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Wilhelm Pieck

7e congrès de l'Internationale communiste
Rapport : L'activité du Comité exécutif entre le 6e et le 7e congrès de l'IC

26 juillet 1935

 

 

Source:

L'Internationale communiste, Organe bimensuel du Comité exécutif de l'Internationale communiste, Numéro spécial (17‑18), septembre 1935, Bureau d'Éditions, Paris.
(Texte sténographique abrégé.)[1]

Le document en allemand 

 

 

 

 

 

 

 

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Le KPD 1918‑1945 - Sommaire

 

 

 

 

 

 

Camarades,

Sept années d'une lutte pénible et lourde de sacrifices des masses travailleuses contre leurs oppresseurs et exploiteurs séparent les VIe et VIIe congrès mondiaux de l'Internationale communiste. Ces sept années ont apporté un grand changement dans les rapports de forces entre les classes dans le monde entier et fourni au prolétariat une expérience révolutionnaire d'une richesse immense.

Aussitôt après le VIe congrès mondial, les événements ont confirmé la justesse de notre analyse des perspectives du mouvement révolutionnaire. Nous avions raison de dire que le développement de la révolution en Chine, l'insurrection d'Indonésie, les puissantes manifestations qui se déroulèrent en Europe et en Amérique contre l'exécution de Sacco et Vanzetti, la grève générale en Angleterre (1926), les événements de juillet 1927 à Vienne[2] et l'accroissement marqué du mouvement gréviste dans la plupart des pays capitalistes depuis 1927 étaient les indices du nouvel essor révolutionnaire commençant. Nous prédisions l'accroissement ultérieur de cet essor.

Le congrès fixe comme tâche aux sections de l'Internationale communiste d'organiser et de diriger la lutte grandissante des travailleurs contre les classes des exploiteurs.

La nécessité de défendre les intérêts vitaux des masses travailleuses, d'accroître leur capacité de lutte contre l'exploitation et l'oppression renforcées, de rassembler les masses pour cette lutte, détermina la IXe assemblée plénière du CE de l'IC, en 1928, à fixer pour les communistes la tâche de mettre en relief d'une manière plus précise et plus vigoureuse leur ligne politique particulière, différant fondamentalement de celle des réformistes, de la mettre en relief aussi bien dans toutes les questions politiques générales (guerre, attitude à l'égard de l'Union soviétique, de la Chine, de l'Inde, de l'Égypte, etc.), que dans celles des luttes quotidiennes de la classe ouvrière (contre les tribunaux d'arbitrage, la réduction des salaires, la prolongation de la journée de travail, contre le soutien des capitalistes dans la question de la rationalisation, contre la “paix dans l'industrie”, etc.).

Cette ligne politique des communistes a trouvé son expression dans la tactique ayant pour mot d'ordre: "classe contre classe", la classe des prolétaires contre la classe de la bourgeoisie.

La tactique "classe contre classe" était dirigée contre le bloc de la coalition de la social-démocratie avec la bourgeoisie. Elle visait à détruire ce bloc des chefs de la social-démocratie avec la bourgeoisie. Elle n'était pas dirigée contre le front unique des communistes avec les socialistes pour la lutte contre la bourgeoisie, mais l'impliquait au contraire. Elle tendait à la création d'une direction révolutionnaire des luttes économiques et politiques du prolétariat.

Dans l'application de la tactique "classe contre classe", un certain nombre de fautes sectaires ont été commises. Si juste que ce fût pour les communistes, en Angleterre, de présenter aux élections parlementaires des candidatures indépendantes contre les chefs du Labour Party et de lutter pour elles, c'était cependant une faute pour le petit Parti communiste de concentrer toute son attention sur ses propres candidats, sans guère s'occuper de faire présenter des candidats par des conférences ouvrières des syndicats locaux et des organisations locales du Labour Party. Si juste qu'il fût, pour les communistes d'Allemagne, de se discriminer résolument d'avec la social-démocratie et de mener une lutte intransigeante contre Zörgiebel[3] et Severing[4], il était par contre, de la part des communistes, erroné de commencer à s'isoler aussi des ouvriers social-démocrates et de les traiter de "petits Zörgiebel". Si juste qu'il fût pour les communistes d'Allemagne, de France et d'Angleterre et d'un certain nombre d'autres pays, dans les conditions des années 1928‑29, de ne pas adresser des propositions de front unique aux dirigeants de la social-démocratie, c'était par contre une faute d'interpréter les décisions de l'Internationale communiste en ce sens que nos camarades ne devaient pas non plus faire de telles propositions aux organisations locales de la social-démocratie et des syndicats réformistes.

Par suite de cette application défectueuse de notre tactique "classe contre classe" et même de sa déformation fréquente jusqu'à dire que cette tactique excluait soi-disant le front unique, nos sections n'ont pas obtenu dans cette phase de la lutte les succès qui auraient pu l'être. C'est seulement lorsque l'essor commença dans le mouvement gréviste, lorsque la social-démocratie s'opposa à ce mouvement et mit en marche la machine d'arbitrage de l'État et se mit à étouffer les grèves, que la tactique révolutionnaire des communistes gagna les sympathies des grandes masses ouvrières. Nos sections commencèrent à se rendre compte de l'importance qu'il y a pour la lutte des ouvriers à organiser des comités de grève indépendants, élus par les ouvriers eux-mêmes.

Mais, dans ce mouvement également, les communistes ont commis nombre d'erreurs sectaires. Ils n'ont pas su implanter organiquement leur influence dans les organisations réformistes et parmi les ouvriers inorganisés. En organisant la lutte gréviste, les communistes ont renforcé l'esprit de la lutte de classe dans le prolétariat, bien que la social-démocratie se prononçât pour la paix économique et prêchât le “mondisme”[5] et autres théories analogues. Cependant, les communistes ont souvent commis la faute de continuer la grève alors que la majorité des grévistes avaient déjà repris le travail, de la sorte ils se sont assez souvent isolés des grandes masses ouvrières.

Au moyen du mot d'ordre de la direction indépendante des grèves par la minorité révolutionnaire, les communistes ont contribué à déclencher des grèves et à libérer le travail syndical révolutionnaire des chaînes de l'appareil syndical réformiste. Mais en réalisant ce mot d'ordre on a négligé la tâche essentielle, primordiale de la minorité révolutionnaire: assurer le ralliement de la majorité des ouvriers de l'entreprise à la déclaration de la grève et la formation d'un comité de grève indépendant, élu par les grévistes.

Bien que les communistes eussent raison de s'élever contre l'attitude aristocratique traditionnelle des réformistes à l'égard des inorganisés et de se prononcer pour l'entraînement des inorganisés dans les grèves, pour leur entrée dans les comités de grève, un certain nombre d'entre eux, en Allemagne surtout, se sont laissés aller à sous-estimer l'importance des ouvriers organisés et l'influence des syndicats réformistes, non seulement sur les ouvriers organisés, mais aussi sur les inorganisés.

L'Internationale syndicale rouge a posé d'une manière juste la tâche de briser la prétention de la bureaucratie syndicale réformiste de décider souverainement des luttes économiques, prétention dont elle n'usait que pour les empêcher. Mais la décision de la conférence de Strasbourg, tenue au début de 1929[6], dépassait cet objectif en proclamant que "les comités de grève et les comités d'action ont pour tâche de préparer et de diriger d'une façon indépendante la lutte gréviste, malgré et contre la volonté des syndicats réformistes". Cela se rapporte également à la consigne donnée qu'aux élections des comités de lutte dans les lock-outs, ainsi que des comités de grève et autres organismes de lutte, toutes les personnes liées à la social-démocratie et à la bureaucratie syndicale doivent être écartées comme briseurs de grève.

Les expériences des luttes ont également enseigné que les chefs syndicaux réformistes, sous la pression de l'état d'esprit des masses de plus en plus favorable à la grève n'ont pas toujours pu y opposer leur refus et que, par conséquent, la tactique du front unique était possible et nécessaire. Les opportunistes, dans nos rangs, soutenaient l'opinion qu'il fallait bien, dans la question de la grève, placer les bonzes syndicaux réformistes sous la pression de la masse des membres, mais que, dans le cas où les chefs syndicaux refuseraient la grève, il fallait se soumettre à leurs décisions. Cette conception opportuniste devait, il va de soi, être combattue par nous. Mais c'était une faute, à son tour, de supposer qu'il est opportuniste d'exercer en général une pression sur la bureaucratie syndicale réformiste à l'aide de la masse des membres, sens qu'on a donné en Allemagne et plus tard dans d'autres pays, également à notre point de vue, contre le mot d'ordre brandlérien[7]: "Imposez votre volonté aux bonzes".

En dépit de ces fautes sectaires, l'influence des communistes sur les masses des ouvriers organisés s'est très rapidement accrue. Aussi les chefs syndicaux réformistes, en Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis, ainsi que dans divers autres pays, ont-ils commencé à exclure les communistes des syndicats.

Le Parti communiste allemand adopta, pour combattre ces mesures, une tactique de combat tout à fait juste en recommandant à ses adhérents de signer les engagements proposés par les chefs syndicaux réformistes concernant la soumission à la discipline syndicale, afin de conserver ainsi la possibilité de rester dans les syndicats. L'indignation croissante des ouvriers révolutionnaires contre les exclusions et contre la politique réformiste scissionniste poussèrent maints militants communistes à poser la revendication pseudo-radicale, mais absolument sectaire, de la cessation du versement des cotisations. Les chefs syndicaux réformistes en profitèrent naturellement aussitôt pour procéder avec plus de vigueur encore à l'exclusion de l'opposition.

Cette politique des réformistes exigeait une consolidation organique de l'opposition syndicale révolutionnaire, surtout en Allemagne et en Pologne. Et, en effet, en 1928‑1929, on obtint quelques succès. Mais, en même temps, on commit de nouveau une faute sectaire, en transformant l'OSR[8] en de nouveaux syndicats et en s'isolant ainsi de la masse principale des syndiqués réformistes. Une autre faute, ce fut pour nos sections dans d'autres pays de reprendre cette décision du PCA d'une façon mécanique sans tenir compte de la situation concrète, toute différente de leurs pays.

Il n'en reste pas moins que ce sont les communistes qui, dans la période précédant la crise, alors que la grève économique constituait la principale forme du développement de la lutte de classe, ont été les principaux promoteurs et chefs de la lutte gréviste dans nombre de pays. Les Partis communistes, durant ce temps, se sont raffermis politiquement et leur influence idéologique sur les masses s'est considérablement élargie. Mais ils n'étaient pas encore devenus une force capable d'utiliser dans toute son ampleur pour la lutte de classe du prolétariat la nouvelle situation qui s'était constituée avec le début de la crise économique.

En automne 1929 commença aux États-Unis la crise industrielle qui se combina à la crise agraire dans les pays agricoles et à la crise dans les colonies et qui gagna avec une rapidité inusitée le monde capitaliste tout entier.

La tâche tactique, durant la crise, était d'organiser la lutte pour empêcher que le fardeau de cette crise soit rejeté sur le dos des masses souffrant de la faim et du froid. Le point stratégique essentiel de cette lutte se trouvait en Allemagne.

Mais la classe ouvrière s'engageait divisée dans cette lutte. La social-démocratie, le plus ancien et le plus grand parti ouvrier, était rongé par la rouille réformiste et, dans les conditions de la crise, elle se plaçait sur le terrain de la collaboration de classe avec la bourgeoisie. Seul, le Parti communiste, relativement jeune, ayant dans beaucoup de pays une influence encore insuffisante, se plaçait sur le terrain de la lutte de classe intransigeante.

Collaboration de classe avec la bourgeoisie ou lutte de classe? Cette question déchirait encore les rangs du prolétariat et affaiblissait ses forces.

Les communistes parvinrent dans un certain nombre de pays, en dépit de la social-démocratie, à porter à un niveau élevé le mouvement des chômeurs, les masses les plus déshéritées parmi les travailleurs.

Dans tous les pays, les communistes ont été à la tête de la lutte contre l'expulsion de leurs logements des chômeurs qui ne peuvent pas payer leur loyer, pour des secours supplémentaires des municipalités, en argent et en nature: pommes de terre, charbon, etc.

Cette lutte a été extrêmement difficile. C'est seulement en créant tout un réseau d'organisations de chômeurs et en faisant de grandes manifestations, où il y a eu bien souvent de violentes collisions avec la police, qu'on parvint à arracher à l'État bourgeois et à ses organes des concessions en faveur des chômeurs.

