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Dimitri Manuilski 11e Plenum du Comité exécutif de l'Internationale
communiste 26 mars 1931 |
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Source: D.-Z. Manouilski: Les partis communistes et la crise du capitalisme - Rapport à la XIe Assemblée plénière du Comité exécutif de l'Internationale communiste[1], Paris, Bureau d'éditions, 1931, pp. 48‑56 [2]. |
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[...] Le fascismeAu développement des contradictions et de l'offensive de l'impérialisme dans les rapports internationaux correspond, à l'intérieur des États capitalistes, une accentuation de la lutte de classe, un renforcement de la dictature bourgeoisie, qui prend de plus en plus des formes franchement fascistes pour écraser les travailleurs. La réaction politique qui, en tant que système gouvernemental, s'est accentuée dans tous les pays capitalistes au fur et à mesure du développement de l'impérialisme, constitue un second aspect de ce dernier, celui de son offensive intérieure. Le régime du fascisme ne représente pas un type nouveau de gouvernement; il n'est qu'une des formes de la dictature bourgeoisie dans la phase impérialiste. Le fascisme est un produit organique en quelque sorte de la démocratie bourgeoise. Le processus de passage de la dictature bourgeoise à des formes de répression ouverte contre les travailleurs constitue l'essence même de la fascisation de la démocratie bourgeoisie. Il n'existe nulle part aujourd'hui de démocratie bourgeoise du type qui caractérisait les révolutions bourgeoises du siècle dernier; en fait, nous avons des formes bourgeoises démocratiques de dictature capitaliste dans l'époque impérialiste et de crise générale du capitalisme, c'est-à-dire des démocraties bourgeoises en voie de fascisation. L'ensemble des États capitalistes modernes offre l'aspect d'un agrégat composé d'États fascistes (Italie, Pologne) et de démocraties bourgeoises pénétrées d'éléments fascistes et arrivées à des stades divers de fascisation, comme par exemple la France et l'Angleterre. Même les pays qui sont encore actuellement au stade de la révolution bourgeoise-démocratique, comme par exemple le Mexique et d'autres pays de l'Amérique latine dans l'entourage mondial impérialiste, franchissent l'étape menant aux formes fascistes de dictature bourgeoise dans un laps de temps très court, dont les jours et les semaines correspondent à des années et des décadres de l'histoire des démocraties bourgeoises européennes. Marx a dit que la démocratie bourgeoise est une forme de tournant historique, non une forme de conservation de la bourgeoisie. En prenant une forme démocratique, la bourgeoisie achetait la participation active du prolétariat aux révolutions bourgeoises démocratiques. Mais, le lendemain de la prise du pouvoir par elle, cette forme évoluait vers la réaction politique. D'où cette première déduction que, seul un libéral bourgeois peut opposer la démocratie bourgeoise actuelle au régime fasciste, la considérer comme une forme politique procédant d'un type différent. En l'opposant ainsi au fascisme, la social-démocratie trompe consciemment les masses, leur cache le fait que l'État capitaliste moderne représente la dictature de la bourgeoisie aussi bien lorsqu'il revêt la forme d'une démocratie bourgeoise en voie de fascisation que lorsqu'il adopte la forme ouverte du fascisme. Mais la seconde et très importante déduction est qu'on ne saurait méconnaitre les étapes du développement de la fascisation des états capitalistes; que, pour l'élaboration d'une ligne tactique et juste, il faut soigneusement analyser et étudier les conditions et facteurs concrets accélérant le processus de la fascisation de la bourgeoisie et de l'État bourgeois. Les erreurs qui ont été commises dans certaines sections en ce qui concerne le fascisme montrent que les unes (du groupe Kostjeva en Pologne) tendaient à opposer au fascisme le principe de la démocratie bourgeoise alors que