La Troisième Internationale, la Palestine
et le Parti communiste de Palestine, 1920‑1932

Bob:
"Le PC de Palestine et l'insurrection arabe"
(1929)





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Bulletin international
n° 55‑58, juillet-octobre 1982
édité par le CEMOPI
(Centre d'étude sur le mouvement ouvrier et paysan international),
France

 

Bob (Jaffa)
Le PC de Palestine et l'insurrection arabe
[1]

Le PC de Palestine a réussi à convoquer ces jours derniers, dans des conditions extraordinairement difficiles, une séance élargie du CC pour examiner le rôle et les tâches de la classe ouvrière de Palestine et de son parti dans l'insurrection arabe.

Par suite du formidable chauvinisme engendré par l'égarement du mouvement insurrectionnel dans la voie des pogromes et des luttes nationales, par suite de la division de fait des villes et des régions du pays “en zones” nationales, qui menace du danger de mort chaque Juif mettant le pied sur la “zone arabe” et, inversement, chaque Arabe se hasardant sur le territoire juif, par suite de la campagne d'excitation menée par les dirigeants nationalistes des deux côtés, la simple rencontre d'ouvriers juifs et arabes était une affaire très osée. Mais la session plénière a pu constater que les membres du parti ont efficacement résisté à la vague générale de chauvinisme. Le PC de Palestine s'est révélé en temps de “paix” ainsi qu'en pleine guerre nationale déchaînée par les réactionnaires comme la seule forteresse de l'internationalisme. Une unanimité complète a régné entre ouvriers juifs et arabes.

L'ordre du jour du CC comportait les questions suivantes: 1. la situation internationale, l'insurrection en Palestine et la situation à l'intérieur du parti; 2. “arabisation” du parti et questions d'organisation.

La première question donna l'occasion de constater que la ligne du CC fut en général juste. L'estimation du mouvement comme une insurrection populaire, la lutte contre son caractère réactionnaire pour autant qu'il dévia en direction des pogromes, les efforts d'élargir la mouvement et de lancer des mots d'ordre anti-impérialistes, tout cela correspondait absolument aux intérêts des couches laborieuses de Palestine et du mouvement révolutionnaire. En soulignant le rôle joué, d'un côté, par la provocation sioniste-britannique et, de l'autre, par la direction féodale cléricale arabe, en mettant à nu les véritables intentions de l'impérialisme britannique, des sionistes et de la bourgeoisie traîtresse arabe, le parti a entièrement accompli son devoir.

Certes, le CC a commis une série de fautes qu'il a d'ailleurs dénoncées lui-même dans les thèses soumises aux organisations du parti: le rythme du développement fut bien plus rapide que ne l'avait prévu la direction du parti, le virement à gauche du PC et par conséquent aussi son adaptation pratique aux tâches des situations révolutionnaires pouvant surgir dans la troisième période, se firent trop tard et pas assez radicalement (elles furent bien souvent entravées par les discussions avec l'opposition de droite), de sorte qu'à la faiblesse d'organisation du parti, au début de l'insurrection, s'ajouta sa combativité insuffisante. Et l'insurrection du 23 août n'étant qu'une première vague du mouvement insurrectionnel général qui mûrit dans tous les pays arabes, ces fautes peuvent être corrigées, si le parti poursuit une ligne juste et conséquente.

Mais si la majorité écrasante du parti a tiré les leçons nécessaires des événements sanglants, ceux-ci servirent de prétexte aux éléments opportunistes de droite pour déclencher une attaque générale contre la ligne du parti et de l'IC. Ces éléments profitèrent du fait que le CC s'était contenté d'une âpre lutte idéologique contre eux et n'avait pas appliqué des mesures d'organisation aux fins d'exclusion de l'aile opportuniste du parti, pour saper la discipline du parti et pour tirer des conséquences politiques équivalant à une liquidation complète de la ligne révolutionnaire du parti.

Les opportunistes de droite furent contre le virement à gauche du parti, ils s'appliquèrent à faire passer la troisième période pour une fantaisie de l'IC, ils nièrent la radicalisation des masses, ils combattirent les manifestations du 1er Mai et du 1er Août et repoussèrent les principes d'organisation du parti communiste.

