Les manoeuvres de la dite “extrême gauche”
en opposition à l'“Europe libérale”

Écrit:
septembre 2007
Dernière modification:
juin 2008

Ceci est la version imprimable de:
http://321ignition.free.fr/pag/fr/ana/pag_004/
pag.htm

 

Libéralisme, dirigisme

Parmi les principaux enjeux qui sont couramment mis en avant concernant le développement actuel de la domination du capitalisme à l'échelle européenne, il y a celui représenté par la mise en oeuvre des préceptes caractérisant le “libéralisme”. Ce terme inclut un certain nombre d'aspects déterminés. Cependant, ceux-ci sont multiples et couvrent des domaines superposés assez larges. En outre, l'usage qui en est fait, reste souvent imprécis. Les considérations qui vont suivre, concerneront des questions délimitées. Pour les traiter, il faut d'abord identifier les significations et les implications de la notion de “libéralisme”.

Le libéralisme comme doctrine cohérente émergea à la fin du 18e siècle. À l'époque, la distinction n'était pas établie entre libéralisme économique et social (l'apparition de l'économie comme discipline séparée ne date que de la première moitié du 19e siècle). L'aspect essentiel en est cependant économique: le “marché libre” est considéré comme la base du système économique à promouvoir. Cela entraine un certain nombre d'implications, notamment que l'autosuffisance d'un pays n'est pas un objectif compatible avec le libéralisme, et qu'il ne doit y avoir de barrières entre pays quant aux flux de marchandises, services et capitaux. De façon générale, les interférences de l'État et de toute autre institution ou force sont à proscrire, ce qui s'applique notamment à la planification.

C'est ce dernier point qui conduit évidemment à des considérations appartenant au domaine politique. Cependant, lorsqu'on emploie la notion de libéralisme en termes politiques, cela peut se référer à des conceptions variées. En premier lieu, dans le contexte de langue anglaise, le terme est associé à l'idée de libertés individuelles. Une manifestation de cette signification est la défense, au nom de la liberté d'expression, de propagandistes dits révisionnistes au sujet de l'histoire du national-socialisme, tels que Robert Faurisson. Prise au sens plus général, cette variante du libéralisme s'apparente à l'anarchisme.

En ce qui concerne la notion de “néolibéralisme”, elle est souvent employée pour désigner une série de caractéristiques qui ne découlent pas en elles-mêmes de l'application du libéralisme.

Le système capitaliste comporte de manière inhérente la tendance à augmenter toujours plus l'étendue géographique intégrée dans sa sphère, à soumettre un volume toujours plus grand de force de travail à son emprise tout en accroissant toujours plus, du point de vue du temps, le taux d'utilisation de l'ensemble des travailleurs dans le procès de production de plus-value et, parallèlement, intensifiant toujours plus le degré d'exploitation au cours de ce procès. L'évolution de la situation mondiale depuis le 19e siècle jusqu'à aujourd'hui montre effectivement des caractéristiques orientées dans ce sens. On peut y observer en outre l'élaboration, assistée entre autre par les progrès techniques, de mécanismes de fonctionnement qui favorisent une meilleure adaptation aux facteurs de conjoncture et de crise économiques: sous-traitance, médiation financière, etc.

Bien entendu, ces tendances sont entravées par l'ensemble des contradictions inhérentes au capitalisme. Alors qu'en théorie la réalisation du maximum de profit à l'échelle mondiale devrait déboucher sur l'intégration de la grande majorité de la population mondiale dans la force de travail employée par le capital, en réalité il n'en est rien.

Toujours est-il que les phénomènes mentionnés peuvent apparaitre dans le cadre d'économies capitalistes de différents types, non seulement celles qui suivent des politiques dites “néolibérales” mais aussi celles qui mettent en pratique un régime centralisé, dirigé, tel que celui de l'Allemagne sous le national-socialisme. Ainsi, parmi les aspects du fonctionnement actuel du capitalisme, tels qu'ils sont énumérés couramment par les présentations propagandistes pour dénoncer les maux engendrés par le “néolibéralisme”, la plupart n'ont en fait pas de lien intrinsèque avec le postulat du “marché libre”.

Les dispositifs de réduction du temps de travail tout autant que ceux de son augmentation, visent à accroitre la durée globale du travail pour l'ensemble des travailleurs. Dans le cas de la réduction, en effet, celle-ci est indissolublement associée à une flexibilisation (au moyen de l'annualisation, de la multiplication du travail par équipes, etc.). Et par rapport à l'espace géographique, l'histoire de l'exploitation des matières premières dans le cadre du système capitaliste montre toute une série de déplacements successifs des centres, selon leur rentabilité. Si aujourd'hui ces mécanismes sont de plus en plus omniprésents, cela est lié au fait que le développement des forces productives, du point de vue technique, lève progressivement les restrictions pratiques qui s'imposaient au capital dans le passé. Autrefois par exemple les investissements à l'étranger avaient en grande partie pour objectif l'approvisionnement du marché local, et allaient donc de pair avec la poursuite de la production dans le pays impérialiste dont ils provenaient. Aujourd'hui se produit ce qu'on appelle les “délocalisations”, parce qu'il est devenu techniquement possible de faire assumer aux sites de production à l'étranger le rôle de fournisseur à l'échelle mondiale, remplaçant ainsi d'autres sites, où qu'ils soient installés.

Tout cela étant dit, il faut en venir au fait que certains traits de la politique qui prédomine actuellement parmi un grand nombre de pays, sont notablement différents de ce qui était coutumier précédemment. Il s'agit essentiellement de deux points que l'on peut résumer ainsi: démantèlement des systèmes de “sécurité sociale” et désengagement de l'État des fonctions de gestion directe d'activités économiques (en y incluant toute forme de “service public”). Cependant, il ne serait pas approprié d'analyser cette réalité en termes d'opposition abstraite entre un capitalisme “social” et un capitalisme “antisocial”, ni d'attribuer au réformisme une sorte de “mérite” d'avoir instauré le premier.

La situation actuelle est le résultat d'une part, d'un changement dans la corrélation des forces entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, et d'autre part du renforcement du caractère monopoliste impérialiste du système économique.

L'instauration de la dictature du prolétariat en Russie et les avancées substantielles réalisées sur cette base dans la construction du socialisme en URSS, conjointement au développement du mouvement ouvrier et antiimpérialiste dans le monde, faisaient sentir à la bourgeoisie mondiale que son pouvoir était sérieusement ébranlé. Pour endiguer la menace, elle employait alors tous les moyens à sa disposition, la violence répressive figurant en bonne position, et aussi les manipulations et intrigues pour diviser les organisations politiques et syndicales du mouvement ouvrier. Dans le contexte particulier qui était le résultat de la deuxième guerre mondiale, elle avait recours à une politique visant à tromper les masses qui se tournaient de plus en plus vers la perspective révolutionnaire pour laquelle le prolétariat soviétique montrait la voie. Elle accepta, dans un certain nombre de pays, notamment en France, l'établissement d'un système d'assurance pour les périodes de maladie, de chômage et de retraite. Parallèlement, elle maintenait certaines conditions minimales de subsistance dont les travailleurs avaient besoin pour continuer à vivre en restant soumis à l'exploitation journalière par le capital.

Depuis, la restauration du pouvoir de la bourgeoisie en URSS, ensuite en Albanie, et la dislocation consécutive du mouvement ouvrier, ont changé substantiellement la situation mondiale. La bourgeoisie se croit finalement autorisée à considérer comme caduques ses craintes passées, et à faire disparaitre toute concession favorable aux travailleurs. Cela concerne le système de “sécurité sociale”, le code du travail, les conventions collectives, ainsi que le moindre avantage obtenu sous la pression de la lutte revendicative, et inclut aussi les effets favorables des “services publics”.

Une autre série de modifications concerne l'économie. En comparaison avec la situation entre les deux guerres mondiales, le développement des forces productives organisées sous le contrôle des sociétés transnationales dominantes a franchi une nouvelle étape dans l'élargissement de ses dimensions. Il a amené dans le périmètre du secteur industriel, des pays dont l'économie était autrefois essentiellement agricole. Dans les pays impérialistes eux-mêmes les échelles de référence se sont considérablement étendues. Antérieurement, certaines activités étaient organisées en tant que secteurs nationaux ou du moins de façon centralisée, au niveau de chaque pays, la bourgeoisie considérant qu'une gestion collective au service du capital dans son ensemble était appropriée. C'est le cas des infrastructures (transports, énergies, télécommunications) mais aussi de certaines industries comme l'aéronautique, notamment militaire. Cette vision reste toujours en vigueur, mais son application tend à déborder les limites devenues étroites des États nationaux. Or, l'existence de ceux-ci reste un fait, et sur le plan politique l'établissement, par exemple, dans l'Union européenne d'une “société européenne des télécommunications” unique, est loin de pouvoir être concrétisé. C'est pourquoi un mécanisme indirect se met en oeuvre, qui exige la privatisation des sociétés nationales concernées pour laisser le champ libre à des concentrations monopolistiques supranationales, supervisées plus ou moins étroitement par les pouvoirs publics. En l'occurrence, ce qui en apparence constitue un cas spécifique de l'application de la doctrine néolibérale et de la concurrence libre et non faussée, résulte en fait, du moins en partie, de la tendance opposée, c'est-à-dire de la caractéristique fondamentale du capitalisme à son stade monopoliste.

Avant d'en venir à la question de l'“anti-néolibéralisme” tel qu'il se manifeste au sujet de la situation en Europe, il convient de noter que des aspects importants du contrôle global exercé par le capital sont liés aux modifications de la place des pays dominés dans le système capitaliste mondial et de la façon dont l'impérialisme maintient sa domination. En relation avec le thème du libéralisme, cela concerne entre autre le rôle joué par les institutions internationales (FMI, Banque mondiale) et les différents organismes formels ou informels comme les clubs de créditeurs, les “sommets” internationaux, etc. Compte tenu du sujet tel qu'il va être traité dans ce qui suit, nous laisserons de côté ces points.

La question de l'unification de l'Europe sur la base de l'économie capitaliste a été posée dès avant la deuxième guerre mondiale. Elle s'est progressivement concrétisée depuis les années 1950. À partir du moment où les accords multilatéraux entre pays européens allaient au-delà du simple domaine des échanges commerciaux, s'est cristallisé un débat entre défenseurs et opposants, ces derniers dénonçant les méfaits de l'“Europe libérale” tout en évoquant, du moins certains, l'objectif posé comme souhaitable, de l'“Europe sociale”. Il est vrai qu'entretemps la Grande-Bretagne avait été soumise à la politique effectivement libérale des gouvernements de Margaret Thatcher. Il suffit de citer l'exemple de la privatisation des chemins de fer, qui montre les implications catastrophiques, en termes économiques pour les masses populaires en général et en termes de dislocation de la classe ouvrière, voulue par le capital, en particulier.

Dans une première période d'une dizaine d'années les mouvements désignés sommairement comme “antimondialistes” avaient orienté leurs actions principalement contre certaines manifestations de la domination exercée par les grandes puissances capitalistes au niveau mondial. Plus précisément étaient concernées les mesures à caractère libéral imposées aux pays dominés, notamment en Amérique latine. Puis, l'“Europe libérale” a été largement mise en avant comme cible de la critique.

Europe sociale contre Europe libérale

Pour des raisons historiques, c'est surtout en France que la question de l'“Europe libérale” a fini par prendre une importance considérable. C'était le cas d'abord par rapport au traité de Maastricht, en termes d'opposition à la supranationalité, puis, avec le projet de traité constitutionnel, autour des dispositions qu'il contenait et qui visaient à rendre plus explicit les règles imposant le “marché libre”.

L'opposition au “marché libre” et au démantèlement du système de “sécurité sociale” s'est organisée de façon naturelle dans le cadre du mouvement syndical. Des luttes se sont développées, contre la remise en cause des régimes de retraite et d'assurance-maladie, et contre les directives européennes concernant l'abolition des mesures protectionnistes dans le domaine de la circulation de la main d'oeuvre et des services.

Puis est venu la tentative de faire adopter un traité constitutionnel conforme aux orientations développées par les gouvernements européens à travers la commission européenne. La contestation syndicale s'est alors transformée en contestation plus directement politique.

En France, ce débat est fortement relié à l'histoire du Parti communiste français et l'orientation qu'il adopta dans le cadre de la résistance contre l'occupation par l'Allemagne national-socialiste. Depuis les années d'après-guerre et de participation du PCF au gouvernement, cette orientation est constamment citée comme source d'“acquis” du mouvement ouvrier, et indirectement, elle a largement contribué à l'apparition du concept de “modèle français” dans le domaine des relations sociales. L'une des caractéristiques de l'opposition au projet de traité constitutionnel fut la référence à cette filiation, telle qu'elle est par exemple invoquée dans l'appel suivant, publié en 2004 par un certain nombre de personnalités ayant joué un rôle dans le combat contre l'occupation[1]:

Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération, nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre (1940‑1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle. [...]

[...] programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944: Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des “féodalités économiques”, droit à la culture et à l'éducation pour tous, presse délivrée de l'argent et de la corruption, lois sociales ouvrières et agricoles, etc. Comment peut-il manquer aujourd'hui de l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l'Europe était ruinée?

Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.

Dans le contexte actuel, le point de vue “antilibéral” est exhibé de façon explicite et insistante par certaines organisations politiques, qui en outre s'appuient sur des structures associatives ‑ dont elles constituent en général le noyau ‑ pour qu'il soit repris plus largement. Nous ne nous occuperons pas de tout l'éventail de ces groupes, et certainement nous laisserons de côté le PCF, qui depuis longtemps propage les positions qui constituent l'ossature du mouvement tel qu'il s'est cristallisé sous la bannière de l'“antilibéralisme”. Nous aborderons simplement deux cas qui nous semblent significatifs pour des raisons particulières.