d'autres (Autriche et Finlande) se réduisaient en fait à la négation des étapes dans le développement de la dictature fasciste. Les unes et les autres étaient dues à l'absence d'une analyse concrète du degré d'acuité de la lutte de classe, de celui de la crise des milieux dirigeants, de celui, par conséquent, de la fascisation des partis bourgeois. L'erreur opportuniste du groupe Kostjeva n'a pas consisté dans l'assimilation du social-fascisme au fascisme, mais dans le fait que ce groupe n'a pas discerné le degré avancé de la fascisation du Parti socialiste polonais dans les conditions concrètes de la Pologne. L'établissement de la dictature fasciste peut se faire de différentes manières: progressivement, par ce qu'on appelle la voie "sèche", elle se produit là où une forte social-démocratie désarme le prolétariat en l'exhortant à respecter la légalité, livre ses positions une à une au fascisme et le mène à la capitulation, comme ce fut le cas en Autriche. En Allemagne, on travaille aussi de cette façon là à l'établissement du fascisme par "voie sèche". Mais c'est précisément parce qu'il existe en Allemagne un fort parti communiste, mobilisant chaque jour les ouvriers pour la lutte contre la dictature bourgeoise fasciste, que la méthode autrichienne d'établissement de la dictature fasciste en Allemagne est impossible. La forme fasciste de la dictature bourgeoise n'est pas seulement le produit de processus "objectifs" dans le camp des classes dirigeantes, mais un produit du rapport des forces de classe. L'établissement de la dictature fasciste suppose soit une retraite du prolétariat (sans lutte ou avec lutte même), soit sa défaite temporaire dans la lutte. Un autre mode d'établissement de la dictature fasciste (Italie, Pologne) est le coup d'État fasciste. Prenant, en ce qui concerne les rapports entre les diverses cliques bourgeoisies se combattant, un caractère de vaudeville, de tels coup d'État sont exclusivement dirigés contre le prolétariat, classe opprimée qui menace la société capitaliste d'une révolution générale. Mais dans l'un et l'autre cas, l'établissement de la dictature fasciste demeure, dans une égale mesure, une contre-révolution préventive. Fréquemment, on considère ces "révolutions" fascistes comme l'instauration de la dictature fasciste ou sa consolidation définitive. Cela est faux. Le fascisme italien a réalisé la plupart des tâches de fascisation après la "marche sur Rome"[3]. La social-démocratie, en particulier, spécule sur le fantôme de la "révolution fasciste", et endort la vigilance des ouvriers au sujet de la fascisation par la voie "sèche". Mais il y a également des communistes qui, hypnotisés par l'idée de la "révolution fasciste", pensent que la lutte contre les fascistes commence à partir du moment où ceux-ci descendent en armes dans la rue pour réaliser le "coup d'État". La théorie du "fascisme coup d'État" procède en fait d'une conception absolument superficielle, parlementaire du fascisme. L'élément décisif dans le fascisme serait soi-disant l'abolition du Parlement, la liquidation des institutions de la démocratie bourgeoise. En réalité, ce qui constitue l'élément essentiel du fascisme ‑ c'est son offensive ouverte contre la classe ouvrière par toutes les méthodes de la contrainte et de la violence; c'est la guerre civile contre les travailleurs. La suppression de tous les vestiges de la démocratie bourgeoisie n'est qu'un résultat accessoire, secondaire de cette ligne fondamentale décisive, de l'offensive de classe contre le prolétariat. D'ailleurs, la suppression du Parlement sous la dictature fasciste n'est point obligatoire, exemple: la Pologne. Souvent nous voyons des camarades souligner, dans leurs définitions du fascisme, les traits que ceux-ci eux-mêmes font particulièrement ressortir quand ils parlent de leur régime de brigandage, comme, par exemple, le caractère corporatif de l'État fasciste, l'idéologie nationaliste renforcée ("la Grande Italie", "Le Troisième Empire"), ainsi que toute