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Quelques réflexions sur le texte d'Eugène Varga

 

 

Le texte reproduit ci-dessous a été publié par le CEMOPI.

Le texte d'Eugène Varga auquel il est fait référence se trouve ici: L'Économie de la période de déclin du capitalisme après la stabilisation

 

 

 

 

 

 

Source:

Bulletin international
Nouvelle série n° 10 (92), Premier Trimestre 1999
édité par le CEMOPI
(Centre d'étude sur le mouvement ouvrier et paysan international),
France

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Le chômage, phénomène organique au-delà des formes circonstancielles -
Sommaire

 

 

 

 

 

 

Le texte de Varga traite du chômage organique. Il s'agit du chômage en tant que phénomène permanent, indissolublement lié à la tendance à l'élévation de la composition organique du capital (c'est-à-dire l'augmentation de la part constituée par le capital fixe, relativement au capital variable). En effet, Varga constate que "l'élimination des ouvriers par les machines n'est plus compensée par l'extension de la production" en soulignant:

Il ne s'agit pas du fait que le nombre des ouvriers occupés dans l'industrie a diminué à la suite d'une crise, mais de licenciements d'ouvriers dans une période de bonne conjoncture, avec un volume de production accru et dans les pays capitalistes dirigeants.

Dans la période récente, un même constat ‑ pour autant qu'il s'agit des phénomènes apparents, et non des explications marxistes ‑ est devenu presqu'un lieu commun[1]. C'est vrai notamment en France, où le taux de chômage est particulièrement élevé, mais indépendamment des différences quantitatives, le fait est admis globalement pour les principaux pays capitalistes. En France, entre 1960 et 1973, la croissance moyenne par an du produit intérieur brut (PIB) a été de 5,5 %, et celle des effectifs employés de 0,7 %[2]. Pour la période de 1973 à 1991, les chiffres correspondants sont respectivement: France ‑ 2,4 % et 0,3 %, RFA ‑ 2,4 % et 0,3 %, USA ‑ 2,4 % et 1,8 %, Japon ‑ 4 % et 1 %[3].

Telle que la reflètent ces données, l'évolution de l'emploi est certes positive, mais pour procéder aujourd'hui à une analyse de la situation dans les mêmes termes que celle exposée par Varga, il conviendrait évidemment d'être plus précis, sur deux points au moins.

En premier lieu, pour analyser la situation actuelle du point de vue qui nous intéresse, il faudrait examiner séparément l'évolution respective des effectifs ouvriers (produisant la valeur) et des salariés non productifs. Une telle analyse est complexe, puisque bien entendu cette distinction ne se retrouve pas directement dans les notions utilisées couramment, industrie/services[4], ouvriers/techniciens, etc. On ne peut évidemment isoler du reste l'examen d'un pays comme la France, puisque les dimensions exactes de l'évolution de l'emploi (en particulier l'augmentation relative dans le secteur des services) ne peuvent être appréciés correctement qu'en conjonction avec la prise en compte des transferts d'emplois (productifs ou improductifs) vers d'autres parties du système capitaliste mondial. Deuxièmement, il serait plus significatif de se référer non pas au nombre d'ouvriers, mais à celui des heures travaillées, sachant que ce dernier tend à diminuer pour une partie au moins des personnes concernées (notamment par le biais du travail à temps partiel).

Toutefois, le caractère organique du chômage ne se manifeste pas de manière immédiate partout et toujours. Après la crise économique mondiale de 1929, qui s'est prolongée sur différents plans tout au long des années trente, la Seconde Guerre mondiale a passagèrement modifié la situation, par une destruction à grande échelle de forces productives, ce qui a rendu possible une période de "plein emploi" apparent dans des pays capitalistes dominants, comme en France avec les "trente glorieuses". Et actuellement, l'évolution des économies dans certaines régions du monde, notamment l'Asie, est caractérisée par l'achèvement de leur intégration dans le système capitaliste mondial, donc de la transformation des conditions mêmes de production dans le sens d'une assimilation totale.