Grâce à cette lutte, on a réussi dans nombre de pays à soulager le sort d'une partie des chômeurs et à opposer une sérieuse résistance à l'aggravation de la législation sociale, sans parvenir cependant à empêcher de telles aggravations.

Si malgré l'acharnement de la lutte de la partie la plus avancée des chômeurs on n'est pas arrivé à intensifier encore davantage ce mouvement et à en faire la lutte des grandes masses de travailleurs, si le mouvement des chômeurs a même faibli en 1932 dans la plupart des pays, la cause réside, nous semble-t-il, dans les faits suivants:

1. Le sabotage criminel et la lutte directe des chefs de la social-démocratie contre les revendications et contre le mouvement des chômeurs ont empêché d'obtenir une amélioration sensible du sort des grandes masses de chômeurs, ce qui a provoqué parmi eux de la déception et de la passivité.

2. La social-démocratie a empêché que le mouvement des chômeurs soit appuyé par les mouvements de grève des ouvriers qui travaillent et ceux-ci sont restés passifs devant la misère, la détresse, la faim dont souffraient les chômeurs.

3. Nous n'avons réussi à entraîner dans la lutte active qu'une partie peu considérable, 10 à 20 % des chômeurs, tandis que la majorité restait passive.

4. On n'a pas expérimenté toutes les formes et toutes les méthodes de lutte qui auraient pu agiter davantage l'opinion publique et gagner davantage la sympathie de tout le peuple à la lutte des chômeurs. On ne pouvait y parvenir seulement par des manifestations politiques qui n'avaient d'ailleurs pas de but concret. Nous nous souvenons tous de la grande impression que les marches de la faim en Angleterre et aux États-Unis ont produite dans le monde entier. Mais l'impression sur toute l'opinion publique aurait été beaucoup plus grande si vraiment la totalité des chômeurs affamés était descendue dans la rue avec femmes et enfants en exigeant tout simplement du pain et des secours.

5. Les communistes n'ont pas su non plus populariser les mots d'ordre qui, par leur contenu concret, auraient pu mobiliser les chômeurs pour la lutte contre le Capital et lier également à cette lutte les masses des ouvriers qui travaillent.

Il s'agit de revendications telles que confisquer les stocks au profit des chômeurs, imposer spécialement les capitalistes, mise en régie des entreprises qui ferment ou qui licencient leur personnel et d'autres analogues. Les communistes ont bien lancé de telles revendications dans quelques pays, mais, le plus souvent, ils ne l'ont pas fait au moment opportun, leur popularisation n'a pas été faite dans d'assez larges proportions et, surtout, on n'a pas lutté sérieusement pour elles.

6. On n'a pas trouvé non plus tous les moyens possibles de faire secourir les chômeurs par l'État et les organismes publics. Je ne veux citer qu'un exemple tiré de l'Union soviétique. Lorsqu'en 1921, la famine sévissait dans l'Union soviétique, les masses populaires ont forcé le clergé de l'Église chrétienne, le plus réactionnaire, à céder, pour secourir les affamés, l'or et l'argent qu'il avait amassés. De même, les masses populaires auraient dû exiger que les possédants, l'Église et l'État en Allemagne, aux États-Unis, en Autriche, en Pologne et dans les autres pays, ouvrissent leurs trésors aux chômeurs mourant de faim.

Il est hors de doute aussi que la position fataliste des chefs de la social-démocratie soutenant qu'il n'y a rien à faire contre la force élémentaire de la crise a influencé tout le prolétariat. Il y a eu dans la direction du mouvement des chômeurs beaucoup trop de simple agitation et pas assez d'initiative pour l'organisation d'une lutte réelle. Les communistes, qui avaient bien su organiser des milliers et des dizaines de milliers de chômeurs, n'avaient pas encore acquis l'aptitude nécessaire pour en gagner des millions au mouvement.

Telle fut la raison pour laquelle en Allemagne une partie des chômeurs a donné dans le piège des fascistes lorsque ceux-ci ont ouvert leurs soupes populaires pour chômeurs, s'est laissée séduire par leur propagande de la "communauté du peuple", se détournant ainsi de la lutte révolutionnaire. L'activité du mouvement a aussi faibli dans d'autres pays.

Je passe maintenant au mouvement de grèves durant la crise. Si les communistes n'ont pas réussi, durant les premières années de la crise, de 1930 à 1932, à entraîner les ouvriers d'entreprise dans les grèves, si ceux-ci sont restés sourds aux appels des communistes à la grève, la cause en fut dans le sabotage de chaque mouvement de grève par les chefs syndicaux réformistes, dans la conception social-démocrate qu'on ne peut pas faire grève en temps de crise. De plus, l'exclusion en masse des communistes des syndicats avait considérablement affaibli leur influence dans les entreprises sur les ouvriers syndiqués.

Mais, finalement, les ouvriers commencèrent en 1932, dans nombre de pays, à entrer plus fréquemment et spontanément en lutte. Ce désir croissant des masses à recourir à la grève obligea les chefs syndicaux à s'y résigner et même à se mettre à leur tête.

En dépit de cette politique de la social-démocratie visant à empêcher de grandes luttes, des groupes avancés de travailleurs engagèrent sans cesse la lutte politique contre le Capital, montrant ainsi la voie juste à des millions et des millions de travailleurs.

Pourquoi les mouvements impétueux des travailleurs n'ont-ils jeté qu'une vive flamme sans résultats sérieux pour la lutte libératrice? Pourquoi n'ont-ils pas tourné en une lutte politique de masse contre l'État bourgeois?

Les causes en résident dans quatre faiblesses essentielles:

1. Ces mouvements étaient pour la plupart spontanés, sans préparation sérieuse, sans rassemblement organique de toutes les forces, sans objectif concret. Une petite partie seulement de ces mouvements se sont déclenchés à l'appel du Parti communiste.

2. Le Parti communiste s'est bien efforcé de donner à ces mouvements des mots d'ordre concrets, de les élargir, de les porter à un niveau plus élevé de la conscience politique des masses. Mais la social-démocratie et les syndicats réformistes s'y sont opposés de toutes leurs forces. Les Partis communistes n'étaient pas encore assez forts et assez influents pour organiser les masses, qui engageaient spontanément la lutte politique, et leur donner une solide direction.

3. À ces mouvements ont pris part communistes, social-démocrates et inorganisés. Ces masses, entrées spontanément dans la lutte, n'auraient pu garder leur cohésion et être conduites plus avant dans la lutte que si l'on avait créé un front unique entre les organisations communistes et social-démocrates. Mais la social-démocratie s'opposait à un tel front unique et l'a rendu impossible. Il eut fallu aussi constituer des organismes permanents, élus par les masses, composés de communistes, de social-démocrates et de sans-parti pour diriger la lutte, des organismes possédant une autorité assez grande pour entraîner dans la lutte des masses toujours plus grandes et en même temps assurer à tout le mouvement une direction révolutionnaire. Or, de tels organismes n'ont pas été créés.

4. L'idée de tels organismes permanents a bien surgi dans le mouvement des chômeurs. Mais les comités de chômeurs de villes et de quartiers créés çà et là par les communistes n'avaient ni une base assez large, ni assez d'autorité dans les masses pour accomplir cette grande tâche. Ils n'ont été nulle part un centre politique tant soit peu considérable, un centre d'attraction de la sympathie de tous les travailleurs, ils ne sont pas devenus la chose de toute la classe.

Les Partis communistes, dans les conditions de la crise, avaient assumé une grande et difficile tâche dans la conduite des masses; les communistes devaient compter avec les millions de travailleurs et chercher à entraîner dans le front de lutte toutes leurs couches.

Dans l'accomplissement de ces tâches, les communistes fournirent plus d'un exemple éclatant de travail exemplaire. Mais avec le développement politique précipité et compliqué, leurs mots d'ordre venaient parfois trop tard, ils n'appréciaient pas toujours d'une façon juste le rapport des forces de classe, ils persistaient parfois sur des mots d'ordre et sur des méthodes de lutte qui, encore justes peu de temps auparavant, se trouvaient déjà périmés une fois la situation changée.

Les Partis communistes se sont bien assimilé les constatations importantes du VIe congrès mondial, qu'un nouvel essor révolutionnaire est en train de grandir. Mais, bien des fois, ils ne se sont pas suffisamment représenté que l'essor révolutionnaire n'est pas séparé de la crise révolutionnaire par une muraille de Chine. Maintes fois, ils se sont fait une idée par trop simpliste de la façon dont les masses ouvrières rom­pront avec leurs vieux chefs réformistes et se rallieront à la lutte révolutionnaire.

Dans un certain nombre de cas, les communistes ont surestimé la maturité politique des masses et ont pensé qu'on n'avait plus besoin d'un travail difficile et opiniâtre pour apprendre aux masses la lutte politique et les convaincre de sa nécessité. Ils ont pensé qu'il suffisait de populariser le pouvoir soviétique, d'expliquer aux masses le programme que les communistes réaliseront après la prise du pouvoir pour inciter aussitôt les ouvriers à les suivre. Ces idées erronées ont fait que certains Partis communistes sont devenus temporairement de simples organismes de propagande de notre programme au lieu de lier à la propagande du programme la tâche de lancer en temps opportun dans les masses des mots d'ordre qui les mobilisent à l'étape donnée de la lutte.

Les communistes avaient oublié dans leur travail syndical ce que le camarade Staline avait dit le 9 mai 1925 à la réunion des militants de Moscou[9]:

Si les Partis communistes veulent devenir une véritable force de masse qui soit capable de faire avancer la révolution, il faut qu'ils se lient aux syndicats et s'appuient sur eux.

Le camarade Staline avait signalé que certains communistes[10]

ne comprennent pas que les simples ouvriers, membres des syndicats, que ceux-ci soient bons ou mauvais, voient en eux les forteresses qui les aident à défendre leurs salaires, leur journée de travail, etc.

C'est précisément pendant la crise où s'abattit une grande misère sur les masses travailleuses que le simple ouvrier sentit d'une façon particulièrement forte que son syndicat, si mauvais qu'il puisse être, n'en est pas moins en état de défendre ses droits et de lui assurer une aide matérielle, fût-ce minime, que ce syndicat n'en constitue pas moins une certaine force, et c'est pour cette raison qu'il ne voulait pas rompre avec lui.

Dans un certain nombre de pays, les communistes ont commis la faute de ne pas tenir compte de cet état d'esprit des masses, de ne pas travailler dans les syndicats et aussi de ne pas savoir changer à temps leur attitude envers eux, de ne pas savoir passer du front unique seulement par en bas au front unique avec les organisations. En Allemagne, au moment de l'offensive du fascisme, certains communistes ont même parlé de la nécessité de "détruire" les syndicats réformistes, contribuant ainsi à isoler les communistes des ouvriers organisés.

Aux États-Unis, les communistes ont déclaré pendant longtemps que la Fédération américaine du travail (AFL)[11] était une organisation purement capitaliste, de briseurs de grèves, ne voyant que son leader Green et ignorant les ouvriers. C'est d'une façon bien plus tardive encore, et même en Allemagne seulement après la prise du pouvoir par Hitler, que les communistes ont donné le mot d'ordre clair: "Défense des syndicats libres", puis, plus tard: "Rétablissement des syndicats libres". Il fallut beaucoup de temps pour que les communistes comprennent dans d'autres pays la grande importance du travail dans les syndicats.

Une faute aussi grande que celle de sous-estimer le danger fasciste fut, d'autre part, de voir le fascisme même là où il n'existait encore pas. Cette faute venait de ce que certains publicistes communistes ont interprété d'une façon mécanique ce que signalait le VIe congrès, à savoir que la bourgeoisie cherche à se servir de plus en plus des méthodes de domination fasciste.

En Allemagne, les communistes ont pensé assez longtemps que le gouvernement Hermann Müller[12] réalisait là fascisation, que le gouvernement Brüning[13] était déjà un gouvernement de dictature fasciste. D'autre part, ils ont sous-estimé le mouvement hitlérien, s'imaginant qu'en un pays comme l'Allemagne, où la classe ouvrière était organisée à un degré élevé, il serait impossible aux hitlériens de prendre le pouvoir et que les masses petites-bourgeoises qui affluaient spontanément aux hitlériens leur tourneraient aussi rapidement le dos.

Ces conceptions erronées de la nature du fascisme, cette absence d'une analyse sérieuse du fascisme italien et polonais ont fait que les communistes n'ont pas été capables de lancer à temps des mots d'ordre pour défendre contre le fascisme passé à l'attaque ce qui restait encore de démocratie bourgeoise et d'exploiter les antagonismes au sein de la bourgeoisie.

