hâter le renouvellement des syndicats, en premier lieu leur libération de l'influence des chefs traîtres. Le parti communiste, en unissant les sans-travail à l'avant-garde du prolétariat dans la lutte pour la révolution socialiste, retiendra les éléments les plus révolutionnaires et les plus impatients des sans-travail d'actes désespérés isolés et rendra capable toute la masse d'appuyer dans des conditions favorables l'attaque commencée par un groupe de prolétaires, de développer ce conflit au-delà des cadres donnés, d'en faire le point de départ d'une offensive décidée; en un mot il transformera toute cette masse et, d'une armée de réserve de l'industrie, il en fera une armée active de la révolution.

En prenant avec la plus grande énergie la défense de cette catégorie d'ouvriers, en descendant dans les profondeurs de la classe ouvrière, les partis communistes ne représentent pas les intérêts d'une couche ouvrière contre une autre, ils représentent ainsi l'intérêt commun de la classe ouvrière, trahi par les chefs contre-révolutionnaires, au profit des intérêts momentanés de l'aristocratie ouvrière: plus large est la couche de sans-travail et de travailleurs à temps réduit, et plus son intérêt se transforme en l'intérêt commun de la classe ouvrière, plus les intérêts passagers de l'aristocratie ouvrière doivent être subordonnés à ces intérêts communs. Le point de vue qui s'appuie sur les intérêts de l'aristocratie ouvrière pour les retourner comme une arme contre les sans-travail ou pour abandonner ces derniers à leur sort déchire la classe ouvrière et est en fait contre-révolutionnaire. Le Parti communiste, comme représentant de l'intérêt général de la classe ouvrière, ne saurait se borner à reconnaître et à faire valoir par la propagande cet intérêt commun. il ne peut représenter efficacement cet intérêt général qu'en menant dans certaines circonstances le gros même de la masse ouvrière la plus opprimée et la plus appauvrie au combat contre la résistance de l'aristocratie ouvrière.

6. La préparation de la lutte

Le caractère de la période de transition fait un devoir à tous les partis communistes d'élever au plus haut point leur esprit de combativité. Chaque combat isolé peut aboutir à un combat pour le pouvoir. Le Parti ne peut acquérir ce mordant nécessaire que s'il donne à l'ensemble de sa propagande le caractère d'une attaque passionnée contre la société capitaliste, s'il sait dans cette agitation se lier aux plus larges masses du peuple, s'il sait leur parler de façon qu'elles puissent acquérir la conviction d'être sous la direction d'une avant-garde luttant effectivement pour le pouvoir. Les organes et les manifestes du Parti communiste ne doivent pas être des publications académiques qui cherchent à prouver théoriquement la justesse du communisme; ils doivent être des cris d'appel à la révolution prolétarienne. L'action des communistes dans les parlements ne doit pas tendre à discuter avec l'ennemi ou à le persuader, mais à le démasquer sans réserve et sans merci, à démasquer les agents de la bourgeoisie, à secouer la volonté de combat des masses ouvrières et à amener les couches petites-bourgeoises, semi-prolétariennes du peuple à se joindre au prolétariat. Notre travail d'organisation dans les syndicats comme dans les Partis ne doit pas viser à une construction mécanique, à une augmentation numérique de nos rangs; il doit être pénétré du sentiment des luttes prochaines. Ce n'est que lorsque le Parti, dans toutes ses manifestations de vie et dans toutes ses formes d'organisation, sera la volonté de combat faite corps, qu'il sera en mesure d'accomplir sa mission dans les moments où les conditions nécessaires à de plus grandes actions combatives seront réunies.

Là où le Parti communiste représente une force massive, où son influence s'étend au-delà des cadres de ses organisations propres de Parti, sur les larges masses ouvrières, il a le devoir d'inciter par l'action les masses ouvrières au combat. De grands Partis de masses ne sauraient se contenter de critiquer la carence d'autres Partis et d'opposer les revendications communistes aux leurs. C'est sur eux, en tant que partis des masses, que repose la responsabilité du développement de la révolution. Là où la situation des masses ouvrières devient de plus en plus intolérable, les Partis communistes doivent tout essayer pour porter les masses ouvrières à défendre leurs intérêts par la lutte. En présence de ce fait qu'en Europe Occidentale et en Amérique, où les masses ouvrières sont organisées en syndicats et en partis politiques, où par conséquent on ne saurait compter jusqu'à nouvel ordre sur des mouvements spontanés que dans des cas très rares, les Partis communistes ont le devoir, en usant de toute leur influence dans les syndicats, en augmentant leur pression sur les autres Partis qui s'appuient sur les masses ouvrières, de chercher à obtenir un déclenchement général du combat pour les intérêts immédiats du prolétariat, et si les Partis non communistes sont contraints de participer à ce combat, la tâche des communistes consiste à préparer d'avance les masses ouvrières à une trahison possible de la part de Partis non communistes pendant l'une des phases ultérieures du combat, à tendre le plus possible la situation et à l'aggraver afin d'être capable de continuer le combat, le cas échéant, sans les autres Partis (voir la lettre ouverte du V.K.P.D.[12], qui peut servir de point de départ exemplaire pour d'autres actions). Si la pression du Parti communiste dans les syndicats et dans la presse ne suffit pas pour entraîner le prolétariat au combat sur un front unique, c'est alors le devoir du Parti communiste d'essayer d'entraîner tout seul de grandes fractions des masses ouvrières. Cette politique indépendante consistant à faire défendre les intérêts vitaux du prolétariat par sa fraction la plus consciente et la plus active ne sera couronnée de succès, ne réussira à secouer les masses retardataires que si les buts du combat découlant de la situation concrète, sont compréhensibles aux larges masses, et si ces masses voient dans ces buts leurs buts propres, tout en n'étant pas encore capables de combattre pour eux.