À mesure que le développement des forces productives techniques aggrave les antagonismes internes au système capitaliste, de manière accélérée ‑ y compris par rapport à la période qu'analyse Varga ‑, les capitalistes sont amenés à chercher un moyen d'y remédier, c'est-à-dire de contrecarrer la tendance à la baisse du taux de profit. Ils ne peuvent évidemment pas se soustraite aux contradictions inhérentes au mode de production. Ils ne renonceront pas à licencier. Néanmoins, les capitalistes montrent indubitablement une certaine lucidité quant au problème posé. Partant, ils s'efforcent d'augmenter les quantités produites non par une extension des moyens techniques de production, mais par une meilleure utilisation des installations existantes[5]. Bien entendu, "meilleur" veut dire, augmentation de la plus-value produite, c'est-à-dire aggravation de l'exploitation intensive et extensive. De façon directe, l'exploitation intensive est mise en oeuvre par l'accroissement de la charge du travail imposée aux ouvriers. Indirectement, elle résulte de certaines réorganisations du processus de production visant notamment à attribuer aux ouvriers de nouvelles responsabilités[6]. L'exploitation extensive implique l'allongement de la durée d'utilisation des moyens de production. La fonction des accords de réduction de la durée du travail consiste en grande partie à permettre, à travers le travail posté, un réaménagement des horaires de manière à obtenir globalement une augmentation du nombre d'heures travaillées. En outre, le capital s'efforce à orienter les progrès techniques eux-mêmes dans un sens moins coûteux, afin d'améliorer par ce biais le rapport entre plus-value et capital employé[7].

Le débat lancé dans les années 80 et revenu au premier plan ces dernières années, sur la flexibilité et sur le "partage du travail" concerne très directement cet enjeu. Or il est significatif que l'objection principale de la part du patronat est dirigée contre l'éventualité qu'il puisse y avoir une réduction globale et générale de la durée du travail résultant de manière contraignante de dispositions législatives. Dans certaines conditions il est bien sûr avantageux pour le capital que soit diminuée la durée du travail. L'idée la plus évidente est celle qui relie une telle baisse ‑ passagère ‑ à une période ultérieure de durée en hausse, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une répartition "flexible" autour de la durée moyenne. Or en ce qui concerne cette notion de durée moyenne, il faut noter que malgré la présentation qui en est souvent faite pour des raisons d'opportunité politique, il ne s'agit pas essentiellement d'aboutir à une baisse. Bien au contraire, pour le capital la "liberté du temps de travail" vise surtout à pouvoir l'allonger le plus possible ‑ y compris sur une longue période ‑ quand les conditions sont réunies pour augmenter ainsi globalement la plus-value produite.

Les employeurs visent à concrétiser ce principe. Pour ce faire, ils ne réclament pas une législation (par exemple du type de la "loi Robien") qui instaurerait certaines règles quant à la durée du travail et sa répartition dans l'année. Essentiellement, ils voudraient pouvoir imposer leurs conditions, selon les besoins momentanés, à l'ensemble des salariés, collectivement aussi bien que de façon différenciée pour chacun individuellement. L'enjeu central est celui de la maîtrise totale des conditions d'exploitation de la classe ouvrière, mais les autres catégories sont également les cibles d'attaques similaires, dans la mesure où la rentabilité de leur travail est un facteur qui influe sur le taux de profit global moyen, du point de vue du capital total, toutes fonctions confondues. Ainsi, par exemple, les conditions de travail et de rémunération dans les banques constituent un élément important puisqu'elles conditionnent les faux frais que représente ce secteur pour le capital dans son ensemble.

