La Troisième Internationale, la Palestine
et le Parti communiste de Palestine, 1920‑1932

Conférence des représentants du PC de Syrie et du PC de Palestine:
"Les tâches des communistes dans le mouvement national arabe"
(1931)





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Bulletin international
n° 55‑58, juillet-octobre 1982
édité par le CEMOPI
(Centre d'étude sur le mouvement ouvrier et paysan international),
France

 

Conférence des représentants du PC de Syrie et du PC de Palestine
Les tâches des communistes dans le mouvement national arabe
[1]

 

1. Une des tâches essentielles de la lutte de libération révolutionnaire de l'énorme territoire du Proche-Orient contre l'impérialisme est la solution de la question nationale arabe. Dans tous les pays arabes, les masses populaires se trouvent sous le joug de l'impérialisme. Sous une forme ou sous une autre, à des degrés différents, tous les pays arabes sont privés de leur indépendance étatique. La Palestine, la Transjordanie, l'Irak sont des pays sous mandat; ils sont entièrement sous la domination de l'impérialisme anglais. La Syrie est gouvernée par l'impérialisme français; l'Égypte se trouve sous la férule de l'Angleterre et “l'indépendance” du pays, proclamée en 1921, est une dérision envers la véritable indépendance, étant donné que les leviers de commande les plus importants au point de vue politique se trouvent entre les mains de l'impérialisme britannique. De plus, les Anglais restent les dictateurs du Soudan; la Tripolitaine est une colonie de l'impérialisme italien; la Tunisie et l'Algérie sont sous la domination française, et le Maroc est partagé entre l'impérialisme français et l'impérialisme espagnol. Le Iémen, le Hedjas et le Nedjd, tout en n'étant pas placés directement sous la domination de l'impérialisme, sont privés des conditions indispensables à une existence indépendante; étant encerclés par des colonies de l'impérialisme et placés sous leurs coups, ils sont tenus d'obéir aux ordres que leur dicte l'impérialisme.

Tout le système de la domination impérialiste sur les peuples arabes ne se base pas seulement sur leur asservissement direct, mais aussi sur leur démembrement arbitraire selon les indications de l'impérialisme mondial. Ce partage des peuples arabes entre l'impérialisme anglais, français, italien et espagnol reflète le rapport des forces qui s'est établi au cours de l'histoire entre ces impérialismes et qui vise à perpétuer leur domination. Il est en contradiction des plus flagrantes avec les intérêts vitaux des peuples arabes. Les frontières étatiques qui les séparent ont été établies et sont maintenues par la violence des impérialistes dont le principe est de “diviser pour régner”. Ces frontières affaiblissent artificiellement la masse des peuples arabes dans leur lutte contre le joug étranger pour leur indépendance étatique et leur unité nationale, selon la décision librement exprimée par les masses populaires.

Le fond de la question nationale arabe consiste précisément en ce que l'impérialisme anglais, français, italien et espagnol a déchiré en morceaux ce corps vivant que constituaient les peuples arabes; en ce qu'il maintient dans un état de division féodale les pays arabes; en ce qu'il prive chaque pays en particulier des conditions nécessaires à son développement économique et politique indépendant; en ce qu'il empêche l'unité nationale et étatique des peuples arabes.

La Syrie a été divisée arbitrairement en cinq parties, séparées l'une de l'autre par une administration et des lois particulières, etc. Les Anglais se sont emparés de force du Soudan. L'impérialisme transformant tous les pays arabes en un appendice agraire et en une source de matières premières des métropoles correspondantes, déformant et entravant le développement des forces productives et leur développement général, tente de ce fait même de conserver et de perpétuer l'asservissement de ces pays. De la sorte, les éléments féodaux acquièrent la prépondérance, tandis que le développement des éléments capitalistes se réduit en majeure partie à créer une bourgeoisie marchande, plus ou moins liée à la métropole et à la fourniture de celle-ci en matières brutes. De plus, l'impérialisme maintient les monarchies féodales (Égypte, Maroc, Tunisie), crée de nouvelles monarchies semi-féodales (Irak, Transjordanie), en s'appuyant sur différentes piètres “dynasties”, ou bien il crée son régime colonial impérialiste sans l'intermédiaire de ses monarques-agents (Palestine. Syrie, Tripoli, Algérie) en joignant à l'oppression et au brigandage, la gestion de ces pays sur mandat de la SDN.

