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5e Congrès de l'Internationale communiste
(17 juin - 8 juillet 1924)

Projet de programme du Parti communiste Allemand
soumis par August Thalheimer
(Extraits)

 

 

Source:

Le programme de l'Internationale communiste - projets présentés à la discussion du Ve Congres mondial, Paris, Librairie de l'Humanité, 1924, pp. 97‑101.

 

 

 

 

 

 

 

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L'IC et la question de la tactique ‑ Sommaire

 

 

 

 

 

 

[...]

VI. Mesures transitoires préalables à la conquête du pouvoir politique

26. Les Conseils d'ouvriers et les Parlements, la dictature prolétarienne et la dictature bourgeoise ne peuvent coexister longtemps à une époque de transformation révolutionnaire de la société capitaliste en société socialiste. Ou ce sont les conseils ouvriers qui détruisent les Parlements, ou les Parlements qui détruisent les Conseils ouvriers.

La chute de la démocratie bourgeoise, la destruction de la machine d'État bourgeois, sont les résultats d'une seule et même action violente.

Mais la création des Conseils ouvriers et leur transformation en instrument de pouvoir, transformation qui les rend capables de renverser et de remplacer la démocratie bourgeoise, ne peuvent résulter d'un seul et même acte.

Les Conseils ouvriers ne peuvent se former qu'au sein de la démocratie bourgeoise même. Quels que soient leurs noms, leur forme, leurs buis primitifs, ils se forment comme organes permettant à la classe ouvrière de vaincre ses divisions intérieures et d'entrer en bataille en tant que classe effectivement unie.

Les Conseils ouvriers ne peuvent transformer l'unité de l'organisation primitive de la classe ouvrière en unité doctrinale que dans le feu de batailles de classes dures et acharnées; cette unité doctrinale constitue la condition nécessaire de la victoire définitive du prolétariat sur la démocratie bourgeoise.

C'est ainsi qu'entre la démocratie bourgeoise et la République des Conseils s'étend nécessairement une période pendant laquelle les Conseils ouvriers et l'État bourgeois existent côte à côte et luttent pour le pouvoir politique (gouvernement dualiste).

Les Conseils ouvriers naissent et mûrissent, au point de vue révolutionnaire, en même temps que la lutte de classe prolétarienne grandit, devient plus ample, plus profonde et plus âpre, et en même temps que la conscience de classe du prolétariat progresse et s'éclaircit.

Les Conseils ouvriers symbolisent le processus de séparation du prolétariat avec la bourgeoisie et de leur opposition de classe, processus qui se poursuit en largeur et en profondeur dans les masses prolétariennes, et ils montrent en même temps la désaffection de la classe ouvrière pour ses chefs politiques liés étroitement avec la bourgeoisie.

Par contre, la coalition gouvernementale entre bourgeois et socialistes symbolise l'union des dirigeants des partis prolétariens avec la bourgeoisie.

La coalition gouvernementale des bourgeois et des socialistes répond à ce moment de la lutte de classe, où la bourgeoisie, n'étant plus capable de dominer directement les masses prolétariennes, est obligée d'utiliser à cette fin des intermédiaires social-réformistes et centristes.

Au début de la crise du capitalisme, la période de la coalition gouvernementale entre bourgeois et socialistes constitue un moyen inévitable pour arrêter la marche en avant de la classe ouvrière, mais aussi pour détruire, expérimentalement, ses illusions démocratiques bourgeoises.

Ce sera la tâche des communistes d'accélérer ce processus par une critique incessante, basée sur les expériences politiques et sociales que la masse aura acquises dans la bataille, et par un effort constant pour créer un front de bataille prolétarien uni contre la bourgeoisie.

La condition primordiale du front uni est la liberté entière de critique et de propagande et l'indépendance organique absolue du Parti communiste. Le Parti doit poursuivre la communauté d'action avec d'autres organisations et partis ouvriers, tant que la lutte n'a pas à en souffrir. Il faut la rattacher aux revendications et combats partiels qui correspondent à la situation des larges masses et qui puissent être comprises par elles. (Tactique du front unique.)

Dans la période où le mouvement autonome des masses prolétariennes a atteint une certaine ampleur, où son opposition à la bourgeoisie et aux chefs ouvriers liés à la bourgeoisie s'approfondit, mais où le mouvement n'est pas encore capable, dans sa majorité, de briser les cadres de la démocratie bourgeoise, le mot d'ordre du Gouvernement ouvrier permet de franchir une nouvelle étape vers la séparation des masses prolétariennes et de la bourgeoisie, et d'atteindre un nouveau point de départ, plus élevé, dans la marche du prolétariat à la dictature.