Cette position visant à la suppression de toute réglementation est par exemple énoncée par Pascal Salin[8]:

[...] la réduction du temps de travail [...] devrait être, non pas imposée par voie législative, mais laissée à la liberté contractuelle, ce qui impliquerait d'abandonner toute définition légale du temps de travail (même sous forme de durée annuelle). Il se pourrait alors fort bien que, dans certains cas, il soit souhaité par les uns et par les autres de fixer le temps de travail dans une entreprise à 36 heures, dans une autre à 28 et peut-être à 42 ou 45 dans une autre. [...] Par conséquent, plutôt que de réduction du temps de travail, il conviendrait surtout de restaurer la liberté du temps de travail.

Cet objectif est mis en avant par l'Union des industries métallurgiques et minières (UIMM)[9], qui réclame la "suppression de la référence à la durée légale de 39 heures de travail par semaine autour de laquelle est bâtie toute la réglementation du temps de travail". L'UIMM développe l'idée du "travail différencié", qui consiste à "instaurer des horaires contractuels librement débattus de gré à gré en fonction d'une demande de travail plus flexible". L'employeur et le salarié "seraient libres de négocier la durée du travail en fonction des besoins de l'entreprise, de la conjoncture économique et des souhaits des salariés". "L'horaire demandé au salarié et dont l'employeur a besoin, est précisé dans le contrat de travail", sans être "forcément apprécié en terme hebdomadaire". Il pourrait s'agir de journée, de mois, d'année ou de plusieurs années. Il serait "révisable à tout moment". À défaut d'un accord, "la modification de l'horaire entraînerait la rupture du contrat de travail à la charge de l'employeur", c'est-à-dire le licenciement du salarié.

Tandis que, sur le plan économique, la bourgeoisie tente désespérément de poursuivre sa recherche du profit sans rien changer au contexte global ‑ notamment en ce qui concerne le chômage ‑, elle déploie des efforts considérables pour freiner la prise de conscience à laquelle la classe ouvrière est susceptible d'arriver sous l'effet de la réalité qu'elle subit. Ainsi les économistes de tous bords persistent à faire semblant que, premièrement, il faut à leur avis trouver une solution au chômage et que, deuxièmement, cela est possible dans le cadre du capitalisme. Certains s'accrochent à des analyses totalement anachroniques, parlant de "chômage frictionnel" (lié à l´"imperfection du marché du travail"), d'autres, quand même un peu moins paresseux, formulent des interprétations relatives à un chômage "structurel" (inadéquation entre la qualité de l'offre et celle de la demande, le niveau de formation et de qualification en particulier)[10]. Ils vont jusqu'à calculer un "taux de chômage naturel"[11] ou prétendre qu'il y a abondance[12].

Une des implications des efforts pour maximiser la plus-value est la volonté de faire baisser les salaires. Pourtant, dans leur propagande, les représentants du capital présentent en général des raisonnements qui déforment les rapports réels entre profit et salaires. Ils parlent de "productivité" et prétendent que l'augmentation de celle-ci est cause, ou du moins condition préalable, d'une hausse du salaire. C'est le mythe des employeurs bienfaiteurs qui mettraient en oeuvre le partage de la "valeur ajoutée" entre les capitalistes et les salariés, en donnant à ceux-ci d'autant plus que la productivité est grande. Reconnaissant implicitement le caractère fallacieux de l'argumentation, certains commentaires font preuve de beaucoup de naïveté en constatant que "le salaire n'apparaît en définitive bien souvent que peu corrélé, dans son évolution, à celle de la productivité du travail"[13]. En réalité c'est bel et bien la baisse des salaires que recherchent les capitalistes, en s'abritant derrière l'invocation de la concurrence et de la nécessité d'être "compétitifs".