l'enveloppe moyenâgeuse dont le fascisme entoure son offensive, etc. Mais ce n'est pas là non plus l'essence du fascisme, c'est plutôt un revêtement idéologique qui montre toute l'incapacité des classes dirigeantes de donner à l'époque de crise générale du capitalisme de nouvelles idées, et la nécessité pour elle d'évoquer le passé, de même que le tsarisme russe, qui, à la veille de sa chute, tentait d'évoquer les temps de Minine et de Pojarski ou d'Ivan Kalita. La forme corporative de l'État n'est destinée en réalité qu'à masquer l'établissement d'une dictature bourgeoise ouverte sur la classe ouvrière. L'idéologie nationaliste ne sert en fait qu'à envelopper l'offensive impérialiste très moderne des États capitalistes. Le fascisme n'est pas une réminiscence du moyen-âge, c'est le produit du capitalisme monopolisateur, basé sur la concentration et la centralisation du capital (trusts et cartels) aboutissant à une centralisation monstrueuse de tout l'appareil d'oppression des masses, avec intégration dans cet appareil des partis politiques, de l'appareil de la social-démocratie, des syndicats réformistes, des coopératives etc. Le fait contribuant à donner un caractère monstrueux aux formes idéologiques du fascisme est qu'il représente la façade politique du capitalisme en décomposition. Mais cette idéologie rétrograde est mêlée à des attributs idéologiques de la démocratie bourgeoise de l'époque du capitalisme monopolisateur, avec la théorie du "capitalisme organisé", de "la démocratie économique", de "paix industrielle", du "capitalisme d'État ère nouvelle des rapports sociaux", de l´"État au-dessus des classes", etc. Le fascisme, qui n'a pas inventé la poudre, n'a pas non plus inventé ces théories, il les a empruntées toutes faites à la social-démocratie, en les enveloppant de formules moyenâgeuses. Et cette communion idéologique est la meilleure preuve de l'affinité qui existe entre le fascisme et le social-fascisme. C'est ce que dit la social-démocratie elle-même par la bouche d'Albert Thomas: "Le socialisme et le fascisme ne diffèrent que dans leurs méthodes. Ils représentent, l'un comme l'autre, les intérêts des ouvriers". Cela est encore confirmé par le changement de base sociale de la social-démocratie, qui s'oriente de plus en plus vers les couches constituant la base de masse du fascisme (petite bourgeoisie, employés, etc.). Cette idéologie et cette base sociale communes découlent de ce facteur essentiel que le fascisme et le social-fascisme servent dans une égale mesure les intérêts du capitalisme en décomposition, au stade de sa crise générale. La social-démocratie fait l'apologie non seulement du capitalisme en général, mais du capitalisme en décomposition, et elle assume la responsabilité de l'existence de ce capitalisme, avec toutes ses contradictions et toutes ses conséquences. Au commencement de 1930, Renner[4] écrivait (Gesellschaft, n° 2, 1930)[5]: La guerre civile détruit notre économie à tel point qu'il devient indifférent, en fin de compte, de savoir qui est vainqueur et qui est vaincu! Les deux parties sont réduites à la misère, et, dans l'état actuel de l'économie mondiale, elles sont incapables de se relever. Renner dit ensuite: Les intérêts de la classe ouvrière, à l'heure actuelle, dans l'état présent de l'évolution économique et politique, s'identifient presque toujours avec l'intérêt général suprême; l'intérêt général suprême ‑ c'est l'économie "générale", c'est-à-dire l'économie capitaliste en voie de décomposition. Ici, l'ancienne notion de "la défense de la patrie", au nom de laquelle la social-démocratie poussa les ouvriers de tous les pays à la boucherie en 1914, est dépassée; la social-démocratie pose ouvertement, cyniquement, en tant qu'idée centrale au stade de la crise actuelle, la tâche de sauver le capitalisme, expirant même sous l'action de facteurs objectifs. Qu'y a-t-il donc de décisif dans le fascisme au point de vue de notre tactique? Tout d'abord, l'offensive