Enver Hoxha: L'Eurocommunisme c'est de l'anticommunisme
(Extrait)
Écrit: 1980. Oeuvres choisies, vol. 5, Éditions "8 Nëntori", Tirana, 1985. |
Après le XXe Congrès du P.C.U.S., le révisionnisme moderne
a aussi trouvé un milieu approprié à sa propagation dans le Parti communiste
français. Dans la direction de ce parti, l'idée du parlementarisme, l'idée des “alliances”
avec la social-démocratie et la bourgeoisie, l'idée de l'orientation de la
lutte dans le sens des réformes avaient depuis
longtemps poussé leurs racines. Ces idées n'étaient pas, comme maintenant,
ouvertement déclarées, autrement dit elles n'étaient pas érigées en théorie.
Mais l'opposition au fascisme et la lutte contre lui, la lutte pour la défense
et le développement de la démocratie, pour l'amélioration de la situation des
travailleurs, toutes ces actions justes en principe, justes aussi sur le plan
tactique, n'étaient pas rattachées par le Parti communiste français à
l'objectif final, à la perspective socialiste. Pour la direction du Parti
communiste français cette perspective était sombre, elle était admise en
théorie, mais jugée irréalisable dans les conditions de
Le Parti communiste français, nous l'avons dit, se déroba à sa
tâche de transformer la lutte pour la libération nationale en révolution
populaire, il se déroba à la lutte armée pour la prise du pouvoir. Certes, la
classe ouvrière et son parti versèrent leur sang, mais pour qui? En fait, pour
la bourgeoisie française et pour les impérialistes anglo-américains. Comment
qualifier cette voie du Parti communiste français? Sans gants: trahison envers
la révolution; avec des gants: ligne opportuniste, libérale.
Certes, le Parti communiste français ne put être liquidé ni par
les occupants allemands ni par la réaction, mais à la libération du pays se
produisit un événement fâcheux: les forces de partisans dirigées par le parti
furent désarmées par la bourgeoisie, ou plutôt la direction elle-même du parti
prit la décision de les “désarmer”, du moment que “
À la suite de la libération du pays, la bourgeoisie reprit le
pouvoir, et les communistes ne furent pas admis au festin. On prépara le
terrain pour de Gaulle, qui fut proclamé le sauveur du peuple français. Pour se
prémunir contre la résistance et les grèves des ouvriers déçus et révoltés, de
Gaulle appela au gouvernement Maurice Thorez et un ou deux autres communistes.
Cette place au bas bout de la table que lui offrit la bourgeoisie, le Parti
communiste la paya en adoptant des attitudes qui allaient à l’opposé des
intérêts et de la volonté de la classe ouvrière française.
Une erreur en entraîne une autre. Grisés par le succès obtenu
aux élections du 10 novembre 1946, où communistes et socialistes acquirent
la majorité absolue des sièges à l'Assemblée nationale, les dirigeants du Parti
communiste français s'engagèrent encore plus profondément dans la voie du réformisme.
Ce fut précisément à cette époque que Maurice Thorez accorda une interview à un
correspondant du journal anglais Times,
où il disait entre autres que le développement des forces démocratiques dans le
monde et l'affaiblissement de la bourgeoisie capitaliste après
Cette voie vers le socialisme, qu'évoquait alors Thorez, n'était
peut-être pas exactement la voie khrouchtchévienne, dont les contours devaient
être tracés par la suite. Toujours est-il que les “autres voies” que
recherchait alors Thorez, n'étaient pas celles de la révolution.
La bourgeoisie française et l'impérialisme américain ne
permirent pas à Thorez et à la direction du Parti communiste français de
caresser longtemps leurs rêves de la voie parlementaire vers le socialisme.
Avant qu'il ne fût longtemps, le Premier ministre socialiste de l'époque,
Ramadier, chassa par un simple décret les communistes du gouvernement.
À sa réunion d'octobre 1947, le Comité central du Parti
communiste français fut contraint de faire son autocritique pour ses prises de
position et ses actions erronées de cette période, pour son appréciation
inexacte des situations, du rapport des forces, de la politique du parti
socialiste, etc.
Ainsi, à partir de la fin de 1947, le Parti communiste français
commença à considérer certaines questions de façon plus juste. Il mobilisa la
classe ouvrière dans d'importantes batailles de classe et des grèves massives,
qui avaient aussi un caractère politique marqué, comme
le furent notamment celles de 1947 et 1948, qui suscitèrent la panique dans la
bourgeoisie française. Le Parti communiste français lutta à l'époque contre la “marshallisation”
de
Dans cette lutte, la classe ouvrière française sortit de son
sein des héros et des héroïnes comme Raymonde Dien, qui se coucha sur les rails
pour empêcher de passer un train chargé d'armes destinées au Vietnam.