Ce qu'il faut surtout prendre en considération, ce sont sont les prises de position de ce qu'on appelle le "patronat", c'est-à-dire des représentants des capitalistes chargés de la gestion directe des différentes composantes du capital, prises à part, mais aussi plus ou moins collectivement, dans la mesure où ces personnages savent s'organiser (CNPF etc.). D'abord il leur arrive d'exposer ouvertement les mécanismes qui opposent recherche du profit et hausse de salaires, qui implique qu'en tout cas du point de vue du capitaliste individuel, le "partage du travail" sans réduction des salaires est une absurdité[14]. En particulier les capitalistes nient que la réduction du temps de travail puisse aboutir à une diminution du chômage. Ce en quoi ils n'ont pas tort[15].

Dans les détails, les analyses sont aussi variées que les intérêts particuliers des différentes fractions du capital. Prenons les capitaux situés dans l'industrie "lourde", c'est-à-dire la fabrication des grands moyens de production. Le pouvoir d'achat de la population n'a qu'un lointain rapport avec leur chiffre d'affaires, leurs débouchés se situent en grande partie à l'étranger, comme d'ailleurs les sites de production. Le chômage dans le pays d'origine de ces sociétés ne constitue pour elles qu'une préoccupation très indirecte. La situation est toute à fait différente pour le secteur des biens de consommation courante (alimentation notamment). Là, le chômage a un effet négatif direct sur la possibilité de réalisation de la plus-value produite potentiellement. En outre, plus généralement, pour les industries à composition organique relativement peu élevée ("industries de main-d'oeuvre"), le chômage fournit une armée de réserve qui dans ces secteurs joue un rôle actif en ce sens que les employeurs s'en servent pour augmenter le taux d'exploitation, en licenciant pour embaucher à nouveau en créant des conditions plus défavorables encore aux ouvriers employés.

Il faut aussi évoquer le cas du secteur des services, représenté souvent comme remède miracle face au chômage. Dans la mesure où il s'agit d'un secteur ne produisant pas de plus-value, ce mythe ne sert qu'à appuyer les efforts des capitaux concernés de s'approprier une part plus importante de la plus-value globale. C'est vrai pour les services aux particuliers, mais également pour ceux aux entreprises, auquel cas il ne s'agit qu'en général que d'un transfert (dans le but d'une plus grande productivité) vers une entité externe autonome, d'une activité à l'origine exercée par un service à l'intérieur de l'entreprise. Dans son principe, le phénomène n'est pas nouveau, mais les moyens techniques modernes permettent de le réaliser à grande échelle, entre autre à travers le télétraitement.

Les intérêts variés, parfois divergents, des différentes fractions du capital impliquent des attitudes diverses quant aux mesures que la bourgeoisie exige des gouvernements, certes pas pour trouver une "solution" au chômage, mais pour intervenir en favorisant les uns ou les autres. Globalement, deux approches se présentent au capital, qui alternent ou coexistent selon les périodes. Certains préconisent des mesures au niveau national qui visent à des degrés divers à faire jouer à l'État un rôle de défenseur des intérêts collectifs de la classe dominante dans son ensemble[16]. Par opposition, un des aspects fondamentaux de l'appel au libéralisme n'est pas la prétendue nécessité de faire jouer les mécanismes du marché pour créer les conditions d'une expansion, mais d'éliminer toute prise en charge collective des frais inhérents au "traitement social" du chômage.

Quelles que soient les politiques mises en oeuvre par les gouvernements de la bourgeoisie, il ne pourra jamais s'agir d'autre chose que d'encadrer l'exploitation de la classe ouvrière pour la rendre le plus efficace possible du point de vue du capitalisme, et ceci en favorisant tantôt l'une tantôt l'autre fraction de la bourgeoisie (française aussi bien qu'internationale). Les politiques de "lutte contre le chômage", "pour le plein emploi" ne peuvent nullement neutraliser les effets des crises de surproduction/sous-consommation qui, dans le cadre du système capitaliste, entravent périodiquement (sinon constamment) cette croissance économique censée incarne les bienfaits de l´"économie de marché".