La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) française

Pour commencer, en ce qui concerne la Ligue communiste révolutionnaire, en France, nous prenons comme référence les positions telles qu'elles se sont exprimées dans les débats à l'occasion du 16e congrès tenu en 2006[2].

Un penchant particulièrement accentué pour l'antilibéralisme apparait dans les orientations du courant associé à la “plateforme 4”. Il considère que l'objectif le plus important actuellement est "le regroupement politique large en rupture avec la gestion du capitalisme". Cette "construction d'un nouveau parti anticapitaliste" reposerait sur le fait supposé que "des dizaines de milliers de militants dans le mouvement social, la gauche traditionnelle et l'extrême gauche souhaitent l'existence d'une force politique capable de s'opposer à la droite, de contester l'hégémonie du social-libéralisme et de donner consistance à un projet émancipateur".

Ainsi "les collectifs ont potentiellement un rôle central à jouer car ils constituent pour l'instant la seule expression organisationnelle, aussi partielle soit-elle, de la recomposition politique". "Les collectifs, les forces de la campagne du “non” de gauche, ont donc la responsabilité de continuer à rassembler les militants socialistes, écologistes, communistes, de la gauche révolutionnaire, les syndicalistes, altermondialistes, tous ceux et toutes celles qui, à gauche, rejettent le social-libéralisme."

Le caractère opportuniste de cette position ressort clairement en ce qui concerne la question du programme: "Nous ne pouvons et nous ne devons pas élaborer a priori, dans l'abstrait, le programme d'une nouvelle force. D'une part, c'est se substituer à l'ensemble des militant‑e‑s qui constitueront cette nouvelle force et qui en décideront démocratiquement. D'autre part, un tel programme dépend des luttes réelles. Son degré de rupture dépend du rapport de force, de la dynamique des luttes, des concessions qu'il est possible ou pas d'arracher à la classe dirigeante dans un moment donné."

En conséquence, les formules utilisées restent évasives: "un projet émancipateur en rupture avec le capitalisme", "l'émergence d'une gauche en rupture avec la gestion du système, une véritable opposition conséquente à la droite, au libéralisme, une alternative au social-libéralisme". Les quelques allusions anticapitalistes sont timides: "[...] une politique qui impliquera de sérieuses incursions dans la propriété privée des moyens de production".

L'opportunisme régit également l'attitude par rapport à la question du gouvernement: "[...] seul un gouvernement des travailleurs (ou au service des travailleurs), appuyé et contrôlé par l'auto-organisation des salarié‑e‑s et des habitant‑e‑s, pourra mettre en œuvre une telle politique au service du plus grand nombre, [...]. Un tel gouvernement, nous le soutiendrions et en serions partie prenante." Concrètement, cela signifie que "la LCR est favorable à des candidatures unitaires à la présidentielle et aux législatives sur la base d'une plateforme résolument antilibérale, reprenant à son compte les revendications des luttes sociales des dernières années, sur la base aussi du refus de toute alliance avec les sociaux-libéraux et de toute participation à un gouvernement social-libéral".

Le courant (majoritaire) associé à la “plateforme 1” critique la “plateforme 4” "qui propose d'abandonner l'anticapitalisme pour une force “antilibérale”, formellement à droite du PCF", et affirme: "Nous défendons la perspective d'un gouvernement anticapitaliste dont le programme soit d'abroger toutes les lois antisociales et d'engager une politique de rupture avec le capitalisme libéral. [...] Nous rejetons toute nouvelle expérience [...] d'un gouvernement ne rompant pas avec les institutions et l'économie capitaliste." Mais ses propres positions ne sont pourtant pas plus anticapitalistes que celles de la “plateforme 4”.

En quoi consisterait selon la “plateforme 1” la "rupture avec l'économie capitaliste"?

En effet, l'arrêt des politiques libérales de l'emploi, des licenciements, la mise en œuvre d'une vraie lutte contre le chômage implique des incursions dans la propriété capitaliste pour ôter le contrôle absolu du patronat sur l'économie. L'exigence d'une nouvelle répartition des richesses impose de changer de logique, de substituer à la logique du profit capitaliste une logique des besoins sociaux.

Et en quoi consisterait la "rupture avec les institutions"?

Ce plan d'urgence social a aussi une dimension démocratique, dans l'exigence d'une rupture avec les institutions de la Vème République, en particulier la concentration des pouvoirs au sommet de l'État. Cette rupture ne vise pas à un rétablissement de la IVème République parlementaire, elle devrait déboucher sur une nouvelle démocratie, une démocratie jusqu'au bout, c'est-à-dire l'intervention directe de la population pour décider de la marche de la société. Celle-ci ne devrait pas s'arrêter à la porte des entreprises et marchés financiers. Ce contrôle nécessite que la mobilisation des classes populaires débouche sur de nouvelles formes de démocratie directe par l'élection d'assemblées dans les entreprises et les communes. Il pose la question de qui dirige et qui décide, les multinationales et les pouvoirs financiers ou les travailleurs, c'est-à-dire la question du pouvoir politique. Les compétences d'une assemblée élue au suffrage universel et à la proportionnelle doivent être étendues à l'ensemble du champ politique, économique et social. Tous les représentants du peuple doivent être contrôlés par ceux qui les ont élus. Cette transformation démocratique doit s'appuyer sur un processus d'autogestion sociale et démocratique de la société.

Bref, ni instauration d'un pouvoir révolutionnaire dirigé par le parti de l'avant-garde du prolétariat, ni abolition de la propriété privée des moyens de production, mais seulement les formules nébuleuses employées régulièrement par les réformistes.

La “plateforme 1” à son tour est incluse dans la cible des critiques formulées par le courant associé à la “plateforme 5”. Celui-ci considère qu´"en plus de celle de Hollande[3] et de la nôtre, il y en a une troisième, de gauche: celle des directions réformistes du “non” de gauche qui, toutes, défendent des resucées des vieux programmes keynésiens". Il déplore que "soutenu activement par les PF 3 et 4, plus timidement par la PF 1, l'appel “pour des candidatures unitaires en 2007 et 2008” se situe malheureusement sur le terrain exclusif de cette troisième gauche". Selon lui, "cet appel ne dit pas un mot des luttes en cours, ne se prononce pas sur les revendications portées par les mobilisations de ces dernières années", et "il n'indique pas les forces sociales qu'il faudra affronter pour véritablement changer de politique et il ne dit même pas qu'il faut s'attaquer aux profits". Il est sans intérêt pour nous de savoir si ces appréciations sont justifiées. Nous retenons cependant qu'en fin de compte on retombe sur les mêmes limitations dans les perspectives de "rupture".

En effet, selon la “plateforme 5”, sur le plan économique:

[...] la LCR défendra la nécessité de s'attaquer, par tous les moyens qu'offre la lutte des classes, aux profits, à la propriété privée, au pouvoir patronal [...].

Et sur le plan politique:

[...] la LCR défendra la nécessité [...] d'abolir la Ve République et d'ouvrir un processus constituant [...].

Le Parti communiste des ouvriers de France (PCOF)

En France, comme dans la plupart des autres pays européens, le terrain de ce que l'on appelle l'extrême gauche est essentiellement occupé par des mouvements trotskistes. Nous mentionnerons encore ici une organisation dont la filiation historique est distincte, mais qui se fond complètement dans l'orientation illustrée ci-dessus par l'exemple de la LCR: le Parti communiste des ouvriers de France (PCOF).

Le PCOF s'est constitué en 1979 suite à une scission du “Parti communiste marxiste-léniniste de France” (PCMLF). Celui-ci était issu de la “Fédération des cercles marxistes-léninistes de France” fondée en 1964 par des militants exclus du Parti communiste français, qui avait pris en 1966 le nom de “Mouvement communiste français (marxiste-léniniste)”, puis en 1967 s'était transformé en PCMLF.

Le PCOF se situe pleinement dans le cadre des positions antilibérales[4]:

Le fil conducteur entre le “Non” au référendum à la constitution européenne, le rejet du CPE, les mouvements contre la criminalisation de la jeunesse, les mobilisations en solidarité avec les sanspapiers, la solidarité avec les sans-logis, c'est le rejet massif de la politique néolibérale menée par le gouvernement et le patronat. Et quand les ouvriers se battent contre les licenciements boursiers, quand ils se battent pour leurs salaires, ils s'attaquent directement à cette politique du profit maximum exigé par les banques d'affaires et autres fonds privés qui étranglent la société.

En résumé: "Partout dans le monde, la politique néolibérale a été la réponse de la bourgeoisie monopoliste à la crise[5]." Partant de là, le PCOF considère que "la gravité de la situation exige plus que jamais de toutes les forces politiques, sociales, syndicales qui s'opposent au libéralisme et à sa version sociale-libérale, de lutter ensemble et de proposer une politique de rupture avec le néolibéralisme"; il fait observer que "c'est la tâche que se sont fixée les “collectifs du 29 mai”" et conclut que "c'est en leur sein que peut se forger l'unité entre les différentes couches du peuple pour lutter contre le néolibéralisme [...]"[6]. Rappelons qu'un appel avait été rendu public en 2004 en vue du rejet du “traité établissant une constitution pour l'Europe”, tandis qu'un référendum devait se tenir à ce sujet, le 29 mai 2005. Après ce référendum, se sont constitués, dans le prolongement de l'appel, les “comités du 29 mai”, regroupés dans un comité national. Ils ont élaboré un document intitulé “charte pour une alternative au libéralisme”, adopté en aout 2006.

Le PCOF prend pleinement à son compte ce programme: "Une politique alternative au néolibéralisme existe, c'est celle qui est contenue dans la “charte pour une alternative au libéralisme”[7]." Ce texte ne fait pourtant que rabâcher, en des termes plus ou moins identiques, les positions réformistes de longue date propagées par les organisations participantes, en premier lieu le PCF. Voici un paragraphe qui suffit pour le présenter en synthèse[8]:

Notre objectif, c'est la satisfaction des besoins sociaux, le développement des capacités de chaque personne et donc plus de recherche, de qualification, de culture et de démocratie. Cela suppose de répartir et d'utiliser autrement les richesses disponibles, d'instaurer un socle ambitieux de droits collectifs et individuels, de restaurer des politiques publiques actives, de mettre au cœur du projet politique l'appropriation sociale et les services publics, d'instaurer une autre manière de décider de notre avenir commun, de concevoir un “alter-développement”, de réorienter la construction de l'Europe et du monde.

Nulle part dans le texte n'apparait le terme “anticapitaliste”. En conformité avec cette démarche le PCOF écrit au sujet du mouvement contre le “contrat première embauche” (CPE), en mars 2006[9]:

Un tel mouvement est aussi une formidable occasion de discuter de questions de fond, de société, de discuter de politique; de celle qu'on rejette et de celle qu'on aimerait voir appliquée. Une politique d'égalité, de justice sociale, de solidarité à laquelle nous aspirons tous et toutes et qui est aux antipodes de la politique néolibérale que nous subissons et combattons depuis des années.

Les prises de position du PCOF au cours de l'élaboration de la charte n'introduisent aucune différentiation substantielle par rapport aux positions réformistes prédominantes. Les formules habituelles sont répétées. En témoigne la façon dont le PCOF, en présentant la charte, relève avec satisfaction certains points contenus dans le texte[10]: "la création d'emplois publics pour satisfaire prioritairement les besoins sociaux"; "l'exigence d'un revenu décent pour tous, avec priorité donnée aux salaires les plus bas"; "l'urgence sociale d'une politique de défense et d'extension des services publics, au service des usagers populaires"; "l'urgence d'une politique d'emploi, de formation, notamment en direction des jeunes".

Dans ses propres contributions aux débats dans les comités également, le PCOF reste fidèle à la conception réformiste des nationalisations. Au sujet des "entreprises anciennement publiques, en voie de privatisation ou totalement privatisées", il écrit: "La question de leur re-nationalisation est forcément posée. Mais une telle mesure suppose: [...] que les entreprises nationalisées soient gérées différemment[11]." L'objectif des nationalisations est de "redonner à la puissance publique les instruments d'une autre politique"[12], et "l'exigence d'une profonde démocratisation de ces entreprises" vise à ce que "les travailleurs, leurs organisations et les usagers aient les moyens de les contrôler réellement"[13].

De même, lorsqu'il pose "la question de “qui va et doit payer”, les mesures économiques, sociales, etc. d'une politique d'alternative au libéralisme", le PCOF ne fait qu'insister pour que soit affirmé plus explicitement l'objectif du “partage des richesses” figurant en bonne place dans le registre des programmes réformistes[14]:

Nous pensons qu'il faut l'affirmer clairement: ce sont les grandes entreprises privées qui occupent des positions monopolistiques, qui devront payer. Ce sont les grandes fortunes qui devront être taxées. Chacun peut constater que l'envolée des profits n'a pas cessé, qu'elle est d'autant plus forte que les plans de restructuration sont plus drastiques.

La taxation des profits des entreprises privées en position de monopole et des entreprises anciennement publiques et en voie de privatisation, nous semble être une exigence à mettre d'entrée en avant. Les récentes annonces de bénéfices records de Total et de France Télécom, ne font que souligner que la part des richesses allant vers les possesseurs de capitaux ne cesse de croître et que cette richesse doit être réaffectée en direction de la satisfaction des besoins sociaux. Cette taxation doit notamment toucher les fonds spéculatifs, les sociétés financières, françaises et étrangères, dont c'est la nature même que de ne s'intéresser qu'au profit immédiat le plus rapide et le plus élevé possible, pour leurs actionnaires.

Dans les documents qui s'adressent à ses propres militants, le PCOF prend soin d'appliquer un certain emballage verbal pour respecter une terminologie spécifique. Mais cela ne change rien au fait qu'il se déclare totalement solidaire de la charte[15]:

La charte passe en revue les questions essentielles de la lutte pour une transformation radicale de la société. [...] Et surtout, elle se présente comme une alternative politique globale. [...] Notre parti s'est appuyé sur son propre programme, “programme pour une alternative démocratique et populaire, d'unité contre les monopoles, de solidarité avec les peuples” pour définir ses positions et les compromis politiques inhérents à ce type de démarche unitaire.

