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La question du chômage

 

 

Le texte reproduit ci-dessous a été publié par le CEMOPI.

 

 

 

 

 

 

Source:

Bulletin international
Nouvelle série n° 10 (92), Premier Trimestre 1999
édité par le CEMOPI
(Centre d'étude sur le mouvement ouvrier et paysan international),
France

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Le chômage, phénomène organique au-delà des formes circonstancielles -
Sommaire

 

 

 

 

 

 

Au fur et à mesure du développement de machines, installations et procédés de fabrication selon des techniques de plus en plus avancées, l'industrie connaît une tendance à la réduction de la part relative du travail humain direct. Pendant ce temps, le chômage reste, tout autant qu'à l'époque de la "révolution industrielle" au siècle dernier, une caractéristique fondamentale de la société capitaliste.

Pour les capitalistes cette situation comporte des éléments négatifs en ce sens que: premièrement, la mesure qui les guide, le taux de profit, diminue puisque justement il reflète la proportion entre respectivement le travail humain, seule source créatrice de valeur nouvelle, et la valeur contenue dans les investissements matériels; deuxièmement, la population se trouvant au chômage constitue une réserve "inexploitée" au sens précis du terme tel qu'il caractérise les rapports d'exploitation du travail salarié par le capital.

Cependant, l'objectif du capital étant de réaliser le maximum de profit, le chômage ne le préoccupe que de manière indirecte. Pour les capitalistes, le taux de chômage n'est pas une grandeur qu'il faudrait ramener à zéro, mais tout au plus un indicateur reflétant l'évolution de la conjoncture, et ils l'interprètent uniquement sous cet angle. En témoigne l'observation suivante commentant une chute des cours en bourse consécutive à une période de baisse du chômage:

Ce sont de "trop bons" chiffres indiquant en juin une baisse du chômage, à son plus bas niveau depuis six ans (5,3 %), et une hausse sans précédent en un mois depuis les années 60 des salaires (+ 0,8) qui ont effrayé[1].

Pour le capital, il s'agit en premier lieu de faire produire le plus de valeur possible par chaque ouvrier individuellement. Pousser au plus haut degré l'exploitation intensive et extensive des ouvriers occupés constitue l'objectif prioritaire, par rapport à l'accroissement du nombre d'ouvriers employés. Ce fait est affiché ouvertement dans l'affirmation suivante: "Ce n'est pas la réduction du temps de travail, mais son augmentation, ainsi que l'allongement de la vie professionnelle, qui permettraient aujourd'hui de résoudre le problème du chômage [...][2]." Dans le même sens, Denis Kessler, en tant que vice-président du CNPF, affirme que "l'idée de la retraite à soixante ans est périmée" et qu'il faut "se préparer à un relèvement de l'âge de la retraite, comme partout ailleurs dans le monde"[3]. Ce n'est que sur cette base-là que le capital tend à se mettre en oeuvre le plus massivement possible afin de réaliser cette extorsion de plus-value à l'échelle la plus grande.

I.

Les mécanismes de la concurrence incitent les capitaux autonomes, pris à part, à produire les marchandises dans des conditions qui abaissent leur valeur individuelle au-dessous de leur valeur sociale. Bien que cela puisse se faire en partie par l'accentuation du taux d'exploitation au-delà de la moyenne, le principal levier, agissant à grande échelle et selon une tendance ascendante continuelle, c'est l'élévation de l'efficacité technique et sociale des moyens matériels de production, par l'introduction de nouveaux procédés et schémas d'organisation.

En premier lieu il convient de rappeler brièvement quelques éléments concernant la façon dont le processus de développement des forces productives se réalise dans le cadre du mode de production capitaliste. Pour cela, on fera ci-dessous quelques calculs sur un cas d'école, traitant d'un capital mis en œuvre selon une certaine composition. Celle-ci est fixée de façon arbitraire; les chiffres utilisés sont choisis de manière à rendre les calculs simples et les ordres de grandeur ne sont donc pas conformes à une quelconque réalité technique.

Le but de ce développement est de faire ressortir la signification concrète des politiques qui peuvent être menées pour maintenir un certain taux de profit à chaque changement de paramètres.

Partons d'une situation où les éléments intervenant dans la production se répartissent de la façon suivante (il s'agit de valeurs, dont on suppose les quantités mesurées directement en heures de travail):

-    capital fixe (installations, etc.): valeur = 72 heures

-    capital circulant (matières premières, etc.): valeur = 3/8 heure, par ouvrier et heure travaillée

-    capital variable (salaire): valeur = 4 heures, par ouvrier et journée

-    durée du travail: 8 heures par journée

-    nombre d'ouvriers: 3

Dans ces conditions, le taux de profit est de 1/8 (valeur arrondie). Pour déterminer cette valeur, on calcule le capital total employé selon la formule: (capital fixe) + (nombre d'ouvriers) × ((capital circulant) + (capital variable)). Cela donne: 72 + 3 × (3/8 × 8 + 4) = 93. La plus-value produite s'élève à 3 × (8 ‑ 4) = 12. Le taux de profit est donc de 12 : 93 = 4 : 31 » 1 : 8.

À partir de là, la situation peut être modifiée de différentes manières.

a) Si une amélioration technique permet de réduire d'un quart (c'est-à-dire d'un facteur de 3/4) le temps nécessaire à la production des marchandises, alors pour produire la même quantité qu'auparavant, 2  1/4 ouvriers suffisent (puisque 3 × 3/4 = 9/4). Le taux de profit aura cependant baissé, il sera de 1/10. En effet, compte tenu du fait que le capital circulant par ouvrier et heure passe à 3/8 : 3/4 = 1/2, le capital total employé s'élève maintenant à 72 + 9/4 × (1/2 × 8 + 4) = 90; la plus-value produite est de 9/4 × (8 ‑ 4) = 9; cela donne un taux de profit de 9 : 90 = 1 : 10. Il faut souligner qu'en calculant ainsi, on suppose que la modification du procédé de fabrication laisse la valeur du capital fixe inchangée. Dans la réalité, l'introduction d'innovations entraîne en général une augmentation des investissements nécessaires, ce qui accentuera la diminution du taux de profit.

b) Au lieu de considérer une réduction du nombre d'ouvriers, on pourrait écourter le temps de travail, en l'occurrence 6 heures par jour au lieu de 8 suffiraient (puisque 8 × 3/4 = 24/4). Par là, le taux de profit passerait à 1/15 (valeur arrondie). Le capital total employé s'élève à 72 + 3 × (1/2 × 6 + 4) = 93 (c'est-à-dire sa valeur initiale, bien que décomposée différemment); mais la plus-value produite est de 3 × (6 ‑ 4) = 6 et donc le taux de profit devient 6 : 93 = 2 : 31 » 1 : 15. Ce taux de profit est alors inférieur à ce qu'il était dans le cas a) (1/10). C'est pourquoi évidemment le capitaliste refuse de substituer aux licenciements la réduction du temps de travail, du moins toutes choses égales par ailleurs.

c) Pour lui, logiquement, la réduction du temps de travail devrait s'accompagner d'une baisse des salaires. Partant des données supposées, il faudrait que le salaire passe de 4 à 4 × 3/4 = 3 pour assurer un taux de profit de 1/10. Dans cette hypothèse, le capital total employé correspond à 72 + 3 × (1/2 × 6 + 3) = 90; la plus-value produite est de 3 × (6 ‑ 3) = 9 et le taux de profit de 9 : 90 = 1 : 10.

d) Plutôt que de supposer comme constante la quantité de marchandises produites, on peut envisager le cas où leur volume augmenterait comme conséquence de l'efficacité accrue du processus de production. De ce point de vue, il y a deux façons de réaliser le taux de profit de 1/10 avec des salaires inchangés de 4.

Une solution consiste à fixer le nombre d'heures de travail à 7  3/19 = 136/19, en gardant un nombre d'ouvriers de 3. Le capital total employé devient alors 72 + 3 × (1/2 × 136/19 + 4) = 1800/19; la plus-value produite est de 3 × (136/19 ‑ 4) = 180/19 et le taux de profit 180/19 : 1800/19 = 1 : 10.

