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2e congrès de l'Internationale communiste
(23 juillet - 7 aout 1920)

Le mouvement syndical, les comités de fabrique et d'usines

 

 

Source:

Thèses, manifestes et résolutions adoptés par les Ier, IIe, IIIe et IVe Congrès de l'Internationale communiste (1919‑1923), Paris, Librairie du travail, 1934, pp. 53‑56 [1].

 

 

 

 

 

 

 

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L'IC et la question de la tactique ‑ Sommaire

 

 

 

 

 

 

I

1. Les syndicats créés par la classe ouvrière pendant la période du développement pacifique du capitalisme représentaient des organisations ouvrières destinées à lutter pour la hausse des salaires ouvriers sur le marché du travail et l'amélioration des conditions du travail salarié. Les marxistes révolutionnaires furent obligés d'entrer en contact avec le Parti politique du prolétariat, le Parti social-démocrate, afin d'engager une lutte commune pour le Socialisme. Les mêmes raisons qui, à de rares exceptions près, avaient fait de la démocratie socialiste non une arme de la lutte révolutionnaire du prolétariat pour le renversement du capitalisme, mais une organisation entraînant l'effort révolutionnaire du prolétariat dans l'intérêt de la bourgeoisie, firent que, pendant la guerre, les syndicats se présentèrent le plus souvent en qualité d'éléments de l'appareil militaire de la bourgeoisie; ils aidèrent cette dernière à exploiter la classe ouvrière avec la plus grande intensité et à faire mener la guerre de la manière la plus énergique, au nom des intérêts du capitalisme. N'englobant que les ouvriers spécialisés les mieux rétribués par les patrons, n'agissant que dans des limites corporatives très étroites, enchaînés par un appareil bureaucratique, complètement étranger aux masses trompées par leurs leaders opportunistes, les syndicats ont non seulement trahi la cause de la Révolution sociale, mais aussi celle de la lutte pour l'amélioration des conditions de la vie des ouvriers qu'ils avaient organisés. Ils ont abandonné le terrain de la lutte professionnelle contre les patrons et l'ont remplacé, coûte que coûte, par un programme de transactions aimables avec les capitalistes. Cette politique a été non seulement celle des Trade-Unions libérales en Angleterre et en Amérique, des syndicats libres, prétendûment socialistes d'Allemagne et d'Autriche, mais aussi des Unions syndicales de France.

2. Les conséquences économiques de la guerre, la désorganisation complète du système économique du monde entier, la cherté affolante de la vie, l'exploitation la plus intense du travail des femmes et des enfants, la question de l'habitation, qui vont progressivement de mal en pis, tout cela pousse les masses prolétariennes dans la voie de la lutte contre le capitalisme. Par son caractère et par son envergure se dessinant plus nettement de jour en jour, ce combat devient une grande bataille révolutionnaire détruisant les bases générales du capitalisme. L'augmentation des salaires d'une catégorie quelconque d'ouvriers, arrachée aux patrons au prix d'une lutte économique acharnée, est réduite le lendemain à zéro par la hausse du coût de la vie. Or, la hausse des prix doit continuer, car la classe capitaliste des pays vainqueurs, tout en ruinant par sa politique d'exploitation l'Europe orientale et centrale, n'est pas en état d'organiser le système économique du monde entier; elle le désorganise au contraire de plus en plus. Pour s'assurer le succès dans la lutte économique, les larges masses ouvrières qui demeuraient jusqu'à présent en dehors des syndicats y affluent maintenant. On constate dans tous les pays capitalistes une croissance prodigieuse des syndicats qui ne représentent plus maintenant l'organisation des seuls éléments avancés du prolétariat, mais celle de toute sa masse. En entrant dans les syndicats, les masses cherchent à en faire leur arme de combat. L'antagonisme des classes devenant toujours de plus en plus aigu force les syndicats à organiser des grèves dont la répercussion se fait sentir dans le monde capitaliste tout entier, en interrompant le processus de la production et de l'échange capitalistes. En augmentant leurs exigences à mesure qu'augmente le prix de la vie et qu'elles-mêmes s'épuisent de plus en plus, les masses ouvrières détruisent par cela même tout calcul capitaliste qui représente le fondement élémentaire d'une économie organisée. Les syndicats, qui étaient devenus pendant la guerre les organes de l'asservissement des masses ouvrières aux intérêts de la bourgeoisie, représentent maintenant les organes de la destruction du capitalisme.