Tout en substituant l'antilibéralisme à l'anticapitalisme, la nécessité de maintenir l'apparence d'une position propre en tant qu'organisation qui se veut communiste, de la classe ouvrière, conduit à l'utilisation de quelques contorsions de langage[16]:

En luttant pour la réalisation des exigences et des objectifs de la charte, la classe ouvrière défend ses intérêts de classe et ceux de toutes les masses populaires. C'est la classe ouvrière qui peut bloquer efficacement le système en s'attaquant directement au profit capitaliste.

Cette position de soutien de la charte, le PCOF l'assume y compris jusqu'à ses implications électoralistes[17]:

Nous considérons que, malgré ses limites, ses manques, le socle que constitue la charte antilibérale, adoptée par les Assises du 13 mai, doit servir de base pour la définition des plateformes politiques pour les différentes élections. Les candidats qui s'engageraient à les défendre bénéficieraient tout naturellement du soutien des collectifs et des forces qui les composent.

Il fait d'ailleurs en sorte de remplir lui-même ces conditions exigées des “candidats unitaires”, en posant tout simplement l'identité entre le contenu de la charte et son propre programme de front uni[18]:

Face à cette offensive et ces capitulations, le mouvement ouvrier et populaire n'a d'autre choix que d'opposer un front uni, autour de quelques exigences claires et immédiates, comme: Interdiction des licenciements dans les groupes et les sous-traitants; 300 € pour tous, maintenant; le smic à 1500 € tout de suite; un logement décent pour tous, à un prix abordable; régularisation immédiate et globale des sans-papiers; non à la participation de la France à des agressions contre des peuples, en Afrique et ailleurs, retrait des troupes françaises d'Afghanistan, non à la guerre contre l'Iran; Non à tout traité constitutionnel européen.

Ces exigences sont dans la “charte pour une alternative au libéralisme”. Elles sont notre programme de lutte pour les élections, et surtout après.

Il faut noter néanmoins qu'en complétant l'énumération citée de ses revendications par l'affirmation que "ces exigences sont dans la charte", le PCOF prend quelques libertés d'interprétation.. Sans doute, une fois engagé dans l'opportunisme, il n'y plus de raison de rester rigoureux. De fait, ce programme est pour l'essentiel calqué sur celui de la LCR, autre pilier du “front uni” établi autour de la “charte”.

États-Unis socialistes d'Europe contre Europe sociale

Falce Martello, un courant au sein du Partito della Rifondazione Comunista italien

Parmi les organisations dites d'extrême gauche dans les différents pays européens, il y a une grande variété d'orientations. Par contraste avec les cas mentionnés dans ce qui précède, nous allons maintenant évoquer une interprétation largement différente, qui s'attache à mettre en avant l'objectif d'établir les “États-Unis socialistes d'Europe”. Ce mot d'ordre tient une place centrale dans l'orientation fondatrice de l'opposition trotskiste au PCR(b)/PC(b)US et à la Troisième Internationale. Actuellement, la plupart des mouvements trotskistes en usent plutôt avec discrétion. À titre d'exemple, parmi ses défenseurs plus actifs, on peut citer le regroupement “International Marxist Tendency” (Tendance internationale marxiste), animé par Ted Grant et Alan Woods. En Europe, en dehors de la Grande-Bretagne, ce mouvement est notamment représenté en Italie au sein du Partito della Rifondazione Comunista (Parti de la refondation communiste, PRC), par un courant dénommé “Falce Martello” (“Faucille Marteau”).

En Italie, en 1991, fut créé le Movimento per la Rifondazione Comunista (Mouvement pour la Refondation Communiste, MRC) par une partie des délégués du 20e congrès du Parti communiste italien (Partito Comunista Italiano, PCI), ce dernier décidant de son côté de se transformer en Partito Democratico della Sinistra (Parti démocratique de la gauche, PDS). Finalement, la même année, le MRC se constitua en Partito della Rifondazione Comunista (Parti de la Refondation Communiste, PRC), ensemble avec Democrazia Proletaria (Démocratie prolétarienne, DP), avec le groupe venant du Partito di Unità Proletaria (Parti de l'unité prolétarienne, PdUP) lequel en 1984 s'était dissout pour entrer au PCI, et avec le Partito Comunista d'Italia (marxista-leninista) ‑ Linea Rossa (Parti communiste d'Italie (marxiste-léniniste) ‑ Ligne rouge, PCd'I(m‑l)). Le groupe Falce Martello s'était formé en 1983 au sein du PCI, autour d'un périodique du même nom. Bientôt expulsés du PCI, ses militants continuaient néanmoins à se considérer comme membres, se déclarant comme "les marxistes du PCI". Suite à la dissolution du PCI, le groupe rejoignit le PRC.

Falce Martello formule l'analyse selon laquelle la situation actuelle du capitalisme mondial ne laisse plus à la bourgeoisie de marge de manoeuvre pour une politique réformiste, et que l'éventualité d'un retour à une politique keynésienne est "un rêve". Voici un passage de la motion présentée par ce courant au 6e congrès du PRC, tenu en mars 2005[19]:

Le rêve d'un retour à des politiques keynésiennes, à la “planification” et en substance à une réédition de l'époque d'or du réformisme des années 1960 est encore plus insensé. Les politiques keynésiennes furent possibles seulement grâce au gigantesque boom économique des années du “miracle”, qui dans les pays européens créait ces marges de manoeuvre suffisantes pour la construction de l'État-providence. À cela s'ajoutaient des facteurs politiques tels que la vague de luttes ouvrières des années 1960 et 70, ainsi que la necessité d'affronter le défi représenté par le bloc soviétique, qui poussaient la classe dominante sur la voie du compromis social et de concessions significatives. Aujourd'hui le contexte economique est radicalement différent. [...] La construction du Parti de la gauche européenne s'est fondée précisément sur l'hypothèse que le procèssus d'unification de l'Europe capitaliste puisse créer des marges pour une politique de réformes. C'est cela le contenu du mot d'ordre de l'“Europe sociale” maintenant adopté même par des secteurs de la dite gauche alternative et radicale (par exemple la LCR française). Une telle position est complètement utopique, dans la mesure où elle ne tient pas compte du contenu de classe de l'européanisme. L'unique Europe possible sur des bases capitalistes est une Europe impérialiste à l'extérieur et anti-ouvrier à l'intérieur. Revendiquer d'être les vrais pro-européens signifie contribuer à enjoliver les politiques antisociales et réactionnaires dictées à partir de Bruxelles.

L'observation semble sensée, cependant la position d'ensemble dans laquelle elle se situe, l'est moins. Il faut d'abord noter que les arguments, examinés de près, sont défectueux. Prenons le jugement catégorique suivant formulé par A. Woods[20]:

Dans la période passée le système capitaliste a dépassé ses limites. Maintenant il est obligé de reculer, abandonnant les vieilles politiques keynésiennes de l'intervention étatique et du capitalisme dirigé. [...] Le vieux modèle keynésien s'est effondré partout et ne peut pas être réactivé. N'importe quelle tentative de mettre en oeuvre une politique moitié-moitié causerait une explosion de l'inflation, un effondrement de l'investissement et de la devise et une situation pire qu'avant.

Dire que "le système capitaliste a dépassé ses limites" semble renvoyer à l'idée qu'il y aurait eu des pas vers la réalisation d'un capitalisme planifié comportant une tendance à inhiber l'anarchie inhérente au système. C'est une interprétation abusive, qui décore les "politiques keynésiennes" de dimensions qu'elles n'ont pas. On peut certes penser que les préceptes de Keynes pris au sens strict et précis, sont effectivement passés  de mode en tant que tels. Mais rien ne permet d'exclure que dans l'avenir encore la bourgeoisie, dans certaines circonstances, puisse être amenée dans certaines circonstances à tenter de sauver le système capitaliste sur le plan économique ainsi que son propre pouvoir sur le plan politique, par divers procédés similaires à ceux utilisés après la deuxième guerre mondiale. En particulier il est erroné de réduire le contexte de l'époque à la conjoncture de croissance forte et prolongée, alors que celle-ci n'était qu'un élément parmi un ensemble de facteurs économiques et politiques déterminants, tels que nous les avons évoqués plus haut.

Enfin, l'argument concernant l'impossibilité de réactiver le modèle keynésien vise mal, puisque de toute façon, qu'il soit possible ou pas, le recours renouvelé à une gestion réformiste du capitalisme ne peut constituer un objectif légitime pour une organisation révolutionnaire. Il est vrai que l'approche pratique propre à l'IMT est profondément embourbée dans l'application de l'entrisme qu'affectionnent les mouvements trotskistes. Ainsi, en Grande-Bretagne, il persévère à faire adhérer ses militants au Labour Party (Parti travailliste), selon un raisonnement quelque peu étrange[21]:

Les réformes promises par les travaillistes, que nous soutenons, ne pourraient pas être effectuées sur une base capitaliste. Le capitalisme doit pousser à des contre-reformes: réductions de salaire et casse des services, c'est-à-dire le programme des conservateurs. Actuellement le grand capital ne veut pas d'un gouvernement travailliste.

Quoi qu'il en soit, l'analyse exposée amène ses auteurs à la conclusion dont nous traitons ici[22]:

L'alternative à l'Europe des banques et des monopoles, ce sont les États-Unis socialistes d'Europe.

L'IMT, conformément au schéma de base suivi par les mouvements trotskistes, pose comme revendication générale celle des nationalisations sous contrôle ouvrière[23]:

Seulement une politique marxiste basée sur l'internationalisme des ouvriers et le programme de la transformation socialiste de la société peuvent armer le mouvement ouvrier en vue d'une lutte sérieuse contre l'Europe des patrons. Il est nécessaire de lutter pour l'expropriation des banques, des institutions de crédit et des monopoles ainsi que pour une économie planifiée socialiste sous la gestion et le contrôle démocratiques des travailleurs.

Quant au fond, l'orientation de l'IMT est avant tout caractérisée par le fait qu'il sépare du reste, et notamment de la politique, l'argument économique concernant le développement des forces productives. À la situation de crise capitaliste dans le cadre de l'Europe telle qu'elle est actuellement, est opposée la perspective d'une économie planifiée, unifiée à l'échelle du continent[24]:

Nous devons avoir une perspective internationaliste, basée sur la nécessité de combiner le potentiel productif énorme de toute l'Europe d'une manière harmonieuse, en supprimant les frontières [...].

L'insistance sur l'opposition entre déclin sous le capitalisme et essor sous le socialisme est une caractéristique récurrente des arguments exposés par T. Grant et A. Woods. C'est vrai également pour les textes de la 4e Internationale (trotskiste) en général, que ce soit à l'issue de la deuxième guerre mondiale ou avant. Par exemple[25]:

[...] dans le cas de la Grande-Bretagne. Avec la perte de sa prédominance impérialiste sur le monde, seulement décadence et déclin de son niveau de vie et de ses droits s'ouvrent devant la classe ouvrière, sur une base capitaliste et nationaliste.  Seulement les États-Unis socialistes d'Europe et du monde peuvent garantir la culture, la démocratie, la liberté et un niveau de vie en hausse, préparant la voie vers le socialisme.

L'unification européenne comme “revendication de transition”

Dès l'origine, Léon Trotsky lui-même soulignait cet argument économique, bien qu'il n'envisageait pas encore les États-Unis d'Europe comme socialistes. Ainsi en 1917 (dans un texte intitulé “Le programme de paix” que nous allons citer à plusieurs reprises), au sujet de l´"unification républicaine démocratique" de l'Europe, il écrivait[26]:

Par conséquent il se trouve que l'unification économique de l'Europe, qui offre des avantages colossaux autant au producteur qu'au consommateur, et en général à tout le développement culturel, devient la tâche révolutionnaire du prolétariat européen dans sa lutte contre le protectionnisme impérialiste et son instrument - le militarisme.

De fait, L. Trotsky abandonne le raisonnement en termes politiques: il établit une équation mécanique entre l'observation que "le continent européen, en l'état actuel [en 1923] du développement de ses forces productives, est une unité économique ‑ non pas une unité contenue et isolée, bien sûr, mais une unité possédant des liens internes profonds ‑, [...][27]" et l'affirmation qu'il faut mettre la délimitation des états en conformité avec cette caractéristique structurelle.

Certes, la construction de la société socialiste sera basée sur l'édification d'une économie planifiée libérant les forces productives des entraves que leur impose le capitalisme, et ceci progressivement, par l'intégration dans un cadre toujours plus large. Mais pour y parvenir, il faut mettre en oeuvre une ligne politique définie, basée de façon matérialiste sur une série de faits. Ceux-ci sont: la classe ouvrière subit l'exploitation capitaliste, son intérêt de classe est de s'en affranchir, et à cette fin elle doit renverser le pouvoir de la bourgeoisie, établi dans le cadre des états nationaux composant l'Europe. Dans un pays donné, c'est seulement consécutivement à la révolution politique que la mise en place d'une économie planifiée pourra devenir l'objectif concret. Ceci se réalisera en avançant vers une extension du cadre à l'échelle européenne dans la mesure où les mouvements révolutionnaires respectifs en offriront la possibilité.