Le Parti communiste ne doit cependant pas se borner à défendre le prolétariat contre les dangers qui le menacent, à parer les coups destinés aux masses ouvrières. Le Parti communiste est, dans la période de la révolution mondiale, de par son essence même, un Parti d'attaque, un Parti d'assaut contre la société capitaliste; il a pour devoir, dès qu'une lutte défensive prend contre la société capitaliste, de la profondeur et de l'ampleur, de l'agrandir en une offensive. Le Parti a de plus le devoir de tout faire pour conduire d'emblée les masses ouvrières à cette offensive, là où les conditions favorables sont données.

Celui qui s'oppose en principe à la politique de l'offensive contre la société capitaliste viole les directives du communisme.

Ces conditions consistent premièrement dans l'exaspération des combats dans le camp de la bourgeoisie elle-même, dans le cadre national et international. Si les luttes intestines au sein de la bourgeoisie ont pris une proportion telle qu'on peut prévoir que la classe ouvrière aura affaire à des forces adverses fractionnées et coupées, le Parti doit prendre l'initiative, après une minutieuse préparation dans le domaine politique et si possible dans celui de l'organisation intérieure, de conduire les masses au combat.

La deuxième condition pour des sorties, des attaques offensives sur un large front, c'est la grande fermentation existant dans les catégories déterminantes de la classe ouvrière, fermentation qui permet de prévoir que la classe ouvrière sera prête à lutter sur tout le front contre le gouvernement capitaliste. S'il est indispensable, lorsque le mouvement s'accroît en étendue, d'accentuer les mots d'ordre du combat, c'est également un devoir pour les dirigeants communistes du combat, au cas où le mouvement prendrait une allure rétrograde, de retirer de la bataille les masses combattantes avec le maximum d'ordre et de cohésion.

La question de savoir si le Parti communiste doit employer l'offensive ou la défensive dépend des circonstances concrètes. L'essentiel est qu'il soit pénétré d'un esprit combatif, qu'il triomphe de cette passivité centriste, qui fait nécessairement échouer même la propagande du parti dans la routine semi-réformiste. Cette disposition constante au combat, doit constituer la caractéristique des grands partis communistes, non seulement parce que sur eux, en tant que partis de masses, repose la charge du combat, mais encore en raison de l'ensemble de la situation actuelle: désagrégation du capitalisme et paupérisation croissante des masses. Il faut réduire cette période de désagrégation, si l'on ne veut pas que toutes les bases matérielles du communisme soient anéanties et que toute l'énergie des masses ouvrières soit détruite, pendant cette période.

7. Les enseignements de l'action de mars

[...]

8. Formes et méthodes du combat direct

Les formes et méthodes du combat, ses proportions, de même que la question de l'offensive ou de la défensive, dépendent de certaines conditions que l'on ne saurait arbitrairement créer. Les expériences précédentes de la révolution ont montré différentes formes d'actions partielles:

1) Actions partielles de couches isolées du prolétariat (action des mineurs, des cheminots, etc. en Allemagne, en Angleterre, des ouvriers agricoles, etc.).

2) Actions partielles de l'ensemble des ouvriers pour des buts limités (l'action pendant les journées de Kapp[13], l'action des mineurs anglais contre l'intervention militaire du gouvernement anglais pendant la guerre russo-polonaise).

Au point de vue territorial, ces luttes partielles peuvent embrasser des régions isolées, des pays entiers ou plusieurs pays à la fois.

L'action de mars fut une lutte héroïque menée par des centaines de milliers de prolétaires contre la bourgeoisie. Et en se mettant vigoureusement à la tête de la défense des ouvriers de l'Allemagne Centrale, le Parti communiste Unifié d'Allemagne prouve qu'il est réellement le parti du prolétariat révolutionnaire allemand.

Toutes ces formes de combat sont destinées au cours de la révolution dans chaque pays à se succéder les unes aux autres à plusieurs reprises. Le parti communiste ne peut évidemment pas se refuser à des actions partielles territorialement limitées, mais ses efforts doivent tendre à transformer tout combat local plus important en une lutte générale du prolétariat. De même qu'il a le devoir, pour défendre les ouvriers combattants d'une branche d'industrie, d'appeler à la rescousse, si possible, la classe ouvrière tout entière, de même il est obligé, pour défendre les ouvriers combattant sur un point donné, de mettre sur pied, autant que possible, les ouvriers des autres centres industriels. L'expérience de la révolution montre que plus le champ de bataille est grand et plus grandes sont les perspectives de victoire. La bourgeoisie, dans sa lutte contre la révolution mondiale qui se développe, s'appuie d'une part sur les organisations de gardes-blancs, d'autre part sur l'émiettement effectif de la classe ouvrière, sur la lenteur réelle du front prolétarien à se former. Plus grandes sont les masses du prolétariat qui entrent en lice, plus grand est le champ de bataille ‑ et plus l'ennemi devra diviser et disséminer ses forces. Même si les autres parties de la classe ouvrière accourant au secours d'une partie du prolétariat en mauvaise posture ne sont pas capables pour le moment d'engager tout l'ensemble de leurs forces pour la soutenir, leur seule intervention oblige les capitalistes à diviser leurs forces militaires, car ils ne peuvent pas savoir quelle étendue et quel mordant prendra la participation au combat du reste du prolétariat.