Une alternative consiste à adopter bien un horaire journalier réduit de 6, mais à faire passer le nombre d'ouvriers de 3 à 5  7/13 = 72/13.

Le capital total employé devient alors 72 + 72/13 × (1/2 × 6 + 4) = 1440/13; la plus-value produite est de 72/13 × (6 ‑ 4) = 144/13 et le taux de profit 144/13 : 1440/13 = 1 : 10.

Ces deux cas de figure exigent cependant que la valeur produite soit réalisée intégralement par la vente de la totalité des marchandises, dont le volume est en augmentation par rapport à la situation initiale. Par ailleurs, les calculs ne tiennent pas compte d'une éventuelle nécessité de faire intervenir des capitaux fixes supplémentaires (sous la forme de machines pour les ouvriers nouvellement embauchés, par exemple).

e) En partant du cas b), une alternative à la réduction des salaires (cas c)) consiste à diminuer la valeur du capital fixe. Si cette dernière passe de 72 à 39, on aura bien, avec 3 ouvriers et un horaire journalier de 6 pour un salaire de 4, un taux de profit de 1/10. C'est que le capital total employé s'élève à 39 + 3 × (1/2 × 6 + 4) = 60; la plus-value produite est de 3 × (6 ‑ 4) = 6 et le taux de profit de 6 : 60 = 1 : 10.

Rappelons que de toute façon, le taux de 1/10 résultant de l'abaissement de la valeur individuelle des marchandises, est inférieur au taux d'environ 1/8 qui caractérisait la situation initiale. Pour retrouver ce dernier taux, il faudrait donc ‑ parallèlement au changement technique ‑ accentuer encore les facteurs permettant de diminuer le capital total (capital fixe et salaires).

À première vue ces jongleries avec des chiffres peuvent paraître abstraites. Elles correspondent pourtant à des aspects qui caractérisent concrètement les enjeux économiques autour de la question du chômage. Le point de départ, c'est la baisse tendancielle du taux de profit qui marque l'évolution de la production capitaliste. L'accumulation du capital à une échelle toujours plus grande s'accompagne du remplacement continuel des hommes par des machines. Parmi les situations développées ci-dessus, il y a en particulier la deuxième solution de d), qui correspond à la version idyllique du "partage du travail", c'est-à-dire la réduction du temps de travail accompagnée d'une augmentation du nombre d'ouvriers, avec maintien des salaires. Or ceci suppose une extension des marchés qui ne pourra venir des ouvriers nouvellement embauchés puisqu'ils n'achètent pas leur propre produit, en tout cas pas la totalité. Il n'y a que deux façons possible d'interpréter ce cas de figure. Soit on prend les formules mathématiques au mot, mais alors, en envisageant une extension de la production qui ne se heurte pas aux barrières des débouchés, on fait comme si on était en économie planifiée, alors que la bourgeoisie est au pouvoir; c'est donc au mieux une illusion, au pire une tromperie manipulatrice. Soit on inscrit cette transformation dans la réalité capitaliste, et cela signifie qu'on se place du point de vue d'un capital autonome qui profite de la période transitoire où la valeur de ses marchandises est au-dessous de leur valeur sociale, pour élargir les débouchés au détriment des concurrents. En envisageant les choses sous cet angle, on opterait délibérément pour une attitude de complicité avec "son" employeur.

Quant à la baisse relative de la valeur du capital fixe (en proportion du capital variable) (cas e)), l'un des facteurs qui peuvent y contribuer, c'est le travail en équipes, puisqu'ainsi les investissements correspondant aux installations productives peuvent être répartis sur un nombre double ou triple d'ouvriers. En particulier, la fonction des accords de réduction du temps de travail consiste en grande partie, à travers le réaménagement du travail posté et des conditions de rémunération, à obtenir globalement une augmentation du nombre d'heures travaillées accompagnée d'une élévation du rapport entre heures correspondant au capital variable employé (salaires) et heures constituant du surtravail (créateur de plus-value).

Les considérations ci‑dessus montrent par quels biais peuvent être proposés aux capitalistes des moyens alternatifs pour préserver l'effet de l'introduction d'un nouveau procédé technique sans procéder à une réduction du nombre d'ouvriers. On fera par la suite quelques remarques au sujet de la façon dont ce genre de "solution" est effectivement avancé par les réformistes.

Mais ce qu'il faut surtout dire, c'est qu'il ne s'agit jusqu'ici que de la mise au chômage d'une partie des ouvriers, telle qu'elle se produit continuellement suite à l'amélioration des forces productives engendrées par le mode de production capitaliste. Or les contradictions internes de ce dernier résultent périodiquement en une crise caractérisée par une surproduction de capital conjointement à une surpopulation d'ouvriers. Alors aucun capital variable additionnel ne peut plus être mise en oeuvre à un taux de profit suffisant. Dans une telle situation, tout "partage du travail" par le biais d'une diminution du temps de travail devra nécessairement, y compris du point de vue du capital individuel, passer par un accroissement du taux de plus-value (c'est ce qui correspond au cas c)), puisqu'aucune augmentation de la production sera possible, faute de possibilité de réaliser un surcroît de valeur dans les conditions données (il ne suffit pas de produire virtuellement les valeurs correspondantes, il faut aussi leur faire traverser jusqu'au bout le circuit argent-marchandise-argent) ‑ ce qui exclut donc le cas d).

Dans les conditions du capitalisme à son stade impérialiste, étendu sur l'ensemble du globe, la réalité du chômage ne peut être saisie correctement que d'un point de vue global, c'est-à-dire en analysant la situation mondiale dans son ensemble. L'existence d'un chômage organique peut apparaître à travers des situations nationales variées. Les cas extrêmes ne sont pas exclus, du moins en théorie, où un pays donné connaîtrait une situation sans chômage, tandis qu'un autre serait quasiment détaché du périmètre du système productif, et sa population abandonnée à une autarcie totale, c'est-à-dire la famine.

Dans le cadre du mode de production capitaliste, le progrès technique ‑ c'est-à-dire le développement des forces productives matérielles ‑ va de pair avec le maintien d'une partie considérable de la population en situation de chômage. Le chômage n'est donc pas engendré par le progrès technique, mais par le capitalisme. Il ne s'agit pas de trouver une "solution" à un "problème" posé prétendument par les techniques de production modernes: informatique, automatisation etc. La source du chômage réside dans le mode de production capitaliste, c'est celui-ci qu'il faut abolir pour mettre fin au chômage.

II.

Bien entendu, la lutte de la classe ouvrière pour améliorer sa situation dans le cadre de la société capitaliste ne peut manquer de toucher le terrain du chômage, directement en ce qui concerne les ouvriers sans emploi, mais aussi indirectement, dans la mesure où l'existence d'une armée de réserve favorise l'aggravation de l'exploitation subie par les ouvriers occupés. Pour lutter contre l'exploitation intensive et extensive, les revendications sont multiples et touchent notamment à la législation relative au temps de travail hebdomadaire et à sa réduction. Elles peuvent établir un lien direct avec la question du chômage, en posant dans une entreprise donnée des demandes d'embauches pour alléger la charge de travail pesant sur le personnel.

D'un point de vue plus général, le principe d'un régime d'assurance-chômage fait partie des exigences établies du mouvement ouvrier. Encore faudrait-il qu'il soit conçu en conformité avec les intérêts de la classe ouvrière, c'est-à-dire en tant qu'élément de salaire différé, financé par le capital et géré par des représentants des ouvriers. Ce n'est nullement le cas pour le régime existant, surtout depuis qu'a été établi le principe de la fiscalisation de la Sécurité Sociale et le pouvoir de gestion attribué au parlement.