En Allemagne, c'est seulement à l'élection de la présidence à la Diète prussienne en 1932 que les communistes ont déclaré qu'ils voteront pour les candidats de la social-démocratie et du Centre pour empêcher l'élection des fascistes.

Même en Pologne, où, après 1926, les communistes se sont livrés plus que dans beaucoup d'autres pays à l'étude du fascisme et ont lancé dans les masses des mots d'ordre de lutte contre la destruction des restes des libertés démocratiques bourgeoises, lorsque le bloc "centriste des gauches" a été créé, les communistes n'ont pas été capables d'exploiter les divergences entre le camp gouvernemental et le camp de l'opposition bourgeoise-démocratique.

Ces fautes provenaient de l'idée absolument fausse que tous les partis bourgeois sont fascistes, "qu'il n'y a pas deux méthodes de domination de la bourgeoisie", qu'il ne sied pas aux communistes de défendre les restes de la démocratie bourgeoise. Tant que nous ne pouvons pas remplacer la démocratie bourgeoise par la démocratie prolétarienne, par la dictature du prolétariat, le prolétariat est intéressé à tout lambeau de la démocratie bourgeoise et doit s'en servir pour préparer les masses au renversement du Capital, à la conquête de la démocratie prolétarienne.

De telles conceptions sectaires, qui n'ont rien de commun avec les enseignements de Marx, Engels, Lénine, Staline, ni avec les décisions du VIe congrès de l'I.C., ont freiné les progrès de l'influence des Partis communistes et empêché notamment la conquête des ouvriers social-démocrates à la lutte commune.

À cette étape de notre lutte, le caractère rétrograde de notre action pour la conquête des alliés du prolétariat parmi les paysans et la petite bourgeoisie des villes se fit sentir avec une force extraordinaire. Nous avons bien triomphé de la sous-estimation de principe et du mépris corporatif des vieux Partis social-démocrates pour les masses petites-bourgeoises, selon lesquels le prolétariat ne saurait se commettre avec les masses petites-bourgeoises. Néanmoins, dans la plupart des pays, abstraction faite de la Pologne et des Balkans, les communistes, jusqu'au moment de la crise, n'ont guère été au-delà de la simple reconnaissance de principe de la nécessité du travail dans les masses petites-bourgeoises des villes et des campagnes.

Bien que l'influence et l'importance du Parti communiste dans les masses travailleuses se fussent puissamment accrues, les communistes ne furent pas assez forts pour briser l'influence des chefs du Parti social-démocrate et des syndicats sur les grandes masses ouvrières et empêcher ainsi ceux-ci de détourner au nom de la simple discipline les masses de la lutte.

C'est précisément la faiblesse de la classe ouvrière, provoquée par sa division et par la trahison de la social-démocratie envers les intérêts des ouvriers, qui a permis à la bourgeoisie allemande de profiter des flottements de la petite bourgeoisie et de la paysannerie pour attirer momentanément ces couches dans le camp du fascisme. Les communistes allemands n'ont pas assez rapidement tenu compte de l'importance extrême du joug de Versailles qui faisait peser un fardeau inouï sur les masses travailleuses, ils n'ont pas été assez habiles pour utiliser la situation ainsi créée dans l'intérêt de la lutte de classe. Ils ont permis à la bourgeoisie allemande de mettre la haine contre le joug de Versailles au service du maintien de sa domination.

***

La victoire du fascisme en Allemagne n'a nullement inauguré, comme le prédisaient les social-démocrates, une longue période de réaction. Bien au contraire, on peut constater dans le monde entier "une tendance à la maturation la plus accélérée de la crise révolutionnaire", ainsi que le soulignait la XIIIe assemblée plénière[14]. Dans le monde entier, "l'idée de l'assaut contre le capitalisme mûrit dans la conscience des masses", comme l'a formulé le camarade Staline au XVIIe congrès du P.C. de l'U.R.S.S.

C'est dans cette situation que l'Union soviétique conquiert toujours davantage le cœur et l'esprit des travailleurs et leur montre le chemin de la lutte. C'est dans cette situation que la victoire du socialisme incite des millions de travailleurs à changer totalement d'opinions et d'idées. C'est dans cette situation que s'accomplit un revirement dans l'esprit des grandes masses travailleuses et ayant tout dans l'esprit des ouvriers membres des Partis social-démocrates et de ceux qui sont organisés dans les syndicats réformistes.

Les premières formes où s'est exprimé ce revirement, furent, premièrement, le front unique du prolétariat mondial organisé spontanément à une large échelle pour défendre les inculpés de Leipzig[15], où la défense courageuse du communisme par notre camarade Dimitrov eut une grande importance historique pour l'établissement du front unique; deuxièmement, le passage des ouvriers à la riposte active contre le fascisme dans leur propre pays. Le prolétariat ne recule déjà plus sans lutte devant le fascisme comme cela eut lieu en Allemagne, mais il répond à l'offensive fasciste par la grève générale en France, en février 1934[16], par la lutte armée en Autriche en février 1934[17], et en Espagne en octobre 1934[18].

Mais pourquoi donc la lutte armée du prolétariat en février 1934 en Autriche et en octobre 1934 en Espagne, n'a pas mené à la victoire du prolétariat contrairement à l'insurrection armée d'octobre 1917 en Russie?

En avril 1931, la monarchie fut renversée en Espagne, comme elle le fut en Russie en février 1917. La révolution bourgeoise démocratique commença en Espagne. À l'encontre des bolchéviks qui ont lutté dans les Soviets pour la continuation de la révolution, les socialistes espagnols sont entrés comme ministres dans le gouvernement d'Azaña[19], suivant ainsi l'exemple des menchéviks et des socialistes révolutionnaires russes qui étaient entrés alors comme ministres dans le gouvernement de Kérenski.

Que firent les ministres socialistes espagnols, que fit tout le Parti socialiste espagnol au cours des trois années de la révolution, ce même Parti socialiste qui, en octobre 1934, appela les ouvriers à la lutte armée?

Au lieu de lutter pour le désarmement de la garde civile fasciste réactionnaire, les socialistes espagnols ont voté des crédits pour son développement ultérieur et soutinrent la création de la garde d'assaut, laquelle, tout comme la garde civile, devint le détachement de choc de la contre-révolution contre la classe ouvrière et la paysannerie révolutionnaire. Au lieu de lutter pour l'éloignement des officiers réactionnaires et pour la démocratisation de l'armée, ils laissèrent les coudées franches aux réactionnaires dans l'armée. Au lieu de désarmer les ennemis du peuple, les fascistes, et de les mettre en prison, ils poursuivirent les communistes et promulguèrent la loi pour la défense de la République, sur la base de laquelle sont jugés les participants des combats d'Octobre, socialistes et communistes.

Ils ne touchèrent pas aux terres, aux propriétés et aux droits de l'Église réactionnaire ainsi qu'à ceux des couvents et ne donnèrent pas de terre aux paysans qu'il fallait gagner à la révolution.

Ils n'introduisirent pas de contrôle ouvrier sur la production, ils n'améliorèrent pas la situation des ouvriers et ne les armèrent pas pour la défense de la révolution. Au lieu d'acculer la bourgeoisie réactionnaire à une impasse, ils lui permirent de s'organiser et de s'armer.

En Autriche, il n'y avait pas de situation révolutionnaire avant les combats armés, comme c'était le cas en Espagne, mais le prolétariat autrichien avait cet avantage que la majorité écrasante des ouvriers était organisée en un parti et dans les syndicats suivant ce parti et que le pourcentage du prolétariat dans ce pays était extraordinairement élevé.

Mais le Parti social-démocrate, que suivaient 90 % des prolétaires autrichiens, n'était pas un parti révolutionnaire ayant préparé systématiquement et d'après un plan la lutte pour la victoire du prolétariat. Ce parti avait encore aidé pendant la révolution de 1918 à 1920 la bourgeoisie à prendre le dessus et s'était contenté du fait qu'il restait à la classe ouvrière des droits démocratiques de pure forme et quelques conquêtes sociales.

Lorsque les fascistes engagèrent la lutte contre la démocratie bourgeoise, les chefs de la social-démocratie reculèrent pas à pas, abandonnant les unes après les autres les conquêtes de la révolution de 1918.

Les forces de combat de la bourgeoisie se développèrent, tandis que celles du prolétariat s'affaiblirent. La foi des masses travailleuses dans la possibilité d'une amélioration de leur situation sous la direction social-démocrate disparut.

C'est une ridicule entreprise de la part d'Otto Bauer de vouloir maintenant, après que la social-démocratie autrichienne a désorganisé les travailleurs par sa façon d'agir et n'a pas préparé la lutte, essayer de prouver qu'il a agi d'après l'exemple des bolchéviks en adaptant seulement la tactique des bolchéviks "asiatiques" aux conditions "européennes"[20].

L'insurrection armée doit être préparée comme la cause de toute la classe ouvrière. Pour cela il faut gagner la majorité du prolétariat; il y a plus, il est indispensable d'avoir le soutien de la lutte par la majorité des travailleurs. Les socialistes espagnols et autrichiens, par contre, ont fait de l'insurrection une affaire des seules formations de combat.

Pour qu'une insurrection triomphe, il est nécessaire de choisir le moment le plus favorable au prolétariat, les socialistes espagnols et autrichiens, par contre, ont depuis longtemps laissé échapper l'initiative de leurs mains, abandonnant aux fascistes le soin de fixer le moment du combat.

Pour le succès d'une insurrection armée, il est nécessaire que les masses connaissent clairement les objectifs de lutte poursuivis. Or, les chefs social-démocrates espagnols et autrichiens n'ont pas formulé ces objectifs de lutte. Ils n'avaient pas saisi les armes pour renverser la bourgeoisie, mais uniquement pour faire pression sur la bourgeoisie et se défendre contre son offensive.

Le prolétariat russe forma en 1917 des Soviets en tant qu'organismes capables de grouper tous les ouvriers, paysans, employés, soldats et marins.

Les bolchéviks ont lutté pour la direction des masses au sein des Soviets. Les bolchéviks ont transformé les Soviets en organismes de la préparation et de la réalisation de l'insurrection prolétarienne.

En Espagne, par contre, Largo Caballero[21] déclara qu'on n'avait pas besoin de Soviets parce que la classe ouvrière entière était organisée dans les syndicats et dans les partis. Est-ce juste? Non, absolument pas. En Espagne, comme dans tous les autres pays capitalistes, la majorité des ouvriers n'est pas organisée.

En se prononçant contre la formation des Soviets, Largo Caballero et les socialistes espagnols voulaient transformer l'insurrection qui ne peut être que la cause de la classe ouvrière entière en la cause du Parti socialiste ou en celle d'un bloc des partis pour atténuer la force du mouvement et son caractère de masse.

En Autriche, Bauer et Deutsch[22] ne pensaient guère à des organismes de masse de préparation et de direction de la lutte, mais ils suivaient la vraie méthode blanquiste en abandonnant la cause de la lutte armée uniquement au Schutzbund[23] qui luttait isolément. Il aurait suffi de leur part d'appeler les masses à la lutte pour créer en quelques jours des organismes qui eussent été capables de mobiliser pour le combat les larges masses des travailleurs et d'organiser l'appui des Schutzbündler en lutte. Cela aurait changé tout le cours du développement ultérieur des combats à l'avantage du prolétariat.

Cependant, les socialistes autrichiens et espagnols trouvèrent également opportun de négliger au moment de la lutte armée l'expérience de la Révolution russe. Des milliers de prolétaires durent payer de leur vie et de tortures inouïes cet oubli voulu de l'expérience russe.

Nous reconnaissons le fait important que tant en Espagne qu'en Autriche, une partie des chefs social-démocrates, bien que ce ne fût que sous la pression des masses, se sont décidés à la lutte armée contre la bourgeoisie. Les communistes les ont appuyés de façon déterminée.

En Espagne, les communistes adhérèrent à l'"Alliance ouvrière", bien qu'ils n'eussent aucune influence sérieuse dans celle-ci. En Espagne comme en Autriche, les communistes combattirent dans les premiers rangs, car la place des communistes est partout où on mène la lutte. Mais précisément l'expérience de ces combats armés qui se sont déroulés sous la direction social-démocrate montre que sous cette direction le prolétariat ne peut pas vaincre.

Les succès de la lutte armée dans les Asturies, où fut organisée la garde rouge, où, sous la direction des communistes, la lutte armée s'est développée en une véritable insurrection, confirment ce que la révolution russe a déjà démontré: que pour le succès de la lutte armée du prolétariat une direction communiste bolchévik est nécessaire. Mais par suite de la faiblesse et de la jeunesse des Partis communistes, tant en Espagne qu'en Autriche, cette direction n'a pas existé.