Dans le mot d'ordre du Gouvernement ouvrier, il y a non seulement le désir de détacher de la bourgeoisie les chefs du mouvement ouvrier réformiste, mais encore et avant tout la volonté de créer de nouveaux points d'appui pour le pouvoir prolétarien dans et par les masses elles-mêmes, en même temps que d'enlever au pouvoir bourgeois ses points d'appui. Un gouvernement ouvrier a son point d'appui le plus solide dans les prolétaires armés, et ce sont les ouvriers (petits paysans y compris) et les Conseils d'usines qui doivent lui servir de base politique essentielle.

C'est en s'appuyant sur les ouvriers armés et sur les Conseils d'ouvriers que le Gouvernement ouvrier désarme la bourgeoisie, tranche les liens de son organisation et éloigne les éléments bourgeois de l'appareil d'État actuel. Toute une série de mesures révolutionnaires transitoires d'ordre économique et financier, mesures différentes selon les pays, doit être prise pendant cette période de gouvernement ouvrier.

Ces mesures transitoires, au point de vue formel, ne dépassent pas les cadres du régime bourgeois de propriété, de production et de finances, mais, en réalité, elles sont l'oeuvre d'un pouvoir prolétarien qui, sous la forme d'un gouvernement ouvrier, limite sciemment et énergiquement les droits des capitalistes sur leur propriété, ainsi que les profits capitalistes, et cela dans l'intérêt du prolétariat et des larges masses productrices.

Pour l'Allemagne, et pour un certain nombre de pays, il faut envisager les mesures transitoires économiques suivantes:

1° Participation de l'État à toutes les grandes entreprises capitalistes industrielles (saisie des valeurs réelles) et utilisation du surplus de la production qui revient à l'État, pour diminuer tout d'abord les charges fiscales qui pèsent sur les larges masses populaires (impôts indirects, impôt sur le chiffre d'affaires, impôt sur les salaires);

2° Transformation des entreprises capitalistes en syndicats et en trusts nationaux avec participation de l'État et collaboration prépondérante (contrôle) des organismes économiques des ouvriers et des employés (Conseils d'usines, syndicats professionnels);

3° Pour- atteindre ce but, suppression du secret professionnel, dans les banques, les fabriques et les maisons de commerce;

4° Monopole d'État sur les denrées alimentaires et rationnement, avec, ici encore, la collaboration prépondérante des organisations d'ouvriers, d'employés et de petits paysans;

5° Monopole d'État pour le commerce extérieur et les banques, soumises également au contrôle prépondérant des ouvriers et des employés.

Toutes ces mesures provisoires, bien qu'appliquées nominalement dans le cadre du régime bourgeois de propriété, s'opposent radicalement, en fait, aux intérêts de classe du capitalisme et ne pourront être prises qu'à la suite d'une lutte acharnée contre la bourgeoisie. La résistance énergique de la bourgeoisie, qui suit un plan établi, obligera, naturellement, le Gouvernement ouvrier à dépasser ces mesures, incomplètes et pleines de contradictions, et à remplacer la saisie partielle de la propriété bourgeoise et la limitation du droit capitaliste sur la propriété par la suppression complète de la propriété bourgeoise sur les moyens de production (matières premières, etc.) et par l'abolition complète du droit du Capital sur la propriété.

Le Gouvernement ouvrier sera fatalement obligé de prendre ces nouvelles mesures, parce que les capitalistes utiliseront les restes de leur pouvoir et de leur propriété pour combattre avec acharnement le régime économique du gouvernement ouvrier, pour le désorganiser et le saboter. D'autre part, les capitalistes utiliseront encore toutes les institutions bourgeoises que laissera survivre le gouvernement ouvrier, pour organiser et diriger une lutte politique contre celui-ci (Parlement, justice, armée, administration, presse, école, église, etc.).

Au cours de cette lutte, le gouvernement ouvrier sera forcé, dans l'intérêt même de son existence de changer sa forme politique pleine de contradictions et dualiste, de briser aussi, au point de vue formel, la machine d'État bourgeoise et d'attribuer aux Conseils d'ouvriers le pouvoir d'État tout entier.

La coexistence provisoire de la démocratie bourgeoise parlementaire et des Conseils d'ouvriers, en tant que puissances luttant à mort, est une étape inévitable, dans la période de transition entre la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne.

On ne peut dire d'avance si le gouvernement ouvrier réalise la dernière étape possible vers la dictature des Conseils, ou si elle sera dépassée, de même qu'on ne peut prévoir si les mesures capitalistes et étatistes, prises dans l'intérêt de la classe ouvrière, ne devront pas, pour provisoires qu'elles sont, être appliquées pendant un certain temps.

Cela n'empêche pas les communistes d'envisager sciemment ces dernières étapes imaginables de la dictature des Conseils et du socialisme, aussi longtemps que la majorité de la classe ouvrière n'est pas encore apte à réaliser immédiatement la dictature des Conseils et le socialisme.

Tant pis pour la bourgeoisie si, par sa résistance acharnée, et par l'action de ses valets social-démocrates, le prolétariat est contraint à brûler ces étapes.

[fin de la section VI.]

[...]