Le défaut fondamental de la façon dont les trotskistes posent le problème, c'est qu'elle ne précise pas que la condition préalable consiste à renverser le pouvoir de la bourgeoise, c'est-à-dire concrètement, à instaurer un gouvernement dirigé par le parti d'avant-garde du prolétariat. La formulation ne pêche pas simplement par omission: en effet, le point de vue du trotskisme envisage intentionnellement un autre déroulement des évènements. Voici comment la direction de la 4e Internationale posait la question des gouvernements dans les pays européens à l'issue de la deuxième guerre mondiale[28]:

Compte tenu de cette situation générale qui reflète, au fond, la crise sociale du régime capitaliste, nos sections européennes avanceront le slogan du gouvernement ouvrier ou gouvernement ouvrier et paysan (selon le caractère du pays). Mais ce slogan, parfaitement correct à l'heure actuelle, ne trouvera aucun écho quel qu'il soit parmi les masses, s'il n'est pas ajusté aux conditions propres à chaque pays. Le gouvernement ouvrier ne signifie pas immédiatement la dictature du prolétariat, qui peut être réalisé dans chaque pays seulement par le parti bolchevik se basant sur les soviets des ouvriers et des paysans, mais un gouvernement des partis qui prétendent être des partis ouvriers, qui ont pour le moment la confiance des masses et qui se déclarent préparés pour réaliser un programme minimum de mesures anti-capitalistes. Tels sont les partis communistes et socialistes aujourd'hui. Par conséquent la signification du slogan du gouvernement ouvrier avancé par nos sections n'est autre que la suivante: nous disons aux partis ouvriers, “Rompez la coalition réactionnaire avec les partis bourgeois, prenez le pouvoir et mettez votre programme en vigueur”.

T. Grant, à l'époque, s'exprime dans le même sens[29]: "“Un gouvernement des socialistes et des communistes!” Ce sera le cri de ralliment qui sera utilisé par la Quatrième Internationale pour mobiliser les ouvriers social-démocrates et communistes pour mener une lutte contre la classe capitaliste." Et il précise le caractère électoraliste de cette orientation: "Ainsi, la demande d'une élection générale et de la convocation d'une assemblée constituante doivent jouer un grand rôle dans l'agitation de nos camarades dans les premières phases de la mobilisation révolutionnaire des masses."

Les revendications démocratiques sont certes un élément important pour la défense des intérêts de la classe ouvrière. Mais dans le cadre de la stratégie appliquée par les trotskistes, elles ne sont que l'expression de l'opportunisme qui se camoufle à l'aide de discours pseudo-révolutionnaires. En effet, toujours à la même époque, en 1945[30]: "L'Europe dans son ensemble est entrée dans une période révolutionnaire"; "une situation révolutionnaire sans précédent se développe à travers l'Europe".  Laissant de côté le fait que la croyance en la magie des affirmations verbales n'est pas compatible avec une analyse matérialiste, il y a de toute façon un problème: "À de rares exceptions près, toutes les conditions historiques nécessaires pour le triomphe de la révolution socialiste en Europe sont non seulement objectivement mures mais se trouvent même dans un processus de pourrissement. Il manque seulement des partis révolutionnaires authentiques dans les principaux pays d'Europe." Conclusion: on fait ce que l'on peut et on se contente d'un "gouvernement de socialistes et communistes" (cf. plus haut), et on finit même par accepter l'idée que, quant à ces derniers, ils font partie de la "bureaucratie stalinienne".

Dans le domaine économique, cette orientation pose la revendication des nationalisations et du contrôle ouvrier. Cependant, pour être abordé correctement, cet objectif devrait être conçu comme partie intégrante du programme que le parti révolutionnaire du prolétariat s'engage à réaliser sur la base du renversement du pouvoir de la bourgeoisie. Pourtant, chez les trotskistes, il est formulé comme revendication de transition, conformément aux principes fixés par le “programme de transition” (c'est ainsi que l'on appelle généralement le texte intitulé “L'agonie du capitalisme et les tâches de la 4e Internationale” écrit par L. Trotsky en vue de la conférence de fondation, en septembre 1938, de la 4e Internationale, et adopté à cette occasion). Par exemple, un texte de février 1944 pose que les tâches politiques et organisationnelles consistent notamment à "tendre tous les efforts vers l'unification et l'organisation des luttes de masse sous la bannière de la prise du pouvoir et de la dictature du prolétariat", puis, dans une section intitulée "La lutte pour des revendications de transition" explique[31]:

La reconstruction de l'industrie et de l'agriculture, l'organisation de la distribution de produits alimentaires, tout ceci est lié à l'établissement d'un plan général de reconstruction économique.

Le Quatrième Internationale met en avant le slogan d'un grand plan de travaux publics et de reconstruction de l'industrie de temps de paix. Il lutte pour la nationalisation, sans compensation ou indemnités, de toutes les usines de guerre et pour leur reconversion; pour la nationalisation de tous les monopoles; pour la réouverture de toutes les usines fermées sous la gestion de délégués des ouvriers. Il lutte pour le déplacement des comités de gestion des trusts par des comités de délégués des ouvriers, techniciens et petits propriétaires. Il lutte pour la nationalisation des banques et les établissements de crédit, pour l'abolition de la dette d'État détenue par les banques et les trusts.

Dans la lutte au sujet des salaires et contre le coût élevé de la vie, dans la lutte pour l'amélioration de la distribution de produits alimentaires et la réorganisation de l'économie, aussi bien que dans la lutte contre toutes les manoeuvres et contre-offensives des patrons (lock-outs, licenciements, etc.), le slogan central de la période demeure: contrôle ouvrier.

De même, T. Grant[32]:

[...] les slogans transitoires dans diverses industries aux différentes étapes de la lutte: Nationalisez les banques sans compensation! Récupérez les mines, les chemins de fer et les grands cartels et l'industrie, et faites-les fonctionner sous contrôle ouvrier! Expropriez les trusts qui hier ont collaboré avec Hitler et collaborent aujourd'hui avec les impérialistes Alliés! Un plan de travaux publics! Une échelle mobile des horaires et des salaires! Armement des ouvriers et organisation de milices ouvrières!

Prise du pouvoir d'une part, contrôle ouvrier de l'autre, deux objectifs qui sont envisagés en parallèle, d'une façon qui fait que le deuxième continue à être poursuivi même quand les perspectives du premier deviennent de plus en plus hypothétiques. De fait, cela ramène aux mesures réformistes, réclamées et mises en oeuvre par exemple en France selon le programme du Conseil national de la résistance de 1944.

Les passages de textes cités jusqu'ici n'incluent pas le mot d'ordre des États-Unis socialistes d'Europe. Ici comme pour d'autres questions, le schéma trotskiste suit une logique spécieuse. Il faut poser des revendications limitées qui ne sont pas révolutionnaires en elles-mêmes; elles le deviendraient prétendument dans la mesure où leur réalisation, étant incompatible avec la domination de la bourgeoisie, pourrait uniquement être atteinte par le pouvoir prolétarien. Ce type de raisonnement est déployé au sujet de la reconstruction économique des pays européens: pour la mettre en oeuvre il faut unifier l'économie européenne, ce que la bourgeoisie est incapable de faire, donc cette revendication amènera la révolution socialiste laquelle réalisera l'unification voulue. Ce qui fut à démontrer. En pratique, cela signifie que l'orientation trotskiste constitue non pas une politique révolutionnaire, mais des manoeuvres opportunistes.

Ainsi, en ce qui concerne l'Europe, le point de départ est l'objectif de déployer pleinement le potentiel économique engendré par une économie intégrée à l'échelle du continent, à travers l'établissement des États-Unis d'Europe ‑ sans que ce concept soit d'emblée estampillé du qualificatif “socialiste”.

L. Trotsky, en 1917, écrit[33]:

L'unification républicaine démocratique de l'Europe, une union réellement capable de garantir la liberté de développement national, est possible seulement sur la route d'une lutte révolutionnaire contre le centralisme dynastique militariste, impérialiste, au moyen de soulèvements dans certains pays, avec la fusion consécutive de ces soulèvements dans une révolution européenne générale. La révolution européenne victorieuse, cependant, quel que soit le cours qu'il prenne dans des pays pris isolément, peut, en conséquence de l'absence d'autres classes révolutionnaires, transférer le pouvoir seulement au prolétariat.

Ce n'est qu'ultérieurement que le mot d'ordre des États-Unis socialistes d'Europe sera mis en avant plus directement. On peut noter que la vision “transitionnelle” conduit les trotskistes jusqu'à considérer que de toute façon, déjà dans le texte cité ci-dessus, il s'agissait en fait des “États-Unis socialistes d'Europe” (et pas simplement républicains). En effet, dans la publication de septembre 1944 par La Quatrième Internationale, du “Programme de paix”, le titre porte l'ajout: "Les États-Unis socialistes d'Europe"[34].

Les trotskistes répètent à satiété que les revendications transitoires doivent être reliées à l'objectif de la révolution socialiste, mais c'est une rhétorique qui vise à justifier les positions opportunistes adoptées dans des situations où la perspective révolutionnaire est lointaine. En outre, remarquons (sans nous étendre sur la question qui dépasse le cadre de notre sujet) que, exposée sous l'angle inverse, l'argumentation fonde la théorie de la "révolution permanente". Voici ce qu'explique T. Grant, toujours en 1945[35]:

Mais les revendications transitoires, si on permet qu'elles deviennent des fins en soi et séparées de la politique stratégique à poursuivre par les marxistes, deviendront inévitablement un piège pour le prolétariat. Ainsi, sous les nazis, la lutte pour la libération nationale devait être liée à la lutte pour les États-Unis socialistes d'Europe.

Les débats au sein de la Troisième Internationale

En 1914, Vladimir I. Lénine incluait parmi les mots d'ordre que devaient adopter les social-démocrates, le suivant[36]:

[...] propagande en faveur d'une république allemande, d'une république polonaise, d'une république russe et d'autres encore, et de la transformation de tous les États européens en États-Unis républicains d'Europe; tel doit être l'un des mots d'ordre les plus immédiats; [...].

Il faut souligner que l'objectif du renversement des monarchies régnantes était un élément essentiel de ce mot d'ordre[37]:

[...] la formation d'États-Unis républicains d'Europe. Mais [...] les social-démocrates montreront ce qu'il y a de mensonger et d'absurde dans ce mot d'ordre si les monarchies allemande, autrichienne et russe ne sont pas renversées par la révolution.

La conférence des sections à l'étranger du POSDR(b), tenue à Berne du 27 février au 4 mars 1915 à l'initiative de V. I. Lénine, discuta de cette question. Dans le compte-rendu de la conférence, Lénine signale que "sur la question du mot d'ordre des “États-Unis d'Europe”, les débats ont pris un caractère étroitement politique, et [qu']il a été décidé d'ajourner ce problème jusqu'à l'examen dans la presse de son aspect économique"[38]. Par la suite il développa l'analyse à ce sujet et conclut que le mot d'ordre était erroné. En août 1915, il écrit[39]:

Du point de vue des conditions économiques de l'impérialisme, c'est-à-dire de l'exportation des capitaux et du partage du monde par les puissances coloniales “civilisées”, les États-Unis d'Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires.

Le capital est devenu international et monopoliste. Le monde se trouve partagé entre une poignée de grandes puissances, c'est-à-dire de puissances qui s'enrichissent en pillant et en opprimant les nations sans retenue. [...]

Ainsi est organisée, à l'époque du développement ultime du capitalisme, la spoliation par une poignée de grandes puissances de près d'un milliard d'habitants du globe. Et en régime capitaliste, toute autre organisation est impossible. Renoncer aux colonies, aux “sphères d'influence”, à l'exportation des capitaux? Y songer serait descendre au niveau du curé de campagne qui, tous les dimanches, prêche aux riches la majesté du christianisme et leur demande de donner aux pauvres... sinon quelques milliards, du moins quelques centaines de roubles par an. Les États-Unis d'Europe, en régime capitaliste, équivaudraient à une entente pour le partage des colonies. Or, en régime capitaliste, le partage ne peut avoir d'autre base, d'autre principe, que la force. [...] Pour mesurer la force réelle d'un État capitaliste, il n'y a et il ne peut y avoir d'autre moyen que la guerre. [...]

[...] Sur la base économique d'aujourd'hui, c'est-à-dire en régime capitaliste, les États-Unis d'Europe signifieraient l'organisation de la réaction en vue de retarder l'évolution plus rapide de l'Amérique.

Comme le rapporte V. I. Lénine dans ce même texte[40]: "C'est pour ces raisons et à la suite de nombreuses discussions sur ce point, pendant et après la Conférence des sections du POSDR(b) à l'étranger, que la rédaction de l'organe central en est venue à considérer comme erroné le mot d'ordre des États-Unis d'Europe."

Alors que V. I. Lénine tirait ainsi les conséquences de l'analyse qu'il était en train d'élaborer au sujet du développement de l'économie capitaliste mondiale (il écrira “L'impérialisme, stade suprême du capitalisme” entre janvier et juin 1916), L. Trotsky s'obstina à mettre en avant le mot d'ordre des États-Unis d'Europe. En 1917, il écrit[41]: "Les États-Unis de l'Europe ‑ sans monarchies, armées permanentes et diplomatie secrète ‑ sont donc la partie constitutive la plus importante du programme de paix prolétarien." Surtout, tandis que V. I. Lénine révise pour des considérations économiques le mot d'ordre posé initialement sous l'angle politique, L. Trotsky met les aspects économiques au premier plan pour, au contraire, réaffirmer sa position[42]:

Du point de vue du développement historique aussi bien que du point de vue des tâches de la social-démocratie, la tendance de l'économie moderne est fondamentale, et il faut lui garantir la plus ample occasion d'exécuter sa véritable mission historique véritablement libératrice: construire l'économie mondiale unifiée, indépendante des cadres nationaux, des barrières d'état et de douanes, sujette uniquement aux particularités du sol et des ressources naturelles, au climat et aux exigences de la division du travail.

Comme le dit L. Trotsky lui-même, il se fait le porte-parole de sa propagande en contradiction ouverte avec les positions du POSDR(b). Il écrit en 1918[43]:

Dans le programme de paix nous incluons également les “États-Unis de l'Europe”. Ce slogan n'appartient pas au programme officiel du gouvernement des soviets d'ouvriers et de soldats, ni a-t-il pour l'instant reçu l'approbation de notre parti. Néanmoins, nous croyons que le programme de paix démocratique mène à une fédération républicaine du monde au-delà de celle européenne [...].