Seule une politique de planification appliquée dans une économie socialiste peut éliminer le chômage. Or cela nécessite au préalable l'abolition de la propriété privée des moyens de production, c'est-à-dire l'expropriation des capitalistes.

 

Ernest Leroux.

 

 

 

 

 

Notes



[1]Jean Peyrelevade, Président de l’UAP: "Les taux de croissance que nous connaissons depuis plusieurs années ne sont pas sensiblement supérieurs à l’amélioration en pourcentage de la productivité du travail. Dès lors, la création nette d’emplois est voisine de zéro." (Le Monde, 8/6/1993.)

Michel Godet: "La chute des emplois industriels paraît inexorable et il se passe vraisemblablement ce qui s’est passé hier pour l’agriculture: on va produire une part croissante des biens et services marchands avec de moins en moins de monde." (Le Monde, 17/11/1993.) M. Godet est professeur de prospective industrielle au Conservatoire national des arts et métiers; il a été en 1993 membre de la commission Mattéoli sur les obstacles structurels à l’emploi, commission ayant préparé la "loi quinquennale".

[2]. Le Monde, 14/12/1993.

[3]. L'Expansion, 7‑20/10/1993. Dans l'ensemble de la chimie française, entre 1980 et 1992 la production a augmenté de 51%, tandis que les effectifs ont baissé de 12 %. Le gain de productivité est de 71 %.

[4]En parlant de services, on désigne des secteurs comme les banques et les assurances qui sont effectivement improductifs globalement, mais aussi les transports, la fourniture d'électricité, d'eau etc. Sous certains aspects, la tendance va vers une séparation de plus en plus nette des activités improductives par rapport aux activités productives, à travers ce qu'on appelle l'externalisation, comme par exemple la prise en charge de la comptabilité par une société extérieure (qui peut se trouver à l'autre bout du monde).

[5]. "Pendant les années 1980, GM a dépensé beaucoup d'argent pour son usine Saturn, hautement automatisée, plutôt que d'utiliser de l'espace de production disponible ailleurs, mais cette opération n'entraînera peut-être jamais des retours de bénéfices sur les 5 milliards de fond avancés par GM. Dans les années 1990, les lourdes dépenses d'IBM pour des usines et des équipements se sont avérés être un désastre. Le nouvel esprit économe conduit les sociétés à tirer le maximum du personnel et des usines dont elles disposent déjà - une raison décisive pour laquelle la productivité s'est accrue brusquement." (Newsweek, 12/7/1993.)

[6]Jean Bounine et François Dalle, "Contre le partage du travail": "Or la recherche de qualité est centrale pour l'emploi, car elle signifie un surcroît de valeur ajoutée, dans les produits industriels comme dans les services. Elle impose de travailler globalement plus, et certainement autrement. Elle permet d'obtenir la quantité par l'élimination des gaspillages, alors que, jusqu'ici, on pensait plutôt obtenir la qualité en recherchant la quantité, ce qui se révélait généralement coûteux, et souvent illusoire." (Le Monde, 21‑22/3/1993.) J. Bounine et F. Dalle sont coauteurs de Pour développer l’emploi, rapport au ministère des Affaires sociales et de l’emploi, en 1987. F. Dalle est ancien président de L’Oréal.

[7]Jean Bounine et François Dalle, Rapport cité: "Cette inversion de nos paradigmes de développement s'amorce dans nos entreprises. Les tendances à la substitution du “travail mort” (machines) au “travail vivant” commencent à atteindre leurs limites; les progrès des “technologies du petit” remettent en cause les notions habituelles de productivité dans les secteurs aussi divers que la sidérurgie, avec le développement des mini-aciéries, ou l'informatique, avec celui des micro-ordinateurs."

[8]Pascal Salin, "Restaurer la liberté du temps de travail" (Le Monde, 21/12/1995). P. Salin est professeur à l’université Paris-Dauphine et défenseur éminent du libéralisme.