Aussi les éléments révolutionnaires du Schutzbund en ont-ils tiré les conclusions justes, en passant dans les rangs du Parti communiste, montrant ainsi qu'ils ne considéraient pas la lutte comme terminée.

La lutte en France qui prit des proportions particulièrement considérables en février 1934, reste, dans sa manifestation extérieure, à un degré de lutte plus bas qu'en Espagne et en Autriche, mais du fait que les sections de lutte du prolétariat français furent tournées au moment nécessaire contre le fascisme, elles exerçaient une influence plus grande sur le développement de la lutte prolétarienne dans tous les pays.

Quel est le fait distinctif de la lutte en France?

Lorsque les bandes fascistes pour la première fois descendirent en masse dans les rues de Paris, le prolétariat français ne se laissa pas endormir comme en Allemagne par la théorie du moindre mal et par le bavardage sur la démocratie de pure forme, mais sans distinction de parti, il déferla dès la première offensive fasciste dans les rues pour faire face au fascisme par la manifestation politique puissante du 9 février et par la grève générale politique du 12 février 1934. Ce faisant le prolétariat français a repoussé la première grande offensive des fascistes en France.

Par cette action le prolétariat contraignit le Parti socialiste français à accepter d'établir le front unique avec le Parti communiste, bien qu'avec de grandes hésitations. Cela fut la base des actions antifascistes communes de l'ensemble du mouvement ouvrier organisé qui exercent une influence énorme sur la majorité inorganisée de la classe ouvrière et des masses petites-bourgeoises dans les villes et les campagnes.

Notre Parti communiste français, puissamment accru et faisant preuve de grande initiative, ne s'est pas contenté d'établir le front unique avec les socialistes, mais il a établi un programme de revendications qui attaquent la bourgeoisie en pleine chair.

Le Parti communiste français par sa façon d'agir a posé les fondements d'un large front populaire en vue de la lutte contre le fascisme et la guerre, qui attire des couches de plus en plus larges de paysans, de la petite bourgeoisie urbaine et des intellectuels, amène au mouvement les adhérents du Parti radical-socialiste et assure, de plus en plus, au prolétariat révolutionnaire l'hégémonie et la direction de la lutte de tous les travailleurs.

La lutte du prolétariat français a une grande importance internationale. Les succès du prolétariat français qui, en février 1934, a refoulé le premier assaut de masse des fascistes, ,grâce au front unique des communistes et des socialistes, qui, le 14 juillet 1935, a déclenché sa formidable marche de lutte contre le fascisme, ont montré aux travailleurs de tous les pays, que seule la lutte commune des travailleurs sur la base d'une tactique révolutionnaire peut repousser l'offensive du Capital et du fascisme et mettre fin aux manœuvres des instigateurs de la guerre.

La lutte du prolétariat français a montré à tous les travailleurs comment doit agir le prolétariat dans les pays capitalistes pour repousser les attaques du fascisme et pour marcher à la conquête de la dictature du prolétariat, au socialisme.

L'accord de front unique entre les socialistes et les communistes en France, auquel les socialistes n'ont consenti que sous la pression des masses, contre la volonté expresse de l'Exécutif de la IIe Internationale, a montré le chemin aux social-démocrates de gauche dans tous les pays.

Des accords de front unique se sont réalisés entre les communistes et les socialistes en Autriche, en Espagne, en Italie, et des actions de masse de la classe ouvrière sur la base du front unique ont eu lieu en Angleterre, aux États-Unis, en Pologne, en Tchécoslovaquie et dans beaucoup d'autres pays où les dirigeants des Partis socialistes de même que l'Exécutif de la IIe Internationale continuent à décliner tout accord avec les communistes.

Le mouvement de front unique des travailleurs se fraie la voie dans tous les pays capitalistes, quoi que fassent les chefs de la social-démocratie pour s'opposer dans la pratique à l'entente avec les communistes, quelle que soit chez les chefs la peur de l'influence révolutionnaire du front unique ·avec les communistes sur les masses qui les suivent.

Le mouvement pour le front unique signifie beaucoup plus que l'addition arithmétique des forces des deux partis ouvriers. La majorité de la classe ouvrière dans les pays capitalistes est inorganisée et dans beaucoup de pays elle suit encore les partis bourgeois. Le front unique du mouvement ouvrier signifie une telle augmentation de ses forces qu'il devient une force d'attraction puissante pour les masses prolétariennes jusqu'à présent sans conscience de classe, qu'il les détache des partis bourgeois et les entraîne dans la lutte de classe.

***

Le développement des événements historiques dépend aujourd'hui plus que jamais du degré de conscience et d'organisation de la classe ouvrière, d'une tactique habile et intelligente des communistes, de la puissance et des effectifs de l'Internationale communiste.

Le camarade Staline a dit dans son rapport au XVIIe congrès du P.C. de l'U.R.S.S. en janvier-février 1934[24]:

Certains camarades pensent qu'aussitôt que commence une crise révolutionnaire. force est à la bourgeoisie d'entrer dans une situation sans issue, que sa fin est donc déjà déterminée à l'avance, que la victoire de la révolution s'en trouve déjà assurée et qu'ils n'ont qu'à attendre simplement le renversement de la bourgeoisie et à écrire des résolutions de victoire. C'est une grave erreur; la victoire de la révolution ne vient jamais d'elle-même, il faut la préparer et remporter de haute lutte. Or, seul un fort parti prolétarien révolutionnaire peut la préparer et la gagner. Il y a des moments où la situation est révolutionnaire, où le pouvoir de la bourgeoisie est ébranlé jusqu'aux fondements, mais où la victoire de la révolution, néanmoins, n'arrive pas, parce qu'il n'y a pas de parti révolutionnaire du prolétariat possédant assez de force et d'autorité pour conduire les masses et pour prendre le pouvoir entre ses mains. Il serait absurde de croire que de pareils “cas” ne peuvent pas se produire.

Nous devons avouer que de pareils “cas” se répètent, que de pareils “cas” peuvent encore se répéter, si nous ne tenons pas compte de l'avertissement du camarade Staline et si nous ne faisons pas tout ce qui est possible et nécessaire pour renforcer les Partis communistes et veiller à ce qu'ils acquièrent la possibilité de conquérir la majorité du prolétariat.

La période entre les VIe et VIIe congrès mondiaux de l'Internationale communiste a été, comme je l'ai déjà dit auparavant, une période de revirement dans les masses ouvrières en faveur de la lutte révolutionnaire, une période d'accroissement rapide de l'influence des Partis communistes sur les masses et en même temps une période de consolidation organique et politique des Partis communistes.

Cette consolidation politique et organique des Partis communistes s'est réalisée dans la lutte contre les éléments de droite qui poussaient le Parti à capituler devant la social-démocratie. Aussitôt après le VIe congrès mondial, ce fut le soulèvement des droitiers contre la ligne du congrès: Brandler en Allemagne, un peu plus tard Lovestone[25] aux États-Unis, Jilek[26] en Tchécoslovaquie, Kilbom[27] en Suède, Sellier[28] et plus tard Doriot[29] en France.

Cependant, ni en Allemagne, ni aux États-Unis, ni en Tchécoslovaquie, ni en France, les opportunistes de droite n'ont réussi à entraîner à leur suite une partie tant soit peu importante des membres du Parti. Ce n'est qu'en Suède que le groupe de Kilbom réussit à scinder le Parti communiste de Suède, par suite d'un travail d'explication défectueux et des fautes des partisans de la ligne de l'IC, et à détacher de l'IC une partie des ouvriers révolutionnaires.

Dans la lutte contre les droitiers, de même que dans la lutte simultanée contre les conceptions sectaires “de gauche” menant le Parti à l'isolement des larges masses, les Partis communistes se sont suffisamment trempés pour se défendre de l'influence opportuniste.

Par suite de la consolidation au sein du Parti, grâce à l'expérience recueillie dans la nouvelle étape de lutte et d'éducation sérieuse des cadres, les Partis communistes sont parvenus à un nouveau degré, à un degré supérieur. On en trouve le témoignage dans les combats héroïques de l'Armée rouge chinoise à la tête de laquelle sont des paysans, des ouvriers agricoles, des étudiants, qui, au cours de ces sept années, ont été éduqués par le Parti et se sont développés en organisateurs et guides marquants des masses et en hommes d'État prolétariens.

On en trouve le témoignage dans le travail du Parti communiste d'Allemagne, dans le travail de ses cadres de base, qui malgré la désorganisation fréquente de la direction centrale par la Gestapo (police secrète d'État) et une atroce terreur moyenâgeuse, savent s'orienter d'une façon indépendante dans les questions politiques compliquées, publient des milliers de journaux illégaux et organisent la lutte des ouvriers contre les nationaux-socialistes. On en trouve le témoignage dans la tactique habile du PC de France qui a amené l'établissement du front unique et l'union des larges masses du peuple pour la lutte contre l'offensive des fascistes. On en trouve le témoignage dans les combats d'Octobre en Espagne, où cinq ans auparavant, il n'y avait encore qu'un insignifiant groupe de propagande communiste, dirigé par des éléments semi-trotskistes qui, plus tard, brisèrent avec l'IC, mais où au cours des dernières années, fut fondé un fort Parti communiste qui a dirigé les combats armés dans une importante partie des Asturies.

Les sept années écoulées ont montré au monde que partout où les masses travailleuses commencent la lutte contre le joug impérialiste, contre le rançonnement des travailleurs par la haute finance, les banques et les trusts, pour la défense de la liberté des peuples et pour la culture humaine, les communistes ont lutté dans les tout premiers rangs.

Au cours des sept années écoulées, le monde a pu se persuader de la fermeté et de l'abnégation, du dévouement illimité des cadres de l'Internationale communiste à la cause de la lutte pour la libération de tous les exploités et opprimés.

Souvenez-vous de l'attitude de Dimitrov au procès de Leipzig, rappelez-vous les procès contre Rakosi[30] en Hongrie, Antikaïnen[31] en Finlande, Fiete Schulze[32] en Allemagne, souvenez-vous de la mort héroïque des camarades Tsou-tsu-bo (Strakhov)[33], de Lütgens[34], Kofardjiev[35], souvenez-vous enfin des nombreux héros et victimes de la grande lutte de libération dans tous les pays du monde.

Face à l'abandon impétueux du réformisme par les masses, à la menace de la révolution prolétarienne, la bourgeoisie procède à la suppression des derniers vestiges des libertés démocratiques bourgeoises et des organisations du prolétariat, y compris celles des Partis social-démocrates et des syndicats.

Par suite de cette offensive de la bourgeoisie contre les organisations ouvrières, sur les 67 sections de l'Internationale communiste, dans les pays capitalistes, 22 sections seulement, dont onze en Europe, peuvent aujourd'hui travailler légalement ou semi-légalement, 45 sections, dont 15 en Europe, sont contraintes de travailler dans la plus stricte illégalité et dans les conditions de la terreur la plus cruelle. Dans le nombre, il y a quelques pays comme l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche, la Lettonie où les fascistes ont détruit toutes les organisations du prolétariat, y compris aussi celles des Partis social-démocrates et des syndicats et poussent de force les ouvriers dans les organisations fascistes.

Je passe maintenant à l'état d'organisation de nos sections. Dans tous les pays nos sections ont grandi politiquement et numériquement. Mais les progrès d'organisation ne répondent pas à l'accroissement de notre influence et il peut en résulter que les Partis communistes soient incapables de se montrer pleinement à la hauteur de la tâche formidable que .leur impose la situation politique dans la question de la direction des masses.

Les progrès d'organisation des sections de l'Internationale communiste dans les pays où le mouvement est légal se heurtent aujourd'hui, avant tout, à un certain nombre de défauts dans le recrutement de nouveaux membres, dans le travail de leur éducation, ainsi que dans le développement des organisations du Parti. C'est ce qui ressort tout particulièrement dans les fluctuations, c'est-à-dire que les nouveaux membres nouvellement gagnés au parti ou bien n'entrent pas réellement dans ses rangs, ou le quittent à nouveau au bout de quelques mois. Beaucoup parmi les ouvriers nouvellement affiliés au Parti sont politiquement encore peu éduqués, ne sont pas encore suffisamment actifs et disciplinés. Il faut donc que l'organisation du Parti s'occupe beaucoup d'eux pour en faire des communistes voulant lutter et des militants du Parti. Or, c'est précisément de cela que souvent les anciens membres se préoccupent fort peu. Le développement organique des sections de l'Internationale communiste dans les pays où le mouvement est illégal se trouve fortement entravé par les mesures de répression policière et par la peur de la pénétration de provocateurs dans l'organisation. Mais dans les sections illégales, les nouveaux adhérents, en règle générale, sont mieux éduqués, mieux disciplinés et plus actifs. Cependant là, également, de grands défauts se manifestent.