de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, les coups successifs portés à ses organisations révolutionnaires ‑ partis communistes, syndicats rouges et autres organisations de masse; le but est d'écraser le mouvement ouvrier révolutionnaire en exterminant son noyau actif par la destruction physique ou les arrestations en masse, la suppression de la presse ouvrière, l'abolition d la liberté, déjà restreinte par la démocratie bourgeoisie, de la parole, de réunion, de participation ouvrière aux élections, par un système de terreur inouïe à l'égard des ouvriers, par l'écrasement dans le sang de chaque mouvement du prolétariat, par l'attribution d'un pouvoir illimité au patronat. Cet écrasement du mouvement ouvrier s'accompagne soit de l'incorporation par la violence de tous les ouvriers dans les organisations fascistes (Italie), soit d'un partage de l'influence entre fascistes et social-fascistes, ces derniers devenant les agents du fascisme au sein de la classe ouvrière (Pologne). Dépassant même les méthodes tsaristes d'étouffement du mouvement ouvrier, le fascisme base sa domination sur l'esclavage économique et politique d la classe ouvrière avec la dictature bourgeoise et perfectionne le système de l'asservissement du travail à l'État capitaliste. Deuxièmement, la bourgeoisie, aidée par le fascisme, s'efforce d'annihiler la lutte de classe en lui substituant une offensive unilatérale de la classe capitaliste contre les travailleurs; il réalise la fameuse "collaboration de classe" de la démocratie bourgeoise par des méthodes de violence ouverte, aussi bien économiquement que politiquement. Il abolit le droit de grève, en le remplaçant par le système de l'arbitrage obligatoire, que, d'un trait de plume, on incorpore dans le code du travail des démocraties bourgeoisies en voie de fascisation. La notion de l´"État au-dessus des classes" lui sert, comme à la social-démocratie, de moyen d'étouffer la lutte de classe du prolétariat, en rejetant le langage hypocrite de la démocratie bourgeoise, ce qui donne à l'oppression de la dictature bourgeoise un caractère de plus en plus franc et cynique. Troisièmement, la bourgeoisie, aidée par le fascisme, transforme définitivement les organisations syndicales réformistes ou même les nouveaux syndicats fascistes, spécialement créés par lui, en instruments de coercition de l'État capitaliste, tout comme la police, les tribunaux, la caserne, la prison. S'efforçant ainsi d'incorporer des couches isolées de la classe ouvrière dans le système de dictature fasciste, renforçant à l'extrême la capacité d'oppression de l'appareil d'État, le fascisme tend à parachever dans le domaine politique, ce que fait dans le domaine économique le système du travail à la chaine, c'est-à-dire transformer l'ouvrier en un appendice de toute la machine d'oppression capitaliste. Quatrièmement, le capitalisme monopolisateur remplace le vieux système des partis politiques par une organisation terroriste semi-militaire ou militaire du Capital, qui prend la forme d'un "parti fasciste unique", adapté aux buts de guerre civile. Ce réarmement de la bourgeoisie s'exprime premièrement par la réorganisation de ses forces armées en une armée mécanisée des cadres; deuxièmement par la formation, parallèlement à cette armée, de détachements spéciaux de cadres fascistes. On délaisse l'ancien type d'armée, basé sur le principe du service obligatoire, parce qu'il peut menacer d'insurrections révolutionnaires. Dans cette période de guerres et de révolutions, la bourgeoisie craint d'armer le peuple. De là l'idée d'une armée mercenaire, d'une armée de cadres, mécanisée, d'une armée de spécialistes dans l'art d détruire les hommes. Le porte-parole de ces tendances est le général anglais Fuller. Fuller défend l'idée d'une "petite armée de machines", c'est-à-dire une "armée de chevaliers cuirassées" composée de fascistes à toute épreuve. Aux ouvriers et paysans, chair à canon, il assigne un rôle d'auxiliaire, d'armée d'occupation, à laquelle on ne saurait confier