Au cours de l'année passée, pendant laquelle nous remarquons une offensive de plus en plus arrogante du capital contre le travail, nous voyons en même temps dans tous les pays la bourgeoisie, non contente du travail de ses organes politiques, créer des organisations de gardes-blancs, légales ou semi-légales, mais toujours sous la protection de l'État et qui jouent un rôle déterminant dans tout grand choc économique et politique.

En Allemagne, c'est l'Orgesch[14], soutenue par le gouvernement et comprenant les partis de toutes nuances depuis Stinnes jusqu'à Scheidemann.

En Italie, ce sont les fascistes, dont les prouesses héroïques de bandits ont modifié l'état d'esprit de la bourgeoisie et crée l'illusion d'une transformation complète du rapport entre les forces politiques.

En Angleterre, le gouvernement de Lloyd George[15], pour s'opposer au danger gréviste, s'adressa aux volontaires, dont la tâche consiste à « protéger la propriété et la liberté du travail », tantôt par le remplacement des grévistes et tantôt par la destruction de leurs organisations.

En France, le journal semi-officiel "Le Temps", inspiré par la clique Millerand[16], mène une propagande énergique en faveur du développement des "ligues civiques" déjà existantes et de l'implantation des méthodes fascistes sur le sol français.

Les organisations de briseurs de grèves et d'assassins qui ont de tout temps complété le régime de liberté américaine ont eu un organe dirigeant sous la forme de la Légion Américaine qui subsiste après la guerre.

La bourgeoisie qui compte sur sa force et qui se vante de sa solidité sait parfaitement, dans la personne de ses gouvernants, qu'elle n'obtient ainsi qu'un moment de répit et que dans les conditions actuelles toute grande grève a tendance à se transformer en guerre civile et en lutte immédiate pour le pouvoir.

Dans la lutte du prolétariat contre l'offensive du capital, c'est le devoir des communistes non seulement de prendre les premières places et d'instruire les combattants à comprendre les buts essentiels à réaliser par la révolution, mais encore de s'appuyer sur les éléments les meilleurs et les plus actifs dans les entreprises et les syndicats pour créer leur propre troupe ouvrière et leurs propres organisations de combat pour opposer résistance aux fascistes et faire perdre à la jeunesse dorée de la bourgeoisie l'habitude d'insulter les grévistes.

En raison de l'importance exceptionnelle des troupes d'attaque contre-révolutionnaires, le parti communiste. les noyaux communistes dans les syndicats, doivent attacher la plus grande attention à la question du service de liaison et d'instruction, de la surveillance constante à exercer sur les organes de lutte, sur les forces des gardes-blancs, ses États-majors, ses dépôts d'armes, la liaison de ses cadres avec la police, avec la presse et les partis politiques, et de la préparation préalable de toutes les particularités nécessaires pour la défense et pour la contre-attaque.

Le parti communiste doit de cette façon inculquer aux plus larges couches du prolétariat, par le fait et par la parole, l'idée que tout conflit économique ou politique peut, en cas d'un concours favorable de circonstances, se transformer en guerre civile, au cours de laquelle ce sera la tâche du prolétariat de s'emparer du pouvoir politique.

Le Parti communiste, en présence des actes de terreur blanche et de la rage de l'ignoble caricature de justice des bancs, doit maintenir constamment dans le prolétariat cette idée qu'il ne doit pas, au moment du soulèvement, se laisser tromper par les appels de l'adversaire à la douceur, mais, au contraire, par des actes de juridiction populaire organisée, fournir une expression à la justice prolétarienne et régler ses comptes avec les bourreaux de sa classe. Mais dans les moments où le prolétariat n'est encore qu'au début de la tâche, quand il s'agit encore de le mobiliser par l'agitation, par les campagnes politiques, par les grèves, l'usage des armes et les actes de sabotage ne sont utiles que lorsqu'ils servent à empêcher des transports de troupes contre les masses prolétariennes combattantes ou à arracher à l'adversaire une position importante dans la lutte directe. Des actes de terrorisme individuel, quoiqu'ils doivent être grandement appréciés comme preuve, comme symptôme de l'effervescence révolutionnaire et si défendables qu'ils soient en regard de la loi de lynch de la bourgeoisie et de ses laquais social-démocrates, ne sont cependant susceptibles en aucune façon d'élever le degré d'organisation et les dispositions combatives du prolétariat, car ils éveillent dans les masses l'illusion que des actes héroïques isolés peuvent suppléer à la lutte révolutionnaire du prolétariat.

9. L'attitude à l'égard des couches moyennes du prolétariat

En Europe Occidentale, il n'y a aucune autre grande classe qui, en dehors du prolétariat, puisse être un facteur déterminant de la révolution mondiale, comme ce fut le cas en Russie, où la classe paysanne était destinée d'avance, grâce à la guerre et au manque de terre, à être un facteur décisif dans le combat révolutionnaire, à côté de la classe ouvrière.