Le Parti communiste français participa activement à la réunion
du Bureau d'Information qui examina la situation dans le Parti communiste de
Yougoslavie. Il dénonça et démasqua sévèrement la trahison de Tito et de son
groupe.
Toutefois, après la mort de Staline et l'avènement de
Khrouchtchev, des hésitations se firent jour à nouveau dans la ligne du Parti
communiste français, et dans les attitudes de ses dirigeants. Ces hésitations
apparurent dès 1954 dans leurs prises de position à l'égard de la guerre de
libération du peuple algérien.
Que fit le Parti communiste français pour venir en aide à cette
lutte? Il se borna à une campagne de propagande, rien de plus. Il avait pour
devoir de montrer par des actes son internationalisme envers la lutte de
libération du peuple algérien, car il aurait par là même lutté pour la liberté
du peuple français. Il s'en abstint, car il inclinait à des attitudes
opportunistes et nationalistes. Il alla même plus loin. Il empêcha le Parti
communiste algérien de s'engager dans la lutte. Alors que l'Algérie brûlait
dans le feu de la lutte de libération nationale, les communistes algériens
restèrent les bras croisés, cependant que le secrétaire général du parti, Larbi
Buhali, faisait du ski et se cassait la jambe dans les monts Tatra en
Tchécoslovaquie.
Lorsque Khrouchtchev et les khrouchtchéviens entamèrent leur
action pour s'emparer du pouvoir et engager l'Union soviétique dans la voie de
la dégénérescence capitaliste, lorsqu'ils entreprirent leur attaque contre
Staline à leur XXe Congrès, il parut que, dans l'ensemble, le Parti
communiste français était opposé au révisionnisme khrouchtchévien et au Parti
communiste italien. Thorez et la direction de ce parti regardaient,
semblait-il, avec suspicion les transformations qui se produisaient en Union
soviétique.
Cela s'observa dans leurs prises de position à l'égard de la
question de Staline, en quoi ils ne souscrivirent pas aux calomnies de
Khrouchtchev; cela apparut à l'époque des événements de Pologne et de Hongrie
en 1956, lorsque généralement, ils adoptèrent de justes attitudes.
Mais après que Khrouchtchev et son groupe eurent liquidé
Molotov, Malenkov, Kaganovitch, etc., consolidé leurs positions dans le parti
et dans l'État et pris le mors aux dents, on constata que la direction du Parti
communiste français, Thorez en tête, chancela. De ses positions
anti-khrouchtchéviennes, petit à petit et de concession en concession, elle
passa aux positions de Khrouchtchev. Etait-ce là quelque chose de fortuit,
était-ce là une bévue de Thorez? Etait-ce un recul de sa part, de Duclos et des
autres dirigeants devant les pressions, les louanges et les flatteries de
Khrouchtchev et ses autres méthodes putschistes? Assurément ces méthodes ont
été utilisées et elles ont influé sur le passage, puis sur la marche irrésistible,
du Parti communiste français vers le révisionnisme. Mais ce n'est pas tout. Les
véritables causes doivent en être recherchées dans le Parti communiste français
lui-même, dans ses attitudes antérieures, dans sa structure et son organisation
internes, dans sa composition et dans le milieu extérieur qui a exercé sa
pression sur lui.
L'évolution du Parti communiste français vers le révisionnisme
ne s'est pas faite en un jour. La quantité s'est convertie en qualité en un
laps de temps relativement long. Le Parti communiste français a été amené aux
positions révisionnistes par la voie réformiste et parlementaire, la voie de la
“main tendue” de Thorez, son adoration, avec les concessions qu'elle
entraînait, pour un certain nombre d'intellectuels, dont une partie, après
avoir trahi, ont été exclus du parti; d'autres y sont restés et y ont développé
le défaitisme, en propageant toutes sortes de théories, qui déformaient le
marxisme-léninisme. Le Parti communiste français vivait encerclé d'un milieu
politique et idéologique bourgeois, révisionniste, trotskiste, anarchiste, qui
battait constamment en brèche ses murs, les perçait et lui causait de gros
préjudices.
Les grands événements internationaux également provoquèrent des
secousses dans
Les événements qui se produisirent en France lors de la guerre
d'Algérie firent également resurgir et prédominer dans le Parti communiste
français les anciennes conceptions et attitudes opportunistes.
Tous ces facteurs pris ensemble ont fait du Parti communiste
français, connu naguère comme un des partis jouissant de la plus grande
autorité, un parti révisionniste, réformiste, social-démocrate. Bref, le Parti
communiste français est revenu aux positions de l'ancien parti socialiste, dont
il s'était détaché en 1920 au Congrès de Tours.