3. Mais la vieille bureaucratie professionnelle et les anciennes formes de l'organisation syndicale entravent de toute manière cette transformation du caractère des syndicats. La vieille bureaucratie professionnelle cherche partout à faire garder aux syndicats leur caractère d'organisations de l'aristocratie ouvrière; elle cherche à maintenir en vigueur les règles rendant impossible l'entrée des masses ouvrières mal payées dans les syndicats. La vieille bureaucratie syndicale s'efforce encore de remplacer le mouvement gréviste qui revêt chaque jour de plus en plus le caractère d'un conflit révolutionnaire entre la bourgeoisie et le prolétariat par une politique de contrats à long terme qui ont perdu toute signification en présence des variations fantastiques des prix. Elle cherche à imposer aux ouvriers la politique des communes ouvrières, des Conseils réunis de l'industrie (Joint Industrials Councils) et à entraver par la voie légale, grâce à l'aide de l'État capitaliste, l'expansion du mouvement gréviste. Aux moments critiques de la lutte, la bourgeoisie sème la discorde parmi les masses ouvrières militantes et empêche les actions isolées de différentes catégories d'ouvriers de fusionner dans une action de classe générale; elle est soutenue dans ces tentatives par l'œuvre des anciennes organisations syndicales, morcelant les travailleurs d'une branche d'industrie en groupes professionnels artificiellement isolés, bien qu'ils soient tous rattachés les uns aux autres par le fait même de l'exploitation capitaliste. Elle s'appuie sur le pouvoir de la tradition idéologique de l'ancienne aristocratie ouvrière, bien que cette dernière soit sans cesse affaiblie par l'abolition des privilèges de divers groupes du prolétariat; cette abolition s'explique par la décomposition générale du capitalisme, le nivellement de la situation de divers éléments de la classe ouvrière, l'égalisation de leurs besoins et leur manque de sécurité.

C'est de cette manière que la bureaucratie syndicale substitue de faibles ruisseaux au puissant courant du mouvement ouvrier, substitue des revendications partielles réformistes aux buts révolutionnaires généraux du mouvement et entrave d'une manière générale la transformation des efforts isolés du prolétariat en une lutte révolutionnaire unique tendant à la destruction du capitalisme.

4. Étant donnée la tendance prononcée des larges masses ouvrières à s'incorporer dans les syndicats, et considérant le caractère objectivement révolutionnaire de la lutte que ces masses soutiennent en dépit de la bureaucratie professionnelle, il importe que les communistes de tous les pays fassent partie des syndicats et travaillent à en faire des organes conscients de lutte pour le renversement du régime capitaliste et le triomphe du Communisme. Ils doivent prendre l'initiative de la création des syndicats partout où ces derniers n'existent pas encore.