Mais en Europe Occidentale il y a des parties des paysans, de grandes fractions de la petite bourgeoisie urbaine, une large couche de ce nouveau Tiers-État, comprenant les employés, etc. qui sont placées dans des conditions d'existence de plus en plus intolérables. Sous la pression du renchérissement de la vie, de la crise du logement, de l'incertitude de leur situation, ces masses entrent dans une fermentation qui les fait sortir de leur inactivité politique et les entraîne dans le combat entre la révolution et la contre-révolution. La banqueroute de d'impérialisme dans les États vaincus, la banqueroute du pacifisme et des tendances social-réformistes dans le camp de la contre-révolution déclarée dans les pays victorieux, poussent une partie de ces couches moyennes dans celui de la révolution. Le Parti communiste doit accorder à ces couches son attention de tous les instants.

Conquérir le petit paysan aux idées du communisme, conquérir et organiser l'ouvrier agricole, voilà une des conditions préalables les plus essentielles pour la victoire de la dictature prolétarienne, car elle permet de transporter la révolution des centres industriels dans les campagnes et crée pour elle les points d'appui les plus importants pour résoudre la question du ravitaillement, qui est la question vitale de la révolution.

La conquête de cercles assez vastes d'employés du commerce et de l'industrie, de fonctionnaires inférieurs et moyens et d'intellectuels faciliterait à la dictature du prolétariat, pendant l'époque de transition entre le capitalisme et le communisme, la solution des questions de technique, et d'organisation de l'industrie, d'administration économique et politique. Elle porterait le désarroi dans les rangs de l'ennemi et ferait cesser l'isolement du prolétariat dans l'opinion publique.

Les Partis communistes doivent surveiller de la manière la plus attentive la fermentation des couches petites-bourgeoises; ils doivent utiliser ces couches de la manière la plus appropriée, même si elles ne sont pas encore affranchies des illusions petites-bourgeoises. Ils doivent incorporer les fractions des intellectuels et des employés, affranchis de ces illusions, au front prolétarien et les faire servir à l'entraînement de masses petites-bourgeoises en fermentation.

La ruine économique et l'ébranlement des finances publiques qui en est résulté contraignent la bourgeoisie elle-même à livrer la base de son propre appareil gouvernemental, les fonctionnaires inférieurs et moyens, à une paupérisation croissante. Les mouvements économiques qui se produisent dans ces couches, atteignent directement la charpente de l'État bourgeois et même si celui-ci est raffermi chaque fois pour un temps, il lui sera non moins impossible d'assurer l'existence matérielle du prolétariat tout en maintenant son système d'exploitation. En prenant la défense des besoins économiques des fonctionnaires moyens et inférieurs avec toute leur force d'action et sans égards pour l'état des finances publiques, les partis communistes accomplissent le travail préliminaire efficace pour la destruction des institutions gouvernementales bourgeoises et préparent les éléments de l'édifice gouvernemental prolétarien.

10. La coordination internationale de l'action

[...]

11. L'écroulement des Internationales 2 et 2 ½

La troisième année d'existence de l'Internationale Communiste a été témoin d'une chute plus complète des Partis Social-démocrates et des leaders syndicaux réformistes, qui ont été démasqués et mis à nu.

Mais cette année a vu aussi leur tentative pour se grouper en une organisation et pour prendre l'offensive contre l'Internationale Communiste.

En Angleterre des chefs du Labour Party et des trade-unions ont montré pendant la grève des mineurs que leur but ne consiste en rien d'autre qu'à bouleverser consciemment le front prolétarien en formation et à défendre consciemment les capitalistes contre les ouvriers. L'écroulement de la Triple-Alliance fournit la preuve que les leaders syndicaux réformistes ne sont même pas disposés à lutter pour l'amélioration du sort du prolétariat dans le cadre du capitalisme.

En Allemagne le Parti social-démocrate, sorti du gouvernement, a prouvé qu'il est incapable de mener même une opposition de propagande, telle que l'avait faite l'ancienne social-démocratie d'avant la guerre. A chaque geste d'opposition, ce Parti était préoccupé uniquement de ne déchaîner aucun combat de la classe ouvrière. Bien que se trouvant soi-disant dans d'opposition dans le Reich, le Parti social-démocrate a organisé en Prusse l'expédition des gardes-blancs contre les mineurs de l'Allemagne centrale, afin de les provoquer à la lutte armée, ainsi qu'il l'a avoué lui-même, avant que les rangs communistes fussent en ordre pour le combat. Devant la capitulation de la bourgeoisie allemande devant l'Entente, devant ce fait évident que cette bourgeoisie ne saurait exécuter les conditions dictées par l'Entente qu'en rendant l'existence du prolétariat allemand complètement intolérable, la social-démocratie allemande est rentrée dans le gouvernement pour aider la bourgeoisie à transformer le prolétariat allemand en troupeau d'ilotes.

En Tchécoslovaquie, la social-démocratie mobilise l'armée et la police pour arracher aux ouvriers communistes la possession de leurs maisons et de leurs institutions.