En juin 1923, l'organe du PCR(b) (dénomination du POSDR(b) à partir de mars 1918), la Pravda, publie un texte (déjà cité plus haut) de L. Trotsky dans lequel il écrit[44]: "En liaison avec le slogan d'un gouvernement ouvrier et paysan, le moment est approprié, à mon avis, pour promouvoir le mot d'ordre des “États-Unis d'Europe”." À cet égard, dans un texte datant de 1928[45], il affirme qu´"en 1923 l'Internationale communiste adopta le mot d'ordre controversé" sans préciser plus en détail en quoi consistait cette “adoption”. D'ailleurs, dans le même texte, il ne peut pas éluder la nécessité de noter qu´"après la période de la crise de la Ruhr, qui a fourni le dernier élan en date pour l'adoption de ce mot d'ordre, ce dernier n'a pas joué un rôle important dans l'agitation pour les partis communistes de l'Europe et n'a pas pour ainsi dire pris racine", et qu´"il n'a pas été inclus dans le programme de l'Internationale communiste".

Nous reviendrons plus loin sur la signification du mot d'ordre tel que le formule L. Trotsky. Les critiques qui ont été opposées à celui-ci au sein du PCR(b) (PCUS à partir de décembre 1925) et de l'Internationale communiste, notamment par Joseph V. Staline, et qui ont abouti à son exclusion, se référaient successivement à différents aspects. À aucun moment la question des États-Unis d'Europe n'était en tant que telle au centre des débats; elle était présente indirectement, dans les discussions concernant les rapports entre la construction du socialisme en URSS et les perspectives de révolution dans les pays européens.

Les 23‑30 avril 1925, se tint la 14e conférence du PCR(b). Une résolution intitulée “Des tâches de l'Internationale communiste et du PCR(b) en liaison avec l'Exécutif élargi” fut adoptée, qui affirmait que l'édification du socialisme par les efforts de l'URSS était possible et nécessaire. Cette résolution était basée sur l'analyse formulée par J. V. Staline dans le texte “La révolution d'Octobre et la tactique des communistes russes” (publié initialement en décembre 1924 en tant que préface au livre “Vers Octobre”). Voici comment J. V. Staline expose le point de vue approprié, opposé à celui de L. Trotsky[46]:

Il est certain que la pleine victoire du socialisme, que la pleine garantie contre la restauration de l'ancien ordre des choses, nécessitent les efforts conjugués des prolétaires de plusieurs pays. Il est certain que sans l'appui du prolétariat d'Europe à notre révolution, le prolétariat de Russie n'aurait pu résister à la pression générale, de même exactement que, sans l'appui de la révolution russe au mouvement révolutionnaire en Occident, ce mouvement n'aurait pu se développer au rythme auquel il a commencé à se développer après l'instauration de la dictature du prolétariat en Russie. Il est certain que nous avons besoin d'un appui. Mais qu'est-ce que l'appui du prolétariat de l'Europe occidentale à notre révolution? Les sympathies des ouvriers européens à l'égard de notre révolution, leur volonté de déjouer les plans d'intervention des impérialistes, est-ce que tout cela constitue un appui, une aide sérieuse? Incontestablement. Sans un tel appui, sans une telle aide, non seulement de la part des ouvriers européens, mais aussi de la part des colonies et des pays dépendants, la dictature du prolétariat en Russie se serait trouvée dans une passe difficile. A-t-il suffi jusqu'à présent de cette sympathie et de cette aide, jointes à la puissance de notre Armée rouge et à la volonté des ouvriers et des paysans de Russie d'offrir leurs poitrines pour défendre la patrie socialiste, ‑ a-t-il suffi de tout cela pour repousser les attaques des impérialistes et conquérir les conditions nécessaires à un sérieux travail d'édification? Oui, cela a suffi! Cette sympathie va-t-elle en s'accroissant ou en diminuant? Elle s'accroît incontestablement. Existe-t-il chez nous, de la sorte, des conditions favorables non seulement pour pousser en avant l'organisation de l'économie socialiste, mais encore pour apporter, à notre tour, un appui aux ouvriers de l'Europe occidentale comme aux peuples opprimés d'Orient? Oui, elles existent. C'est ce que montre éloquemment l'histoire de sept années de dictature prolétarienne en Russie. Peut-on nier qu'un puissant essor du travail ait déjà commencé chez nous? Non, on ne peut pas le nier.

Et voici comment la résolution adoptée par la 14e conférence du PCR(b) résume correctement les deux aspects complémentaires de la question[47]:

Devant la situation intervenue dans l'arène internationale, deux dangers peuvent maintenant menacer notre Parti: 1° la déviation vers la passivité, qui découle d'une interprétation excessivement étendue de la stabilisation manifestée ça et là, par le capitalisme, ainsi que du rythme ralenti de la révolution internationale, l'absence d'une impulsion suffisante pour un travail énergique et systématique en vue de construire la société socialiste en URSS, malgré le rythme ralenti de la révolution internationale, et 2° la déviation vers l'étroitesse nationale; l'oubli des devoirs des révolutionnaires prolétariens internationalistes; le dédain inconscient vis-à-vis de la dépendance étroite des destinés de l'URSS à l'égard de la révolution prolétarienne internationale qui se développe, bien que lentement; l'incompréhension du fait que non seulement le mouvement international a besoin qu'existe, que se consolide et se renforce la puissance du premier État prolétarien dans le monde, mais que la dictature du prolétariat en URSS, elle aussi, a besoin de l'aide du prolétariat international.

Bien que le mot d'ordre des États-Unis d'Europe reste secondaire dans ces débats, L. Trotsky lui-même fait observer cependant à juste titre qu'il y a une relation[48]:

L'ennui, cependant, c'est que le terrain économique pour le slogan des États-Unis d'Europe renverse une des idées fondamentales du programme actuel du Comintern, à savoir: l'idée d'établir le socialisme dans un seul pays.

En effet, les positions défendues par J. V. Staline sont inacceptables pour L. Trotsky, puisque ce dernier adopte une interprétation antimarxiste. En résumé, on peut souligner deux aspects fondamentaux.

Premier point: le caractère spécifique de la société socialiste, tout comme de celle capitaliste, est déterminé par des rapports de classes, et non pas par un certain degré de développement des forces productives. La construction de la société socialiste signifie essentiellement, l'élimination des rapports de production capitalistes qui, sur la base de la propriété privée des moyens de production, soumettent une classe ‑ la classe ouvrière ‑ à l'exploitation par une autre ‑ la bourgeoisie; et du même coup, la société socialiste met fin à tout rapport d'exploitation d'une classe par une autre. Libérant le développement des forces productives des entraves que lui imposent les rapports de production capitalistes, la société socialiste réalisera un degré inconnu jusqu'alors de développement économique au bénéfice de la population. Mais l'état des forces productives, à un moment donné, n'est pas en lui-même la caractéristique décisive pour juger si la société est socialiste. C'est ainsi pourtant que raisonne L. Trotsky, en formulant l'affirmation suivante[49]:

Néanmoins, la société socialiste peut être édifiée uniquement sur la base des forces productives les plus avancées, de l'application de l'électricité et de la chimie aux procès de production, y compris l'agriculture; sur la base de la combinaison, généralisation et élévation au développement maximum, des éléments supérieurs de la technologie moderne.

Deuxième point: l'éclatement de révolutions dans tel ou tel pays ne dépend pas de la volonté subjective des individus, mais de conditions objectives. L'existence et l'action du parti révolutionnaire d'avant-garde de la classe ouvrière ne sont qu'un élément du processus. Certes, elles sont indispensables, et naturellement il incombe au parti la responsabilité d'accélérer au mieux le murissement de ces conditions dans leur ensemble. Mais les positions de L. Trotsky sont contraires au matérialisme, du fait qu'il stipule une logique selon laquelle, premièrement la construction du socialisme en URSS exige des révolutions en Europe, deuxièmement il faut procéder à l'instigation de ces révolutions, et troisièmement ils vont donc pour ainsi dire obligatoirement éclater au moment voulu.

L. Trotsky fut écarté du bureau politique du PCUS en octobre 1926, puis en octobre 1927 du comité central, et expulsé du parti en 1928. En 1930 il fondera l'organisation “International Left Opposition” (“Opposition de gauche internationale”), qui deviendra “International Communist League” (“Ligue communiste internationale”) en 1933, et finalement sera transformée en “Quatrième Internationale” en 1938.

La “vision bornée nationale” selon Léon Trotsky

Pour justifier le mot d'ordre des États-Unis d'Europe, L. Trotsky rejette la “défense de la patrie” de façon absolue, et non pas dans la mesure où elle signifie défendre les intérêts de la bourgeoisie. En 1914, il écrit[50]:

Dans ces circonstances historiques la classe ouvrière, le prolétariat, ne peut avoir aucun intérêt à défendre la “patrie” nationale survécue et vétuste, qui est devenue l'obstacle principal au développement économique. La tâche du prolétariat est de créer une patrie bien plus puissante, avec une puissance bien plus grande de résistance ‑ les États-Unis républicains de l'Europe comme base des États-Unis du monde.

La seule manière dont le prolétariat peut faire face à l'enchevêtrement impérialiste du capitalisme est en y opposant comme programme pratique du jour l'organisation socialiste de l'économie mondiale.

If faut noter qu'ici la formulation est encore celle des “États-Unis républicains”. Il est d'autant plus inapproprié d'invoquer une transition vers les États-Unis du monde, puisque en ce qui concerne l'Europe, le sens du mot d'ordre était indissolublement lié à la perspective du renversement révolutionnaire des régimes monarchiques (cf. plus haut).

V. I. Lénine, dans le texte qui conclut que le mot d'ordre des États-Unis d'Europe est erroné, cité plus haut, aborde aussi cette question relative aux États-Unis du monde[51]:

Les États-Unis du monde (et non d'Europe) sont la forme politique d'union et de liberté des nations que nous rattachons au socialisme en attendant que la victoire totale du communisme amène la disparition définitive de tout État, y compris l'État démocratique. Toutefois, comme mot d'ordre indépendant, celui des États-Unis du monde ne serait guère juste, d'abord parce qu'il se confond avec le socialisme; en second lieu, parce qu'il pourrait conduire à des conclusions erronées sur l'impossibilité de la victoire du socialisme dans un seul pays et sur l'attitude du pays en question envers les autres.

De façon répétée, L. Trotsky affirme que l'existence des états nationaux est incompatible avec les forces productives développés par le capitalisme. Par exemple, en 1917, dans “Le programme de paix”[52]: "[...] le prolétariat ne peut pas permettre au “principe national” de se mettre au travers de la tendance irrésistible et profondément progressive de la vie économique moderne vers une organisation planifiée dans tout notre continent, et au-delà, partout sur le globe"; "[...] le fait que l'état national est devenu caduc ‑ comme cadre pour le développement des forces productives [...]". En 1931[53]: "Une des raisons de base de la crise dans la société bourgeoise est le fait que les forces productives créées par elle ne peuvent plus longtemps être réconciliées avec le cadre de l'état national."

Certes, à cette époque déjà le développement toujours plus avancé des forces productives se déroulait non pas dans le cadre restreint des états nationaux pris séparément, mais à l'échelle internationale. Cependant, il est erroné d'inverser l'interdépendance en concluant qu'il fallait donc immédiatement abolir les états nationaux. Différent dans sa signification, l'un des faits fondamentaux mis en lumière par l'analyse marxiste est que les rapports de production capitalistes, après avoir engendré des forces productives immenses, sont désormais eux-mêmes trop étroits pour contenir ces mêmes forces productives et, par conséquent, pour continuer à favoriser leur développement ultérieur.

L. Trotsky ne se limite pas à cette façon erronée de concevoir le rapport entre le facteur économique que sont les forces productives et le facteur politique que sont les états nationaux. Il étend son affirmation jusqu'à la lutte de classes. Par exemple, la phrase citée ci-dessus se poursuit ainsi[54]:

[...] le fait que l'état national est devenu caduc ‑ comme cadre pour le développement des forces productives, comme base pour la lutte de classe, et de ce fait aussi comme forme d'état de dictature prolétariat.

Toujours dans “Le programme de paix”, de 1917, il insiste amplement sur l'idée selon laquelle la révolution ne pourrait pas être conçue à l'intérieur d'un état national[55]:

Envisager les perspectives de la révolution sociale dans un cadre national c'est succomber à la même vision bornée nationale qui forme le contenu du “social-patriotisme”. [...] les États-Unis de l'Europe représentent la forme ‑ la seule forme imaginable ‑ de la dictature du prolétariat européen.

Développant son argumentation, il arrive à une conclusion qui tranche de façon absolue. Par exemple en 1934[56]: "La tâche du prolétariat n'est pas la défense de l'état national mais sa liquidation complète et définitive." Et dans “Le programme de paix”, de 1917, on trouve le même raisonnement, appliqué sous l'angle inverse[57]: "Si le problème du socialisme était compatible avec le cadre de l'état national, alors il deviendrait de ce fait compatible avec la défense nationale." Logiquement, cette dernière formulation implique que, dans l'hypothèse envisagée, il suffirait d'invoquer la révolution socialiste à venir dans un pays donné pour justifier la défense nationale. Mais considérant l'hypothèse en question comme exclue, L. Trotsky n'hésite pas à s'engager dans des explications qui mènent à des positions aberrantes.

Les critiques lancées par J. V. Staline contre L. Trotsky ainsi que celles visant finalement aussi Grigori Zinoviev, sont centrées sur la question de la construction du socialisme en URSS, principalement sous l'angle politique, mais aussi en touchant le domaine économique. À juste titre J. V. Staline observe, en rejetant les arguments de G. Zinoviev[58]:

Capitulation devant les éléments capitalistes de notre économie, voilà où conduit la logique interne de l'argumentation de Zinoviev. [...] La racine de cette erreur est, selon moi, dans la certitude qu'a Zinoviev que le retard technique de notre pays est un obstacle insurmontable à la construction de la société socialiste intégrale, que le prolétariat ne peut construire jusqu'au bout le socialisme en raison du retard technique de notre pays.