Toute désertion volontaire du mouvement professionnel, toute tentative de création artificielle de syndicats qui ne serait pas déterminée par les violences excessives de la bureaucratie professionnelle (dissolution des filiales locales révolutionnaires syndicales par les centres opportunistes) ou par leur étroite politique aristocratique fermant aux grandes masses de travailleurs peu qualifiés l'entrée des organes syndicaux, présente un danger énorme pour le mouvement communiste. Elle écarte de la masse les ouvriers les plus avancés, les plus conscients, et les pousse vers les chefs opportunistes travaillant pour les intérêts de la bourgeoisie... Les hésitations des masses ouvrières, leur indécision politique et l'influence que possèdent sur eux les leaders opportunistes ne pourront être vaincus que par une lutte de plus en plus âpre dans la mesure où les couches profondes du prolétariat apprendront par expérience, par les leçons de leurs victoires et de leurs défaites, que jamais le système économique capitaliste ne leur permettra d'obtenir des conditions de vie humaines et supportables, dans la mesure où les travailleurs communistes avancés apprendront, par l'expérience de leur lutte économique, à être non seulement des propagandistes théoriques de l'idée communiste, mais aussi des meneurs résolus de l'action économique et syndicale. Ce n'est que de cette façon qu'il sera possible d'écarter des syndicats leurs leaders opportunistes, de mettre des communistes à la tête et d'en faire un organe de la lutte révolutionnaire pour le Communisme. Ce n'est que de cette manière qu'il sera possible d'arrêter la désagrégation des syndicats, de les remplacer par des Unions industrielles, d'écarter la bureaucratie étrangère aux masses et de lui substituer un organe formé par les représentants des ouvriers industriels (Betriebsvertreter) en n'abandonnant aux institutions centrales que les fonctions strictement nécessaires.

5. Comme les communistes attachent plus de prix au but et à la substance des syndicats qu'à leur forme, ils ne doivent pas hésiter devant les scissions qui pourraient se produire au sein des organisations syndicales si, pour les éviter, il était nécessaire d'abandonner le travail révolutionnaire, de se refuser à organiser la partie la plus exploitée du prolétariat. S'il arrive pourtant qu'une scission s'impose comme une nécessité absolue, on ne devra y recourir que possédant la certitude que les communistes réussiront par leur participation économique à convaincre les larges masses ouvrières, que la scission se justifie non par des considérations dictées par un but révolutionnaire encore très éloigné et vague, mais par les intérêts concrets immédiats de la classe ouvrière, correspondant aux nécessités de l'action économique. Dans le cas où une scission deviendrait inévitable, les communistes devraient accorder une grande attention à ce que cette scission ne les isole pas de la masse ouvrière.

6. Partout où la scission entre les tendances syndicales opportunistes et révolutionnaires s'est déjà produite, où il existe, comme en Amérique, des syndicats aux tendances révolutionnaires, sinon communistes, à côté des syndicats opportunistes, les communistes sont dans l'obligation de prêter leur concours à ces syndicats révolutionnaires, de les soutenir, de les aider à se libérer des préjugés syndicalistes et à se placer sur le terrain du Communisme, car ce dernier est l'unique boussole fidèle et sûre dans toutes les questions compliquées de la lutte économique. Partout où se constituent des organisations industrielles (soit sur la base des syndicats, soit en dehors d'eux), tels les Shop Stewards, les Betriebsräte (Conseils de Production), organisations se donnant pour but de lutter contre les tendances contre-révolutionnaires de la bureaucratie syndicale, il est bien entendu que les communistes sont tenus de les soutenir avec toute l'énergie possible. Mais le concours prêté aux syndicats révolutionnaires ne doit pas signifier la sortie des communistes des syndicats opportunistes en état d'effervescence politique et en évolution vers la lutte de classe. Bien au contraire, c'est en s'efforçant de hâter cette révolution de la masse des syndicats qui se trouvent déjà sur la voie de la lutte révolutionnaire que les communistes pourront jouer le rôle d'un élément unissant moralement et pratiquement les ouvriers organisés pour une lutte commune tendant à la destruction du régime capitaliste.

7. À l'époque où le capitalisme tombe en ruines, la lutte économique du prolétariat se transforme en lutte politique beaucoup plus rapidement qu'à l'époque de développement pacifique du régime capitaliste. Tout conflit économique important peut soulever devant les ouvriers la question de la Révolution. Il est donc du devoir des communistes de faire ressortir devant les ouvriers, dans toutes les phases de la lutte économique, que cette lutte ne saurait être couronnée de succès que lorsque la classe ouvrière aura vaincu la classe capitaliste dans une bataille rangée et se chargera, sa dictature une fois établie, de l'organisation socialiste du pays. C'est en partant de là que les communistes doivent tendre à réaliser, dans la mesure du possible, une union parfaite entre les syndicats et le Parti Communiste, en les subordonnant à ce dernier, avant-garde de la Révolution. Dans ce but, les communistes doivent organiser dans tous ces syndicats et Conseils de Production (Betriebsräte) des fractions communistes, qui les aideront à s'emparer du mouvement syndical et à le diriger.