[9]Il s’agit notamment d’une note rédigée par Pierre Guillen, vice-président de l’UIMM, contenue dans la dernière annexe du rapport de la commission présidée par Alain Minc sur "La France de l’an 2000". (Cf. La Tribune Desfossés, 7/3/1995; Les Échos, 8/3/1995; Le Monde, 19/4/1995.)

[10]. "L'existence d'oligopoles, tant du côté de l'offre du travail (les syndicats, défenseurs des “insiders”, ceux qui ont du travail aux dépens des “outsiders”, ceux qui n'en ont pas) que de la demande (un pouvoir de marché puissant des firmes) contribuerait à cette faible flexibilité des salaires, elle-même à l'origine du chômage élevé dans nos pays européens." (Le Monde, 13/3/1993.)

[11]. "Les mesures du taux de chômage naturel [...] le taux de chômage compatible avec une inflation stable [...] NAIRU [...]." À titre d’exemple, pour la période 1981‑83, il est estimé à: USA ‑ 6,5 %, RFA ‑ 8 %, France ‑ 8 %. ("Économies en transition: l’ajustement structurel dans les pays de l’OCDE", Rapport de l’OCDE, 1989. Cité d’après: Bruno Marcel, Jacques Taïeb, Le chômage aujourd’hui, Paris, 1991, Éditions Nathan, p. 90.)

[12]Michel Godet: "Rappelons également la question du chômage de mauvaise gestion de l’abondance (le chômage a plus que triplé depuis 1975 alors que le PIB a augmenté de 60 % en termes réels). C’est le consensus sur le chômage entre l’État, le patronat et les syndicats pour ne pas remettre en cause la logique des acquis." (Le Monde, 17/11/1993.)

[13]. Le Monde, 13/3/1993.

[14]Jean Peyrelevade, président du Crédit Lyonnais, "Réduction du temps de travail: réponse à Nicole Notat":

"Prenons un exemple, celui d’une réduction de 20 % (soit aux environs de 32 heures) de la durée hebdomadaire du travail puisque je concède encore à Nicole Notat que l’efficacité commande de ne pas barguigner. Une semaine de travail en moyenne plus courte pour chaque salarié s’accompagnera certainement, les négociations y pourvoiront, de fonctionnements par roulement d’équipes plus fréquents, d’une meilleure flexibilité annuelle, d’une plus large utilisation des équipements, en un mot d’horaires de travail plus intenses pour l’entreprise dans sa totalité.

"Chacun travaillera moins au service d’une entreprise qui travaillera plus. C’est-à-dire que la productivité de l’ensemble des facteurs de production (travail et capital) augmentera de manière significative. Si c’est du même pourcentage que la réduction de la durée individuelle du travail (soit 20%), l’entreprise produira le même volume de biens ou de services avec le même nombre de salariés travaillant moins longtemps parce que plus productifs (ou réciproquement) et touchant les mêmes salaires. Dans cette hypothèse, la création d’emplois serait bien nulle.

"Admettons dès lors que la compensation par accroissement de productivité ne soit que partielle, et que l’entreprise puisse maintenir à effectif constant, équipement inchangé et masse salariale identique (donc avec le même niveau de charges) une production qui serait non pas de 100 %, mais par exemple de 90 % du niveau antérieur. Alors, et alors seulement, elle sera obligée d’embaucher et de payer des salaires nouveaux à hauteur de la production perdue, soit 10 %. À production et salaire par tête constants, la réduction de la durée du travail se traduit ainsi par un alourdissement des prix de revient puisqu’il faut davantage de salariés, également payés, pour une même quantité produite." (Le Monde, 1/6/1996.)