Très souvent les cellules ne sont pas des organisations politiques examinant les diverses questions politiques, ce qui ne s'explique nullement par les besoins éventuels de la conspiration. Les cellules ne sont souvent que des organisations qui encaissent les cotisations ou répartissent les fonctions du travail du Parti.

Dans beaucoup d'organisations, aussi bien dans les sections légales qu'illégales, règne une peur sectaire de l'afflux d'anciens ouvriers social-démocrates. Ce sectarisme, dans maintes organisations d'Allemagne, a atteint un tel point qu'on a établi pour les anciens social-démocrates des conditions spéciales d'admission ou qu'on les a groupés dans des cellules spéciales, en formulant même souvent, à leur égard, des exigences politiques trop élevées. Une telle façon de traiter les anciens social-démocrates témoigne d'une incompréhension totale du revirement qui se produit parmi les masses social-démocrates.

Ce revirement ressort de l'exemple de notre Parti autrichien qui, aujourd'hui, se compose, pour plus des 2/3, de camarades qui, il y a une année encore, étaient dans le Parti social-démocrate et sont aujourd'hui des membres fidèles, dévoués et actifs du Parti communiste d'Autriche. Et il en est ainsi non seulement des simples membres du rang de la social-démocratie, mais également des anciens militants social-démocrates.

Je voudrais ici indiquer deux secteurs particulièrement importants du travail d'organisation de nos Partis qui sont précisément les plus négligés, c'est le travail parmi les femmes et parmi les jeunes. Les prémices dans tous les pays sont des plus favorables, précisément à. l'heure actuelle, pour les gagner à la lutte révolutionnaire.

Le- travail des communistes dans les syndicats et dans les autres organisations groupant des masses ouvrières est la condition première, décisive pour le succès du travail de masse des communistes et pour la conquête des masses par les Partis communistes. Sans assurer leur influence sur les masses des membres de ces organisations, il ne saurait être question pour les Partis communistes de conquérir la majorité de la classe ouvrière.

Dans les pays où toutes les organisations ouvrières sont détruites par les fascistes, les communistes ne pourront toucher les grandes masses ouvrières s'ils n'utilisent toutes les possibilités légales ou semi-légales, s'ils ne travaillent dans les syndicats fascistes en Italie et en Autriche, ainsi que dans les rangs du soi-disant "Front du travail" en Allemagne, si dans ces organisations ils ne luttent pour conquérir l'influence sur les masses, pour leur direction.

Notre mot d'ordre, dans la lutte pour la conquête de la majorité du prolétariat pour le Parti communiste est: élargir le front, pénétrer plus profondément dans toutes les organisations de masse.

La tâche de notre travail au sein du Parti est: renforcer le Parti et élever le niveau politique de ses organisations.

D'une manière générale, je ne veux souligner tout particulièrement qu'un seul point. Un nombre de plus en plus grand de Partis communistes qui, au moment du VIe congrès mondial, n'étaient encore que de simples groupes de propagande, commencent aujourd'hui à se transformer en partis de masse et à devenir des facteurs politiques importants dans leur pays. Dans tous les Partis communistes des grands pays, il s'est déjà formé des organismes dirigeants fidèles à nos principes et capables de résoudre de façon indépendante, en se basant sur les décisions de nos congrès et assemblées plénières, les questions politiques et tactiques les plus complexes de leur pays.

Ce fait modifie les fonctions du Comité exécutif de l'Internationale communiste et permet au CE de l'IC de porter le centre de gravité de son activité sur l'élaboration de l'orientation politique et tactique fondamentale du mouvement ouvrier international, étant bien entendu que pour la solution de toutes les questions il faut partir des conditions concrètes et des particularités de chaque pays donné, se faire une règle d'éviter l'immixtion dans les questions d'organisation intérieure des différents Partis et venir en aide à tous les Partis pour la consolidation d'organismes dirigeants véritablement bolchéviks, dans la question de l'agitation, de la propagande et de l'utilisation internationale de l'expérience du mouvement communiste mondial.

Il faut que nous donnions à notre travail une impulsion beaucoup plus forte et il ne doit pas y avoir aujourd'hui, ni dans la politique intérieure et extérieure des pays, ni dans les rapports réciproques entre le Parti et les groupes, de questions sur lesquelles les communistes ne portent pas leur attention, au sujet desquelles ils ne prennent pas position, afin d'influencer tout le cours du développement historique.

***

Quelles sont les perspectives du développement mondial, quelles sont les perspectives de la révolution mondiale?

Le système capitaliste est ébranlé jusque dans ses fondements par le développement de la crise générale du capitalisme, par la crise économique mondiale, par le révolutionnement croissant des travailleurs et par les symptômes de la crise politique qui se manifestent dans nombre de pays.

Les forces de la bourgeoisie se sont affaiblies, les forces du prolétariat se sont consolidées. Le rapport des forces à l'échelle mondiale a changé en faveur du socialisme, au détriment du capitalisme.

L'Union soviétique est devenue le facteur le plus puissant et le plus important dans la lutte mondiale pour le socialisme. Si, au moment du VIe congrès mondial de l'IC elle était encore un État relativement faible qui ne possédait pas de grande industrie digne d'être mentionnée, aujourd'hui l'Union soviétique est devenue une grande puissance socialiste, regorgeant de forces au point de vue économique et politique, qui s'appuie sur une industrie lourde parachevée et sur la meilleure technique moderne.

Aujourd'hui l'Union soviétique, par l'ensemble de sa politique, a une influence de plus en plus forte sur les destinées du capitalisme mondial et sur le développement de la lutte pour la libération du prolétariat mondial et des peuples des pays coloniaux et dépendants. C'est dans cette influence de plus en plus croissante de la victoire du socialisme dans l'Union soviétique sur le développement mondial et sur la conscience des masses travailleuses des pays capitalistes que se manifeste l'importance mondiale de la victoire du socialisme dans un seul pays, car c'est une victoire qui ne peut rester isolée, mais qui mène à la victoire du socialisme dans le monde entier.

C'est dans la victoire du socialisme en U.R.S.S. et les perspectives illimitées du développement ultérieur de l'U.R.S.S., dans la voie du socialisme, que nous puisons l'assurance que notre influence sur les masses travailleuses du monde entier s'accroîtra avec une rapidité énorme, que la victoire du socialisme orientera vers le communisme la classe ouvrière de tous les pays et entraînera la victoire du socialisme dans le monde entier.

Mais le système capitaliste n'abandonnera pas sans lutte l'arène de l'histoire mondiale.

Le système capitaliste est affaibli, mais le capitalisme a réussi à remonter du point le plus bas de la crise économique. Cependant, trois ans après que fut dépassé ce point le plus bas de la crise, malgré l'influence notoire des préparatifs de guerre sur l'accroissement de la production, la production dans la majorité des pays n'a néanmoins pas atteint à nouveau le niveau de la période d'avant la crise.

Cette situation économique, qui est caractérisée par une dépression de nature particulière, qui condamne dans tous les pays capitalistes des dizaines de millions de chômeurs à la famine et à l'extinction et des centaines de millions d'ouvriers, de paysans, d'intellectuels, de petits bourgeois et d'esclaves coloniaux à l'indigence, a encore approfondi l'abîme entre le petit groupe de monopolistes du capital financier et les masses fondamentales du peuple vouées à la misère et au désespoir.

La foi dans le capitalisme, dans l'aptitude des chefs et des dirigeants de l'économie capitaliste et de l'État à trouver une issue à la crise et à arriver à une nouvelle prospérité est sapée parmi les larges masses du peuple. L'autorité des impérialistes est affaiblie dans les colonies, tous les fondements économiques, sociaux et politiques de la société bourgeoise sont ébranlés, de sorte que les classe dominantes elles-mêmes sont obligées de recourir à une démagogie anticapitaliste.

Telle est la situation qui, mettant sous les yeux des masses travailleuses de la façon la plus tangible le contraste entre le capitalisme et le socialisme, aggravera rapidement la lutte des opprimés contre leurs oppresseurs, fera rapidement grandir l'indignation des masses contre le régime capitaliste, portera à maturité la crise révolutionnaire et fera mûrir dans la conscience des masses prolétariennes de plus en plus larges l'idée de l'assaut du capitalisme.

Mais il peut arriver que dans quelques pays, l'économie capitaliste surmontant les conditions défavorables à son développement, connaisse encore un essor passager, que la bourgeoisie de ces pays trouve un allégement. Cependant, un tel essor de l'économie capitaliste dans les conditions de l'aggravation générale de la crise du capitalisme ne saurait amener la stabilisation et le reflux de la vague révolutionnaire. Au contraire, cela ne fera que renforcer la lutte entre les différents groupes de la bourgeoisie qui s'empresseront de profiter de la conjoncture améliorée, cela accentuera la lutte sur l'arène internationale, car les marchés sont protégés par de hautes barrières douanières, car en fin de compte l'essor d'un pays quelconque se fera aux dépens d'autres pays qui seront refoulés à l'arrière-plan.

Notre tâche est d'organiser ces masses travailleuses qui se lèvent contre le capitalisme en une armée révolutionnaire cohérente du prolétariat et de la conduire à l'assaut du capitalisme.

Notre congrès mondial doit raffermir la volonté de tous les prolétaires de mettre fin à la division dans la classe ouvrière, d'établir un large front unique capable de mobiliser les plus grandes masses du peuple pour la lutte contre l'offensive du Capital, contre le fascisme et la guerre.

Notre congrès mondial doit montrer au prolétariat la voie vers un parti révolutionnaire unique se plaçant sur le terrain inébranlable du marxisme-léninisme.

Nous, communistes, nous montrons aux masses la seule issue de la crise, l'issue des ouvriers et des paysans de l'Union soviétique, l'issue du pouvoir soviétique.

Notre tâche n'est pas seulement de montrer cette issue aux masses, mais de nous y engager avec elles, à leur tête.

Nous partons en lutte pour la liberté, pour la paix, pour le pain, pour le pouvoir soviétique, pour le socialisme.

Notre principal mot d'ordre est la lutte pour le pouvoir soviétique. Notre drapeau est le drapeau de Marx, d'Engels, de Lénine, de Staline!

Notre chef est Staline!

Sous ce drapeau pénétrons plus profondément dans les masses, resserrons nos liens avec les masses, élargissons le front unique avec le prolétariat!

Communistes! Soudez la classe révolutionnaire en une seule armée politique de millions d'organisés!

 

 

 

 

 



[1]. Les annotations sont formulées par nous en tenant compte d'éventuelles notes figurant dans la source [321ignition].

[2]. Le 30 janvier 1927, à Schattendorf, localité de la province du Burgenland, un groupe d'anciens combattants monarchistes ouvre le feu sur un défilé du Republikanischer Schutzbund (Ligue de protection républicaine), une organisation prolétarienne armée créée en 1923, liée à la social-démocratie. L'attaque fait deux morts, dont un enfant. Jugés le 14 juillet, les tireurs ‑ qui pourtant n'avaient nullement nié les faits ‑ sont acquittés. Le 15, une grève générale spontanée éclate et conduit à des affrontements autour du Palais de Justice de Vienne. La police fait usage d'armes à feu; le lendemain, les fusillades continuent encore. La Ligue de protection laisse d'abord les manifestants seuls face à la police; ensuite elle intervient, mais non armée, et contre les travailleurs en essayant de désamorcer leur action; finalement, exposée aux attaques meurtrières de la police, elle se retire. Au total on comptera 86 morts parmi la population, ainsi que 4 policiers; plus de 1000 blessés sont hospitalisés. Dès la nuit du 15 au 16 juillet, le Parti communiste d'Autriche (Kommunistische Partei Österreichs, KPÖ) diffuse une édition spéciale de son organe Die Rote Fahne énonçant les revendications formulées par le Parti: dissolution et désarmement de toutes les organisations fascistes, épuration de l'appareil d'état (police, armée, gendarmerie) d'éléments réactionnaires, armement des travailleurs. L'après-midi du 15 juillet, le Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche (Sozialdemokratische Arbeiterpartei Deutsch-Österreichs, SDAPDÖ) et les dirigeants syndicaux se décident à appeler à une grève générale de 24 heures ainsi qu'une grève illimitée des transports et des PTT, en adressant au gouvernement une série de revendications: fin des représailles, inculpation des responsables du carnage, convocation du Parlement. Le chancelier fédéral Ignaz Seipel rejette les revendications et remarque pour se moquer de la délégation, qu'en vue de la tenue d'une session du parlement, ils devraient "d'abord faire en sorte que les trains circulent à nouveaux, puisqu'autrement les députés ne peuvent pas se rendre à Vienne". Les social-démocrates annulent effectivement la grève des transports. Le 16 juillet, le Bulletin d'information de la social-démocratie (Mitteilungsblatt der Sozialdemokratie) écrit: "Plus est total, de la part des camarades, le respect de la consigne de rester aujourd'hui à la maison et de ne pas descendre dans la rue, d'autant plus efficace sera la prompte disposition du Schutzbund d'intervenir en cas de besoin." Puis le 7 aout, l'Arbeiter-Zeitung écrit: "Nous n'avons pas été vaincus dans le combat, c'est plutôt que nous avons évité le combat."