II

1. La lutte économique du prolétariat pour la hausse des salaires et pour l'amélioration générale des conditions de la vie des masses accentue tous les jours son caractère de lutte sans issue. La désorganisation économique qui envahit un pays après l'autre, dans une proportion toujours croissante, démontre, même aux ouvriers les plus arriérés, qu'il ne suffit pas de lutter pour la hausse des salaires et la réduction de la journée de travail, que la classe capitaliste perd de plus en plus la capacité de rétablir la vie économique et de garantir aux ouvriers ne fut ce que les conditions d'existence qu'elle leur assurait avant la guerre. La conscience toujours croissante des masses ouvrières fait naître parmi eux une tendance à créer des organisations capables d'entamer la lutte pour la renaissance économique au moyen du contrôle ouvrier exercé sur l'industrie par les Conseils de Production. Cette tendance à créer des Conseils industriels ouvriers, qui gagne les ouvriers de tous les pays, tire son origine de facteurs différents et multiples (lutte contre la bureaucratie réactionnaire, fatigue causée par les défaites essuyées par les syndicats, tendances à la création d'organisations embrassant tous les travailleurs) et s'inspire en définitive de l'effort fait pour réaliser le contrôle de l'industrie, tâche historique spéciale des Conseils industriels ouvriers. C'est pourquoi on commettrait une erreur en cherchant à ne former ces Conseils que d'ouvriers partisans de la dictature du prolétariat. La tâche du Parti Communiste consiste, au contraire, à profiter de la désorganisation économique pour organiser les ouvriers et à les mettre dans la nécessité de combattre pour la dictature du prolétariat tout en élargissant l'idée de la lutte pour le contrôle ouvrier, idée que tous comprennent maintenant.

2. Le Parti Communiste ne pourra s'acquitter de cette tâche qu'en consolidant dans la conscience des masses la ferme assurance que la restauration de la vie économique sur la base capitaliste est actuellement impossible; elle signifierait d'ailleurs un nouvel asservissement à la classe capitaliste. L'organisation économique correspondant aux intérêts des masses ouvrières n'est possible que si l'État est gouverné par la classe ouvrière et si la main ferme de la dictature prolétarienne se charge de l'abolition du capitalisme et de la nouvelle organisation socialiste.

3. La lutte des Comités de fabriques et d'usines contre le capitalisme a pour but immédiat l'introduction du contrôle ouvrier dans toutes les branches de l'industrie. Les ouvriers de chaque entreprise, indépendamment de leurs professions, souffrent du sabotage des capitalistes qui estiment assez souvent que la suspension de l'activité de telle ou telle industrie leur sera avantageuse, la faim devant contraindre les ouvriers à accepter les conditions les plus dures pour éviter à quelque capitaliste un accroissement de frais. La lutte contre cette sorte de sabotage unit la plupart des ouvriers indépendamment de leurs idées politiques, et fait des Comités d'usines et de fabriques, élus par tous les travailleurs d'une entreprise, de véritables organisations de masse du prolétariat. Mais la désorganisation de l'économie capitaliste est non seulement la conséquence de la volonté consciente des capitalistes, mais aussi et beaucoup plus celle de la décadence irrésistible de leur régime. Aussi, les Comités ouvriers seront-ils forcés, dans leur action contre les conséquences de cette décadence, à dépasser les bornes du contrôle des fabriques et des usines isolées et se trouveront-ils bientôt en face de la question du contrôle ouvrier à exercer sur des branches entières de l'industrie et sur son ensemble. Les tentatives d'ouvriers d'exercer leur contrôle non seulement sur l'approvisionnement des fabriques et des usines en matières premières, mais aussi sur les opérations financières des entreprises industrielles, provoqueront cependant, de la part de la bourgeoisie et du gouvernement capitaliste, des mesures de rigueur contre la classe ouvrière, ce qui transformera la lutte ouvrière pour le contrôle de l'industrie en une lutte pour la conquête du pouvoir par la classe ouvrière.