[15]. "[...] en mars‑avril 1933, la dévaluation du dollar, amarré à une parité d’or trop élevée, a provoqué, comme dans tous les pays à l’époque, une reprise rapide de l’activité. [...] Une comparaison est possible, cette fois avec des pays témoins: les Pays-Bas et la Suisse, qui ont dévalué leur monnaie - événement décisif à l’époque - en même temps que le franc français (fin septembre 1936), mais qui n’ont pas réduit le temps de travail. De septembre 1936 à septembre 1938, pour éliminer les variations saisonnières, la baisse du nombre de chômeurs a été de 43 % en Suisse, de 23 % aux Pays-Bas et de 17 % en France. En outre, le nombre de chômeurs partiels dépassait en France 20 %. En Belgique, où la dévaluation du franc a eu lieu en mars 1935, le nombre de chômeurs a diminué de 45 %, au bout de cette même durée de deux ans. Pour l’ensemble des pays capitalistes libéraux, c’est aux États-Unis et en France que la baisse du chômage a été la plus faible, c’est-à-dire dans les deux pays où a été introduite la semaine de 40 heures." (Alfred Sauvy, La machine et le chômage, Paris, 1980, Dunod, pp. 294‑295. Cité d’après: Bruno Marcel, Jacques Taïeb, op. cit., p. 186.)

"Les évolutions internationales suggèrent une corrélation inverse entre chômage et durée de travail, que ce soit en niveau (plus la durée de travail est courte, plus élevé est le taux de chômage, comme en Belgique ou en France, comparé à la Suisse ou au Japon) ou bien en évolution (la baisse de la durée du travail depuis les années 70, dans la plupart des pays européens, s’est accompagnée d’une augmentation sensible du taux de chômage)." ("La réduction de la durée du travail est-elle créatrice d’emplois?", BNP, Lettre de conjoncture, 1/1990. Cité d'après: Le Monde, 17/11/1993.)

[16]. "Il s'agirait [...] de combiner les trois solutions suivantes. [...] La deuxième solution repose sur l'idée qu'il faut cesser de considérer l'emploi rémunéré comme le seul facteur d'intégration sociale dès lors que le droit au travail ne peut être respecté. [...] La troisième solution va de pair avec la précédente. [...] Mais le pari ne peut être véritablement gagné que si on se sert du RME pour réduire et réaménager le temps de travail." (Le Monde, 5/10/1993.)

"Conclusion des travaux de l'Institut de l'Entreprise, mouvement du CNPF, publiées hier. [...] Rapport de synthèse des travaux des huit commissions de l'Institut de l'entreprise, réalisé par Jean Gandois, PDG de Pechiney, révèle au grand jour l'âpreté du débat sur le partage du travail. [...] Pour les partisans du partage, la baisse des horaires va de pair avec la baisse des salaires. “Il est intéressant de constater, rapporte Jean Gandois, que les tenants de cette thèse sont ceux qui sont les plus convaincus du caractère inéluctable d'une baisse du niveau de vie individuel et qui voient, naturellement, sur le plan macro-économique, une série d'avantages à ce qu'une même masse salariale soit distribuée entre un plus grand nombre de personnes, en diminuant le nombre de chômeurs.”" (La Tribune Desfossés, 1/10/1993.)

Michel Godet: "Ce n'est pas aux entreprises d'assurer une fonction de redistribution sociale, elles sont là pour créer de la richesse compétitive et rémunérer les facteurs de production, et notamment le travail au prix d'un marché de plus en plus international. C'est à la collectivité d'assurer, par des transferts, la solidarité qui s'impose dans le partage des richesses. C'est aussi à la collectivité de garantir, par l'équivalent d'un impôt négatif, un revenu minimum aux citoyens. [...] Il ne devrait pas y avoir de rémunération sans contrepartie de travail pour la société. Tel n'est pas le cas du RMI, où l'on achète le silence des chômeurs en détruisant leur dignité. Nous disons “oui” au RMI et proposons de l'élever au niveau du SMIC, sous réserve que l'entreprise citoyenne remplisse sa mission d'insertion-formation et que la collectivité assure la fonction de redistribution indispensable dans une société d'abondance." (Le Monde, 13/4/1994.)