Plus haut nous avons souligné le fait qu'un des principaux arguments en rapport avec le mot d'ordre des États-Unis socialistes d'Europe est la perspective d'assurer ainsi le progrès économique, tandis que la bourgeoisie européenne apporterait aux masses laborieuses uniquement le marasme. À cet égard, il convient de noter un aspect particulier, à savoir que cette analyse met en avant l'affirmation selon laquelle la situation de l'Europe est fondamentalement déterminée par la domination croissante qu'y exerce l'impérialisme américain.

En juillet 1924, L. Trotsky écrit[59]:

Le capitalisme américain cherche la position de domination du monde; il veut établir une autocratie impérialiste américaine sur notre planète. C'est ce qu'il veut. Que fera-t-il de l'Europe? Il doit, nous dit-on, pacifier l'Europe. Comment? Sous son hégémonie. Et que signifie cela? Cela signifie que l'Europe sera autorisée de se relever, mais dans de limites fixés à l'avance, avec certaines sections restreintes du marché mondial qui lui seront allouées.

Cette analyse l'amène à désigner la contradiction entre le mouvement ouvrier européen et le capitalisme américain comme l'une des contradictions majeures déterminant le futur développement de la situation en Europe[60]:

Plus ce développement se déploie le long de cette route, [...]. D'autant plus centralisée deviendra la résistance du mouvement ouvrier européen contre le maitre des maitres, contre le capitalisme américain. Le slogan de la révolution paneuropéenne et de sa forme d'état ‑ les États-Unis soviétiques d'Europe ‑ prendra pour les ouvriers européens un aspect d'autant plus pressant, d'autant plus pratique et s'approchant d'une guerre.

L. Trotsky érige cela en une des principales divergences face à l'Internationale communiste, comme par exemple dans sa critique du projet de programme soumis à son 6e Congrès en juillet-aout 1928[61]:

Le projet n'explique pas que le chaos interne des antagonismes d'état en Europe enlève tout espoir de succès à une quelconque résistance sérieuse à la république nord-américaine toujours plus centralisée; et que la résolution du chaos européen à travers les États-Unis soviétiques d'Europe est l'une des premières tâches de la révolution prolétarienne.

Il conclut[62]:

Si dans la décennie passée la source principale de situations révolutionnaires résidait dans les conséquences directes de la guerre impérialiste, dans la deuxième décennie d'après-guerre la source la plus importante de soulèvements révolutionnaires seront les interdépendances de l'Europe et de l'Amérique. Une crise majeure aux États-Unis frappera le tocsin pour de nouvelles guerres et révolutions.

Les bouleversements qui, au cours des années 1930, ont marqué la situation en Europe et qui ont conduit à l'éclatement de la deuxième guerre mondiale, ne sont nullement conformes à ce schéma. Dans la situation de crise et d'aiguisement des contradictions à l'échelle mondiale, les USA occupaient certes une position primordiale. Mais en Europe la classe ouvrière était en premier lieu confrontée aux menées répressives et guerrières de la bourgeoisie des différents pays, laquelle cherchait à renforcer et élargir ses propres sphères de domination impérialiste en concurrence avec les autres. Ni en Italie après l'instauration de la dictature fasciste en 1926, ni en Allemagne après la prise de pouvoir par les national-socialistes en 1933, ni en Espagne avec l'éclatement de la guerre civile en 1936 ‑ nulle part il s'agissait pour la classe ouvrière de combats contre la perspective de domination américaine.

Après la fin de la deuxième guerre mondiale, la 4e Internationale maintint la même démarche. Il est vrai que la situation de l'Allemagne et de ses alliés comme pays sous occupation militaire, les USA étant la principale des puissances victorieuses, contenait de fortes similitudes avec la situation consécutive à la première guerre mondiale, en 1917 et dans les années suivantes. Pourtant le schéma de la résistance révolutionnaire contre l'asservissement par les USA était inapproprié, fait qui ne manquait de s'avérer rapidement. Il est d'ailleurs significatif que, lorsque l'analyse en termes d'opposition à la domination américaine fut renouvelée dans les années 1970 par le Parti communiste chinois, elle fut présentée sous une forme différente, celle de l'alliance entre le “tiers monde” et le “second monde”. Cette interprétation n'envisageait nullement des bouleversements révolutionnaires dans les pays européens, mais seulement une opposition aux “vexations” subies par les peuples de ces pays ‑ entendu dans un sens qui incluait la bourgeoisie ‑ de la part des superpuissances, USA et URSS, constituant le “premier monde”. Pour le PCC, finalement, il ne resta que les USA comme ennemi désigné, une vision tenace qui est entretenue plus récemment par d'autres, qui voient dans “l'Empire” (sous-entendu américain) le diable.

Un rôle commun: paralyser le mouvement révolutionnaire

Dans ce qui précède, nous avons abordé deux exemples de positions assumées par des organisations trotskistes, respectivement la LCR française et le courant Falce Martello au sein du PRC italien. Globalement, l'activité des organisations trotskistes se situe dans un labyrinthe de relations d'interdépendance mutuelles, définies par mélange variable de coopération et de rivalité. Fondamentalement, se perpétue ainsi, au niveau international, un tissu d'ensemble dont le rôle, à travers toutes les évolutions internes successives, est de paralyser le mouvement ouvrier et communiste en tentant de faire écran par rapport au développement d'un mouvement communiste marxiste-léniniste authentique. Nous allons donner ici, bien que cela dépasse le sujet posé ‑ l'“antilibéralisme” et l'“Europe sociale” ‑, quelques indications relatives à ces structurations organisationnelles. Dans la section présente, nous nous en tenons à une description de la situation actuelle. Dans la section finale, figurent des informations historiques complémentaires.

Les regroupements trotskistes internationaux sont nombreux et fluctuants. En ce qui concerne les organisations citées dans ce texte, il convient d'en mentionner trois.

À la “4e Internationale” (historiquement intitulée, plus précisément “4e Internationale ‑ Secrétariat unifié”) appartiennent entre autres, la “Ligue communiste révolutionnaire” (France); l'“International Socialist Group” (“Groupe socialiste internationale”, Grande-Bretagne); et l'“Associazione Bandiera Rossa” (“Association Drapeau rouge”, Italie). Au groupement “International Marxist Tendency” (“Tendance marxiste internationale”, IMT) appartiennent entre autres, le groupe autour du périodique Socialist Appeal (Appel socialiste, Grande-Bretagne); le groupe autour du périodique Falce Martelli (Faucille Marteau, Italie); et le groupe “La Riposte” (France). Au groupement “International Socialists” (“Socialistes internationaux”, IS) appartiennent entre autres, le “Socialist Workers Party” (“Parti ouvrier socialiste”, SWP, Grande-Bretagne); le groupe “Socialisme par en bas” (SPEB, France); le groupe “Comunismo dal basso” (“Socialisme par en bas”, Italie); le groupe “Linksruck” (“Tournant à gauche”, Allemagne).

Ces regroupements internationaux ne se limitent pas à une existence séparée, côte à côte. La LCR française, section de la 4e Internationale, est composée de courants, et à travers cette structure y est présent l'IS, du fait que le groupe français Socialisme par en bas s'est transformé (en 2004) d'organisation autonome en courant à l'intérieur de la LCR. Le groupe français Socialisme international avait fait de même en 2002. Les deux avaient pour antécédent un groupe dénommé également Socialisme international, dissout en 1997. Au 16e congrès de la LCR en 2006, le courant SPEB soumit une plate-forme soutenue en outre par le courant Socialisme international (la “plate-forme 4”, citée plus haut, dans la section traitant de la LCR). Le cas du PRC italien est similaire. La 4e Internationale y est présente, avec le courant “Sinistra critica” (“Gauche critique”). Après la deuxième guerre mondiale, la 4e Internationale avait formé le “Gruppi comunisti rivoluzionari” (“Groupes communistes révolutionnaires”, GCR), d'abord au sein du PCI, puis comme organisation autonome. En 1980 le GCR devint “Lega comunista rivoluzionaria” (“Ligue communiste révolutionnaire”, LCR) laquelle, prenant le nom d'“Associazione Quarta Internazionale” (“Association Quatrième Internationale”) s'intégra à “Democrazia proletaria” (“Démocratie prolétarienne”, DP) à l'occasion de la constitution de cette organisation en 1989, puis en suivant DP se retrouva finalement au sein du PRC fondé en 1991. Le groupe y constitua le courant “Bandiera rossa” (“Drapeau rouge”) lié à l'“Associazione Bandiera Rossa” (“Association Drapeau rouge”) (en 2002 le courant prit le nom actuel, Sinistra critica).

Le moins que l'on puisse dire, c'est que les trotskistes sont ainsi conséquents dans leur pratique de l'entrisme, en l'appliquant à eux-mêmes. Historiquement, l'entrisme se pratiquait en premier lieu envers des partis en dehors du mouvement trotskiste, comme dans les années 1930 pour la SFIO française, et depuis la fin de la deuxième guerre mondiale pour le Labour Party britannique. Le groupe Socialist Appeal notamment maintient toujours cette perspective. En France, Socialisme par en bas, avant de rejoindre la LCR avait tenté l'entrisme au Parti socialiste.

Un exemple typique récent est celui de Linksruck, en Allemagne. En juillet 2004 fut constitué une association “Wahlalternative Arbeit und soziale Gerechtigkeit” (“Alternative électorale Travail et justice sociale”), principalement par des membres du Sozialdemokratische Partei Deutschlands (Parti social-démocrate d'Allemagne, SPD) ainsi que du Deutscher Gewerkschaftsbund (Confédération syndicale allemande, DGB), critiques face à l'orientation de leurs directions respectives. En janvier 2005, l'association se convertit en parti politique, “WASG”. Son programme s'articulait autour du thème de la démocratie économique. À cette époque déjà, les militants de Linksruck contribuaient à cette initiative. Des contacts furent établis entre d'une part, le WASG et d'autre part, le Partei des Demokratischen Sozialismus (Parti du socialisme démocratique, PDS) qui était le successeur du Sozialistische Einheitspartei Deutschlands (Parti socialiste unifié, SED, constitué en avril 1946 en Allemagne de l'Est). Le PDS changea d'abord son nom en “Linkspartei” (“Parti de gauche”) puis, en juin 2007, les deux partis fusionnèrent sous le nom de “Die Linke” (“La gauche”).

Voici quelques extraits de l'analyse formulée par Linksruck[63]:

Pour la première fois depuis la fin de la deuxième guerre mondiale existe une chance d'établir une force significative à gauche de la social-démocratie. Nous avons la possibilité d'organiser les nombreux déçus et de rendre effective une alternative politique, si la nouvelle gauche prend position sur les questions centrales posées dans les controverses sociales. Pour cela, il nous faut de la patience. [...]

La nouvelle gauche doit se fonder sur la base politique du rejet des politiques néolibérales. [...]

L'élaboration d'une base politique doit s'effectuer dans la conscience de ce que nous vivons l'attaque la plus tranchante contre l'état-providence depuis la fondation de la République fédérale. Nous avons besoin d'une gauche pluraliste à l'échelle fédérale, qui se détermine sur des revendications centrales et laisse de l'espace pour des différences et des discussions.

La nouvelle gauche doit se donner un profil de défenseur des intérêts sociaux la distinguant du SPD. Cela signifie aussi, qu'elle ne doit pas exclure des forces qui ne se conçoivent pas comme socialistes, afin qu'elle puisse édifier une force véritablement large.

De cette manière la gauche peut formuler des alternatives politiques qui aident à développer une résistance et à édifier un pôle politique qui confère une expression parlementaire à cette résistance. C'est la condition préalable pour rompre l'influence paralysante du SPD dans le plus grand des mouvements sociaux, le mouvement syndical. Seulement ainsi nos pouvons créer une base sociale pour un changement de société.

En septembre 2007, Linksruck s'est dissout pour continuer son action dans le cadre d'un courant appelé “Sozialistische Linke” (“Gauche socialiste”) au sein du parti Die Linke. Voici un extrait du communiqué de presse émis à cette occasion[64]:

Dès le début Linksruck a soutenu la formation d'une gauche nouvelle, unifiée, en tant que mouvement de rassemblement politique contre le néolibéralisme. Avec la fondation réussie du parti Die Linke nous ne voyons plus de sens dans le maintien de Linksruck en tant qu'organisation membre séparée. [...]

Linksruck appelle tous ces membres et sympathisants à favoriser l'édification du parti Die Linke avec leurs positions marxistes et de soutenir le courant Sozialistische Linke, qui s'emploie à promouvoir une orientation de classe et le resserrement des liens du parti avec mouvement syndical.

En France, suite aux vicissitudes survenues en rapport avec les comités antilibéraux et la candidature aux élections présidentielles d'avril 2007, la LCR laisse entrevoir l'hypothèse d'une nouvelle application de l'entrisme à l'envers consistant en ce qu'une organisation s'enveloppe elle-même d'une autre, plus large, pour y subsister en tant que courant. Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR [65]:

Nous voulons rassembler tous les anticapitalistes et tous les partisans d'un changement de société dans une nouvelle formation. [...]

S'il voit le jour, la LCR n'a plus vocation à exister en tant que telle. Il s'agit de former un parti militant qui ressemble à la société, un parti qui ne sera pas un parti d'adhérents passifs ni une avant-garde révolutionnaire élitiste. Une génération militante, issue par exemple des banlieues et vierge des expériences politiques du passé, émerge. La nouvelle direction devra donc être à l'image et aux couleurs du pays. En clair, il n'est pas question d'un copier-coller avec les actuels dirigeants.

Cette perspective avait déjà été annoncée par certains à l'occasion du 16e congrès de la LCR (plateforme 4) [66]:

Mais tout cela, nous devons le faire dans la perspective d'être partie prenante de la construction d'espaces, de fronts, d'alliances politiques avec d'autres, qui débouche sur la création d'un nouveau parti au fonctionnement démocratique dans lequel nous serions un courant politique qui y interviendrait loyalement tout en conservant son indépendance (presse, réunions, etc.), notamment pour continuer à défendre des perspectives révolutionnaires.