Le Parti Socialiste Polonais aide, par sa tactique mensongère, Pilsudski à organiser son expédition de brigandage contre la Russie Soviétique. Il aide son gouvernement à jeter dans les prisons des milliers de communistes en cherchant à les chasser des syndicats, où malgré toutes les persécutions ils réunissent autour d'eux des masses de plus en plus grandes.

Les social-démocrates belges restent dans un gouvernement qui prend part à la réduction complète en esclavage du peuple allemand.

Les partis et les groupes centristes de l'Internationale 2 1/2 ne se montrent pas moins hideux que les partis de la contre-révolution.

Les Indépendants d'Allemagne repoussent brutalement l'invitation du Parti Communiste à mener en commun la lutte contre l'aggravation du sort de la classe ouvrière, malgré les divergences de principe. Au cours des journées de mars, ils ont pris délibérément le parti du gouvernement des gardes-blancs contre les ouvriers de l'Allemagne centrale pour ensuite, après avoir aidé à la victoire de la terreur blanche, après avoir dénoncé à l'opinion publique bourgeoise les rangs avancés du prolétariat comme un prolétariat de voleurs et de brigands, se lamenter hypocritement sur cette même terreur blanche. Quoique ayant pris l'engagement au Congrès de Halle de soutenir la Russie Soviétique, les Indépendants mènent dans leur presse une campagne de calomnies contre la République des Soviets de Russie. Ils entrent dans les rangs de toute la contre-révolution russe avec Wrangel, Milioukov et Bourtsev, en soutenant le soulèvement de Cronstadt contre la République des Soviets, soulèvement qui manifeste les débuts d'une nouvelle tactique de la contre-révolution internationale à l'égard de la Russie Soviétique : renverser le parti communiste de Russie, l'âme, le cœur, la colonne vertébrale et le système nerveux de la République Soviétique, pour tuer cette dernière et n'avoir plus ensuite qu'à balayer son cadavre.

Aux côtés des Indépendants allemands, les Longuettistes français s'associent à cette campagne et se rallient ainsi publiquement à la contre-révolution française, qui, comme on le sait, a inauguré cette nouvelle tactique à l'égard de la Russie.

En Italie, la politique des groupes du centre, de Serrati et d'Aragona, la politique de recul devant toute lutte a rempli la bourgeoisie d'un nouveau courage et lui a donné la possibilité, au moyen des bandes blanches des fascistes, de dominer toutes la vie de l'Italie.

Quoique les partis du centre et de la social-démocratie ne diffèrent entre eux que par des phrases, l'union des deux groupes en une Internationale unique n'est pas encore réalisée pour le moment.

Les partis centristes se sont unis en février en une association internationale séparée avec une plate-forme politique et des statuts spéciaux. Cette Internationale 2 1/2 essaie d'osciller sur le papier entre les deux mots d'ordre de la démocratie et de la dictature du prolétariat. En pratique, elle n'aide pas seulement la classe capitaliste dans chaque pays en cultivant l'esprit d'indécision dans la classe ouvrière, mais encore et même en présence des ruines accumulées par la bourgeoisie internationale, en présence de la soumission d'une partie du monde à la volonté des Etats capitalistes victorieux de l'Entente, elle offre ses conseils à la bourgeoisie pour réaliser son plan de pillage sans déchaîner les forces révolutionnaires des masses populaires. L'Internationale 2 1/2 se distingue de la II° Internationale uniquement en ce qu'elle joint, à la peur commune de la puissance du capital qui unit les réformistes avec les centristes, la peur de perdre, en formulant clairement son point de vue, ce qui lui reste d'influence sur les masses encore indécises, mais de sentiment révolutionnaire. L'identité politique essentielle des réformistes et des centristes trouve son expression dans la défense qu'ils font en commun de l'Internationale Syndicale d'Amsterdam, ce dernier bastion de la bourgeoisie mondiale. En s'unissant, partout où ils possèdent de l'influence sur les syndicats, aux réformistes et à la bureaucratie syndicale pour combattre les communistes, en répondant aux tentatives pour révolutionner les syndicats, par l'exclusion des communistes et par la scission des syndicats, les centristes prouvent que, tout comme les social-démocrates, ils sont les adversaires décidés de la lutte du prolétariat et les aides de la contre-révolution.

L'Internationale Communiste doit, comme elle l'a fait jusqu'à présent, mener la lutte la plus décidée, non seulement contre la II° Internationale et contre l'Internationale Syndicale d'Amsterdam, mais aussi contre l'Internationale 2 1/2. Ce n'est que par cette lutte sans merci, qui montre quotidiennement aux masses que les social-démocrates et les centristes, loin d'avoir la moindre intention de lutter pour vaincre le capitalisme, n'ont pas même celle de lutter pour les plus besoins les plus simples et les plus immédiats de la classe ouvrière, que l'Internationale Communiste peut enlever ces agents de la bourgeoisie leur influence sur la classe ouvrière.

Pour mener cette lutte jusqu'à la victoire, elle doit étouffer dans le germe toute tendance et tout accès centriste dans ses propres rangs et prouver par son action quotidienne qu'elle est l'Internationale de l'action communiste et non de la phrase et de la théorie communistes. L'Internationale Communiste est la seule organisation du prolétariat international susceptible, de par ses principes, de diriger la lutte contre le capitalisme. Elle doit si bien fortifier sa cohésion intérieure, sa direction internationale, son action, qu'elle puisse atteindre les buts qu'elle s'est proposée dans ses statuts: "l'organisation d'actions communes des prolétaires des différents pays qui poursuivent le but commun : renversement du capitalisme, établissement de la dictature du prolétariat et d'une République Soviétique Internationale".