Dans la mesure où la question du chômage se reflète ainsi forcément dans les revendications défendues par le mouvement ouvrier et que les chômeurs ne sont pas une "surpopulation" à part ayant des intérêts distincts, mais des ouvriers privés d'emploi, se pose la question de l'organisation de ces derniers. Du point de vue de principe, l'action des chômeurs doit être intégrée dans celle des syndicats; elle ne peut être conduite correctement qu'en tant que partie intégrante de la lutte de la classe ouvrière contre les employeurs. Ainsi par exemple des questions techniques telles que la dégressivité de l'allocation-chômage ne peuvent être abordées autrement qu'à partir du mouvement syndical qui a revendiqué et obtenu la création du régime d'assurance-chômage. À ce propos, on peut noter en passant la façon dont cette dégressivité a été introduite dans le dispositif par le biais de la notion de licenciement économique, laquelle a servi de cheval de Troie à la bourgeoisie pour faire passer le principe de la dégressivité des allocations, aujourd'hui généralisée et dénoncée à juste titre par les représentants des chômeurs de même que par les syndicats (à des degrés divers...).

Cependant, le fait que les organisations syndicales, pour différentes raisons, ne réussissent que très marginalement à assumer leur rôle à l'égard de la défense des intérêts des chômeurs, donne prise aux manœuvres visant à opposer l'action des chômeurs à celle des syndicats. On reviendra plus loin sur les problèmes de fond posés par les positions réformistes quant à l´"exclusion".

Un certain nombre d'idées couramment "admises" ont, sinon pour objectif du moins pour effet de faire écho à l'interprétation selon laquelle le chômage ne serait qu'un problème lié à la conjoncture. Négativement, elles gomment les rapports de cause à effet entre capitalisme et chômage. Positivement, elles prétendent qu'il faut chercher à résoudre le problème du chômage à l'intérieur du système capitaliste.

Quel que soit le domaine concerné, les arguments employés relèvent d'un nombre restreint d´"idées forces". Ainsi par exemple la référence à la réduction du temps de travail s'apparente à celle concernant l'abaissement de l'âge de la retraite. Dans les deux cas, est mise en avant la notion de "solidarité", que ce soit de la part des "inclus" vis-à-vis des "exclus", ou "entre générations", les vieux laissant la place aux jeunes. Le contenu foncièrement nocif de cette approche vient du fait qu'elle fait du chômage un problème que les "gens" devraient régler entre eux, en famille, tandis que les employeurs et les capitalistes n'y seraient pour rien. De façon parfaitement sournoise, cela crée une situation de culpabilisation de ceux qui rechignent à faire preuve de cette façon d'altruisme. Il faut souligner ici que ce mécanisme n'est bien entendu pas nouveau. Notamment en ce qui concerne le régime de retraite, le ver était déjà dans le fruit, ce qui se manifeste à travers l'argumentation traditionnelle qui prétend que le financement relèverait de la solidarité entre générations, les jeunes payant pour les vieux, et que vus sous cet angle le chômage ainsi que les préretraites introduiraient ce qui est désigné comme un "déséquilibre". En réalité il s'agit là, comme pour l'assurance-chômage, de l'exigence d'un salaire différé.

Les divers dispositifs de retraite anticipée appliqués ou envisagés actuellement, bien qu'ils comportent certaines concessions favorables aux travailleurs, sont avant tout conçus dans l'intérêt des capitalistes. Quand il ne s'agit pas d'une mise au chômage pure et simple, ils visent à mettre en oeuvre pour un poste donné, le remplacement du travailleur qui l'occupe par un autre plus productif et payé à un taux de salaire plus bas, et cela soit directement selon le principe "un départ, une embauche" (le deuxième terme étant de toute façon la plupart du temps illusoire), soit indirectement au niveau de la composition globale de la classe ouvrière dans les différents secteurs d'activité.

La revendication de l'abaissement de l'âge de la retraite à 55 ans, en tant que telle, reste largement théorique. Dans la pratique, elle se trouve vidée de son contenu par la façon dont sont formulés les compromis auxquels aboutissent les négociations entre patronat et syndicats. Ainsi en est‑il pour les travailleurs du transport routier de marchandises après l'accord signé suite aux grèves d'automne 1997. Ils sont appelés à financer en grande partie eux-mêmes le revenu que toucheront ceux parmi eux qui bénéficieront du dispositif de "congé de fin d'activité". Simultanément, par la référence au caractère pénible de leur métier, le dispositif entérine la vision des capitalistes qui depuis toujours considèrent que les ouvriers doivent être exploités de la manière la plus intensive possible et "jetés au rebut" quand l'usure les a rendus inaptes au travail.

En outre ‑ travaux pénibles ou pas ‑, dans les conditions de la société capitaliste la perspective d'un raccourcissement de la période passée au travail a avant tout pour effet une tendance à la déstructuration objective et à la démobilisation subjective de la classe ouvrière, et constitue en fait une tentative de la part de la bourgeoisie de mettre à l'écart de la lutte de classe une partie de la classe ouvrière.

III.

Jean Gandois, lorsqu'il était président du CNPF, déclarait que la France vit "un scandale économique, social et moral en payant 20 % de la population active à ne rien faire"[4]. C'est également ce constat qui guide les actions et propositions variées promues par les représentants du PS. C'est le cas de Martine Aubry qui, en coopération avec des entrepreneurs intéressés, oeuvre contre "l´exclusion" pour insérer les exclus dans le circuit de la consommation[5]., ou encore de Michel Rocard qui s'agite depuis des années à échafauder des mécanismes savants visant à financer des emplois par des allocations-chômage (idée qui d'une certaine manière est intégrée dans la "loi Aubry" sur les 35 heures, à travers les subventions aux employeurs financées en partie par les organismes sociaux).

Le PCF se place d'un point de vue plus global et met en avant ‑ à sa manière ‑ la nécessité d'une transformation de la société. Son analyse tourne essentiellement autour de deux affirmations complémentaires: "De l'argent, il y en a", et "il faut redonner la priorité à l'industrie".

Les explications avancées par le PCF comprennent un certain nombre de formules basées sur l'idée que les mécanismes économiques en place (c'est-à-dire capitalistes ‑ mais dans sa propagande courante le PCF a expurgé cette référence trop explicite) opposent deux sphères: celle de la finance et celle de la production: "Les énormes profits réalisés sont vite engloutis en investissements inefficaces, en placements financiers, en intérêts payés aux banques, en spéculation[6]." La notion de finance telle qu'elle est employée recouvre tout ce qui relève de la circulation purement monétaire, mais est avant tout identifiée à la spéculation. Diverses tournures reviennent sans cesse: "les gâchis de la spéculation", "les sommes immenses détournées vers la spéculation", "l'argent qui se perd dans la spéculation financière", "l'argent détourné pour nourrir la spéculation et constituer d'immenses fortunes", "le cancer financier" qui "est profond".

Selon cette analyse, "la finance" est privilégiée par les capitalistes parce qu'elle rapporte plus.

C'est que, pour le capital, il est devenu à la fois plus impérieux et plus difficile de faire de l'argent. Ainsi, le plus souvent, cela rapporte moins d'investir dans l'activité réelle que de placer de l'argent. Il est plus intéressant de prendre le contrôle d'une autre société en Bourse, d'exporter des capitaux, que de développer l'emploi, les richesses [...] dans son entreprise[7].

Les entreprises françaises, les grandes surtout, sont malades de la finance[8].

C'est la recherche du profit financier, et elle seule, qui conduit à ce que votre emploi, votre salaire, vos droits soient menacés[9].

Cette préférence est bien sûr considérée comme néfaste. La confusion est totale. Certes, quand la conjoncture fait que les taux d'intérêt sont plus élevés que les profits industriels, les entreprises n'hésitent pas à placer de l'argent en banque plutôt que de le dépenser pour des investissements matériels. Mais c'est ne pas voir plus loin que le bout de son nez, que d'ignorer que ces placements sont justement reliés à des activités productives, même si le rapport est, certes, souvent très indirect et lointain. Or le PCF voit "finance" et "investissement productif" comme deux domaines opposés.