 

2. Ce qu'il y a de commun et de décisif pour tous les pays arabes, c'est que, parallèlement aux leviers de commande politiques de l'impérialisme, le capital financier étranger tient entre ses mains tous les leviers de commande économiques. Les banques les plus importantes, les fabriques, les chemins de fer, les ports, la navigation, les mines, les systèmes d'irrigation les plus importants, les leviers de commande du commerce extérieur, la dette publique, etc., se trouvent entre les mains du capital financier étranger. Bien plus, les rapaces impérialistes se sont emparés des meilleures terres dans la majorité écrasante des pays arabes (Maroc, Algérie, Tunisie. Tripoli, Égypte, Syrie, Palestine); de plus, l'impérialisme britannique a utilisé le sionisme contre-révolutionnaire pour s'emparer et voler les terres en Palestine. Les fellahs et les bédouins arabes sont repoussés sur les terres les plus mauvaises, sont privés de terres et de pâturages. L'impérialisme utilise ces leviers de commande politiques et économiques pour exploiter sans pitié les masses populaires arabes.

Dans l'oppression et l'exploitation des travailleurs, l'impérialisme s'appuie sur les cliques monarchiques-réactionnaires, sur les propriétaires cheiks féodaux et semi-féodaux, sur la bourgeoisie indigène de compradores et sur le haut clergé. Ce qu'il y a de caractéristique, de commun et décisif au régime agraire des pays arabes consiste précisément en ce que l'énorme partie des terres, du bétail, des pâturages, dont les propriétaires fonciers étrangers, les planteurs, les banques, les colons ou l'État ne se sont pas encore emparés, se trouvent entre les mains des propriétaires féodaux et semi-féodaux, des chefs de l'Eglise. Les fellahs et les bédouins sont l'objet de l'explosion l'exploitation féodale dans ses pires formes (khames, redevances). L'usure prospère largement sur le terrain de l'exploitation féodale de la paysannerie, dans les conditions du développement des rapports marchands et monétaires, sur le terrain de la spoliation impérialiste du sol, la décomposition des tribus, la spoliation des terres des tribus par les propriétaires fonciers et le régime colonial impérialiste, l'évincement des bédouins de tous les pâturages. Les impôts excessivement élevés qui sont encore prélevés en partie sous forme naturelle (l'ochar en Syrie et en Palestine, etc.) rendent encore plus pénible la situation déjà intenable pour les principales masses de la paysannerie. Les différentes régions des pays arabes se trouvent à des niveaux différents du développement économique et de la lutte de classes. En Syrie, en Palestine et en Égypte, la lutte pour l'indépendance nationale et l'union nationale des peuples arabes sur la base d'un pouvoir national s'unit inévitablement à la lutte pour la révolution paysanne-agraire dirigée contre les conquérants impérialistes et leurs agents (les sionistes en Palestine) et en même temps contre la propriété féodale locale. En Irak, subsiste encore la propriété féodale de la tribu et du clan; elle est l'objet de la conquête des compagnies de planteurs, des couches féodales supérieures et de la bourgeoisie marchande locale qui agissent sous le contrôle de l'impérialisme. Ici, le centre de gravité du mouvement agraire se trouve dans la mobilisation des masses populaires dans la lutte contre les spoliateurs sur la base de la lutte contre l'impérialisme et ses complices directs. Ceci concerne à un plus grand degré des pays comme la Tripolitaine et le Maroc où la masse fondamentale de la population est encore liée à la vie nomade et au régime féodal et de clans, et où les centres urbains ne peuvent avoir leur influence révolutionnaire. Dans l'Algérie du Nord, il existe une domination coloniale plus ou moins affermie, consistant en une exploitation féroce de la population indigène fixe et en un développement relativement important des villes et des rapports capitalistes. Dans l'Algérie du Sud, il existe encore des tribus nomades qui n'ont pas été pacifiées par l'impérialisme français. Dans les conditions sociales et économiques arriérées, la paysannerie ne commence souvent à se constituer comme force indépendante que dans le processus de désagrégation de la commune semi-primitive et du clan. Il est absolument indispensable de tenir strictement compte de la question des rapports entre la révolution anti-impérialiste et la révolution paysanne-agraire chez les peuples arabes. Les partis communistes et les groupes de communistes des pays arabes doivent réserver une attention spéciale à l'étude de ces conditions, pour qu'elle soit utilisée dans les intérêts de la lutte révolutionnaire.