 

 

 

 

 

Notes



[1].       [321ignition] Les annotations sont formulées par nous en tenant compte d'éventuelles notes figurant dans la source.

[2].       Philippe Scheidemann.

En 1883 Scheidemann adhère au Parti ouvrier socialiste d'Allemagne (Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands, SAPD), qui en 1890 adopte le nom de Parti social-démocrate d'Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD). En 1917 il devient membre du comité directeur du parti. En octobre 1918, il fait partie du premier gouvernement parlementaire dirigé par le prince Max von Baden. Après l'annonce de l'abdication de l'empereur Wilhelm II il démission de son poste en même temps que d'autres membres SPD du gouvernement. Du bâtiment de l'assemblée nationale [Reichstag], il proclame la "république allemande". En 1918‑1919 il est membre du Conseil des mandatés du peuple (Rat der Volksbeauftragten), l'organe mise en place à titre de gouvernement provisoire après la chute de la monarchie. En février 1920 il constitue le premier gouvernement de la république, formé de représentants du SPD, du Parti du centre (Zentrumspartei, Zentrum) et du Parti démocratique allemand (Deutsche Demokratische Partei, DDP); il démissionne cependant en juin parce qu'il juge inacceptables les conditions du Traité de Versailles.

          Gustav Noske.

En 1884 Noske adhère au Parti ouvrier socialiste d'Allemagne (Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands, SAPD), qui en 1890 adopte le nom de Parti social-démocrate d'Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD). De 1906 à 1918 il est député pour le SPD. En 1914 il publie un livre "Politique coloniale et social-démocratie" ("Kolonialpolitik und Sozialdemokratie"), favorable à la politique coloniale de l'Allemagne. Durant la Première guerre mondiale il soutient la position de défense nationale. En décembre 1918, il devient membre du Conseil des mandatés du peuple (Rat der Volksbeauftragten), l'organe mise en place à titre de gouvernement provisoire après la chute de la monarchie. En janvier 1919 il dirige l'écrasement, avec le concours de corps francs, de la tentative d'insurrection révolutionnaire à laquelle participe le Parti communiste d'Allemagne (Kommunistische Partei Deutschlands, KPD). En février il est nommé ministre de la défense et met en oeuvre la reconstruction des forces armées. En mars 1920, au moment de la mise en échec du putsch Lüttwitz-Kapp, il est forcé de démissionner sous la pression des travailleurs en lutte. De 1920 à 1933 il occupe le poste de président [Oberpräsident] de la province Hannover.

[3].       Hugo Stinnes.

Stinnes est l'un des membres dominants du grand capital allemand dans le secteur de l'industrie minière et de l'acier.

[4].       Carl Severing.

En avril 1919, Severing est nommé commissaire du Reich et de l'état [Reichs- und Staatskommissar] pour la région industrielle de Rheinland-Westfalen (la Ruhr). En mars 1920, après la mise en échec du putsch Lüttwitz-Kapp, il procède à la répression des luttes armées organisées par les travailleurs de la région. Il est nommé ministre de l'intérieur de Prusse. En mars 1921 il dirige la répression contre le mouvement insurrectionnel en Allemagne du centre. En juin 1928 il entre comme ministre de l'Intérieur au gouvernement de coalition dirigé par Hermann Müller (SPD), auquel participent Parti populaire allemand (Deutsche Volkspartei, DVP), Parti du centre (Zentrumspartei, Zentrum) et Parti démocratique allemande (Deutsche Demokratische Partei, DDP).

[5].       John Sankey, membre du Parti travailliste (Labour Party).

En 1919‑1920 en Grande Bretagne, la Commission Sankey est chargé par le gouvernement d'examiner la question de la rationalisation du secteur des mines de charbon. La recommandation de la commission est défavorable à des mesures de restructuration. Ainsi entre 1921 et 1925, le gouvernement applique des subventions pour maintenir le fonctionnement des mines malgré la faible demande de charbon sur le marché. En 1925, une autre commission, la Commission Samuel, recommande des mesures de rationalisation et la fin des subventions. La loi sur l'industrie minière (Mining Industry Act) de 1926 élimine les subventions et encourage les regroupements de mines. La loi sur les mines de charbon (Coal Mines Act) de 1930 attribue finalement au gouvernement l'autorité de procéder à la régulation de la production, de l'offre et de la vente du charbon, et met en place la Commission de réorganisation des mines de charbon (Coal Mines Reorganisation Commission), chargée de la restructuration du secteur.

[6].       En 1850, Allan Pinkerton crée aux USA la Pinkerton Detective Agency. Durant les années 1860‑1890, l'agence intervient fréquemment, à l'appel d'employeurs, pour les aider à la répression de mouvements de grève. Ainsi, en 1892 se produisent des affrontements particulièrement violents durant une grève à la Homestead Steel Works, 7 agents de Pinkerton et 11 syndicalistes sont tués.

[7].       Fédération syndicale internationale (dite “Internationale syndicale d'Amsterdam”).