Sur 1 200 milliards de profits bruts réalisés par les entreprises en 1992, plus de la moitié ont alimenté les circuits financiers. Des sommes énormes sont détournées des activités utiles[10].

Mais la banque ne sert que d'intermédiaire et au bout du compte les fonds doivent bel et bien couvrir des investissements productifs, sous peine de ne pas produire la plus-value sur laquelle la banque et l'entreprise prêteuse prélèvent leur part. Ce qui, bien entendu, a tendance à se produire, suite à l'anarchie qui règne dans l'économie capitaliste; n'empêche que les capitalistes, eux aussi, sont obligés d'évaluer la situation selon ce critère de matérialité, et il le font, même si c'est parfois avec un certain décalage. Les manipulations volontaires des marchés monétaires et boursiers par des financiers avisés existent, mais bien qu´"immorales", elles ne sont qu'un phénomène secondaire, en comparaison avec les crises monétaires et les krachs boursiers engendrés par l'anarchie qui préside aux flux d'investissement, où chaque fraction du capital mondial s'investit selon des décisions "honnêtes" mais qui, en se combinant, résultent en des situations de surproduction induisant des brusques chutes de "rentabilité".

Le PCF fait donc une fausse analyse politique en dénonçant la spéculation financière en tant que telle:

Le spéculateur [...] augmente sa fortune et son capital sans produire de richesses nouvelles. En un an, l'accroissement de la valeur des actions est de 50 %. 50 milliards de francs ont été engagés dans des OPA. Pour gagner toujours plus d'argent, les financiers détournent des ressources considérables qui devraient être utilisées dans l'entreprise[11].

Un amalgame est ainsi fait entre les "raids" qui émaillent périodiquement la chronique boursière et des opérations de restructuration, lesquelles passent par les mécanismes boursiers servant de régulateur en orientant les capitaux vers les investissements "prometteurs".

Bref, selon le PCF: "Spéculer ou produire, il faut choisir[12]." Or cette formulation lapidaire occulte totalement l'essence du mode de production capitaliste, qui loin d'opposer les deux termes, les intègre organiquement dans un processus qui, bien que portant en lui-même des antagonismes, forme un tout: l'extorsion de plus-value par l'intermédiaire de la production de marchandises et sa réalisation dans la circulation argent-marchandise-argent. Ces mécanismes sont inscrits dans la base matérielle du mode de production capitaliste.

Ce qui est en cause, ce n'est donc pas, comme l'affirme le PCF, un élément subjectif, "la volonté de soumettre ceux-ci [l'activité réelle et l'emploi] aux critères de rentabilité, en cherchant à baisser le coût du travail pour faire du fric à tout prix"[13]. Vision qui, soit dit en passant, justifie l'idée que la solution consiste à opérer d'autres "choix".

Notons cependant que la position du PCF concernant les "gâchis de la finance" est cohérente si l'on tient compte de son plaidoyer en faveur du protectionnisme. En effet, même si la libre circulation des capitaux sur le plan mondial ‑ qui se réalise nécessairement par l'intermédiaire de la sphère financière ‑, n'est pas une perte pour le capitalisme mondial, elle peut l'être pour le capitalisme "national", ce que le PCF exprime en regrettant que "pour gagner plus d'argent, les placements à l'étranger se multiplient, particulièrement aux États-Unis pour bénéficier du dollar"[14].

Toujours est-il que le raisonnement du PCF inverse les rapports réels de cause à effet, en ce que pour lui:

L'attrait exercé par les marchés financiers [...] a une autre conséquence. Il incite le grand patronat à rendre l'activité réelle aussi rentable que l'activité financière. D'où la pression sur les salaires, l'emploi, la formation, les conditions de travail[15].

Or, la rentabilité des investissements est fondée sur l'exploitation poussée de la classe ouvrière mise en oeuvre dans la sphère productive, pour le compte des capitaux qui y sont investis, et sur l'initiative du patronat qui représente cette fraction. Le PCF, lui, prétend que ce patronat agit en situation de concurrence vis-à-vis d'un capital financier conçu comme coupé du capital industriel et autonome par rapport à celui-ci, ce qui est une conception erronée.

Dans cette optique, le PCF dénonce le fait que de grandes entreprises investissent une partie considérable de leur capital non pas dans le domaine où se situe leur activité industrielle, mais dans des placements financiers.

Aujourd'hui, pour un chiffre d'affaires de 10 milliards de francs, Dassault Aviation dispose d'un matelas de 10,4 % milliards de placements financiers. Cette année, la Bourse devrait lui rapporter plus de 400 millions de francs de revenus, davantage que la fabrication d'avions[16].

Or, cela n'est que le reflet du haut degré de développement auquel sont arrivés les mécanismes assurant dans le cadre du système capitaliste, la circulation argent-marchandise-argent, et plus précisément ceux concernant l'interconnexion des capitaux à travers les places boursières et les autres moyens de transferts de capitaux. Si le secteur dans lequel intervient une entreprise à un moment donnée s'avère peu profitable par rapport à la moyenne, nul besoin de liquider la société en tant que telle pour retirer du secteur concerné le capital investi et de créer une nouvelle société dans un autre secteur d'activité plus rentable. Il suffit de "faire de la finance", c'est-à-dire d'investir une fraction des fonds dont dispose la société, dans des placements par l'intermédiaire desquels elle attire vers elle une partie des profits réalisés dans d'autres secteurs.

Il est utile ici de résumer quelques observations de Lénine au sujet de la caractérisation du capital financier, telle qu'il l'expose dans l'étude du capitalisme arrivé à son stade impérialiste.

Lénine souligne l'importance primordiale du processus de séparation entre capital-argent et capital industriel.

Le propre du capitalisme est, en règle générale, de séparer la propriété du capital de son application à la production; de séparer le capital-argent du capital industriel ou productif; de séparer le rentier, qui ne vit que du revenu qu'il tire du capital-argent, de l'industriel, ainsi que de tous ceux qui participent directement à la gestion des capitaux. L'impérialisme, ou la domination du capital financier, est ce stade suprême du capitalisme où cette séparation atteint de vastes proportions[17].

En premier lieu, on remarque qu'il s'agit d'une séparation entre les deux fractions du capital, c'est-à-dire mise en place de deux formes distinctes sous lesquelles se meut le capital, et absolument pas d'une coupure qui opposerait l'une à l'autre.

Aussi, sans oublier ce qu'il y a de conventionnel et de relatif dans toutes les définitions en général, qui ne peuvent jamais embrasser les liens multiples d'un phénomène dans l'intégralité de son développement, devons-nous donner de l'impérialisme une définition englobant les cinq caractères fondamentaux suivants: 1) concentration de la production et du capital parvenue à un degré de développement si élevé qu'elle a créé les monopoles, dont le rôle est décisif dans la vie économique; 2) fusion du capital bancaire et du capital industriel, et création, sur la base de ce "capital financier", d'une oligarchie financière; [...][18].

Ce sont ainsi précisément ces deux fractions du capital ‑ dont la séparation progressive est inhérente au capitalisme, séparation dont l'accentuation marquée constitue un trait constitutif du développement des monopoles et de l'impérialisme ‑, qui conjointement forment le capital financier.

Si, dans les périodes d'essor industriel, les bénéfices du capital financier sont démesurés, en période de dépression les petites entreprises et les entreprises précaires périssent, et les grandes banques "participent" soit à leur achat à vil prix soit à des profitables "assainissements" et "réorganisations"[19].

Loin d'être assis sur des manipulations spéculatives fictives, le capital financier tire essentiellement ses bénéfices du processus de production de valeurs, sans lequel il n'y a ni plus-value ni profit. Ce n'est que sur cette base que le capital financier, par ses caractéristiques propres, dispose d'une puissance qui lui assure sa position dominante. C'est lui qui impulse à son profit le processus de concentration et de centralisation des capitaux, en faisant jouer son caractère monopoliste, d'autant plus efficace qu'il réunit justement le capital bancaire au capital industriel. Simultanément cette position lui permet d'éliminer les concurrents, les capitaux plus faibles, fût-ce par la destruction de moyens de production qu'il considère comme "de trop".