 

3. La lutte libératrice pour l'affranchissement des peuples arabes et pour la suppression du joug impérialiste pesant sous des formes les plus diverses selon le degré de développement des différents pays, s'étend déjà à tous les pays arabes. Au Maroc et au Sud de l'Algérie, ainsi qu'en Tripolitaine, la lutte de libération nationale dégénère en des insurrections presque incessantes des tribus contre l'impérialisme français, italien et espagnol. En Tunisie, Destour est parvenu jusqu'à présent à se mettre à la tête et à décapiter le mouvement d'indignation des masses. En Égypte, le développement d'après-guerre est caractérisé par la marche par vague de la lutte nationale, qui a abouti maintes fois à des explosions massives du mécontentement. En Syrie, l'insurrection armée est réprimée en 1925 et déjà en 1929 se lève une nouvelle vague de la lutte anti-impérialiste. En Palestine, l'indignation de masse contre l'impérialisme britannique et son agence, le sionisme contre-révolutionnaire, a abouti plus d'une fois à des mouvements armés contre eux. En Irak, le mouvement national contre le mandat britannique ne se calme pas. Dans la lutte des Wahabites qui se déroula sous une certaine enveloppe religieuse, il y eut quelques éléments de l'impérialisme britannique, etc.

Fait caractéristique pour tous ces mouvements, c'est qu'ils ont soulevé un vif écho et de la sympathie dans tout l'Orient arabe. Malgré les frontières étatiques artificielles, malgré la division féodale, malgré que le mouvement ait été dirigé tantôt contre l'impérialisme anglais, tantôt contre l'impérialisme français ou contre l'impérialisme italien ou espagnol, la lutte nationale qui se déroulait dans un pays arabe, trouvait tel ou tel écho dans tous les pays arabes, de Palestine jusqu'au Maroc.

L'aspiration des masses populaires arabes à l'unité nationale dans des frontières étatiques établies non pas sur les indications de l'impérialisme mais sur la base de leur propre décision librement prise, est indissolublement liée à leur aspiration de se débarrasser du joug de l'impérialisme anglais, français, italien et espagnol. Les masses populaires arabes sentent que pour rejeter le joug de l'impérialisme elles doivent unir leurs efforts en leur communauté de langue, de conditions historiques, en ayant en vue leur ennemi commun. Leur cohésion dans la lutte révolutionnaire contre l'impérialisme et l'ampleur de cette lutte montrent qu'il existe chez les peuples arabes toutes les conditions indispensables pour la suppression du joug impérialiste, pour obtenir l'indépendance nationale et créer des Etats arabes qui, ensuite, sur une décision librement consentie, pourront s'unir sur des bases fédératives.

 