[3]Carl Zörgiebel (SPD).

En 1922, Zörgiebel est nommé Préfet de Köln, à partir de 1926 il est Préfet de Berlin. À l'occasion de la journée du Premier mai de 1929, il déploie contre le KPD une campagne planifiée de provocation et de répression meurtrière.

[4]Carl Severing (SPD).

En avril 1919, Severing est nommé commissaire du Reich et de l'état [Reichs- und Staatskommissar] pour la région industrielle de Rheinland-Westfalen (la Ruhr). En mars 1920, après la mise en échec du putsch Lüttwitz-Kapp, il procède à la répression des luttes armées organisées par les travailleurs de la région. Il est nommé ministre de l'intérieur de Prusse. En mars 1921 il dirige la répression contre le mouvement insurrectionnel en Allemagne du centre. En juin 1928 il entre comme ministre de l'Intérieur au gouvernement de coalition dirigé par Hermann Müller (SPD), auquel participent le Parti populaire allemand (Deutsche Volkspartei, DVP), le Parti du centre (Zentrumspartei, Zentrum) et le Parti démocratique allemande (Deutsche Demokratische Partei, DDP).

[5]. Il s'agit d'une allusion aux conceptions d'Alfred Mond.

Mond est un des principaux représentants du grand capital britannique du secteur de la chimie. Son père, ensemble avec John Brunner, avait fondé en 1873 une société, Brunner, Mond and Co. Alfred Mond poursuit le développement de l'entreprise qui en 1926, à travers la fusion avec d'autres sociétés, devient Imperial Chemical Industries (ICI), dont Mond est président. En novembre 1927, après des contacts exploratoires entre certains représentants des employeurs et la direction de la confédération syndicale britannique (Trade Union Congress, TUC), Mond ensemble avec quelques autres entrepreneurs, adresse une lettre au conseil général du TUC afin de solliciter l'ouverture de négociations directes entre les deux parties. Il écrit entre autre:

"Nous réalisons que la reconstruction industrielle peut être entreprise uniquement en conjonction avec, et avec la coopération de, ceux étant en droit et autorisés à parler pour les travailleurs organisés. C'est pourquoi la nécessité de toute action à prendre pour obtenir les mesures les plus complètes et rapides de reconstruction économique nous pousse à chercher la coopération immédiate de ceux qui sont intéressés en la matière aussi vitalement que nous-mêmes. Nous croyons que les intérêts communs qui nous lient sont plus puissants que les intérêts apparemment divergents qui semblent nous séparer."

["We realise that industrial reconstruction can be undertaken only in conjunction with and with the co-operation of those entitled and empowered to speak for organised labour. The necessity of every action being taken to achieve the fullest and speediest measures of industrial reconstruction therefore impels us to seek the immediate co-operation of those who are as vitally interested in the subject as ourselves. We believe that the common interests which bind us are more powerful than the apparently divergent interests which seem to separate."]

Ainsi, sous l'égide de Mond d'un côté et le président du TUC Ben Turner de l'autre, plusieures conférences se tiennent entre janvier 1928 et mars 1929, désignés communément comme "entretiens Mond-Turner" ou "Melchett-Turner" (étant donné qu'en 1928 Mond est élevé à la pairie sous le nom de Lord Melchett).

En 1929 Mond, dont les parents sont d'origine juive d'Allemagne, participe à la création de l'Agence juive pour Israël et il est désigné comme président du conseil de cette institution.

Le 11 mai 1928 au cours d'un voyage à Rome, Mond donne une interview qui ensuite est rapportée dans la presse britannique, qui attribue notamment à Mond une appréciation selon laquelle le fascisme "tend vers la réalisation de mes idéaux politiques" ["is tending towards the realisation of my political ideals"]. Interpelé à ce sujet par la direction du TUC, Mond explique:

"Mes références au fascisme étaient entièrement restreintes à son application en Italie. Je ne pense pas, et il ne m'est jamais venu à l'esprit que le fascisme en tant qu'idéal politique soit en une quelconque manière approprié à la méthode britannique ou le sentiment britannique. [...] Pour autant que le fascisme puisse avoir amélioré la coopération industrielle en Italie, sous les circonstances particulières de moment et de lieu, j'ai exprimé l'avis que l'Italie en avait tiré bénéfice. [...] Personne dans notre pays songera à tenter d'appliquer ni le bolchévisme ni le fascisme au progrès ordonné de notre propre pays. [...] C'est uniquement par le progrès ordonné et la coopération industrielle que peut être atteint un niveau de vie plus élevé, que nous tous espérons sincèrement voir progressivement appliqué à ce pays."

["My references to Fascism were entirely restricted to its application to Italy. I do not believe, and it has never occurred to me that Fascism as a political ideal is in any way suitable to the British method or British sentiment. (...) In -so far as Fascism may have improved industrial co-operation in Italy, under the peculiar circumstances of time and place, I expressed the view that Italy had benefited. (...) No one in this country would think of endeavouring to apply either Bolshevism or Fascism to the orderly progress of our own country. It is by orderly progress and industrial co-operation alone that the higher standard of living, which we all so earnestly hope to see progressively applied to this country, can be attained."]

(Les citations proviennent de: Trades Union Congress: Report of Proceedings at the Annual Trades Union Congress, t. 60, 1928.)

[6]En mi-janvier 1929 se tient à Berlin une conférence de l'Internationale syndicale rouge (ISR) à laquelle participent des délégués des pays d'Europe centrale et de la Grande-Bretagne. À des fins de camouflage, elle est désignée comme Conférence de Strasbourg.

[7]Heinrich Brandler.

Brandler fait partie du Groupe Spartakus formé à partir de 1915 autour de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, puis il est membre du Parti communiste d'Allemagne (Kommunistische Partei Deutschlands, KPD) fondé en décembre 1918. Au 2e congrès du Parti (octobre 1919) il est élu comme membre de la direction, en février 1921 il devient co-président (aux côtés de Walter Stoecker), en juillet 1922 il est désigné secrétaire du bureau politique. Du 10 au 29 octobre 1923 il fait partie d'un gouvernement régional social-démocrate-communiste en Sachsen. En janvier 1924 il est démis de ses fonctions dans le Parti (le 19 février Hermann Remmele est désigné comme secrétaire, Ernst Thälmann comme secrétaire adjoint). Il se rend Moscou, où il poursuit des activités en tant que membre du PCR. En octobre 1928 il revient en Allemagne. En décembre 1928 il est avec August Thalheimer l'un des principaux fondateurs du KPD-Opposition (KPD-O, aussi KPO). En janvier 1929 il est exclu du PCUS et de l'Internationale communiste.

[8]. Opposition syndicale rouge.

[9]. J. Staline: les Questions du léninisme, t. 1, p. 200, Paris, Éditions sociales internationales.

[10]. J. Staline: les Questions du léninisme, t. 1, p. 200, Paris, Éditions sociales internationales.

[11]. En 1886 est créé aux USA l'“American Federation of Labor” (“Confédération américaine du travail”, AFL). La présidence est assumée par Samuel Gompers. Celui-ci, pendant la Première guerre mondiale, est membre du Conseil national de la défense (Council of National Defense). À la fin de la guerre, le président Woodrow Wilson le nomme à la commission sur la législation internationale du travail dans le cadre de la conférence de Versailles. Il participe ainsi à la mise en place de l'Organisation internationale du travail. À la mort de Gompers en 1924 lui succède William Green. Durant toute une première période, l'AFL ne se préoccupe nullement d'organiser les ouvriers industriels non qualifiés. En 1935 John L. Lewis, de la fédération des mineurs, constitue au sein de l'AFL le “Committee for Industrial Organization” (“Comité d'organisation industrielle) qui rompt avec l'AFL en 1938 et prend le nom de “Congress of Industrial Organizations” (“Congrès d'organisations industrielles, CIO). Finalement, en 1955 AFL et CIO fusionnent pour constituer l'AFL-CIO.

[12]. En 1919, après la prise de fonction de Friedrich Ebert (SPD) comme président du Reich, Hermann Müller conjointement avec Otto Wels est élu comme président du SPD. En mars 1920, après la mise en échec du putsch Lüttwitz-Kapp, il devient chancelier du Reich à la tête d'un gouvernement de coalition incluant SPD, Parti démocratique allemand (Deutsche Demokratische Partei, DDP) et Parti du centre (Zentrumspartei, Zentrum); cependant les résultats des élections de juin conduisent à sa démission. Au Congrès du SPD de 1921 Müller obtient l'approbation d'une résolution qui autorise le parti à former au niveau national de même que celui régional des coalitions avec le Parti populaire allemand (Deutsche Volkspartei, DVP). En juin 1928 il forme un gouvernement de coalition incluant SPD, DVP, Zentrum et DDP, qui restera en place jusqu'en mars 1930.

[13]. Le 31 mars 1930, le gouvernement de coalition formé en juin 1928 (cf. note 12 ) est remplacé par un gouvernement avec à sa tête Heinrich Brüning du Parti du centre (Zentrumspartei, Zentrum), lequel se situe délibérément en dehors d'une coalition parlementaire figée. Le 18 juillet, à l'Assemblée nationale (le Reichstag), Brüning présente un décret signé d'avance par le président Paul von Hindenburg, qui dissout le Parlement. À partir d'octobre 1930, ont lieu de multiples rencontres des principaux acteurs politiques et économiques avec Adolf Hitler et d'autres représentants du NSDAP, dans le but de trouver d'une manière ou d'une autre une formule l'associant au gouvernement. Le 1er juin 1931 est constitué un gouvernement dirigé par Franz von Papen du Parti du centre. Le gouvernement déclare explicitement ne pas être une émanation des partis.

[14]. Le 13e Plénum du Comité exécutif de l'Internationale communiste se tient en décembre 1933.

[15]Le 21 septembre 1933 s'ouvre à Leipzig le procès concernant l'incendie du bâtiment de l'Assemblée nationale (le Reichstag). Georgi Dimitrov, Blagoï Popov et Vassili Tanev avaient été arrêtés le 9 mars et inculpés le 24 juillet. Le jugement est prononcé le 23 décembre. Marinus van der Lubbe est condamné à mort pour haute trahison et incendie volontaire, et exécuté le 10 janvier 1934. Dimitrov, Popov et Tanev sont libérés "pour manque de preuves" et expulsés vers l'URSS le 27 février 1934. Ernst Torgler (du KPD) qui avait été inculpé également, est libéré aussi, mais reste jusqu'en novembre 1936 en "détention préventive".

[16]. Le 8 janvier 1934 l’aventurier et affairiste Alexandre Stavisky, à l'origine de la faillite du Crédit Municipal de Bayonne, est retrouvé mort. Un scandale d’État est alors révélé par la presse: Stavisky avait soudoyé des parlementaires et des ministres du gouvernement radical-socialiste de Camille Chautemps. La droite se saisit de la révélation en dénonçant les corrompus et en pointant du doigt la franc-maçonnerie. Le Président Albert Lebrun appelle Édouard Daladier à la Présidence du Conseil pour remplacer Chautemps. Le Préfet de la Seine, Jean Chiappe, dont les sympathies pour les Ligues de droite sont connues, est muté à un poste au Maroc. Les Ligues décident alors d’occuper la rue le 6 février 1934. Toutefois, elles n’ont pas véritablement de ligne commune et vont défiler en ordre dispersé. On trouve l’Action Française monarchiste et organe du "nationalisme intégral" dirigée par Léon Daudet, Charles Maurras et Maurice Pujo; les Jeunesses Patriotes de Pierre Taittinger; l'UNC (Union Nationale des Combattants); les Croix de feu du Colonel François de la Roque. On trouve aussi des membres de mouvements plus radicalisés comme le Faisceau de Georges Valois (se revendiquant du fascisme italien), le Parti Franciste de Marcel Bucard, Solidarité Française du parfumeur François Coty et la Fédération des Contribuables. Ainsi, 30 000 manifestants défilent sans réelle coordination. L’UNC et l’Action Française convergent vers l’Assemblée Nationale. Mais la manifestation tourne à l’émeute. La Police de Paris, les Gardes Mobiles et les Gendarmes tirent. On dénombre plusieurs morts et des dizaines de blessés. Albert Lebrun accepte la démission de Daladier et rappelle Gaston Doumergue qui forme un Gouvernement d’Union Nationale, incorporant notamment le Maréchal Philippe Pétain, André Tardieu et Louis Barthou.