Ce n'est pas le rentier qui serait parasitaire par opposition à l'industriel. C'est le capital financier dans son ensemble qui se soumet le reste de la société, vis-à-vis de laquelle il se trouve ainsi en situation de parasite.

Le capital financier, concentré en quelques mains et exerçant un monopole de fait, prélève des bénéfices énormes et toujours croissants sur la constitution de firmes, les émissions de valeurs, les emprunts d'État, etc., affermissant la domination des oligarchies financières et frappant la société tout entière d'un tribut au profit des monopolistes[20].

IV

L'idée qu'il faut "utiliser l'argent autrement" prétend ainsi qu'il faudrait diriger l'argent englouti par la spéculation vers une utilisation "pour l'homme". Outre la fausse opposition entre finance et industrie, l'erreur fondamentale réside dans le fait que le raisonnement employé reste totalement enfermé dans la reconnaissance du profit comme une donnée extérieure. Les "nouveaux critères de gestion" constituent une synthèse élaborée de cette interprétation :

Nos critères ne sont pas tournés de façon doctrinaire contre le profit. Ils conduisent même à des pratiques saines de profit [...][21].

La perspective envisagée consiste en quelque sorte à "faire du profit autrement":

Il est nécessaire de faire jouer à la recherche du profit un rôle beaucoup plus positif. On peut faire du profit en spéculant, mais on peut aussi en faire en développant la production, ce qui n'a pas du tout la même valeur pour la société[22].

Dès lors, l'exigence d´"utiliser l'argent autrement" ne remet nullement en cause le profit lui-même; bien au contraire elle part précisément de l'idée qu'il faut au préalable réaliser des profits pour poser ensuite la question comment les répartir pour en disposer "convenablement". Ce qui fait notamment que les dénonciations de procédures de licenciement, de même que les revendications d'augmentations de salaire, sont couramment appuyés pour ne pas dire justifiées par la référence à la situation prospère de l'entreprise concernée. Au bout de compte, ce type de raisonnement revient à faire de la "prospérité" des entreprises un préalable à réaliser afin que les salariés puissent ensuite, lorsqu'il est question de l'utilisation de l'argent, "réclamer leur dû".

Le PCF est tellement obnubilé par l'idée de la toute-puissance de l'argent, qu'il ne peut concevoir de fonctionnement de l'économie sans lui ‑ c'est une vielle erreur... L'expression "l'argent, fruit du travail des hommes"[23] représente un concentré de cette vision; la réalité se situe à l'opposé de l'énoncé puisque le travail produit des richesses matérielles.

Un autre glissement néfaste s'opère dans les positions exprimées en rapport avec le chômage.

[...] l'abolition du chômage, levier fondamental de l'exploitation capitaliste qui entrave désormais la croissance d'ensemble dans les conditions de la révolution informationnelle[24].

En premier lieu, on peut noter l'étrangeté de ce "désormais", faisant référence à la "révolution informationnelle" qui émerveille tant certains économistes du PCF préférant rêver de "modernité" faite paisiblement de techniques, plutôt que d'envisager ce qui pour eux est un cauchemar: une révolution sociale opérée par les hommes. Informatique ou pas, le chômage a été tout au long de l'existence du capitalisme, l'expression éclatante des antagonismes qu'il porte en lui, opposant le caractère social des forces productives à la propriété privée des moyens de production.

Cela dit, la position citée est critiquable surtout sous un double aspect, concernant la façon dont le chômage est relié, d'une part à l'exploitation capitaliste, et à la croissance d'autre part. En ce qui concerne le premier point, l'armée de réserve de chômeurs contribue certes à l'abaissement du taux de salaire. Mais l'affirmation citée tend à considérer que l'exploitation réside dans la pression exercée sur le travailleur du fait qu'il est menacé à chaque instant d'être jeté à la rue et, partant, contraint d'accepter ce que l'employeur daigne lui offrir. Le taux de plus-value, d'autant plus fort que le salaire est faible ne détermine que le degré d'exploitation, mais non pas l'exploitation en tant que rapport entre travail et capital. Pour être exploité, il faut justement ne pas être au chômage. Et du même coup, l'auteur cité aborde de façon erronée le deuxième point, à savoir la question de la croissance, en prétendant précisément que le problème résiderait dans la mise à l'écart des chômeurs par rapport à la sphère productive, et qu'il faudrait les y remettre pour rétablir les conditions de la croissance ‑ ce qui en revient à rétablir leur exploitation[25].

Les antagonismes inhérents au capitalisme sont doublement occultés en ce que le chômage est désigné comme entrave à la croissance, alors qu'en réalité les limites au développement de la production, pour autant qu'il s'agit de la production capitaliste, résident dans l'impossibilité, à un moment donné, de réaliser une plus-value additionnelle par l'extension de la production et que donc il y a surpopulation, qui n'est ainsi pas cause mais conséquence des entraves posées à la production.

D'une part, mise au chômage momentanée d'ouvriers, remplacés par des machines. D'autre part, surpopulation durable globalement. Ceux qui ne veulent pas appeler un chat un chat, utilisent le terme "exclusion". Cependant, cette façon de caractériser le phénomène du chômage organique sert de point de passage pour introduire une interprétation allant dans le sens de la défense de la société capitaliste: puisque l'exclusion menace la cohésion sociale, il faut combattre le chômage afin de rétablir la cohésion sociale par l'insertion de la population dans la sphère du travail. On peut admettre le constat que "le salaire [...] est l'expression de rapports entre les hommes"[26]. Plus exactement il faudrait parler du salariat, du rapport d'exploitation liant la classe ouvrière au capital, et caractérisant les rapports sociaux qui fondent le mode de production capitalistes. Mais là où l'objectif devrait être la suppression de ces rapports sociaux, le PCF reste confiné dans des considérations quantitatives, mode d'expression de son réformisme. Il dénonce en effet "la fracture" qui consiste à ce que "la faiblesse de la part des salaires dans la richesse nationale bloque l'essor de l'ensemble de la société", blocage qui se manifeste dans "la crise persistante des débouchés dont souffre notre économie"[27].

Le rapport d'exploitation du travail salarié est donc posé comme salut face au chaos et à la mort. Partant de là, est développé l'appel à la "bataille pour le plein emploi", qui ne vise pas ‑ comme il le faudrait ‑ la défense de la capacité de lutte de la classe ouvrière ni l'élévation de sa conscience de classe, mais l'atténuation du conflit créé, du moins potentiellement, par la situation d'exclusion. Pire, la variante qui vise au "plein emploi solidaire" laisse transparaître une vision suivant laquelle le plein emploi en tant que tel pourrait passer au second plan, cédant la place à la hantise devant le spectre de la "fracture sociale". Il s'agirait alors d'intégrer, par le recours à la "solidarité", chômeurs et travailleurs occupés dans un cadre assurant à la bourgeoisie les conditions nécessaires à l'exploitation de la classe ouvrière. L'État remplirait ici son rôle de représentant des intérêts collectifs de la bourgeoisie, en imposant des règles aux capitalistes individuels, si besoin est contre leur gré. Objectivement, le fait de regretter "le refus d'impliquer les entreprises, les revenus financiers en les exonérant de toute contrainte ou obligation sur ce terrain de la cohésion sociale"[28] va dans ce sens.

La façon dont est couramment posé la question des syndicats de chômeurs, s'inscrit dans la problématique de l'exclusion. Certaines tendances poussant à une organisation autonome des chômeurs justifient leur démarche par le prétendu comportement de privilégiés des syndicats de salariés qui n'auraient en vue que de défendre leur avantage d'avoir un emploi. Dans le désir de se soustraire à ce reproche, les syndicats réformistes trouvent là un motif à mettre en avant comme objectif la mise au travail des chômeurs.