4. La transformation des pays arabes et: un complément agraire et source de matières premières pour les métropoles, et la grande diversité des formations économiques aboutissent à ce que la constitution des classes de la société capitaliste et le développement des éléments d'étatisme national se déroulent avec une grande lenteur et une profonde inégalité. L'impérialisme utilise intégralement cette circonstance dans son propre intérêt, en groupant sous sa conduite les éléments réactionnaires et féodaux et en s'efforçant de faire des pays arabes de solides points d'appui pour leur politique impérialiste d'agression et de conquêtes. L'impérialisme britannique, en particulier, utilise sa domination sur l'Irak, la Palestine et l'Égypte pour protéger les approches de l'Inde, pour préparer la guerre contre l'URSS et étendre son influence dans la partie orientale de la Méditerranée. L'impérialisme français s'efforce de transformer la population arabe de ses colonies en chair à canon pour la prochaine guerre impérialiste et pour l'intervention contre l'URSS. Les couches supérieures agrariennes-féodales de tous les rayons à population fixe, sont passées d'une façon plus ou moins définitive aux côtes de l'impérialisme. Le national-réformisme règne dans les rangs de la bourgeoisie arabe et des propriétaires fonciers qui sont liés avec elle. Il y prend un caractère contre-révolutionnaire et capitulard toujours plus prononcé. La bourgeoisie et les éléments bourgeois-agrariens sont incapables de mener une lutte révolutionnaire contre l'impérialisme et ils penchent toujours plus vers un accord contre-révolutionnaire avec lui dans les cadres de concessions réduites et pseudo-quasi-constitutionnelles qui ne servent qu'à masquer la domination impérialiste. Le mouvement de masse de l'été 1930, en Égypte, a mis nettement en lumière le rôle de trahison du Wafd qui a supprimé le mot d'ordre de “l'indépendance” et cherche seulement à obtenir une constitution, qui craint plutôt l'éveil des masses paysannes que la capitulation définitive devant l'impérialisme (il consent à conclure un accord anglo-égyptien). La position du Kout-el-Vatan en Syrie consiste à jouer à l'opposition en renonçant complètement à toute action révolutionnaire et à toute lutte effective. Nombre des anciens chefs de l'insurrection de 1925 sont à présent tranquillement accroupis aux pieds des généraux français. Kout-el-Vatan se prépare à pactiser avec les oppresseurs français. En Palestine, le Comité exécutif arabe est entré dans la voie de la trahison en rivalisant avec le sionisme pour obtenir des concessions de l'impérialisme britannique en échange de la “tranquilité” des masses populaires arabes. Le national-réformisme devient toujours plus contre-révolutionnaire et capitulard au fur et à mesure que s'accroît, surtout sous l'influence de la crise agraire et de la crise industrielle mondiale, le mécontentement et l'indignation des masses travailleuses: d'autant plus qu'il ne se heurte pas suffisamment dans sa trahison des intérêts nationaux à la résistance des masses de paysans et des ouvriers arabes qui n'ont pas encore su s'organiser suffisamment pour opposer leur plate-forme révolutionnaire au réformisme bourgeois et bourgeois-agrarien. En Irak, le parti national en appelle à la SDN et, en fait, ne mène pas la lutte contre les conquérants anglais, se bornant seulement à de la phraséologie. En Turquie, les débris du Destour sont passés dans le sillage de l'impérialisme français. En Algérie, le national-réformisme bourgeois-agrarien n'exige que la reconnaissance des droits civiques français aux arabes. Le national-réformisme bourgeois et bourgeois-agrarien se dresse contre la domination impérialiste, seulement dans les cadres des intérêts exploiteurs de la bourgeoisie et des agrariens indigènes. Ils veulent exploiter eux-mêmes la masse ouvrière et paysanne. Cependant, étant donné que leurs intérêts directs d'exploiteurs, surtout dans les conditions de la crise et de la pression impérialiste sur les colonies, entrent en contradiction avec les intérêts généraux et aident l'impérialisme dans sa lutte contre les masses populaires. [???] La nature contre-révolutionnaire et traître du national-réformisme est bien loin d'avoir été suffisamment mise en lumière aux yeux des grandes masses des ouvriers, des paysans et de la petite bourgeoisie des villes. Dans les pays arabes, le réformisme ne quitte pas les limites des frontières étatiques fixées par l'impérialisme et divisant artificiellement les peuples arabes. Il capitule devant les monarchies féodales qui sont des instruments de l'impérialisme et refuse de lutter contre l'impérialisme à l'échelle panarabe. La particularité de l'étape actuelle consiste en ceci: alors que dans tous les pays arabes, le national-réformisme capitule ouvertement en face de l'impérialisme, les masses des ouvriers, des paysans et de la petite bourgeoisie des villes sont entraînées toujours plus énergiquement dans la lutte pour leurs intérêts essentiels dans la lutte d'affranchissement national. Le fait que le national-réformisme contre-révolutionnaire reste insuffisamment dévoilé à leurs yeux, menace des suites les plus dangereuses, car cela facilite de nouvelles trahisons contre-révolutionnaires et des coups à l'improviste. Il faut maintenant plus que jamais opposer au national-réformisme contre-révolutionnaire et capitulard, le front révolutionnaire panarabe et anti-impérialiste des grandes masses des ouvriers, des paysans et de la petite bourgeoisie des villes, front qui s'appuie sur le développement des mouvements ouvrier et paysan et y puise ses forces.