de puissants engins de guerre. Le général allemand Seckt[6] se prononce également pour une petite armée de mercenaires; il se base en cela sur l'expérience de la dernière guerre et surtout sur l'exemple de l'armée russe, "qui a succombé par suite de sa complète désagrégation". La bourgeoisie rêve d´"une garde bourgeoise d'élite" hautement mécanisée et qui aura pour tâche de porter le premier coup à l'adversaire et d'assurer les cadres dirigeants de la "grande" armée, du "peuple armé". Cette même idée, sous couleur de "réduction des armements" est soutenue en fait par la social-démocratie. En même temps, on voit se multiplier partout, dans les pays capitalistes, les détachements fascistes armés (les casques d'acier[7] en Allemagne, les streletz en Pologne, les schutzkor en Finlande, la Heimwehr[8] en Autriche, etc.). Pour juger de la force numérique de ces troupes fascistes, il faut savoir que l'organisation polonaise des streletz compte plus de 600.000 membres, dont 1.000 officiers et 5.000 sous-officiers, qui s'occupent de la préparation militaire constante des autres membres de l'organisation; en Roumanie, l'organisation des "Voinici" compte 200.000 membres. En Finlande, une seule organisation fasciste féminine, la "Lotta Sviard" compte 50.000 membres ayant reçu une préparation militaire. En outre, il existe dans tous les pays des organisations patriotiques, sportives, boys-scouts et autres, qui, au fond, sont également des organisations fascistes. La "Ligue polonaise de défense aérienne et chimique" compte 500.000 membres, la "Légion britannique" 500.000 membres, etc. Le fascisme pourrait-il réaliser toute cette politique de brigandage sans avoir une certaine base de masse? Certes, non! Le capitalisme monopolisateur développe le déclassement des couches de la société, par suite de la ruine de paysans, petits producteurs, artisans et commerçants, d'une surproduction de cadres techniques, de l'augmentation du nombre des commissaires et en général de gens vivant de revenus fortuits. Les villes modernes des pays capitalistes regorgent d'éléments de ce genre, parmi lesquels se recrutent les criminels de droit commun, les prostituées et les aventuriers de toutes sortes. Dans les périodes critiques, comme, par exemple, après la fin de la guerre mondiale, cette armée de déclassés a vu ses rangs grossir par l'afflux d'officiers sans emploi, dont l'unique profession était l'art de tuer et qui procurèrent des bandes à tous les aventuriers d'alors: Mussolini, d'Annunzio[9], Noske[10], Kapp[11] et autres. La crise actuelle augmente encore le nombre des éléments déclassés. Par la corruption politique, la bourgeoisie en voie de fascisation fait de ces éléments le squelette de son mouvement; ce dernier englobe encore la petite bourgeoisie urbaine, les paysans riches, une grande partie des étudiants, des ecclésiastiques, des militaires, etc. Pour retenir dans son camp toute cette masse de ses partisans extrêmement bigarrée et sujette à des fréquentes fluctuations, pour gagner certaines couches de la classe ouvrière, le fascisme doit recourir à une démagogie grossière, unissant les exigences réactionnaires les plus inouïes à une phraséologie presque socialiste. L'existence de l'Union soviétique, dont la création a ouvert l'ère des révolutions prolétariennes, et le développement de l'esprit révolutionnaire parmi les masses, obligent le fascisme à s'adapter à l'époque actuelle, à lancer des appels "révolutionnaires", contre la démocratie bourgeoise prostituée. En spéculant sur la misère et la détresse des masses, entrainant dans la politique les couches passives de la population, en détruisant l'influence de la social-démocratie, un des solides piliers du capitalisme, en brisant par sa politique de violence ouverte les préjugés profondément enracinés de la légalité bourgeoise, le fascisme, produit de la crise capitaliste, accentue lui-même l'instabilité du système capitaliste, prépare sa propre ruine et la ruine de tout ce système. Mais la défaite