4. La propagande en faveur des Conseils industriels doit être menée de manière à ancrer dans la conviction des grandes masses ouvrières, même de celles qui n'appartiennent pas directement au prolétariat industriel, que la responsabilité de la désorganisation économique incombe à la bourgeoisie, et que le prolétariat, exigeant le contrôle ouvrier, lutte pour l'organisation de l'industrie, pour la suppression de la spéculation et de la vie chère. La tâche des Partis Communistes est de combattre pour le contrôle de l'industrie, en profitant dans ce but de toutes les circonstances se trouvant à l'ordre du jour, de la pénurie du combustible et de la désorganisation des transports, en fusionnant dans le même but les éléments isolés du prolétariat et en attirant de son côté les milieux les plus larges de la petite bourgeoisie qui se prolétarise davantage de jour en jour et souffre cruellement de la désorganisation économique.

5. Les Conseils industriels ouvriers ne sauraient remplacer les syndicats. Ils ne peuvent que s'organiser au courant de l'action dans diverses branches de l'industrie et créer peu à peu un appareil général capable de diriger toute la lutte. Déjà, à l'heure qu'il est, les syndicats représentent des organes de combat centralisés, bien qu'ils n'englobent pas des masses ouvrières aussi larges que peuvent embrasser les Conseils industriels ouvriers en leur qualité d'organisations accessibles à toutes les entreprises ouvrières. Le partage de toutes les tâches de la classe ouvrière entre les Comités industriels ouvriers et les syndicats est le résultat du développement historique de la Révolution sociale. Les syndicats ont organisé les masses ouvrières dans le but d'une lutte pour la hausse des salaires et pour la réduction des journées ouvrières et l'ont fait sur une large échelle. Les Conseils ouvriers industriels s'organisent pour le contrôle ouvrier de l'industrie et la lutte contre la désorganisation économique; ils englobent toutes les entreprises ouvrières, mais la lutte qu'ils soutiennent ne peut revêtir que très lentement un caractère politique général. Ce n'est que dans la mesure où les syndicats arriveront à surmonter les tendances contre-révolutionnaires de leur bureaucratie, ou deviendront des organes conscients de la Révolution, que les communistes auront le devoir de soutenir les Conseils industriels ouvriers dans leurs tendances à devenir des groupes industriels syndicalistes.

6. La tâche des communistes se réduit aux efforts qu'ils doivent faire pour que les syndicats et les Conseils industriels ouvriers se pénètrent du même esprit de résolution combative, de conscience et de compréhension des meilleurs méthodes de combat, c'est-à-dire de l'esprit communiste. Pour s'en acquitter, les communistes doivent soumettre, en fait, les syndicats et les Comités ouvriers au Parti Communiste et créer ainsi des organes prolétariens des masses qui serviront de base à un puissant Parti prolétarien centralisé, englobant toutes les organisations prolétariennes et les faisant toutes marcher dans la voie que conduit à la victoire de la classe ouvrière et à la dictature du prolétariat - au Communisme.

7. Pendant que les communistes se font des syndicats et des Conseils industriels une arme puissante pour la Révolution, ces organisations des masses se préparent au grand rôle qui leur incombera avec l'établissement de la dictature du prolétariat. Ce sera en effet leur devoir de devenir la base socialiste de la nouvelle organisation de la vie économique. Les syndicats, organisés en qualité de piliers de l'industrie, s'appuyant sur les Conseils industriels ouvriers qui représenteront les organisations des fabriques et des usines, enseigneront aux masses ouvrières leur devoir industriel, formeront avec les ouvriers les plus avancés des directeurs d'entreprises, organiseront le contrôle technique des spécialistes; ils étudieront et exécuteront, de concert avec les représentants du pouvoir ouvrier, les plans de la politique économique socialiste.