 

5. Dans différents pays arabes, la classe ouvrière a joué et joue déjà un rôle toujours croissant dans la lutte de libération nationale (Égypte, Palestine, Irak, Algérie, Tunisie, etc.). Dans différents pays, les organisations syndicales de la classe ouvrière se constituent déjà ou se rétablissent après leur destruction, quoique pour la plupart elles se trouvent entre les mains des nationaux-réformistes. Les grèves et manifestations ouvrières, la participation active des masses ouvrières à la lutte contre l'impérialisme, certaines couches de la classe ouvrière qui s'éloignent des nationaux-réformistes, tout cela signale que la jeune classe ouvrière arabe est entrée dans la voie de la lutte pour remplir son rôle historique dans la révolution anti-impérialiste et agraire, dans la lutte pour l'unité nationale. Des partis communistes se sont déjà constitués et se forment dans différents pays.

La crise mondiale industrielle et agraire a touché d'une façon ou d'une autre les pays arabes et a porté un coup rude aux masses ouvrières et paysannes. La réduction du salaire, le chômage rendent encore plus précaire le niveau de vie déjà misérable du prolétariat et le poussent dans la voie de la lutte de classes révolutionnaire. Les paysans pauvres et moyens en voie de se ruiner, et les ouvriers, souffrent d'une misère sans issue et perdent leur travail, les représentants de la population pauvre des villes et des grandes couches de la petite bourgeoisie ressentent maintenant beaucoup plus qu'auparavant, le joug de l'impérialisme et commencent à se dresser dans la lutte pour l'affranchissement national. L'impérialisme s'efforce de faire retomber sur eux toutes les suites de la crise et de leur faire payer tous les frais. La nouvelle vague d'indignation de la paysannerie contre les prétentions insupportables des propriétaires fonciers, des usuriers et des agents de l'impérialisme, a tendance à fusionner avec la lutte des ouvriers pour un morceau de pain, avec la protestation contre le joug impérialiste. Elle se joint à la lutte pour l'unité nationale et l'indépendance nationale de tous les pays arabes, déchirés en morceaux par les chacals du capital anglais, français, italien et espagnol. Dans ces conditions, la lutte croissante des masses arabes contre l'impérialisme est avec la lutte révolutionnaire en Chine, aux Indes, en Indochine, etc., en Amérique latine et dans l'Afrique noire, le facteur le plus important dans la crise de tout le système colonial impérialiste.

En Syrie, en Palestine et en Égypte où le mouvement ouvrier de classe s'est plus ou moins constitué, où des partis communistes se sont formés et où le mouvement paysan a atteint un degré élevé de maturité, où le développement ultérieur de la lutte anti-impérialiste est inconcevable sans une lutte conséquente et systématique contre le national-réformisme, la tâche directe et urgente des partis communistes est de construire leur travail en s'orientant sur la révolution paysanne-agraire anti-impérialiste et antiféodale. Le renversement du joug impérialiste, la confiscation de toutes les concessions, entreprises, constructions, plantations, et autres concessions des impérialistes, l'indépendance nationale et étatique complète (plus la suppression de la monarchie en Égypte), la confiscation de toute la propriété foncière des agrariens féodaux et des colons spoliateurs, basée sur l'exploitation du travail d'autrui, la journée de huit heures et les assurances sociales pour les ouvriers au compte des capitalistes, la liberté d'organisation des travailleurs, le gouvernement ouvrier et paysan, la lutte pour l'affranchissement des peuples arabes et leur libre fédération, telles sont les principales revendications qui déterminent le contenu de la révolution anti-impérialiste et anti-féodale.