[17]En avril 1923 est fondé en Autriche le “Republikanischer Schutzbund” (“Ligue de protection républicaine”), une organisation prolétarienne armée, issue des services d'ordre des conseils d'ouvriers ainsi que des milices d'usine, formés durant les années 1918‑1919. De par les circonstances de sa création la Ligue de protection est liée au Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche (Sozialdemokratischen Arbeiterpartei Deutsch-Österreichs, SDAPDÖ). Au point culminant de son existence, il compte environ 80 000 membres.

En mars 1933 est organisé une grève des travailleurs et employés des chemins de fer. Le 4 mars au parlement doit avoir lieu un vote au sujet des mesures à prendre contre les grévistes. Sous des prétextes de procédure, le chancelier Engelbert Dollfuß déclare l´"autodissolution" du parlement. Désormais il gouverne sur la base d'une loi de pleins pouvoirs datant de 1917 et transforme la république en un "état corporatif autoritaire". Il interdit tous les partis y compris la Ligue de protection, à l'exception du Vaterländische Front (Front patriotique), de tendance social-chrétienne.

En janvier 1934 le régime procède à l'élimination complète des social-démocrates, le 24 des perquisitions pour confisquer les armes sont mises en oeuvre. La direction social-démocrate, notamment Karl Renner et Otto Bauer, adoptent une position de capitulation tacite. Une opposition de gauche au sein du parti se forme autour Richard Bernaschek qui au niveau de la province d'Oberösterreich (Haute-Autriche) est secrétaire du parti et président de la Ligue de protection. Le 12 février, au siège du parti à Linz, il s'oppose avec ses militants à une intervention de la police. À partir de là, se développent des affrontements armés au niveau national qui durent quatre jours. Le Parti communiste d'Autriche (Kommunistische Partei Österreichs, KPÖ) n'a que peu d'influence sur les évènements, notamment du fait qu'il n'a pas accès aux stocks d'armes de la Ligue de protection. La répression exercée par le pouvoir est meurtrière. Du 14 au 21 février, au moyen de procédures de loi martiale, sont prononcées 21 condamnations à mort, 9 personnes sont effectivement exécutées. Plus de 10 000 combattants sont arrêtés, dont 1200 sont condamnés à des peines de prison s'élevant à 1400 ans au total.

[18]. En Espagne, en 1933 le Parti radical dirigé par Alejandro Lerroux gagne les élections en coalition avec la Confédération espagnol de droites autonomes (Confederación Española de Derechas Autónomas, CEDA) dirigé par José Gil Robles. Lerroux préside un gouvernement formé de ministres de son parti, appuyé par la CEDA. À partir du début de 1934, se développe une tendance à la radicalisation du mouvement ouvrier. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (Partido Socialista Obrero Español, PSOE) est conduit à participer à des "Alliances ouvrières" orientées à s'opposer à la menace fasciste. Une telle structure se forme d'abord en Catalogne, sous l'influence du Bloc ouvrier et paysan (Bloque obrero y campesino, cf. note* ci-dessous). Cependant la Confédération nationale du travail (Confederación Nacional del Trabajo, CNT) anarchosyndicaliste ne se joint pas à ces mobilisations, sauf dans les Asturies où les organisations socialistes et anarchistes forment un Alliance Ouvrière en mars 1934. Le 4 octobre la CEDA entre au gouvernement, ce à quoi le PSOE réagit par un appel à la grève générale de protestation. Dans les Asturies, les travailleurs des mines forment des milices et prennent le contrôle des localités. Puis une troupe d'un millier de miliciens est envoyée pour investir Oviedo qui est la capitale de la région; ils réussissent à cerner les forces gouvernementales de la ville, lesquelles sont obligées à se retrancher. Dans les autres régions du pays, la grève générale va rapidement à l'échec. Les insurgés des Asturies sont la cible de troupes commandées par le général Francisco Franco; ils se rendent le 18 octobre. Dans l'ensemble, environ 2000 personnes meurent victimes de la répression.

* Le Bloc ouvrier et paysan est créé en mars 1931 par la fusion, d'une part du Parti communiste catalan (Partit Comunista Catalá) lequel s'était constitué en novembre 1923 en dehors du Parti communiste espagnol (PCE), et d'autre part de la Fédération Catalano-Balear du PCE laquelle rompt ainsi avec le parti.

[19]Manuel Azaña.

En 1925 Azaña crée le parti Action républicaine (Acción Republicana, AR). Suite à l'instauration de la 2e République en 1931, il préside un gouvernement comprenant notamment des ministres du Parti socialiste ouvrier espagnol (Partido Socialista Obrero Español, PSOE). Lui succède en septembre 1933 un gouvernement dirigé par Alejandro Lerroux.

[20]. Otto Bauer.

En 1900 Bauer adhère au Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche (Sozialdemokratische Arbeiterpartei Deutsch-Österreichs, SDAPDÖ). En 1904 il prend contact avec Karl Kautsky, qui dirige l'organe du Parti social-démocrate d'Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD), le Neue Zeit (Temps nouveau). Bauer collabore par la suite à ce journal, en 1907 il est chargé également de la direction du mensuel nouvellement créé, Der Kampf (Le combat) et fait partie aussi de la direction de l'organe du SDAPÖ, l'Arbeiter-Zeitung (Journal ouvrier). Au cours de la Première guerre mondiale, il est fait prisonnier par les troupes russes, il revient à Vienne après l'éclatement de la Révolution russe. Il devient collaborateur étroit du président du SDAPÖ, Victor Adler. Il prépare notamment le programme qui est adopté en novembre 1926 au Congrès de Linz du Parti. À l'issu des évènements de février 1934 (cf. note 17 ) il s'établit en exil en Tchécoslovaquie, à Brünn, où il est l'un des principaux membres du Bureau à l'étranger des social-démocrates autrichiens (Auslandsbüro der österreichischen Sozialdemokraten, ALÖS). En mars 1938 il se rend à Bruxelles. Décision est prise de dissoudre l'ALÖS et de créer la Représentation à l'étranger des socialistes autrichiens (Auslandsvertretung der österreichischen Sozialisten, AVOES) au sein de laquelle sont représentés le SDAPÖ et les membres de l'organisation Socialistes révolutionnaires (Revolutionäre Sozialisten).

Les positions défendues par Bauer se caractérisent notamment par l'insistance sur la démocratie comme élément fondamental pour le passage du capitalisme au socialisme. Il tente néanmoins de camoufler ses conceptions bourgeoisies par un semblant de soutien au pouvoir de dictature du prolétariat instauré en URSS. Pour cela, au sujet de ce qu'il considère être une absence de démocratie en URSS, il déclare que cela se justifie par le retard de développement dont souffre l'économie de ce pays. Voici ce qu'il écrit entre autre:

"L'industrialisation rapide de la Russie doit être obtenu au prix de la famine. [...] Tous les bouleversements sans précédents se sont accomplis sous une dictature terroriste et peuvent s'accomplir uniquement sous un tel régime. Seulement une dictature terroriste peut obliger un peuple de plus de cent-cinquante millions d'hommes à supporter au nom d'un futur, des privations aussi lourdes dans le présent. Seulement la dictature terroriste peut imposer le déplacement par la contrainte des forces de travail vers les nouvelles régions industrielles. Seulement la dictature terroriste peut obtenir par la force la collectivisation des entreprises agricoles, éliminer par la violence les koulaks."

["Die schnelle Industrialisierung Rußlands muß erhungert werden [...] Die gesamte beispiellose Umwälzung vollzog sich unter einer terroristischen Diktatur und kann sich nur unter ihr vollziehen. Nur eine terroristische Diktatur kann ein Volk von mehr als hundertfünfzig Millionen Menschen zwingen, um einer größeren Zukunft willen so schwere Entbehrungen in der Gegenwart auf sich zu nehmen. Nur die terroristische Diktatur kann die zwangsweise Verschiebung der Arbeitskräfte in die neuen Industriegebiete durchsetzen. Nur eine terroristische Diktatur kann die Kollektivierung der bäuerlichen Wirtschaften erzwingen, die Kulaken gewaltsam vernichten."]

(Otto Bauer, Kapitalismus und Sozialismus nach dem Weltkrieg - Band 1 - Rationalisierung-Fehlrationalisierung, Berlin, Büchergilde Gutenberg, 1931. Cf. Werkausgabe, Band 3, Wien, Europa Verlag, 1976, p. 899 et p. 907.)

Karl Kautsky, connu pour ses attaques frontales contre le bolchévisme, publie un article, "Die Aussichten des Sozialismus in Sowjetrußland" ("Les perspectives du socialisme en Russie soviétique") dirigé contre ces efforts de conciliation de la part de Bauer. Dans une lettre adressée à Eduard Bernstein, il évoque son propre texte dans les termes suivants:

"[...] un article contre Otto Bauer, lequel considère que pour les Russes la méthode bolchéviste convient pas mal. Il y aurait deux voies au socialisme, la démocratie et la dictature, la voie européenne et celle asiatique. Et pour l'Autriche, semi-Asie, il semble que les deux voies soient praticables."

["(...) ein Artikel gegen Otto Bauer, der meint, für die Russen sei die bolschewistische Methode ganz gut. Es gebe zwei Wege zum Sozialismus, die Demokratie und die Diktatur, den europäischen und den asiatischen Weg. Und für Österreich, Halbasien, sieht er wohl beide Wege gangbar."]

(Cf. Eva Bettina Görtz, Éd.: Eduard Bernsteins Briefwechsel mit Karl Kautsky 1912‑1932, Frankfurt, Campus Verlag, 2011.)

[21]. Francisco Largo Caballero.

En 1894 Largo Caballero adhère au Parti socialiste ouvrier espagnol (Partido Socialista Obrero Español, PSOE) dont le président est Pablo Iglesias. En 1918 Largo Caballero est élu secrétaire général de l'Union général de travailleurs (Unión General de Trabajadores, UGT) également présidé par Iglesias. À la mort de ce dernier, Julián Besteiro Fernández assume la présidence des deux organisations. Durant la dictature de Primo de Rivera (1923‑1930) Largo Caballero adopte une position de collaboration avec le régime. Avec l'instauration de la 2e république en 1931, Besteiro refuse de participer à la formation du gouvernement et démissionne de sa fonction de président du PSOE; par la suite, en 1932 Largo Caballero est désigné pour lui succéder et en 1934 il le remplace en outre dans le poste de secrétaire général de l'UGT. Cependant en 1935 il abandonne la présidence du PSOE. En septembre 1936, après l'éclatement de la guerre civile, il est nommé président du gouvernement et ministre de la guerre. En 1939 il passe en France, il est détenu par le gouvernement de Vichy jusqu'en 1945.

[22]. Julius Deutsch.

À partir de 1909 Deutsch fait partie du secrétariat central du Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche (Sozialdemokratischen Arbeiterpartei Deutsch-Österreichs, SDAPDÖ). En 1919 il est nommé secrétaire d'état pour les questions de l'armée. Il oeuvre à l'organisation d'une armée nommée “Force de défense populaire allemand-autrichienne” (“Deutschösterreichische Volkswehr”) formée principalement de volontaires venant de la social-démocratie. En conformité avec les dispositions du Traité de Saint-Germain-en-Laye signé le 10 septembre 1919 entre l'Autriche et les puissances alliées vainqueurs, lequel autorise seulement la création d'une petite armée professionnelle, la Volkswehr est dissoute. Ses membres sont en partie intégrés dans le “Republikanische Schutzbund” (“Ligue de protection républicaine”) créé en avril 1923 sous la direction de Deutsch. À l'issue des combats de février 1934 (cf. note 17 ) Deutsch, de même qu'Otto Bauer, s'établit en Tchécoslovaquie où ils installent le Bureau à l'étranger des social-démocrates autrichiens (Auslandsbüro der österreichischen Sozialdemokraten, ALÖS). De 1936 à 1939 Deutsch se trouve en Espagne aux côtés des troupes républicaines, puis il se rend aux USA.