III

Les syndicats manifestaient en temps de paix des tendances à former une Union internationale. Pendant les grèves, les capitalistes recouraient à la main-d'œuvre des pays voisins et aux services des "renards" étrangers. Mais avant la guerre, l'Internationale syndicale n'avait qu'une importance secondaire. Elle s'occupait de l'organisation de secours financiers réciproques et d'un service de statistique concernant la vie ouvrière, mais elle ne cherchait pas à unifier la vie ouvrière parce que les syndicats dirigés par des opportunistes, faisaient leur possible pour se soustraire à toute lutte révolutionnaire internationale. Les leaders opportunistes des syndicats qui, pendant la guerre, furent les serviteurs fidèles de la bourgeoisie dans leurs pays respectifs, cherchent maintenant à restaurer l'Internationale syndicale en se faisant une arme du capitalisme universel international, dirigée contre le prolétariat. Ils créent avec Jouhaux[2], Gompers[3], Legien[4], etc., un "Bureau de Travail" auprès de la "Ligue des Nations", qui n'est autre chose qu'une organisation de brigandage capitaliste international. Ils tâchent d'étouffer dans tous les pays le mouvement gréviste en faisant décréter l'arbitrage obligatoire des représentants de l'État capitaliste. Ils cherchent partout à obtenir, à force de compromis avec les capitalistes, toutes espèces de faveurs pour les ouvriers capitalistes, afin de briser de cette manière l'union chaque jour plus étroite de la classe ouvrière. L'Internationale syndicale d'Amsterdam[5] est donc la remplaçante de la 2e Internationale de Bruxelles[6] en faillite. Les ouvriers communistes qui font partie des syndicats de tous les pays doivent, au contraire, travailler à la création d'un front syndicaliste international. Il ne s'agit plus de secours pécuniaires en cas de grève; il faut désormais qu'au moment où le danger menacerait la classe ouvrière d'un pays, les syndicats des autres pays, en qualité d'organisations de masses, prennent sa défense et fassent tout pour empêcher la bourgeoisie de leur pays de venir en aide à celle qui est aux prises avec la classe ouvrière. Dans tous les États, la lutte économique du prolétariat devient de plus en plus révolutionnaire. Aussi les syndicats doivent-ils employer consciemment toute leur énergie à appuyer toute action révolutionnaire, tant dans leur propre pays que dans les autres. Ils doivent s'orienter dans ce but vers la plus grande centralisation de l'action, non seulement dans chaque pays à part, mais aussi dans l'Internationale; ils le feront en adhérant à l'Internationale communiste et en y fusionnant en une seule armée les divers éléments engagés dans le combat, afin qu'ils agissent de concert et se prêtent un concours mutuel.

 

 

 

 

 



[1]. Sauf indication contraire, les annotations sont ajoutées par nous [321ignition].

[2]. Léon Jouhaux.

En 1906, Jouhaux devient délégué au comité fédéral des Bourses du travail, et en 1909, il devient secrétaire général de la CGT. En aout 1914, il est favorable à la participation à la guerre. En 1916, il lance l'idée d'un organisme international pour élaborer les instruments d'amélioration de la condition ouvrière et, la guerre terminée, il participe à la Conférence de la Paix et aux négociations qui aboutissent à la création de l'Organisation internationale du Travail en 1919. Il est représentant titulaire des travailleurs au Conseil d'Administration du BIT de 1919 jusqu'à sa mort en 1954.

En 1921, après la scission du Parti socialiste, la CGT se divise. Les réformistes gardent l’appareil, et les opposants fondent la CGT Unitaire (CGTU). Ainsi, Léon Jouhaux est le principal dirigeant de la CGT. Lors de la réunification de la CGT et la CGTU en 1936, il demeure seul secrétaire général de la CGT.

[3]. Samuel Gompers.

