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5e Congrès de l'Internationale communiste
(17 juin - 8 juillet 1924)

Résolution sur la tactique communiste
(Extraits)

 

 

Source:

Ve Congrès de l'Internationale Communiste (17 Juin-8 Juillet 1924) - compte rendu analytique, Paris, Librairie de l'Humanité, 1924, pp. 377‑380.

 

 

 

 

 

 

 

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L'IC et la question de la tactique ‑ Sommaire

 

 

 

 

 

 

[...]

VIII. LA TACTIQUE DU FRONT UNIQUE

En dépit de grandes erreurs opportunistes et de sa déformation par la droite au point d'entraîner parfois une dégénération des Partis communistes, la tactique du front unique, entre le 4e et le 5e Congrès de l'Internationale communiste, a en somme été utile et nous a rapprochés de la transformation de plusieurs sections en grands Partis.

Pendant la période où les Partis communistes des principaux pays restent en minorité, où la social-démocratie, par suite de toutes sortes de circonstances historiques, entraîne encore à sa suite une fraction considérable du prolétariat, où l'offensive capitaliste continue sous une forme ou sous une autre, où la classe ouvrière n'a pas encore la force même de se défendre sérieusement, la tactique du front unique était et demeure absolument juste et indispensable.

L'expérience de la tactique du front unique, à laquelle l'Internationale communiste a déjà fait allusion, demeure et il est apparu que de simples formules ne mènent plus à rien, que, dans la période actuelle, les partis de l'Internationale communiste ne peuvent rien entreprendre avec la tactique du front unique en soi et que cette tactique, de méthode bolchevique et révolutionnaire, menace de se changer en tactique opportuniste et en source de révisionnisme.

La tactique du front unique est simplement un moyen d'agiter et de mobiliser les masses pour toute une période. Vouloir interpréter cette tactique comme une coalition politique avec la social-démocratie contre-révolutionnaire, c'est un opportunisme repoussé par l'Internationale communiste.

La tactique révolutionnaire du front unique n'est justement appliquée que si chaque section, en pleine conscience de ses dangers et sans adopter des formules mécaniques, se propose concrètement de mobiliser les masses pour certains buts et revendications partiels, de les organiser, pour toujours s'orienter sur la révolution et l'entraînement au combat de la majorité des couches décisives du prolétariat afin de réaliser enfin l'assaut à la bourgeoisie.

1. La tactique du front unique par en bas est nécessaire toujours et partout, à l'exception peut-être des rares moments de lutte décisive où les ouvriers révolutionnaires communistes doivent tourner leurs armes même contre les groupes du prolétariat qui, dans leur inconscience, se battent contre nous. Mais même dans ces moments exceptionnels, il faut faire tout son possible pour réaliser l'unité par en bas avec les ouvriers qui ne marchent pas encore avec les communistes. L'expérience de la révolution russe et de la lutte révolutionnaire en Allemagne a montré que cela est possible.

2. L'unité par en bas et les pourparlers par en haut à la fois sont une méthode à employer assez souvent dans les pays où la social-démocratie est encore une force. Ces pourparlers avec les chefs ne doivent pas lier l'indépendance communiste du Parti. Ici la base doit encore être l'unité par en bas. L'appel aux organes officiels de la social- démocratie (lettres ouvertes, etc.) ne doit pas devenir une routine. Le principal est de créer au préalable parmi les ouvriers (y compris les ouvriers social-démocrates) un état d'esprit favorable à l'action projetée, à la campagne à entamer pour, après seulement, s'adresser aux organes officiels de la social-démocratie, les placer ainsi en face du fait accompli d'une classe ouvrière déterminée ou, s'ils refusent de la soutenir, les démasquer devant les masses.

Il va de soi que les Partis communistes doivent conserver leur pleine et entière indépendance et, à tout moment des pourparlers, leur physionomie communiste. À cet effet, tous les pourparlers avec les dirigeants social-démocrates doivent être menés à découvert et les communistes doivent tout faire pour fixer sur eux l'attention des ouvriers.

3. L'unité seulement par en haut est une méthode que l'Internationale communiste repousse catégoriquement et résolument.

Le plus important est le front unique par en bas, c'est-à-dire l'union réalisée, sous la direction du Parti communiste, entre les ouvriers communistes, social-démocrates et sans-parti d'une entreprise, d'un comité d'usine, d'un syndicat, d'un seul centre industriel ou de toute une région, d'une profession ou de tout le pays, etc.

Il va de soi que la tactique du front unique peut et doit varier avec la situation concrète de chaque pays et de chaque période. Une application routinière et globale la priverait de toute signification, la transformerait en son contraire.

En concrétisant les méthodes tactiques, il faut tenir compte de toute la situation du pays, de sa structure, de l'état de la section en portant le centre de gravité sur la mobilisation des masses par en bas, la création d'organes de combat, la liaison avec les principaux éléments des masses laborieuses (prolétariat, paysans, ouvriers agricoles) qui doivent être appelés au combat.