[23]. Cf. note 17 .

[24]. J. Staline: Deux Mondes, pp. 16‑17, Paris, Bureau d'éditions, 1934.

[25]Jay Lovestone.

En 1915 Lovestone adhère au Parti socialiste d'Amérique (Socialist Party of America, SPA). En février 1919 il participe à la constitution d'une aile gauche favorable à l'orientation du PCR(b). La direction du SPA réagit avec des exclusions massives, ce qui conduit en juillet à la création du Parti communiste des États-Unis (Communist Party of the United States, CPUS). En 1927 Lovestone est désigné comme secrétaire national du parti. En mai 1929 il est la cible de critiques de la part du Comité exécutif de l'Internationale communiste, William Z. Foster le remplace comme secrétaire national. Lovestone participe alors à la création d'un nouveau parti, nommé d'abord Communist Party (Majority Group) puis Communist Party (Opposition), Independent Communist Labor League et finalement en 1938, Independent Labor League of America. Parallèlement Lovestone assume diverses fonctions dans l'appareil de la Confédération américaine du travail (American Federation of Labor, AFL) et noue des liens avec la CIA qui finance certaines activités de l'AFL.

[26]. Bohumil Jilek.

Avant la Première guerre mondiale, Jilek adhère au Parti socialiste tchèque. En 1921 une aile gauche se sépare du parti et fonde le Parti communiste tchécoslovaque, dont Jilek devient membre du comité central, et secrétaire. En octobre 1922 il est exclu du Parti avec six autres membres du Comité central, mais en novembre le Comité exécutif de l'Internationale communiste annule cette décision, Jilek reste membre du parti mais est démis de ses fonctions de direction. Après le 3e congrès du Parti en 1925 il est à nouveau secrétaire. En 1926 il participe au 7e plénum élargi du CE de l'IC, au 9e plénum en 1928 il est élu membre du présidium. Au 6e congrès de l'IC il est confirmé dans ces fonctions. Au 5e congrès du Parti en février 1929, il est démis de ses fonctions de dirigeant, et exclu en juin. Par la suite il coopère avec le Parti socialiste tchèque.

[27]. Karl Kilbom.

En Suède, le Parti communiste est issu du Parti social-démocrate à travers deux scissions successives de 1917 et 1921. En 1924 le Parti communiste subit à son tour une scission: une fraction majoritaire sous la direction de Zeth Höglund quitte le Parti et rejoint en 1925 le Parti social-démocrate. En 1929 le Parti communiste se divise une nouvelle fois par la séparation d'une fraction menée par Kilbom, le Parti communiste ayant maintenant comme dirigeants Sven Linderot et Hugo Sillén. Dans un premier temps, jusqu'en 1934, la fraction de Kilbom utilise le nom de Parti communiste, puis se nomme Parti socialiste. En 1937 Kilbom avec la majorité de ce Parti socialiste rejoint le Parti social-démocrate.

[28]. Louis Sellier

Sellier adhère à la SFIO en 1909. Avec le congrès de Tours en décembre 1920 il suit la création du PCF, il est membre du Comité directeur. Il participe au 1er plénum élargi du Comité exécutif de l'Internationale communiste tenu en février‑mars 1922 où il est élu au Présidium, puis au 2e plénum élargi en juin de la même année. En octobre il est exclu du Comité directeur du Parti. À l'issue du 4e congrès de l'IC qui se tient en novembre-décembre 1922, est constituée au sein du PCF une nouvelle direction dont Sellier fait partie. En janvier 1923, après la démission d'Oscar Louis Frossard (dit Ludovic Oscar Frossard), il devient avec Albert Treint l'un des deux secrétaires du Parti. Au congrès du Parti de janvier 1924 il est nommé secrétaire général et membre du Bureau politique. En juin-juillet 1924 il participe au 5e congrès de l'IC et devient membre du CE. En aout Pierre Sémard le remplace comme secrétaire général du Parti. Toutefois Sellier est reconduit dans ses fonctions au Comité directeur et au Bureau politique jusqu'en 1929, mais il est exclu du Parti en novembre de cette année. En décembre 1929 est constitué le Parti ouvrier paysan (POP) avec comme principal dirigeant Sellier. En décembre 1930 le POP fusionne avec le Parti socialiste-communiste (un avatar d'organisations créées en 1922-1923 par des exclus du PCF, dont Frossard) pour former le Parti d'unité prolétarienne (PUP) qui survit jusqu'en 1937. En 1937 Sellier rejoint la SFIO et en juin 1940 il vote en faveur des pleins pouvoirs pour Pétain.

[29]. Jacques Doriot.

En 1916 Doriot adhère aux Jeunesses socialistes. Au congrès de Tours il suit la création du PCF. Il participe au 3e congrès de l'Internationale communiste, devient en 1922 secrétaire général des Jeunesses communistes, puis en 1924 en prend la direction et entre au Comité directeur du Parti. À la suite d'une conférence nationale du Parti tenue en juin 1934, est annoncée l'exclusion de Doriot. En juin 1936 il crée le Parti populaire français (PPF), au sein duquel il est rejoint par d'anciens communistes (dont Henri Barbé), d'anciens maurassiens, d'anciens Croix de feu (comme Pierre Pucheu) ainsi que, entre autres, Bertrand de Jouvenel, Pierre Drieu la Rochelle. À partir de 1940, Doriot choisit la collaboration, il est nommé membre du Conseil national instauré par Vichy. Le 8 juillet 1941, il appuie la création de la Légion des volontaires français (LVF), en novembre 1944 il est intégré dans le SS (Schutzstaffel, c'est-à-dire escadron de protection).

[30]. Mátyás Rákosi.

Rákosi adhère au Parti social-démocrate hongrois (Magyarországi Szociáldemokrata Párt, MSzDP) en 1910. Pendant la Première guerre mondiale en 1915 il est fait prisonnier par les troupes russes. En avril 1918, il est échangé contre un prisonnier de guerre russe, il retourne en Hongrie et participe à la création du Parti communiste hongrois (Magyar Kommunista Párt, MKP) en novembre 1918. Il est arrêté en février 1919, puis libéré en mars. Il fait partie de la direction de la République de Conseils, de mars à juillet. Après la chute de la République des conseils le 1er aout 1919, il émigre à Vienne, où il est arrêté. Libéré en mai 1920, il se rend en Russie. Il participe au 2e Congrès de l'Internationale communiste (juillet-aout 1920). À l'issue du 3e Congrès de l'IC (juin-juillet 1921), il est élu secrétaire du Comité exécutif de l'IC et le reste jusqu'au 4e Congrès (novembre-décembre 1922), ensuite il occupe le poste de secrétaire adjoint du CE de l'IC jusqu'au 5e Congrès (juin-juillet 1924). Il participe au congrès de réorganisation du Parti avec Bêla Kun et d'autres en aout 1925 à Vienne. Il est arrêté en septembre, condamné l'année suivante à huit ans et demi de prison; après avoir purgé la peine il est inculpé à nouveau, condamné à la prison à vie. Absent lors du 7e Congrès de l'IC (juillet-aout 1935), il est élu au Présidium du CE. En octobre 1940, il est mis en liberté dans le cadre d'un échange de prisonniers politiques entre les gouvernements soviétique et hongrois. De 1940 à 1944 il dirige le Bureau à l'étranger du Parti à Moscou; revenu en Hongrie en février 1945, il devient secrétaire général.

[31]. Toïvo Antikaïnen.

Antikaïnen participe à la fondation du Parti communiste de Finlande en aout 1918. À partir de 1923 il est membre du Comité central, puis à partir de 1925, du Bureau politique. Il est arrêté en 1934 et après avoir été libéré il se rend en URSS en 1940.

[32]. Fiete Schulze.

En 1913 Schulze adhère au SPD, en 1919 il passe à l'USPD, puis en 1920 il suit l'unification de l'aile gauche de l'USPD avec le KPD. Il participe activement, à Hamburg, à la tentative d'insurrection organisée par le KPD en octobre 1923. Il quitte l'Allemagne, revient illégalement en 1925, puis se rend à Moscou, finalement il rentre à nouveau en Allemagne en 1932. Pour la direction locale du KPD du district Wasserkante* il constitue une unité d'autodéfense. Il est arrêté le 16 avril 1933, condamné à mort en mars 1935 et exécuté.

* À l'époque le district Wasserkante rassemblait des territoires correspondant maintenant à Schleswig-Holstein, Hamburg, ainsi que la partie nord-est de Niedersachsen.

[33]. Tsou-tsu-bo (Strakhov).

Autres transcriptions: Tsiou Tsiou-Bo, Tsiui Tsube, Qu Qiubai.

Qu Qiubai s'engage d'abord dans le Mouvement du 4 mai 1919. Ce jour-là se déroule une vaste manifestation d’étudiants sur la place Tian’anmen, à Pékin, pour protester contre le traitement réservé à la Chine par les puissances signataires du traité de Versailles, le mois précédent. Ultérieurement, à partir de cet évènement se développe un mouvement culturel. Le Parti communiste chinois est créé en 1921, avec comme principaux dirigeants Chen Duxiu et Li Dazhao. En 1920 Qu entame un séjour en Union soviétique, où il adhère au PCC en 1922. Après son retour en Chine en 1923, il est élu au Comité central au 3e congrès du Parti. En 1924 il est élu comme membre suppléant du Comité central exécutif du Guomindang. En 1927 il tient un rôle dirigeant au cours de la deuxième insurrection ouvrière de Shanghai, l'insurrection échoue. Avec la rupture entre le Guomindang et le PCC, Qu se trouve en opposition à Chen Duxiu. Celui-ci est écarté de la direction, le 5e Congrès du Parti, en aout, élit un nouveau Bureau politique préside par Qu. En juin 1928 se tient le 6e congrès du Parti, à Moscou. Qu est remplacé par Xiang Zhongfa, mais reste au Bureau politique. Au 6e congrès de l'Internationale communiste en juillet il est élu au Comité exécutif de l'IC. En juillet 1930 l'IC l'envoie en Chine. En janvier 1934 il reçoit l'ordre de la direction du PCC de rejoindre la base de la République soviétique chinoise de Ruijin, où il est nommé Commissaire à l'éducation dans le gouvernement présidé par Mao Zedong. Lorsqu' en octobre débute la Longue marche, il est laissé dans le Jiangxi, il est capturé par les troupes du Guomindang. Il est condamné à mort, et exécuté le 18 juin 1935.

[34]Le 2 juin 1933, un tribunal spécial fasciste établi à Altona (maintenant partie de Hambourg) prononce des condamnations à mort à l'encontre d'August Lütgens, Walter Möller, Karl Wolff et Bruno Tesch. Il s'agit d'une machination dont l'origine réside dans des évènements survenus le 17 juillet 1932: durant des affrontements à Altona entre un cortège de la SA (Sturmabteilung, c'est-à-dire section d'assaut) et des habitants du quartier, deux membres de la SA avaient été tués. Peu après déjà, la justice avait construit des accusations alléguant un complot communiste et en automne 1932 les quatre personnes citées avaient été placées en détention provisoire, puis la procédure avait été abandonnée, mais les résultats de l'enquête servent de base à la justice fasciste. Lütgens, Möller, Wolff et Tesch sont exécutés le 1er aout.

[35]. Nikola Kofardjiev.

Kofardjiev adhère au Parti Communiste bulgare en 1922. En 1925 il émigre en URSS. De 1926 à 1928 il est Secrétaire du Comité central de l'Union des Jeunesses communistes de Bulgarie. Entre 1928 et 1930, il travaille au Comité exécutif de l'Internationale Communiste de la Jeunesse. À partir de 1930 il est Secrétaire du CC du Parti communiste de Bulgarie. En Bulgarie, suite aux élections de juin 1931, est formé un gouvernement porté par une coalition dite "Bloc populaire", dirigé par Alexandre Malinov, du Parti démocrate bulgare. Le 19 mai 1934, un groupe d'officiers mené par le colonel Damyan Velchev effectue un coup d'état, Kimon Georgiev est désigné pour diriger un nouveau gouvernement, le roi Boris III abdique. La constitution, datant de 1879, est suspendu, tous les partis politiques sont interdits par un décret du 14 juin. Ultérieurement, Boris reprend le pouvoir en main, le 22 janvier 1935 il charge le général Pentcho Zlatev de former un nouveau gouvernement, puis le 18 avril il investit un gouvernement dirigé par Andrey Toshev. En octobre 1931 Kofardjiev est assassiné dans la rue au cours d'un accrochage avec la Police.