Cette analyse erronée du système capitaliste implique la proposition de "solutions" inadéquates. La question du pouvoir est escamotée dans la mesure où les rapports entre "production" et "finance" sont présentés comme une question de macro-économie, à l'intérieur d'un système où persiste la propriété privée des moyens de production. Le maître mot de la planification façon PCF, c'est l´"efficacité sociale", en premier lieu la relance par la consommation. Selon lui: "Le choix des êtres humains, ce serait de bons salaires. Ce serait juste. Et ce serait efficace pour l'économie: avec la relance de la consommation, de l'activité économique, et de l'emploi[29].". De même la CGT: "La campagne revendicative pour la conquête du plein emploi solidaire, avec ce qu'elle porte en terme de soutien à la croissance, de relance économique [...][30]." On en arrive ainsi à jouer sur la magie des mots pour faire croire qu'on puisse modifier la société en se plaçant simplement d'un point de vue comptable différent: "Le salaire n'est pas une “charge”: c'est l'investissement social le plus utile[31]."

Le PCF se laisse prendre à son propre jeu, au point qu'il fait valoir que la limitation des salaires "c'est mauvais aussi pour le crédit: il devient plus cher car les dépôts des salaires sur les comptes-courantes des banques et de la Poste sont moins volumineux"[32]. Il finit par se placer lui-même dans la vision de la "finance" tant décriée; ce n'est pas parce qu'il le fait du côté des "gens" dont il se veut le parti, que ce souci des petites économies puisse fonder une orientation anticapitaliste.

V.

Le PCF réclame "[...] la diminution et la suppression progressive de la dictature du taux de profit privé sur les prix, sur les investissements, sur la consommation [...]"[33]. Or, la reconnaissance du pouvoir de la bourgeoisie transparaît du fait que les mesures proposées relèvent d'une planification non pas coercitive mais incitative, telle que feu le général de Gaulle l'affectionnait déjà.

Les entreprises ont des responsabilités vis-à-vis de la société et de son évolution. Elles peuvent être aidées ou pénalisés en fonction des choix qu'elles font de développement (ou non) de l'emploi[34].

Il faudrait modifier la fiscalité "de telle sorte qu'elle pénalise la spéculation et favorise l'investissement en faveur des créations d'emplois"[35], exiger des crédits "à des taux d'autant plus avantageux que les investissements font plus d'emplois, la taxation des placements financiers, la taxation des licenciements sans reclassements"[36]. De manière générale, ces mesures viseraient à neutraliser "l'abaissement obsessionnel du coût salarial" en introduisant "un abaissement des charges financières, jusqu'à leur caractère négatif et donc de subventions"[37]. Dans cette dernière optique, il s'agirait non seulement d'imposer plus lourdement les "méchantes" entreprises, celles qui spéculent et licencient, mais aussi, de manière symétrique, de subventionner les "gentilles", celles qui ‑ pour employer le langage habituel du PCF ‑ renonceraient à remplacer des hommes par des machines et produiraient des biens répondant aux besoins de la population.

À la différence des dispositifs proposant d'utiliser directement les allocations-chômage pour financer les salaires de chômeurs embauchés, les propositions du PCF signifient l'instauration d'un système généralisé de modulation des coûts salariaux, assurant indirectement aux employeurs qui embauchent plus que d'autres, une sorte de prix de gros de la force du travail, en intervenant sur les mécanismes de répartition des plus-values réalisées entre les fractions du capital.

Dans ce cadre le PCF cultive l'image des PME étouffées par les grands monopoles, ce qui est contraire à la réalité, étant donné que les PME sont étroitement associées aux structures des grands groupes. Pourtant, le PCF persiste à s'accrocher à la perspective d'une alliance entre travailleurs et "petits patrons".

La société en général, les gens, le monde du travail et de la création, les chômeurs, les précaires, etc., ont intérêt à une croissance réelle et non financière. Plus exactement, à une finance au service de la croissance réelle et non l'inverse. Cet intérêt est commun avec de très nombreux patrons de PME, dans la mesure où ils souffrent eux-aussi de la domination de la finance, de l'extraversion, de monopolisations et, même, de l'écrasement des capacités humaines[38].

Dès lors le PCF affirme:

[...] il est urgent de dégager les PME des charges financières que leur imposent les banques, afin de les inciter à maintenir et créer des emplois[39].

Certes, les statistiques affichent un rôle actif des PME à l'égard de la création d'emplois, mais il s'agit en grande partie d'un transfert lié aux modifications structurelles de l'économie, d'emplois qui, autrement, existeraient au sein des grandes entreprises. En effet, depuis un certain nombre d'années, le capital met en oeuvre un processus de morcellement, conduisant directement ou indirectement, à la multiplication d'unités relativement petites, souvent sous la forme justement de PME.

La politique de planification qu'envisage le PCF serait mise en oeuvre au moyen d'un "fonds national et décentralisé de coopération pour une croissance de type nouveau"[40], considérant qu´"il est essentiel d'y associer le système bancaire et de crédit" et qu'il faudrait "tirer une partie des fonds d'un prélèvement sur les opérations financières"[41]. Pour compléter le tableau, on peut ajouter que certains idéologues de "gauche", en emboîtant le pas aux capitalistes, vont jusqu'à consacrer une part essentielle de leurs réflexions à la question de savoir comment contrecarrer la baisse tendancielle du taux de profit en freinant l'augmentation relative du capital fixe par rapport au capital total. Voici un échantillon des conseils:

[...] nous proposons de les augmenter [profits, salaires, prélèvements publics et sociaux] de façon efficace en diminuant les coûts de la production. [...] Mais aussi nous proposons d'économiser le capital matériel et financier utilisé pour produire cette valeur ajoutée, c'est-à-dire de lutter pour économiser le capital matériel et financier relativement à la valeur ajoutée obtenue [...]. Tout d'abord, la recherche de l'élévation de VA [valeur ajoutée] par rapport au capital matériel et financier favorise les économies matérielles, par de nouveaux procédés technologiques [...] et les économies de capital financier [...][42].

Cela n'apprend évidemment rien de nouveau aux capitalistes. Par contre, ce genre de discours est nuisible dans la mesure où, indirectement, il façonne et renforce la propagande réformiste telle qu'elle est distillée au jour le jour à travers de canaux moins ésotériques que les ouvrages spécialisés destinés aux intellectuels. En effet, conjointement à la planification d'en haut, le PCF table sur une intervention d'en bas, dans la sphère réservée aux gestionnaires patronaux. Il s'agit là d'une vieille tradition datant ‑ au moins ‑ de la période de l´"union de la gauche":

Les fondations du nouveau progrès social [...] seront créées par l'innovation progressive et rationnelle impulsée par les travailleurs eux-mêmes, au niveau des structures et, de manière décisive, des pratiques et de la culture de gestion capitaliste[43].

Sous certains aspects, la prétention de réaliser un "capitalisme planifié" rejoint d'ailleurs les projets d'une flexibilité organisée qu'élabore la bourgeoisie actuellement. C'est le cas en ce qui concerne la notion de "sécurité emploi-formation" inventée par P. Boccara et mise en avant depuis quelque temps par le PCF, recette qui ressemble étrangement à la façon dont le patronat veut structurer une "pleine activité", remplaçant le plein emploi et caractérisée par la polyvalence de l'exploitation au gré des besoins d'un employeur non plus unique mais collectif. En effet P. Boccara écrit: "Il s'agit de faire plus souple et autrement efficace que la flexibilité (devenue folle) du chômage (avec d'ailleurs la rigidité du chômage durable)[44]." Il préconise donc de procéder "en favorisant la productivité nouvelle par la formation et la mobilité [...] pour une Sécurité d'emploi ou de formation mobiles"[45]. Selon lui, "il s'agit d'assurer, à toutes et à tous les demandeurs, un emploi ou une formation débouchant sur un meilleur emploi, bien rémunéré, avec de bonnes conditions de travail et des passages entre eux maîtrisés par les intéressés"[46].