du fascisme n'est point assurée. Elle ne le sera qu'en face d'une lutte active de la classe ouvrière, organisée et dirigée politiquement par un parti communiste fort, mobilisant les masses dans une haine de classe contre le fascisme. Souvent, cette haine de classe profonde, farouche du fascisme ne se traduit pas complètement dans la politique des communistes, qui, de même que les masses, se laissent jusqu'à un certain point hypnotiser par la phraséologie "presque révolutionnaire" du fascisme. Il est inexplicable que la presse communiste ait pu parler des fascistes comme des ennemis de l'ordre existant. Duquel? Du régime de la dictature bourgeoise, ou seulement de la forme parlementaire de ce régime? Mais ce n'est pas ce qui détermine la nature du fascisme. Le fascisme n'est point ennemi de la dictature bourgeoise; il est au contraire sa forme la plus nette. On ne saurait lutter contre le fascisme sans lutter contre toutes les formes de la dictature bourgeoise, contre toutes ses mesures réactionnaires frayant la voie à la dictature fasciste. Et cela signifie premièrement qu'il faut, pour lutter contre le fascisme, dénoncer systématiquement les mensonges social-démocrates; en effet, ces mensonges couvrent le caractère contre-révolutionnaire de la dictature bourgeoise, de phrases sur la "démocratie", paralysent ainsi la classe ouvrière dans sa lutte contre la dictature du Capital et endorment sa vigilance au sujet du fascisme qui monte. Cela signifie deuxièmement que seule une lutte résolue des communistes contre la dictature bourgeoise, qui revêt encore la forme de la démocratie bourgeoise, assurera le succès dans la lutte contre le fascisme. Cela signifie, en troisième lieu, que la lutte contre le fascisme, de même que la lutte contre la guerre doit être menée non seulement lorsque canons et mitrailleuses sont entrés en action, mais tous les jours, contre toutes les formes de l'offensive du Capital, dans le domaine économique, comme dans le domaine politique. Le développement du fascisme pose devant les partis communistes les tâches suivantes: Large défense des ouvriers contre les bandes fascistes par la création dans les entreprises d'organismes de lutte de masse sur la base du plus large front unique avec les ouvriers social-démocrates; renforcement du travail parmi la jeunesse ouvrière qui n'a connu ni la guerre ni la révolution; lutte sans répit pour la jeunesse ouvrière contre le fascisme, contre l'Église catholique et protestante, les organisations à caractère militaire qui empoisonnent la jeunesse avec leur propagande réactionnaire; renforcement du travail parmi les chômeurs et lutte contre l'influence fasciste parmi cette catégorie; création de gardes ouvrières pour défendre la presse et les organisations de la classe ouvrière, la vie des militants révolutionnaires les plus actifs contre le fascisme qui saccage et assassine; propagande, organisation et réalisation de grèves politiques de masse, un des moyens de lutte les plus efficaces contre le fascisme; lutte pour l'hégémonie du prolétariat sur les éléments laborieux, semi-prolétariens et petit-bourgeois des villes et des campagnes, avant tout par le renforcement des organisations révolutionnaires du prolétariat, par la mobilisation de ces masses autour de mots d'ordre de lutte concrets, contre les impôts ruineux, contre le renchérissement de la vie et la politique des prix pratiquée par les trusts et cartels, contre la spéculation bancaire, contre l'usure et le paiement des fermages, pour la confiscation de la terre, pour le programme des revendications du prolétariat rural, contre toutes les formes d'oppression nationale (économique, politique, culturelle). [fin de la section "Le fascisme"] |
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[1]. Le 11e Plenum du Comité exécutif de l'Internationale communiste se tient du 26 mars au 11 avril 1931.
[2]. Les annotations sont formulées par nous en tenant compte d'éventuelles notes figurant dans la source [321ignition].