La tactique du front unique a été et reste une méthode de révolution et non d'évolution pacifique. Elle a été et reste une tactique de manoeuvre stratégique révolutionnaire de l'avant-garde communiste entourée d'ennemis et luttant tout d'abord contre les chefs traîtres de la social-démocratie contre-révolutionnaire; elle n'est en aucun cas une tactique d'alliance avec eux. Elle a été et reste une tactique consistant à gagner progressivement à notre cause les ouvriers social-démocrates et les meilleurs des sans-parti, mais en aucun cas à rabaisser nos objectifs au degré de compréhension des ouvriers.

IX. LE GOUVERNEMENT OUVRIER ET PAYSAN

Le mot d'ordre du gouvernement ouvrier et paysan a été et est encore compris par l'Internationale communiste comme une déduction de la tactique du front unique dans l'acception ci-dessus indiquée. Les éléments opportunistes de l'Internationale communiste ont essayé, dans la période écoulée, d'altérer non seulement le mot d'ordre du front unique, mais aussi celui du gouvernement ouvrier et paysan, en l'interprétant comme un gouvernement "dans le cadre de la démocratie bourgeoise", comme une alliance politique avec la social-démocratie.

Le 5e Congrès mondial repousse catégoriquement une telle interprétation. Le mot d'ordre du gouvernement ouvrier et paysan est, pour l'Internationale communiste, traduit dans la langue de la révolution, dans la langue du peuple, la dictature du prolétariat. La formule du gouvernement ouvrier et paysan, née de l'expérience de la Révolution russe, a été et ne peut être qu'un moyen d'agiter et de mobiliser les masses en vue du renversement révolutionnaire de la bourgeoisie et de l'instauration du régime soviétiste. Pour former un gouvernement véritablement ouvrier ou ouvrier et paysan, il faut avant tout renverser la bourgeoisie, qui actuellement détient partout le pouvoir, sauf dans l'U.R.S.S. Abattre et mettre hors d'état de nuire la bourgeoisie, réprimer sa résistance et créer les prémisses réelles d'un véritable gouvernement ouvrier et paysan, tout cela n'est possible que par le soulèvement armé du prolétariat entraînant les meilleurs des paysans, et par la victoire de travailleurs dans la guerre civile.

Le mot d'ordre du gouvernement ouvrier et paysan a été et demeure la formule pour aborder les masses, l'ensemble des travailleurs.

Dans la période présente, où les chefs social-démocrates s'engagent de plus en plus dans des combinaisons gouvernementales avec la bourgeoisie, tandis que les ouvriers qui suivent encore la social-démocratie sont aux prises avec une misère de plus en plus profonde, il se crée une situation qui est souvent très favorable à l'application de la tactique du front unique et du gouvernement ouvrier et paysan.

Si, précisément dans la période où la social-démocratie officielle devient le "tiers parti" gouvernemental de la bourgeoisie et où ses chefs s'enfoncent de plus en plus dans les combinaisons gouvernementales de la bourgeoisie, nous réussissons, nous autres communistes, par un habile emploi de tactique du front unique, à entraîner un nombre considérable d'ouvriers social-démocrates d'abord dans les combats économiques, puis dans les combats politiques côte à côte avec nous, nous obtiendrons par là même une conjoncture on ne peut plus propre à ruiner l'influence de la social-démocratie et à attirer au communisme de nombreux éléments travailleurs.

Le mot d'ordre du gouvernement ouvrier et paysan n'est en aucun cas, pour les communistes, une tactique d'accords et de transactions parlementaires avec les social-démocrates. Bien au contraire, l'activité parlementaire des communistes doit, elle aussi, avoir pour objet de démasquer le rôle contre-révolutionnaire de la social-démocratie et d'expliquer aux travailleurs la falsification et l'imposture des gouvernements "ouvriers" créés par la bourgeoisie et qui ne sont en réalité que des gouvernements bourgeois libéraux.

X. REVENDICATIONS PARTIELLES

La tactique de l'Internationale communiste non seulement n'exclut pas, mais sous-entend l'emploi, dans notre agitation et dans notre politique, des revendications partielles. Il faut seulement ne pas perdre de vue trois circonstance:

a) les revendications partielles que nous formulons doivent être vivantes, c'est-à-dire pouvoir être soutenues par les travailleurs;

b) elles doivent être dans la ligne de la révolution;

c) elles doivent toujours être rattachées au but final; nous devons aller du particulier au général, des revendications partielles à tout le système de revendications dont l'ensemble constitue la révolution sociale.

Tandis que les réformistes formulent les revendications partielles aux lieu et place de la Révolution prolétarienne, les communistes s'en servent pour mieux préparer la révolution prolétarienne. Toute l'agitation des communistes en faveur des revendications partielles lei de la façon la plus étroite chacune de ces revendications au programme de la Révolution, surtout dans les pays où il y a crise du régime bourgeois.

[fin section X]

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