C'est sur cette base qu'il faut établir une ligne de démarcation avec le national-réformisme et lutter contre lui. À titre de revendications partielles, il faut exiger la réduction de la journée de travail à huit heures, l'augmentation des salaires, l'assurance-chômage au compte des capitalistes, la liberté des organisations ouvrières et paysannes, l'annulation des dettes des paysans pauvres et moyens envers les usuriers, les propriétaires fonciers et les banques, cessation du paiement des prix du fermage, retrait de toutes les forces armées des impérialistes et plébiscite libre sur la question de la libre détermination de l'État (en Égypte, sur la monarchie et le traité anglo-égyptien; en Syrie et en Palestine sur le mandat de la SDN). Dans les pays les plus arriérés, tels que l'Irak, la Tunisie, la Tripolitaine, le Maroc, les groupes de communistes qui existent doivent s'efforcer d'organiser et de constituer le mouvement anti-impérialiste croissant qui apparaît spontanément, en le reliant à la lutte contre les couches supérieures des féodaux et réactionnaires et contre le national-réformisme, en le reliant à la lutte des ouvriers et paysans pour leurs besoins journaliers En Algérie, colonie française entièrement asservie, le centre de gravité du travail doit être porté sur le développement de la lutte et l'organisation des ouvriers arabes, contre les salaires de famine et les conditions de travail dans les colonies et aussi sur la lutte contre la spoliation des terres des arabes par les colonisateurs. Les mots d'ordre qui doivent unir tous les paysans arabes dans la lutte anti-impérialiste, doivent être:

1) Chassons l'impérialisme des pays arabes.

2) Complète indépendance nationale et étatique des pays arabes, liberté pour eux de décider de leur système étatique et de fixer leur frontière.

3) Libre fédération des peuples arabes libérés dans les cadres d'une fédération ouvrière et paysanne des peuples arabes, sur la base de l'alliance de la classe ouvrière, de la population laborieuse des villes et des paysans travailleurs.

Le mot d'ordre de la fédération ouvrière paysanne des peuples arabes peut et doit être lancé, non pas dans le sens que la classe ouvrière conditionne sa participation à la lutte de libération nationale anti-impérialiste par la victoire directe de la classe ouvrière et des masses fondamentales de la paysannerie. Il doit être interprété ainsi: le prolétariat, tout en menant la lutte pour la libération nationale avec le maximum de fermeté et d'esprit de suite, quelle que soient les circonstances, explique en même temps aux masses que l'indépendance nationale ne peut être solidement conquise sans une révolution agraire-paysanne et sans l'instauration d'un gouvernement ouvrier-paysan tout au moins dans les pays arabes les plus développés (Syrie, Palestine, Égypte, Algérie). Les partis communistes ne sauront entraîner à leur suite les grandes masses ouvrières contre la bourgeoisie, les masses paysannes contre les impérialistes, les conquérants, les propriétaires fonciers et les usuriers, ne sauront gagner l'appui de la population pauvre des villes et des masses petites-bourgeoises, que lorsqu'ils seront en même temps les promoteurs et les organisateurs de la lutte contre l'impérialisme, pour la libération nationale des peuples arabes. L'hégémonie de la classe ouvrière ne peut être réalisée sans une lutte tenace du prolétariat pour l'indépendance nationale des Arabes et pour leur liberté nationale.