Un rapport élaboré en 1995 à la demande du gouvernement, n'exprime guère les choses autrement:

Il s'agit d'inscrire dans le contrat d'activité non seulement le droit d'accès à l'emploi normal et à la formation pendant une durée minimum de l'engagement, mais aussi celui de pouvoir permettre à chacun de construire un itinéraire professionnel qui faisant alterner différentes formes de travail, y compris la formation et l'activité indépendante ou associative conformes aux intérêts du collectif d'entreprises concernées, assurerait la garantie d'un revenu convenu ainsi que celle de la protection sociale et conférerait au travailleur un statut et une identité professionnelle valorisants[47].

Qui, des deux, dit mieux? Difficile à faire la différence.

Quant à la question essentielle, concernant la nature du pouvoir qui domine la société française, le PCF la pose en ces termes: "Le pouvoir en France est-il accaparé par une caste de privilégiés; en d'autres termes, l'oligarchie existe-t-elle?". Et il y répond: "Oui, on peut la rencontrer", en notant qu'"elle rassemble quelques centaines de personnes en France"[48]. Il en cite nommément quelques représentants, PDGs de sociétés telles qu'AXA, Saint Gobain, Peugeot SA., Compagnie générale des Eaux, lesquels siègent en même temps dans les divers conseils d'administration des principaux groupes capitalistes français. Ce point de vue confond les acolytes qui assument l'exercice du pouvoir et ceux qui en détiennent l'essence, c'est-à-dire le capital. (Bien entendu, les deux peuvent se trouver réunis dans une même personne.) Cette vision faussée est de plus en plus répandue, à mesure que la propriété effective des capitaux passe par des canaux diffus et n'est pas forcement matérialisée dans un rapport de propriété direct entre tel individu et telle entreprise. Alors, quand on veut s'accrocher à une perception personnalisée, on se rabat sur les personnes qui occupent le devant de la scène, dans leur rôle de "décideurs". L'interprétation du PCF est d'ailleurs doublement erronée, en ce qu'elle affirme, au sujet de cette "oligarchie" que "sa puissance considérable tient à son originalité: elle possède certes, mais elle a également accès aux pouvoirs majeurs de décision"[49]. Cette approche est mystificatrice dans la mesure où elle oppose à cette osmose entre possédants et pouvoir qui serait prétendument propre à la France, la perspective, réformiste par excellence, d'un rééquilibrage des pouvoirs à l'intérieur de l'appareil d'État bourgeois:

Leur domination n'est-elle pas anachronique? [...] À l'aube du XXIe siècle, dans un pays où 85 % de la population active est composée de salariés, [...] où la formation, la qualification, la participation des travailleurs et de la population aux processus sociaux deviennent des facteurs essentiels de la civilisation et de résolution des difficultés, est-il acceptable que le peuple travailleur ait si peu de droits et de pouvoirs, soit écarté des centres essentiels de décision[50]?

VI.

Les trotskistes, tout en partageant l'essentiel de l'analyse du PCF, tentent de s'en démarquer en employant une terminologie mystificatrice sur plusieurs points, en premier lieu la question du profit. Il y a une volonté manifeste de tourner autour du pot, voire d'ignorer la véritable nature des profits. Ce terme désigne, du point de vue des capitalistes, cette partie du capital qui correspond à la plus-value extorquée à la classe ouvrière. Il convient donc de parler de profit capitaliste, de profit approprié par les capitalistes du fait même que l'ensemble du capital leur appartient. Les trotskistes, eux, emploient diverses formulations évasives, ambiguës, fausses: "profits des financiers, du patronat, de la bourgeoisie", "culte du profit", "profit pour le profit".

Remarquons que LO prend à son compte l'idée qu'"il faut s'attaquer radicalement aux profits [...] pour réduire le chômage"[51], ce qui rejoint les attaques du PCF contre "le dogme de la baisse des coûts". LO se place également au point de vue purement quantitatif évoqué plus haut, en affirmant que "la vraie préoccupation des hommes qui nous gouvernent, c'est d'augmenter la part des richesses produites qui reviennent à la bourgeoisie, au détriment de la classe ouvrière"[52]. En réalité, le gouvernement, en exerçant le pouvoir pour le compte de la classe dominante, vise à assurer à celle-ci les conditions nécessaires pour faire fonctionner le système de production capitaliste de plus-value, du maximum de profit, d'un point de vue non seulement relatif, mais absolu.

Par contre, il est vrai que, plus hardiment que le PCF (qui propose timidement "l'annulation des plans de licenciements"[53]), les trotskistes demandent des mesures contraignantes, telles que "l'interdiction des licenciements", "la réquisition des entreprises qui licencient" (expression plus "radicale": "ce [...] qu'il faut interdire, c'est le chômage"). De même le Parti du Travail de Belgique, "exige [...] l'interdiction légale de licencier"[54]. Les formulations employées sont diverses. Ainsi on peut lire que "le seul “traitement social” valable du chômage, ce serait d'en finir avec le capitalisme"[55]. Toutefois on note la mise au pilori des patrons qui manque de civisme: il faut "réquisitionner sans indemnité ni dédommagement toutes les entreprises faisant des bénéfices qui ont le cynisme de prévoir des licenciements"[56].

Néanmoins, de ce côté-là aussi, les limites découlant logiquement de la reconnaissance du pouvoir de la bourgeoisie sont sagement respectées. On retrouve sur la définition du pouvoir, les mêmes points de vue erronés que ceux concernant la conception du profit, ainsi que l'idée qu'il s'agirait de faire "d'autres choix". L'enjeu ne résiderait pas dans le renversement du pouvoir de la bourgeoisie en tant que classe dominante, pouvoir fondé sur la propriété des moyens de production et exercé à travers l'appareil d'État existant, mais d´"empiéter sur le pouvoir économique du patronat"[57], de remettre en cause "le pouvoir de quelques grands patrons qui décident du sort de millions de personnes"[58]. Le gouvernement est dénoncé parce qu'il est "tout dévoué aux intérêts des patrons et des banquiers"[59]. L'identité de vue avec le PCF qui veut "inverser les priorités"[60], est particulièrement prononcée chez la LCR:

La satisfaction de ces revendications suppose un changement de politique, un renversement des priorités économiques et sociales, de nouveaux choix centrés sur les besoins sociaux et non sur la recherche du profit. [...] Il n'y a vraiment rien à attendre du pouvoir socialiste. Il faut une autre politique, un autre gouvernement[61].

C'était en 1992. Après mai 1997, de même:

La LCR propose un engagement de toute la gauche pour: [...] Un accès garanti à un emploi stable, sans discrimination sur le sexe, la nationalité [...] Une réforme de la fiscalité afin de redistribuer les richesses [...].

Il y a un flou artistique à tous les égards, visant à entretenir l'illusion qu'une "vie meilleure" peut être obtenue par des mesures purement comptables. Dernièrement, LO et la LCR font même chorus:

Pour mettre fin au drame individuel et collectif qu'est le chômage total ou partiel de plus de cinq millions de travailleurs dans ce pays, il faut enlever au patronat et aux financiers le contrôle absolu qu'ils exercent sur l'économie. Les bénéfices accumulés par les grandes entreprises doivent servir à supprimer le chômage, au lieu d'alimenter les circuits financiers qui menacent l'économie d'une catastrophe majeure[62].

Il faut souligner qu'il est bel et bien allégué qu'on puisse ainsi "supprimer", c'est-à-dire faire disparaître définitivement, le chômage.