La méthode fait d'ailleurs boule de neige. Un exemple en est fourni en France, par Olivier Dartigolles, qui à l'époque des élections de printemps 2007 était porte-parole de la secrétaire générale du Parti communiste français, Marie-Georges Buffet, mais qui, vus les résultats des votes, s'engage dans une orientation différente que celle défendue par M.‑G. Buffet[67]: il faut "une nouvelle organisation politique" dans laquelle existerait "une sensibilité communiste organisée".

Notices historiques

Grande-Bretagne: International Marxist Tendency, International Socialist Tendency

Ted Grant: de la Workers International League à In Defence of Marxism

Workers International League (1937), Revolutionary Socialist League (1938)

Après son arrivée en Grande-Bretagne en 1934, Ted Grant (Isaac Blank, né en Afrique du Sud) rejoignit le “Militant Group” au sein du Labour Party. En 1937, lui et d'autres quittèrent le Militant Group et formèrent un nouveau groupe appelé “Workers International League (“Ligue ouvrière international, WIL). En 1941, la WIL changera le nom de sa publication en Socialist Appeal (Appel socialiste), avec T. Grant comme rédacteur en chef.

En 1938 fut créée la “Revolutionary Socialist League (“Ligue socialiste révolutionnaire, RSL) par la fusion de deux groupes existants, la “Marxist League (“Ligue marxiste) et le “Marxist Group (“Groupe marxiste”). Puis, la même année, la RSL absorba le Militant Group ainsi qu'une autre organisation, le “Revolutionary Socialist Party” (“Parti socialiste révolutionnaire, RSP). La RSL constituait alors la section britannique de la 4e Internationale (trotskiste). Ceux de ses membres impliqués dans l'activité d'“entrisme dans le Labour Party étaient regroupés dans la “Militant Labour League” (“Ligue travailliste militante”) qui publiait The Militant. Peu après, les militants venus du RSP se séparèrent de nouveau de la RSL, pour rejoindre soit le “Independent Labour Party” (Parti travailliste indépendant”, ILP), soit la WIL. En 1939, eut lieu une scission de la RSL conduisant à l'existence éphémère de la “Revolutionary Workers League” (Ligue ouvrière révolutionnaire”, RWL) (avec notamment Isaac Deutscher). Cependant en 1940, la majorité des membres de la RWL entrèrent à la WIL, puis en 1941, le reste retourna à la RSL.

Une autre scission au sein de la RSL produisit le “Socialist Workers Group” (Groupe ouvrier socialiste) qui rejoignit l'ILP, à l'exception de quelques membres qui adhérèrent à la “Trotskyist Opposition” (Opposition trotskiste”), un groupe expulsé de la RSL en 1942. En 1943, la Trotskyist Opposition expulsa à son tour une fraction opposée à la position de la direction.

Revolutionary Communist Party (1944)

En 1944, la 4e Internationale organisa une conférence qui mit en oeuvre d'abord la réintégration de la Trotskyist Opposition, y compris la fraction expulsée, dans la RSL, puis la fusion de la RSL avec la WIL pour former le “Revolutionary Communist Party” (“Parti communiste révolutionnaire”, RCP), en tant que section britannique de la 4e Internationale. T. Grant (venu au RCP avec la WIL) était par la suite membre du comité exécutif de la 4e Internationale.

Le RCP était divisé en deux fractions, l'une (à laquelle appartenait notamment Gerry Healy) favorable à l'entrisme envers le Labour Party, l'autre y étant opposée. En 1950, le RCP fut dissout et rejoignit le Labour Party. La consigne de la 4e Internationale était alors de militer avec le groupe entriste de G. Healy (connu comme “The Club”), mais celui-ci en expulsa un certain nombre, dont T. Grant.

Revolutionary Socialist League (1953)

Quelques ex-membres du RCP autour de T. Grant formèrent en 1953 la “Revolutionary Socialist League” (“Ligue socialiste révolutionnaire”, RSL), en tant que groupe entriste dans le Labour Party. En 1958, la RSL fut reconnue comme section britannique de la 4e Internationale ‑ Secrétariat international, et après la réunification en 1963 de celle-ci avec la branche dissidente appelée “4e Internationale ‑ Comité international” (qui avait été constituée en 1953), il gardait dans un premier temps cette attribution au sein de la “4e Internationale ‑ Secrétariat unifié” ainsi constituée. Or entretemps, avait été créé en 1962 l'“Internationalist Group” (“Groupe internationaliste”, IG) par des militants ayant quitté le Parti communiste de Grande-Bretagne en 1956 ainsi que d'autres venant de la “Socialist Labour League” (“Ligue socialiste des travailleurs”, issue de “The Club”); puis l'IG avait fusionné avec la RSL, mais s'était reconstitué en 1965 sous son nom original. La 4e Internationale considéra alors à la fois l'IG et la RSL comme groupes sympathisants en Grande-Bretagne. Une conférence d'unité eut lieu entre les deux, mais la fusion échoua et l'IG continua comme organisation séparée sous le nom d'International Group. En 1968, il prit le nom d'“International Marxist Group” (“Groupe marxiste international”, IMG).

Militant Tendency

En 1965, comme résultat de ces vicissitudes, la RSL quitta la 4e Internationale. Ce groupe était ensuite connu sous le nom de “Militant Tendency” (“Tendance militante”, MT), d'après le périodique The Militant qu'il avait fondé en 1964. Vers 1967, après le départ des groupes de G. Healy et de Tony Cliff (cf. ci-dessous) du Labour Party, la MT était le seul groupe d'une certaine importance à continuer l'entrisme au Labour Party. Mais T. Grant et les autres membres de la rédaction de The Militant, furent expulsés du Labour Party en 1983. Sur le plan international, la MT constitua en 1974 le “Committee for a Workers International” (Comité pour une Internationale ouvrière).

Socialist Appeal

En 1991, T. Grant, avec un groupe de militants, fut expulsé de la MT. Ils constituèrent en 1992 le magazine Socialist Appeal (Appel socialiste), qui est au centre d'un regroupement international désigné couramment sous le nom de “In Defence of Marxism” (En défense du marxisme).

Tony Cliff: du Revolutionary Communist Party au Socialist Workers Party

Socialist Workers Party

Après son arrivée en Grande-Bretagne en 1947, Tony Cliff (Yigael Gluckstein, né en Palestine) adhéra au “Revolutionary Communist Party” (“Parti communiste révolutionnaire”, RCP) (cf. ci-dessus). T. Cliff, de même que T. Grant, suite à la dissolution du RCP, passa au groupe “The Club”, puis en fut expulsé.

En 1951 des ex-membres du RCP autour de T. Cliff fondèrent le “Socialist Review Group” (“Groupe Revue socialiste”, SRG), avec le magazine du même nom. Dans les années 1950 le SRG entretenaient des relations avec l'“Independent Socialist League” (“Ligue socialiste indépendante”) américaine (cf. plus loin). À partir de 1962 le SRG publiait un nouveau périodique intitulé International Socialism (Socialisme international), et devint “International Socialism Group” (“Groupe Socialisme International”, ISG). Au cours des années 1960 l'ISG établit des liens dans un certain nombre de pays où se constituèrent des groupes locaux. En 1977, le ISG adopta le nom de “Socialist Workers Party” (Parti ouvrier socialiste”, SWP). Aux USA, le SWP entra en contact avec un groupe intitulé d'abord “Independent Socialists” (“Socialistes indépendants”), puis “International Socialists” (Socialistes internationaux”, IS) (cf. plus loin). Une scission de l'IS américain en 1978 donna lieu à la formation du groupe “International Socialist Organisation” (“Organisation socialiste international”, ISO), avec lequel le SWP poursuivait des liens. Bien que n'ayant pas de structure formelle, au cours des années 1990 ce regroupement international commença à être désigné communément comme “International Socialist Tendency” (Tendance socialiste internationale, IST).

En 2001, l'ISO fut expulsée de l'IST. Une fraction de l'ISO se constitua sous le nom de “Left Turn” (Tournant à gauche) pour rester membre de l'IST, mais s'en sépara finalement en 2003. Parmi les participants à l'IST, mentionnons Linksruck (Tournant à gauche) en Allemagne et Communismo dal basso (Communisme par en bas) en Italie.

En France, un groupe nommé Socialisme International (SI) fut fondé en 1984 par des militants ayant quitté Lutte ouvrière en 1974 et qui, après avoir pris contact avec l'IS britannique, entrèrent à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) pour préparer la création d'un groupe IS en France. Au cours des années 1990, le SWP britannique) incitait le SI français à rejoindre le Parti socialiste. Cette question entraîna, en 1997, l'éclatement du SI: un certain nombre de membres partirent, d'autres fondèrent le groupe Socialisme (qui entretient des liens avec l'ISO américain), et ceux qui entrèrent effectivement au PS s'intitulèrent Socialisme par en bas” (SPEB) (mais abandonnèrent peu après le PS). En 2002, le groupe Socialisme s'intégra à la LCR, en reprenant, en tant que courant, le nom Socialisme international. En 2002 également, SPEB entra en contact avec la LCR en vue de son entrée en tant que courant, ce qui se réalisa en 2004.

La 4e Internationale

Grande-Bretagne: International Socialist Group

Lorsque la majorité du “Revolutionary Communist Party” (“Parti communiste révolutionnaire”, RCP, cf. ci-dessus) rejeta la politique de dissolution dans le Labour Party, le groupe de Gerry Healy se sépara du RCP et constitua un groupe au sein du Labour Party, connu comme “The Club”, que l'autre partie du RCP rejoignit finalement l'année suivante. En 1959, The Club fut transformé en une organisation autonome dénommée “Socialist Labour League” (Ligue socialiste des travailleurs), laquelle en 1973 prit le nom de “Workers Revolutionary Party” (Parti ouvrier révolutionnaire, WRP). Puis, un groupe sorti du WRP forma la “Workers Socialist League” (“Ligue ouvrière socialiste”), et une scission de cette dernière aboutit en 1983 à la création du “Socialist Group” (“Groupe socialiste”).

D'autre part, en 1982, l'“International Marxist Group” (“Groupe marxiste international”, IMG) (cf. plus haut), qui s'était intégré au Labour Party, changea son nom en “Socialist League” (“Ligue socialiste”, SL). En 1985, suite à une scission de la SL, fut créé l'International Group (“Groupe international”, IG).

Initialement, la 4e Internationale reconnut le SL comme sa section britannique, et l'IG comme membre individuel. En 1988 les deux groupes, SL et IG, fusionnèrent sous le nom de “International Socialist Group” (“Groupe socialiste international”), lequel en 1995 fut reconnu comme section britannique de la 4e Internationale.

France: Ligue communiste révolutionnaire

En 1944 fut constitué le “Parti communiste internationaliste” (PCI) en tant que section française de la 4e Internationale, par fusion du “Parti ouvrier internationaliste” (POI, ex‑“Comités pour la Quatrième Internationale”), du “Comité communiste internationaliste” (CCI) et du groupe “Octobre”.

En 1952, suite à une scission, se constitua une organisation séparée gardant également le nom de PCI. Ce PCI concurrent fonda le “Comité international pour la Quatrième Internationale”, avec le “Socialist Workers Party” (Parti ouvrier socialiste”, SWP) américain (cf. plus loin) et la “Socialist Labour League” (“Ligue travailliste socialiste”, SLL) britannique (cf. plus haut). En 1965, ce PCI se transformera en “Organisation communiste internationaliste” (OCI), qui en 1991 prendra l'initiative de la fondation du “Parti des travailleurs” (PT), dans lequel l'OCI s'intègre comme “Courant communiste internationaliste” (CCI).

Pour sa part, le PCI resté avec la 4e Internationale fusionna en 1969 avec la “Jeunesse communiste révolutionnaire” (JCR) pour constituer la “Ligue communiste” (LC). La JCR avait été créée en 1966 par des militants exclus de l'“Union des étudiants communistes” liée au PCF. En 1974, la LC devint d'abord le “Front communiste révolutionnaire”, et finalement la “Ligue communiste révolutionnaire” (LCR).

USA: De la Troisième Internationale à l'Internationale trotskiste

Du Socialist Party of America au Communist Party, United States of America

En novembre 1914, Léon Trotsky s'établit en France. En janvier 1915, il commença l'édition d'un périodique Nashe Slovo (Notre Parole), d'abord avec Julius Martov, mais celui-ci quitta bientôt la rédaction. En septembre 1916, L. Trotsky fut déporté de France vers l'Espagne et de là aux USA, où il arriva en décembre. À New York, il écrivit des articles pour le périodique en langue russe Novy Mir (Le Nouveau Monde). Il quittera les USA pour la Russie en mars 1917.

Le 5 mars 1917, L. Trotsky participa à une réunion du Socialist Party of America (Parti socialiste d'Amérique, SPA), aux côtés de Louis C. Fraina, représentant de l'aile gauche du parti. Ensemble ils soumirent au vote une résolution au sujet de la guerre, qui fut rejetée. Cette aile gauche du SPA était portée notamment par le Socialist Propaganda League of America (Ligue de propagande socialiste d'Amérique, SPLA), une organisation établie en 1915.

En mai 1919, l'aile gauche du SPA publia un document sur la question du programme, rédigé entre autre par L. C. Fraina et Bertram Wolfe. Ce groupe visait alors la prise de contrôle du parti. Des élections au comité exécutif national lui donnèrent la majorité avec 12 membres sur 15, mais l'aile minoritaire réagit en expulsant un certain nombre d'organisations comprenant environ deux tiers des membres du parti.