En 1886 est créé aux USA l'American Federation of Labor (Confédération américaine du travail, AFL). Gompers assume la présidence, poste qu'il occupe jusqu'en 1924. Pendant la Première guerre mondiale, il est membre du Council of National Defense (Conseil national de la défense). À la fin de la guerre, le président Woodrow Wilson le nomme à la commission sur la législation internationale du travail dans le cadre de la conférence de Versailles. Il participe à la mise en place de l'Organisation internationale du travail. Durant toute cette période, l'AFL ne se préoccupe nullement d'organiser les ouvriers industriels non qualifiés. En 1935 John L. Lewis, de la fédération des mineurs, constitue au sein de l'AFL le Committee for Industrial Organization, (Comité d'organisation industrielle) qui rompt avec l'AFL en 1938 et prend le nom de Congress of Industrial Organizations (Congrès d'organisations industrielles, CIO). Finalement, en 1955 AFL et CIO fusionnent pour constituer l'AFL-CIO.

[4]Carl Legien.

En 1885 Legien adhère au Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands (Parti ouvrier socialiste d'Allemagne, SAPD), qui en 1890 adopte le nom de Sozialdemokratische Partei Deutschlands (Parti social-démocrate d'Allemagne, SPD). En 1889 il participe au Congrès de fondation de la 2e Internationale.

Après la non-prorogation en 1890 de la “loi relative aux socialistes” (“Sozialistengesetz”), qui maintenait les socialistes dans l'illégalité, se constitue une structure syndicale ouvrière selon une orientation socialiste, rassemblée dans le cadre de la “Commission générale des syndicats d'Allemagne” (“Generalkommission der Gewerkschaften Deutschlands”). Legien assume la fonction de président. Progressivement, différentes fédérations syndicales se constituent. Avec le temps s'établit la coutume de se référer à ces organisations comme “syndicats libres” [“Freie Gewerkschaften”], pour les distinguer d'une part des Associations de métier (Gewerkvereine) dites de Hirsch et Duncker (fondés en 1869 par Max Hirsch et Franz Duncker), et d'autre part des syndicats chrétiens qui se constituent à partir de 1899. En 1892 se tient un Congrès des syndicats dit libres qui forme un mouvement unifié au niveau national.

De 1893 à 1918 Legien est député à l'assemblée nationale [Reichstag] pour le SPD.

Au congrès syndical tenu en 1905 il est à l'initiative d'une résolution contre la grève de masse en faveur d'objectifs politiques. En 1913 est constituée la Fédération syndicale internationale dont Legien est nommé président. Durant la Première guerre mondiale, il se prononce pour l'union sacrée (désignée en Allemagne par le terme Burgfrieden, littéralement "paix aux châteaux forts"). Il pousse à ce que soient exclus du groupe SPD à l'assemblée, les opposants de gauche. En novembre 1918 il est signataire d'un accord de coopération entre les syndicats et les employeurs (représentés notamment par Hugo Stinnes), dit "accord Stinnes-Legien". En 1919 se tient un congrès syndical qui aboutit à la constitution de l'Allgemeine Deutsche Gewerkschaftsbund (Confédération syndicale générale allemande, ADGB), dont Legien est nommé président. En 1920 il est nommé président adjoint du Conseil national économique provisoire [Vorläufiger Reichswirtschaftsrat]. Il décède à la fin de l'année.

[5]. Fédération syndicale internationale (Internationale syndicale d'Amsterdam).

En 1901 se tient à Copenhague une réunion entre représentants des centrales syndicales de Norvège, Suède, Finlande, Danemark, Allemagne, France et Belgique. Une autre rencontre suit en 1903, et est constitué un secrétariat international avec Carl Legien comme secrétaire. En 1913 est adoptée la désignation Fédération syndicale internationale. La Première guerre mondiale introduit le clivage correspondant aux alliances belligérantes. En 1919 la FSI est reconstituée. Une première réunion se tient en février 1919 à Bern, en juillet-aout le siège est établi à Amsterdam. La FSI est reconnue par l'Organisation internationale du travail, nouvellement créée. L'admission à la FSI des syndicats de l'Union soviétique est refusée. L'AFL américaine adhère finalement en 1937.

[6]. C'est à dire la 2e Internationale fondée en 1889, réunissant des partis politiques, dont le SPD.