La fusion avec l'optique de type "union de la gauche" est telle que les années fatidiques 1981‑84 sont prises comme pivot de référence pour affirmer que "depuis 20 ans, la priorité a été donnée à la hausse des profits"[63]. Et on débouche sur l'éternelle question d'une "autre utilisation de l'argent", d'une modification dans la répartition des richesses: "bouleverser la répartition des richesses"[64], "s'en prendre aux profits patronaux pour déplacer le centre de gravité des sacrifices"[65]. L'esprit gaulliste du capitalisme à planification sociale est tout aussi présent, à travers le reproche fait aux gouvernements socialistes d'avoir "fait passer le culte du profit avant l'intérêt général"[66], et aux patrons, "de gérer l'économie à leur avantage et sans souci de la collectivité"[67]. Les mesures incitatrices bien connues du programme du PCF sont reprises: "Il s'agit [...] de les augmenter [les impôts] et de les rétablir sur les revenus financiers, sur les profits non réinvestis des entreprises, sur les plus-values spéculatives, etc[68]." Pratiquement, cette orientation conduit, sous des formulations variées, au vieux mot d'ordre "faire payer les riches", de "prendre l'argent dans les poches des riches, des spéculateurs, des financiers"[69], "faire payer le patronat plutôt que les travailleurs, les riches plutôt que ceux qui ont les revenus les plus modestes"[70], de "prendre l'argent là où il est: sur les comptes en banque des grandes sociétés capitalistes"[71]. Et dans le même registre, le Parti du Travail de Belgique: "Faites payer la crise aux riches [...] Pour aller chercher l'argent où il se trouve[72]."

Que ce soit sous la forme pseudo-radicale des "réquisitions" ou sous celle, ouvertement réformiste, d'une fiscalité redistributive, ces positions se placent dans la perspective du maintien des rapports de production capitalistes.

De manière convergente, elles inhibent toute remise en cause politique directe de la propriété privée des moyens de production et, parallèlement, par la fixation sur les "trésors" détenus par les riches, privent d'efficacité l'action revendicative de la classe ouvrière vis-à-vis de la classe capitaliste en tant que telle. En effet, le raisonnement en question prête le flanc aux plaintes de ceux parmi les employeurs qui se lamentent sur la rentabilité insuffisante de l'entreprise. Il détourne par ailleurs la prise de conscience potentielle au sujet de l'État comme représentant de la bourgeoise, vers une vision "sociale" qui masque le caractère de classe du pouvoir d'État. Or il est évidemment indispensable que la classe ouvrière affronte la bourgeoisie pour ce qu'elle est fondamentalement, la classe qui l'exploite, et non pas pour ses "richesses".

 

Ernest Leroux.

 

 

 

 

 

Notes



[1]Le Monde, 7‑8/7/1996.

[2]. Pascal Salin, "Restaurer la liberté du temps de travail". Le Monde, 21/12/1995.

[3]Les Échos, 23/12/1996.

[4]Le Monde, 26‑27/2/1995.

[5]. Ainsi Martine Aubry a créé en 1993 la Fondation Agir contre l'exclusion, dont les treize membres fondateurs sont les PDG de: AXA, BSN, Casino, Club Méditerranée, Crédit Lyonnais, Darty, Fimalec, Havas, Lyonnaise des Eaux-Dumez, Pechiney, RATP, Renault, Sodhexo. (Les Échos, 6/10/1993.)

[6]. Tract PCF, 12/1995.

[7]Humanité Dimanche, n° 277, 21‑27/7/1995.

[8]Humanité Dimanche, n° 244, 17‑23/11/1994.

[9]. Tract PCF, 3/1986.

[10]. Tract PCF, 7/1994.

[11]. Tract PCF, 1988.

[12]. Tract PCF, 9/1993.

[13]Humanité Dimanche, n° 244, 17‑23/11/1994.

[14]. Tract PCF, 3/1986.

[15]Humanité Dimanche, n° 277, 21‑27/7/1995.

[16]Humanité Dimanche, n° 244, 17‑23/11/1994.

[17]. V. I. Lénine, "L’impérialisme, stade suprême du capitalisme", Oeuvres, tome 22, Paris-Moscou, 1960, p. 258.

[18]Idem, p. 287.

[19]Idem, p. 254.

[20]Idem, p. 252.

[21]. Philippe Herzog, L’économie nouvelle à bras-le-corps. Paris, 1984, Messidor/Éditions sociales, p. 371.

[22]Idem, p. 351‑352.

[23]. Tract PCF, 9/1993.

[24]. Paul Boccara, "Sur l'ambition et le réalisme d'un projet de sécurité d'emploi-formation", Economie&Politique, n° 236 (509), 12/1996.

[25]. Le FN est moins hypocrite que le PCF: Jean-Marie Le Pen écrit: "Aujourd'hui, ce n'est pas le travail qui opprime, mais le chômage", in Mondialisation - C’est vous qui payez, 1996.

[26]Humanité Dimanche, n° 278, 13‑19/7/1995.

[27]Idem.

[28]. Déclaration CGT. Le Peuple, n° 1457, 23/4/1997.

[29]. Tract PCF, 12/1993.

[30]Le Peuple, n° 1457, 23/4/1997.

[31]. Tract PCF, 7/1994.

[32]. Tract PCF, 12/1995.

[33]. Paul Boccara, Études sur le capitalisme monopoliste d’État, sa crise et son issue, Paris, 1974, Éditions sociales, pp. 118‑119.

[34]Humanité Dimanche, n° 371, 24‑30/4/1997.

[35]. Tract PCF, 7/1994.

[36]. Paul Boccara, "Sur l'ambition et le réalisme d'un projet de sécurité d'emploi-formation", loc. cit.

[37]. Paul Boccara. Issues, n° 47-48, 4e trimestre 1996.

[38]Economie&Politique, n° 249‑250 (522‑523), 1‑2/1998.

[39]. Tract PCF, 7/1994.

[40]Economie&Politique, n° 236 (509), 12/1996.

[41]Economie&Politique, n° 234‑235 (507‑508), 10‑11/1996.

[42]. Paul Boccara, Intervenir dans les gestions avec de nouveaux critères. Paris, 1985, Messidor/Éditions sociales, p. 33, p. 34 et p. 120.

[43]. Philippe Herzog, op. cit. p. 214.

[44]. Paul Boccara, "Sur l'ambition et le réalisme d'un projet de sécurité d'emploi-formation", loc. cit.

[45]. Paul Boccara. Issues n° 47‑48, 4e trimestre 1996.

[46]. Paul Boccara, "Sur l'ambition et le réalisme d'un projet de sécurité d'emploi-formation", loc. cit.

[47]. Commissariat général du Plan, Rapport de la commission présidée par Jean Boissonnat "Le Travail dans vingt ans". Paris, 1995, Éditions Odile Jacob.

[48]Humanité Dimanche, n° 256, 2‑8/3/1995.

[49]Idem.

[50]Idem.

[51]Lutte ouvrière, n° 1499, 28/3/1997. Arlette Laguiller.

[52]Lutte ouvrière, n° 1503, 25/4/1997. Arlette Laguiller.

[53]Humanité Dimanche, n° 371, 24‑30/4/1997.

[54]. Tract PTB, Bruxelles, 16/3/97.

[55]. Tract LO, 3/1994.

[56]Lutte ouvrière, n° 1504, 2/5/1997. Arlette Laguiller.

[57]Lutte ouvrière, n° 1499, 28/3/1997. Arlette Laguiller.

[58]. Tract LCR, 3/1994.

[59]. Tract LCR, 1992. Il s'agit du gouvernement socialiste Édith Cresson.

[60]Humanité Dimanche, n° 371, 24‑30/4/1997.

[61]. Tract LCR, 1992.

[62]. Profession de foi LO‑LCR pour les élections européennes de juin 1999. Lutte ouvrière, n° 1585, 27/11/1998.

[63]. Tract LCR, 7/1992.

[64]. Tract LCR, 3/1994.

[65]Lutte ouvrière, Profession de foi, Élections Législatives, 25/5/1997.

[66]. Tract LO, 3/1992.

[67]Lutte ouvrière, n° 1499, 28/3/1997. Arlette Laguiller.

[68]Rouge, n° 1725, 27/3/1997.

[69]. Tract LO, 3/1992.

[70]. Tract LO, 12/1995. Arlette Laguiller.

[71]. LO, n° 1544, 13/2/1998. Arlette Laguiller.

[72]. Tract PTB, Bruxelles, 3/1997.