[3]. Le 28 octobre 1922 les fascistes organisent la "marche sur Rome", une démonstration de force qui a pour résultat, le 30, la formation d'un gouvernement dirigé par Benito Mussolini. Auparavant, celui-ci avait fondé le Parti national fasciste (Partito Nazional Fascista, PNF) en novembre 1921, et en juin 1922, des syndicats fascistes s'étaient constitués en se réunissent en une Confédération générale des syndicats nationaux. La répression policière frappe certes les communistes. Néanmoins, après une vague d'arrestations en février 1923, leurs procès se terminent, en octobre, par l'acquittement. Finalement, entre janvier 1925 et mars 1929, Mussolini met peu à peu en place une dictature qui s'appuie sur un état aux prérogatives étendues, incarné par son chef (Il Duce). Sur la base de la loi de décembre 1925, celui-ci est uniquement et personnellement responsable devant le roi. À compter de janvier 1926, l'exécutif légifère sans restriction, par décrets-lois. En novembre 1926, après une tentative d'assassinat contre Mussolini, les "lois de défense de l'État" ("leggi per la difesa dello Stato") suppriment la liberté de presse, interdisent les partis politiques autres que le PNF, réorganisent la police sous l'égide de l'OVRA (Organisation de vigilance et de répression des antifascistes) et créent un Tribunal de défense de l'État. Ainsi l'État est doublé d'un parti unique, chapeauté par un Grand Conseil du Fascisme, qui choisit les candidats aux élections législatives et peut en présenter au poste de chef de gouvernement en cas de vacance du pouvoir (lois de 1928). À compter de 1929, le PNF est pleinement inscrit dans les institutions; la Chambre des députés, si elle est maintenue jusqu'en 1938, lui est de fait subordonnée.
[4]. Karl Renner.
Après la chute de la monarchie en Autriche, Renner, appartenant au Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche (Sozialdemokratischen Arbeiterpartei Deutsch-Österreichs, SDAPDÖ), forme le premier gouvernement de la République nouvellement instaurée; il est également membre de l'Assemblée constituante. Il est considéré comme un des représentants du dit "austromarxisme". Lorsque, à partir de janvier 1934, le régime procède à l'élimination complète des social-démocrates, la direction du SDAPÖ, notamment Karl Renner et Otto Bauer, adoptent une position de capitulation tacite. Cependant au sein du parti se forme une opposition de gauche. Le 12 février, ces militants réagissent face à une opération policière, des affrontements armés se développent au niveau national durant plusieurs jours. Renner est arrêté et reste quelques mois en prison. Le 3 avril 1938 le Neues Wiener Tagblatt publie une interview dans lequel Renner accueille favorablement l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne.
[5]. Karl Renner: "Grundsätzliches zum Kampf der österreichischen Sozialdemokratie gegen den Faschismus", Die Gesellschaft, Berlin, Jg. 7 (1930/1), pp. 130‑140.
[6]. Hans von Seeckt.
Von Seeckt est d'abord Chef de l'état-major [Truppenamt] d'octobre 1919 à mars 1920, puis chef de l'armée dans le cadre du ministère de la défense de juin 1920 à octobre 1926. Durant les années 1930‑1932 puis 1934‑1935 il tient un rôle en Chine comme conseiller du général Chiang Kaï‑chek, dirigeant du Guomindang. En 1935 il est nommé chef d'un régiment d'infanterie.
[7]. L'organisation “Stahlhelm, Bund der Frontsoldaten” (“Casque d'acier, Ligue des soldats du front”) est créée en décembre 1918 à Magdeburg par l'officier de réserve Franz Seldte. En 1930 elle est avec environ 500 000 membres la plus puissante fédération de défense d'Allemagne. En octobre 1931 le Casque d'acier, le NSDAP et le Parti populaire national-allemand (Deutschnationale Volkspartei, DNVP) forment le “Harzburger Front” (“Front de Harzburg”). En 1934 le Casque d'acier est intégré dans la SA (Sturmabteilung, c'est-à-dire Section d'assaut) en tant que “NS-Frontkämpferbund” (“Ligue des combattants du Front - National-socialiste”), puis l'organisation est dissoute en 1935.