Pendant les événements, le comité du parti de Haïffa (où l'influence de la droite est la plus forte) proclama tout simplement que l'appel du Comité central du PC de Palestine, parlant du "mouvement d'émancipation des masses arabes", était faux "puisqu'il n'y avait pas eu de mouvement de libération, mais rien que des pogromes ...". Impressionnés par les cris d'horreur de l'appareil de propagande des sionistes et des poaley-sionistes, ces “communistes” ne virent dans les événements que des luttes nationales et des agressions cruelles. Ils ne remarquèrent point les forces sociales du mouvement, les révoltes anti-impérialistes qui éclatèrent partout là où il n'existe pas de “barrière” juive-sioniste, ils nièrent la possibilité que la classe ouvrière puisse prendre en mains le direction du mouvement, et déclarèrent finalement que la seule “tactique” possible était de rester chez soi et d'attendre la fin des “pogromes” et que, d'ailleurs, il valait mieux pour les ouvriers juifs de quitter la Palestine.

Non content de cette “analyse” géniale, le comité de Haïffa passa à l'attaque ouverte contre le PCI en confisquant tout simplement l'appel du parti contraire à ses vues. Il donna ainsi aux ennemis des communistes la possibilité de déclencher une formidable campagne d'excitations contre le parti, de diffuser les mensonges les plus grossiers sur l'attitude des communistes et d'éveiller la méfiance des ouvriers sympathisants avec le parti.

Dans ces circonstances, il fallait que la session plénière s'explique clairement avec l'opposition de droite. Le jugement fut unanime. Il correspond aux recommandations que le secrétariat d'organisation du CE de l'IC avait données au CC du PC de Palestine danse lettre du 13 août (elle nous est seulement parvenue en pleine insurrection), à savoir que la défense de l'idéologie de droite est inconciliable avec l'appartenance ultérieure au PC et que le CC devait immédiatement épurer le parti de tous les représentants de l'opportunisme et du poaley-sionisme petit-bourgeois.

En même temps, le CC repoussa l'attitude des éléments de la mi-droite (conciliateurs). Ceux-ci n'approuvent le droite qu'en partie, dans les questions de la “radicalisation” du Premier Août, etc. Ils s'élèvent aussi contre les mesures d'organisation énergiques prises dans la lutte contre le danger de droite.

La session plénière a considéré l'article du camarade Alini (l'ancien dirigeant de l'opposition de droite) paru dans le No 86 de la Correspondance Internationale, comme une sorte de plate-forme de ces élément. Il n'y combat pas les mots d'ordre du gouvernement ouvrier et paysan, de la révolution agraire, du front de lutte contre la bourgeoisie nationale traîtresse ‑ mots d'ordre contre lesquels il s'est dressé autrefois ‑ mais Alini voit le danger dans la “surestimation de la radicalisation des masses ouvrières” et estima que la situation n'est pas encore mûre pour une “offensive des travailleurs”.

Or, la faute du parti a précisément consisté dans une sous-estimation de la radicalisation des masses. La situation objective était mûre pour une offensive encore plus énergique et plus vaste des travailleurs que celle inaugurée par le parti après son “tournant à gauche”.

Aux termes de la résolution de la session plénière, les conciliateurs ne peuvent rester dans le parti que s'ils abandonnent leur point de vue erroné, et s'ils commencent une lutte non seulement en paroles, mais aussi en fait contre le danger de droite.

Quant au deuxième point de l'ordre du jour, la session plénière fut unanimement d'avis que le rythme de “l'arabisation” du parti devait être poussé au maximum. Les conditions objectives sont données grâce à l'effervescence révolutionnaire des masses et grâce à la trahison du mouvement national arabe.

En agrandissant ses cadres arabes, le parti pourra jouer un rôle important déjà dans la prochaine étape du développement révolutionnaire. Le gouvernement britannique et ses alliés, les forces réactionnaires, ne le sentent que trop bien, et les persécutions acharnées contre le parti proviennent précisément de la peur qu'ils ont de la croissance du mouvement ouvrier révolutionnaire et du communisme.

 



[1]. Correspondance internationale, 106, octobre 1929.