En 1901 se tient à Copenhague une réunion entre représentants des centrales syndicales de Norvège, Suède, Finlande, Danemark, Allemagne, France et Belgique. Une autre rencontre suit en 1903, et se constitue un secrétariat international avec Carl Legien comme secrétaire. En 1913 est adoptée la désignation “Fédération syndicale internationale” (FSI). La 1e guerre mondiale induit le clivage correspondant aux alliances belligérantes. En 1919 la FSI est reconstituée. Une première réunion se tient en février 1919 à Bern, en juillet-aout le siège est établi à Amsterdam. La FSI est reconnue par la nouvelle Organisation internationale du travail. L'admission à la FSI des syndicats de l'Union soviétique est refusée. La Fédération américaine du travail (AFL) adhère finalement à la FSI en 1937.

[8].       Cf. Éléments d'histoire: Partito comunista d'Italia ►.

[9].       Internationale socialiste.

En 1864 est constituée à Londres l'“Association internationale des travailleurs”, à laquelle Karl Marx et Friedrich Engels participent activement; elle est dissoute par décision de son assemblée générale tenue à Philadelphie en 1876. En 1889 se tient un congrès ouvrier international à Paris. La coordination ainsi établie entre partis d'orientation marxiste est désignée couramment comme “Deuxième Internationale”. Dans un premier temps, aucune structure organisationnelle particulière n'est mise en place, en dehors de la convocation de congrès. En 1900 est constitué un Bureau socialiste international, ainsi qu'un comité exécutif chargé des affaires courantes, avec siège à Bruxelles.

Les 14 et 15 février 1915 se tient à Londres une conférence des partis socialistes des pays alliés. Le nombre de délégués s'élève à 46. La France est représentée de la façon suivante: pour le Parti socialiste Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) Alexandre Desrousseaux dit Bracke, Adéodat Compère-Morel, Marcel Cachin, Jean Longuet, Marcel Sembat, Pierre Renaudel, Edouard Vaillant, Louis Dubreuilh, Ernest Poisson, Braemer; pour la Confédération générale du travail Léon Jouhaux, Alexandre Luquet, Moulinier, Albert Bourderon et Alphonse Merrheim. La Grande Bretagne est représentée entre autres par Arthur Henderson, Ramsay Macdonald, Keir Hardie, William Anderson, Bruce Glasier; la Belgique est représentée notamment par Émile Vandervelde et Camille Huysmans; pour la Russie participent entre autres Ivan M. Maisky du Parti ouvrier social-démocrate - menchévik), Viktor M. Černov et Ilja A. Rubanovič du Parti des socialistes-révolutionnaires, etc.

Après la 1e guerre mondiale se tient d'abord en février 1919 une conférence à Bern, puis en aout 1920 à Genève la 2e Internationale est reconstituée avec la participation d'un nombre réduit de partis. Elle établit son siège à Londres.

Un certain nombre d'autres partis constituent en février 1921 à Vienne en Autriche la “Communauté internationale de travail de partis socialistes”. Friedrich Adler et Otto Bauer jouent un rôle important. Officiellement l'organisation est désignée aussi comme “Internationale de Vienne”, mais elle est couramment nommée “Internationale 2 ½”.

En mai 1923 durant un congrès tenu à Hambourg cette Internationale et la 2e Internationale créent en commun l'“Internationale ouvrière socialiste”.

[10]. Léon Jouhaux.

En 1906, Jouhaux devient délégué au comité fédéral des Bourses du travail, et en 1909, il devient secrétaire général de la Confédération générale du Travail (CGT). En aout 1914, il est favorable à la participation à la guerre. En 1916, il lance l'idée d'un organisme international pour élaborer des instruments d'amélioration de la condition ouvrière et, la guerre terminée, il participe à la Conférence de la Paix et aux négociations qui aboutissent à la création de l'Organisation internationale du Travail (OIT) en 1919. De 1919 jusqu'à sa mort en 1954 il est représentant titulaire des travailleurs au Conseil d'Administration du Bureau international du Travail (BIT), qui est le secrétariat permanent de l'OIT.

En 1921, après la scission du Parti socialiste vis-à-vis du Parti communiste, la CGT se divise. Les réformistes gardent l'appareil, et les opposants fondent la CGT Unitaire (CGTU). Jouhaux est alors le principal dirigeant de la CGT; en 1936 lorsqu'a lieu la réunification de la CGTU avec la CGT, Jouhaux demeure, seul, secrétaire général de la CGT.

[11].     Cf. Éléments d'histoire: Labour Party ►.

[12].     KPD, VKPD.

Du 1er au 7 décembre 1920 se tient le 6e congrès du Parti communiste d'Allemagne (Kommunistische Partei Deutschlands, KPD), à titre de congrès d'unification du KPD avec l'aile gauche du Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne (Unabhängige sozialdemokratische Partei Deutschlands, USPD). Pour autant que ce congrès soit considéré comme point de départ, il compte comme 1er congrès du KPD dans sa phase nouvelle. Dans un premier temps, est alors utilisée la désignation comme “Parti communiste unifié d'Allemagne” (“Vereinigte kommunistische Partei Deutschlands”, VKPD), puis en 1922 est repris la désignation simple comme KPD.

[13].     Wolfgang Kapp.