Les communistes sont tenus de mener la lutte pour l'indépendance nationale et l'unité nationale non seulement dans les frontières étroites et artificiellement créées par l'impérialisme et les intérêts dynastiques de chaque pays arabe, mais aussi à l'échelle panarabe, pour l'unité nationale de tout l'Orient. Le mouvement révolutionnaire anti-impérialiste doit trouver sa force, acquérir une véritable ampleur révolutionnaire, devenir le centre d'attraction pour les masses les plus grandes, en liquidant les frontières artificiellement créées. Cela facilitera également la lutte contre l'influence réactionnaire du clergé. Il ne petit se produire une explosion du mouvement révolutionnaire anti-impérialiste en Égypte, en Palestine ou dans un autre pays arabe quelconque, d'une façon isolée et sans l'appui des autres pays arabes. Les partis communistes sont appelés à devenir les organisateurs de la lutte pour la libération nationale, pour la révolution anti-impérialiste à l'échelle panarabe.

L'attitude envers les groupements nationaux révolutionnaires petits-bourgeois qui mènent, quoique avec une grande fluctuation, la lutte contre l'impérialisme, doit être déterminée par cette règle: marcher séparément, frapper ensemble. Il est possible dans ce but d'établir avec eux un certain accord temporaire pour une action déterminée, en critiquant absolument leurs hésitations et leur manque d'esprit de suite et en conservant toute l'indépendance idéologique et organique du mouvement communiste. Les partis communistes doivent s'efforcer de gagner non seulement les ouvriers et les paysans aux côtés de la lutte anti-impérialiste, mais aussi les grandes couches de la petite bourgeoisie des villes. Tout en tenant compte de toutes les conditions concrètes de la lutte, les partis communistes doivent se souvenir que les contradictions croissantes entre les impérialistes, qui aboutissent inévitablement à la guerre mondiale, créent un terrain particulièrement favorable à une nouvelle poussée vers le mouvement national révolutionnaire arabe. La position stratégique des pays arabes et le désir des impérialistes d'utiliser les peuples arabes comme chair à canon dans la nouvelle guerre mondiale et pour une intervention contre l'URSS, tout cela donne une importance particulière à la lutte anti-impérialiste des masses populaires arabes.

 

6. En indiquant la nécessité d'appliquer les décisions antérieures du parti relatives aux tâches des communistes dans chaque pays arabe, nous soulignons que, pour intensifier l'activité des communistes dans tous les pays arabes, il est nécessaire de prendre les premières mesures suivantes:

1) Développer une vaste campagne de masse sur les buts et les tâches du mouvement d'affranchissement national arabe anti-impérialiste, en l'alliant avec les tâches immédiates du mouvement ouvrier et paysan dans les pays correspondants.

En menant la lutte pour le renversement du joug de l'impérialisme dans chaque pays, il faut coordonner ce mot d'ordre avec la lutte pour la libre disposition nationale des peuples arabes: en l'occurrence, les communistes mènent l'agitation en faveur de l'unité nationale sous la forme d'une fédération ouvrière-paysanne panarabe.

2) Il est nécessaire d'organiser dans ce but des meetings, des réunions en plein air et, le cas échéant, des manifestations, de publier des tracts spéciaux et de constituer des comités de lutte et d'initiative anti-impérialistes avec des représentants des fabriques et des usines, des villages et de la population travailleuse des villes.

3) Etablir un contact plus régulier et plus ferme pour l'échange de l'expérience et pour la coordination du travail, les premiers temps entre les PC d'Égypte, de Syrie, de Palestine et les communistes d'Irak, en ayant en vue de gagner par la suite à cette collaboration générale les communistes de Tripolitaine, de Tunisie, du Maroc et d'Algérie. Il faut, d'une part, prendre des mesures urgentes pour l'organisation et le groupement des communistes en Algérie, Tunisie et Maroc et, d'autre part, s'orienter par la suite vers la transformation des organisations de ces pays en partis communistes indépendants.

 



[1]Correspondance internationale, 1 et 3, février 1933.

[La conférence se tint en 1931. (Cf. Tareq Y. Ismael and Jacqueline S. Ismael, The Communist Movement in Syria and Lebanon, Gainesville, FL, University Press of Florida, 1998.

http://www.upf.com/content/Ismael_Chap1.pdf.) - Note 321Ignition.]