[8]. En Autriche, par ce terme “Heimwehr” (“milice patriotique”) (ou les variantes Heimatschutz, Heimatwehr, Heimwehren) on désigne, collectivement, un ensemble d'unités de milices volontaires formées initialement après la 1e guerre mondiale, puis regroupées au niveau de différentes provinces.
[9]. Le Traité de Londres de 1915 n'avait pas accordé à l'Italie le port de Fiume (Rijeka en croate) et son arrière-pays. La décomposition de l'Empire austro-hongrois à la fin de la guerre amène l'Italie à réitérer ses revendications territoriales sur la côte est de l'Adriatique. Après la signature de l'armistice de Villa Giusti (Padoue), le 3 novembre 1918, les troupes italiennes occupent un certain nombre de ports de la côte Adriatique dont celui de Fiume où un Comité National Italien réclame le rattachement à l'Italie. En réaction, la ville est réinvestie par des troupes des puissances alliées vainqueurs. À la conférence de la Paix qui s'ouvre à Paris en janvier 1919 les alliés imposent la décision de rattacher la Dalmatie au futur État yougoslave avec création d'un État libre pour Fiume et son arrière-pays. Certains officiers italiens ne pouvant se résoudre à un tel abandon, ils décident de faire appel au poète nationaliste Gabriele d'Annunzio qui prend la tête d'environ 2000 volontaires et s'empare de la ville le 12 septembre 1919, la déclarant annexée au royaume d'Italie. En novembre 1920, suite à la signature du traité de Rapallo avec le royaume des Serbes, Croates et Slovènes pour régler les différends territoriaux entre les deux États, les forces italiennes interviennent pour reprendre la ville en main, puis en mars 1922, les fascistes chassent le gouvernement locale dominé par les autonomistes, et en mars 1924 Fiume est annexé à l'Italie. Avec le traité de Paris de 1947, la ville de Fiume, qui reprend son nom croate de Rijeka, sera attribuée à la Yougoslavie.
[10]. Gustav Noske.
En 1884 Noske adhère au Parti ouvrier socialiste d'Allemagne (Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands, SAPD), qui en 1890 adopte le nom de Parti social-démocrate d'Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD). De 1906 à 1918 il est député pour le SPD. En 1914 il publie un livre "Kolonialpolitik und Sozialdemokratie" ("Politique coloniale et social-démocratie"), favorable à la politique coloniale de l'Allemagne. Durant la Première guerre mondiale il soutient la position de défense nationale. En décembre 1918, il devient membre du Conseil des mandatés du peuple. En janvier 1919 il dirige l'écrasement, avec le concours de corps francs, de la tentative d'insurrection révolutionnaire. En février il est nommé ministre de la défense et met en oeuvre la reconstruction des forces armées. En mars 1920, au moment de la mise en échec du putsch Lüttwitz-Kapp, il est forcé de démissionner sous la pression des travailleurs en lutte. De 1920 à 1933 il occupe le poste de président [Oberpräsident] de la province Hannover.
[11]. Wolfgang Kapp.
L'article 160 du Traité de Versailles prescrit la réduction de l'armée allemande à 100 000 soldats de métier, et la dissolution des corps francs composés de volontaires. Pour atteindre ces limitations, à partir d'été 1919 environ 200 000 soldats de corps francs sont renvoyés. En particulier, sur ordre des puissances alliées vainqueurs doit être dissoute la brigade de marine de Hermann Ehrhardt. Le général le plus haut gradé de l'armée (dénommée à cette époque Reichswehr provisoire), Walther von Lüttwitz, refuse d'appliquer cette disposition. Le 13 mars 1920, à la tête de la brigade de marine d'Ehrhardt, qui est sous ses ordres, il occupe le quartier gouvernemental de Berlin et nomme Wolfgang Kapp, un fonctionnaire de l'administration prussienne, comme chancelier. Cependant les travailleurs réagissent par la grève générale et la résistance armée, de sorte qu'après quatre jours le putsch est mis en échec.