L'article 160 du Traité de Versailles prescrit la réduction de l'armée allemande à 100.000 soldats de métier, et la dissolution des corps francs composés de volontaires. Pour atteindre ces limitations, à partir d'été 1919 environ 200.000 soldats de corps francs sont renvoyés. En particulier, sur ordre des puissances alliées vainqueurs doit être dissoute la brigade de marine de Hermann Ehrhardt. Le général le plus haut gradé de l'armée (dénommée à cette époque Reichswehr provisoire), Walther von Lüttwitz, refuse d'appliquer cette disposition. Le 13 mars 1920, à la tête de la brigade de marine d'Ehrhardt, qui est sous ses ordres, il occupe le quartier gouvernemental de Berlin et nomme Wolfgang Kapp, un fonctionnaire de l'administration prussienne, comme chancelier. Cependant les travailleurs réagissent par la grève générale et la résistance armée, de sorte qu'après quatre jours le putsch est mis en échec.

[14].     Orgesch.

Pour stabiliser l'appareil d'état bourgeois face aux actions menées par les travailleurs suite à l'insurrection de novembre 1918, les forces contrerévolutionnaires, notamment les dirigeants du SPD, s'appuient sur la création, sous différentes formes, d'unités paramilitaires. Cela pose néanmoins un certain nombre de problèmes, compte tenu des exigences de désarmement imposées par les puissances alliées vainqueurs, et aussi des velléités putschistes présentes chez certains des commandants militaires concernés. À partir du printemps 1920 le gouvernement du Reich de même que celui de Prusse tendent à imposer des limitations à l'existence de ces formations armées. Dans ce contexte, des organisations de ce type, du nord de l'Allemagne, cherchent à établir des liens avec les unités de défense civile [Einwohnerwehren] de Bavière, que dirige Georg Escherich dans le cadre d'une union au niveau de la province [Land]. Ces dernières jouissent d'un soutien important de la part du gouvernement de Bavière. Le général à la retraite Erich Ludendorff pousse dans le sens de cette unification. Ainsi le 9 mai 1920 est créée l'Organisation Escherich (“Orgesch”) au cours d'une assemblée, à Regensburg, de représentants des unités de défense civile de toute l'Allemagne. Escherich est désigné comme capitaine au niveau du pays, de l'Orgesch. Un regroupement similaire d'unités de défense civile existant en Autriche se joint le 27 juillet à l'Orgesch. Finalement, suite aux décisions de la conférence internationale de Spa tenue en juillet ‑ concernant le désarmement de l'Allemagne , le gouvernement prussien, le 1er novembre, ordonne l'interdiction de l'Orgesch en Prusse, puis le 24 juin 1921 le gouvernement du Reich ordonne la dissolution de l'Orgesch au niveau national. C'est alors qu'en Bavière le gouvernement, tout en renoncent officiellement aux unités de défense civile, décide de maintenir les structures paramilitaires de façon clandestine, dans le cadre de l'“organisation Pittinger” (dirigée par Otto Pittinger) constituée le 22 juin. Mais celle-ci est transformée le 27 juin 1922 en union de défense [Wehrverband] officielle dénommée “Bund Bayern und Reich” et perd son caractère militaire.

[15].     Cf. Éléments d'histoire: Labour Party ►.

[16].     Alexandre Millerand.

En 1885, Millerand se présente aux élections à titre individuel, sous l'étiquette radical-socialiste, il est élu député de la Seine. Il s'écarte peu à peu du parti radical et se rapproche des socialistes. Des élus indépendants comme lui prennent contact, se regroupent et fondent, en 1893, la Fédération républicaine socialiste de la Seine. En 1889 Millerand, qui est avocat de profession, défend, devant la cour d’assises de Douai, Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, accusé de "provocation à l’émeute". En 1899, il accepte l’offre de Pierre Waldeck-Rousseau d’une participation dans son ministère de “Défense républicaine”. Jusqu’en juin 1902, il occupe ainsi les fonctions de ministre du Commerce, de l’Industrie et des Postes et Télégraphes. En janvier 1904, la fédération socialiste de la Seine exclut Millerand.

De juillet 1909 à octobre 1910, il est ministre des Travaux publics dans le premier gouvernement Aristide Briand. Puis en janvier 1912, il devient ministre de la Guerre dans le gouvernement Raymond Poincaré; il démissionne en janvier 1913. D'aout 1914 à octobre 1915, il est à nouveau ministre de la Guerre, dans le gouvernement de Raymond Viviani.

Il évolue vers des positions de plus en plus droitières jusqu'à conduire la coalition de centre-droite du “Bloc national” aux élections législatives de novembre 1919. Il est appelé à la tête du gouvernement par le président Raymond Poincaré. Après les élections sénatoriales de janvier 1920, il apparait comme le chef de la nouvelle majorité et devient président du Conseil. En septembre 1920, il est élu président de la République par le Parlement. Il s’oppose à la politique de détente vis-à-vis de l’Allemagne, souhaitée par le président du Conseil Aristide Briand, ce qui entraine en janvier 1922 la démission de ce dernier. Après la victoire du “Cartel des gauches” aux élections de mai 1924, le chef de cette coalition, Édouard Herriot, refuse de composer le nouveau gouvernement sous l'égide du président. Dans l'impasse, Millerand est contraint de démissionner en juin; il est remplacé par Gaston Doumergue.