De ces évènements résultèrent deux initiatives. Une partie de l'aile gauche, dirigée notamment par John Reed, visaient à participer à la convention nationale d'urgence convoquée par la minorité ayant accaparé la direction du SPA et à faire échouer la manoeuvre de celle-ci, mais ils furent expulsés des lieux par la police. Ils formèrent alors, le 1er septembre, le “Communist Labor Party” (“Parti travailliste communiste ”, CLP). Parmi les dirigeants de celui-ci, on peut mentionner, outre J. Reed, Max Bedacht, Ludwig E. Katterfeld. L'autre partie de l'aile gauche créèrent, par un congrès tenu les 1‑7 septembre, le “Communist Party of America” (“Parti communiste d'Amérique”, CPA). Parmi les dirigeants de celui-ci, on peut mentionner Charles E. Ruthenberg, Jay Lovestone, L. C. Fraina, Nicholas I. Hourwich (Gurvich), Oscar Tyverovsky.

Les 2‑6 mars 1919 se tint à Moscou le congrès de fondation de l'Internationale communiste. Les organisations citées postulèrent séparément pour une adhésion à l'IC: le CLP le 21 septembre 1919, le CPA le 24 novembre 1919, et le SPA le 12 mars 1920. En janvier 1920, l'IC transmit au CLP et au CPA la consigne qu'ils devaient fusionner. En avril de la même année, après qu'une majorité du CPA, comprenant N. I. Hourwich, s'était déclarée opposée à une unification avec le CLP, eut lieu une scission par le départ notamment de C. E. Ruthenberg et J. Lovestone et un groupe autour d'eux. Par un congrès tenu les 26‑31 mai, fut effectivement constitué le “United Communist Party of America” (“Parti communiste unifié d'Amérique”, UCP), réunissant le CLP et la partie du CPA favorable à cette démarche. Parmi les dirigeants de l'UCP, on peut mentionner C. E. Ruthenberg, M. Bedacht, James P. Cannon, L. E. Katterfeld. M. Bedacht assuma par ailleurs la fonction de représentant au comité exécutif de l'IC.

Au 2e congrès de l'IC, du 19 juillet au 7 aout 1920 à Moscou et à Petrograd, la confusion régnait en ce qui concernait les délégations américaines. Le CPA avait désigné deux délégués, L. C. Fraina et Alexander Stoklitsky, avant que n'eut lieu la constitution de l'UCP; ils étaient désormais membres du CPA maintenu comme organisation séparée. Comme représentants de l'UCP étaient présents J. Reed, Alexander Bilan, Eadmon MacAlpine ainsi qu'Edward I. Lindgren. En absence d'informations suffisantes sur les évènements aux USA, les l'autorités du congrès décidèrent d'accorder aux délégués de l'UCP 6 voix et aux délégués du CPA 4 voix. Le congrès, pour la première fois, élut un comité exécutif. Pour les USA, y furent intégrés J. Reed de l'UCP et N. I. Hourwich du CPA.

Finalement, à l'occasion d'un congrès tenu en mai 1921, le CPA ancien rejoignit l'UCP et ainsi fut constitué le “Communist Party of America ‑ Section of the Communist International” (“Parti communiste d'Amérique ‑ section de l'Internationale communiste”). Parmi ceux qui ont fait partie de la direction du CPA unifié, entre sa création et sa dissolution en 1923, on peut mentionner C. E. Ruthenberg, J. Lovestone, J. Pepper, J. P. Cannon, L. E. Katterfeld, M. Bedacht, Israel Amter, William Z. Foster, Earl R. Browder.

De même que les deux organisations constitutives, le CPA unifié était une organisation clandestine. En effet, dès leurs débuts, les organisations communistes aux USA subirent la répression de l'appareil d'État. En 1918 avait été adoptée la loi sur la sédition (“Sedition Act”), comme amendement à la loi sur l'espionnage (“Espionage Act”) de 1917; elle limitait sévèrement la liberté d'expression. À partir de fin 1919, des milliers de membres des organisations communistes furent arrêtés et, pour les immigrés, déportés.

Le 3e congrès de l'IC se tint à Moscou du 22 juin au 12 aout 1921. Cette fois il n'élut pas directement un comité exécutif mais décida que les partis et pays représentés devaient désigner leurs représentants à cet organisme selon des proportions déterminées. Pour les USA, O. Tyverovsky fut envoyé à Moscou.

Après le 3e congrès de l'IC, le comité exécutif de celle-ci fut finalement élargi. Au 1er plenum élargi du CEIC tenu à Moscou du 21 février au 4 mars 1922, fut élu un présidium dont faisait partie L. E. Katterfeld du CPA unifié, et M. Bedacht était présent en tant que délégué des communistes américains. Au 2e plenum élargi tenu les 7‑11 juin 1922, L. E. Katterfield ne fut pas réélu, et J. P. Cannon fut élu comme membre candidat.

En aout 1922 se tint un congrès du CPA unifié auquel furent envoyés par Moscou: J. Pepper, Genrik Valetski, et Boris Reinstein[68].

Par ailleurs, à l'occasion d'un congrès tenu en décembre 1921 avait été créé le “Workers Party of America” (“Parti ouvrier d'Amérique”) pour servir de couverture légale au CPA. Il était constitué de la majeure partie du CPA ainsi que d'individus et groupes venant du SPA. Comme président national fut désigné J. P. Cannon, puis en mai 1922, C. E. Ruthenberg qui venait de sortir de prison fut nommé secrétaire exécutif.

Le 4e congrès de l'IC se tint du 5 novembre au 5 décembre 1922, à Moscou et Petrograd. Les USA disposèrent de deux représentants, L. E. Katterfeld (“Carr”) qui remplaça O. Tyverovsky, et J. P. Cannon (“Cook”). Le WPA envoya trois délégués, M. Bedacht, Alexander Trachtenberg, Alfred S. Edwards (“Sullivan”).

En avril 1923 se tint le dernier congrès du CPA. La dissolution du CPA comme parti clandestin, laissant la place au WPA, fut décidée, accompagnée de l'établissement d'un appareil restreint au sein de ce dernier chargé des opérations secrètes.

Le 3e plenum élargi du CEIC se tint les 12‑23 juin 1923 à Moscou. I. Amter y assista comme délégué du WPA.

Un congrès du WPA se tint en décembre 1923 ‑ janvier 1924. Comme secrétaire exécutif, fut désigné C. E. Ruthenberg et comme président, d'abord J. P. Cannon, remplacé en février par W. Z. Foster. Le comité exécutif central était composé selon deux fractions, l'une représentée notamment par E. R. Browder, J. P. Cannon, W. Z. Foster, l'autre notamment par J. Lovestone, J. Pepper, C. E. Ruthenberg.  I. Amter continuait comme représentant du parti au CEIC.

Le 5e plenum élargi du CEIC se tint du 21 mars au 6 avril 1925 à Moscou. La délégation du WPA comprenait W. Z. Foster (“Dorsey”), J. P. Cannon, et John Williamson pour la majorité; C. E. Ruthenberg (“Sanborn”), J. Lovestone (“Powers”), et J. Pepper pour la minorité. J. P. Cannon et J. Pepper furent nommés à la commission politique du CEIC.

En aout 1925 se tint un congrès du WPA, qui prit le nouveau nom de “Workers (Communist) Party of America” (“Parti ouvrier (communiste) d'Amérique”). Les responsabilités de direction furent attribuées en tenant compte des appartenances de fraction, un représentant de l'IC, Sergei Gusev, étant chargé de trancher les litiges. Parmi les dirigeants désignés on peut mentionner les suivants. Secrétaire exécutif national: C. E. Ruthenberg; “président indépendant”: S. Gusev; au comité exécutif central: pour le groupe majoritaire, E. R. Browder, J. P. Cannon, W. Z. Foster, pour le groupe minoritaire M. Bedacht, J. Lovestone, C. E. Ruthenberg. Après le décès de ce dernier en 1927, J. Lovestone reprit le poste de secrétaire général.

En rapport avec les conflits internes au PC(b)US, la fraction Foster se plaçait du côté de J. V. Staline, tandis que la fraction Lovestone montrait une inclinaison vers les positions de Nicolai I. Bukharin. Cependant, pour ce qui est de J. P. Cannon, celui-ci, suite à sa participation au 6e congrès de l'IC en 1928, effectua un revirement et décida d'organiser sa propre fraction en soutien à l'opposition de Trotsky; il fut expulsé du CPA la même année.

J. Lovestone, quant à lui, fut expulsé du CPA en 1929 pour son soutien à N. I. Bukharin et sa théorie alléguant une “exception américaine” qui impliquerait qu'aux USA il faudrait suivre une stratégie “modérée” envers la bourgeoisie. Il constitua alors un parti nommé “Communist Party (Opposition)” (“Parti communiste (opposition)”, CP(O)) qui se plaçait dans le cadre de la “International Communist Opposition” (Opposition communiste internationale, ICO). L'ICO existait de 1930 à 1939. Elle était principalement représentée par: le Kommunistische Partei Deutschlands ‑ Opposition (Parti communiste d'Allemagne ‑ Opposition, KPD‑O ou KPDO ou KPO) formé en 1928‑1929 par des membres exclus du Parti communiste d'Allemagne (KPD), notamment Heinrich Brandler et August Thalheimer; et en Espagne par le Bloque Obrero y Campesino (Bloc ouvrier et paysan), dirigé par Joaquín Maurín et Julián Gorkin (ancêtre du Partido Obrero de Unificación Marxista (Parti ouvrier d'unification marxiste), POUM).

Parmi les participants du CP(O) on peut noter Bertram Wolfe. Le CP(O) devint par la suite “Independent Communist Labor League” (“Ligue travailliste communiste indépendante”) puis, en 1938, “Independent Labor League of America” (“Ligue travailliste indépendante d'Amérique”) avant de se dissoudre en 1941.

En 1929, le CPA changea son nom en “Communist Party, United States of America” (Parti communiste, États-Unis d'Amérique, CPUSA). W. Z. Foster succéda à J. Lovestone comme secrétaire général.

Le 11e plenum élargi du CEIC se tint du 25 mars au 13 avril 1931 à Moscou. Le délégué américain fut E. R. Browder.

En 1932 W. Z. Foster, suite à une crise cardiaque, fut amené à démissionner en faveur d'E. R. Browder.

Le 13e plenum élargi du CEIC se tint du 28 novembre au 12 décembre 1933 à Moscou. Le délégué américain fut de nouveau E. R. Browder.

W. Z. Foster, après avoir suivi un traitement médical en URSS, revint en 1935. Puis, en 1945, E. R. Browder fut révoqué pour avoir tenté de dissoudre le CPUSA en tant que parti, il en fut expulsé en 1946. W. Z. Foster participa dès cette époque à la direction en tant que président.

Le Socialist Workers Party et la 4e Internationale

En 1928, suite à leur expulsion du WPA, J. P. Cannon et ses partisans créèrent la “Communist League of America” (“Ligue communiste d'Amérique”, CLA), qui se constitua en section de l'“International Left Opposition” (“Opposition de gauche internationale”), fondée en 1930 par L. Trotsky. En 1934, la CLA fusionna avec l'“American Workers Party” (“Parti ouvrier américain”) (organisation créée en 1933) pour former le “Workers Party of United States” (Parti ouvrier des États-Unis”, WPUS, aussi appelé “US Workers Party”). En 1936, une grande partie des membres du WPUS entrèrent au Socialist Party of America (SPA) pour y constituer un courant, mais en furent expulsés peu après. Ils fondèrent alors le “Socialist Workers Party” (“Parti ouvrier socialiste”, SWP), lequel participa à la fondation de la 4e Internationale, dont, cependant, il s'éloigna dans les années 1980.

L'un des principaux dirigeants du SWP au moment de sa création, outre J. P. Cannon, était Max Shachtman. Celui-ci avait rejoint en 1922 le “Workers' Council” (Conseil ouvrier”), organisation qui ensuite s'était intégrée au Communist Party of America (CPA). En 1940 une fraction dirigée par M. Shachtman quitta le SWP et constitua le “Workers Party” (Parti ouvrier”). Celui-ci, en 1949, changea son nom en “Independent Socialist League” (Ligue socialiste indépendante”, ISL). En 1957, l'ISL entra au SPA en tant que fraction et décida sa dissolution comme organisation en 1958. Cependant, une partie des membres ne suivit pas cette voie et créa un “Independent Socialist Club” (“Club socialiste indépendant”), puis, à travers la constitution d'autres clubs, forma l'“Independent Socialist Committee” (“Comité socialiste indépendant”) qui, en 1969, prit le nom de “International Socialists” (“Socialistes internationaux”, IS). Les membres de l'IS développèrent des liens informels avec l'IS britannique, dont l'influence aboutit à une scission au sein de l'IS américain et la constitution de l'“International Socialist Organization” (“Organisation socialiste internationale”, ISO).


Notes



[1]. "Appel à la commémoration du 60e anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944".

http://www.lautreeurope.org/Resister-c-est-creer-Creer-c-est.html.

[2]. LCR, 16e Congrès ‑ Projets de thèses et motions, Rouge, supplément n° 2 au n° 2136, décembre 2005.

http://www.lcr-rouge.org/rubriquecongres.php3?id_rubrique=144,

http://www.lcr-rouge.org/IMG/pdf/XVI_Congres.pdf.

[3]. François Hollande, à l'époque premier secrétaire du Parti socialiste.

[4]. PCOF, "Un vrai changement, une vraie rupture avec le néolibéralisme", tract, janvier 2007.

http://www.pcof.net/fr/communiques/tract0107.pdf.

[5]. PCOF, "Le sixième congrès ordinaire du Parti communiste des ouvriers de France vient de se tenir avec succès", communiqué, 20 décembre 2006.

http://www.pcof.net/fr/communiques/congres_pcof.htm.

[6]. PCOF, "Le CPE, c'est un condensé de néolibéralisme! Ensemble pour le retrait du CPE et contre le néolibéralisme", communiqué, 7 mars 2006.

http://www.pcof.net/fr/communiques/7mars.htm.

[7]. PCOF, "Le sixième congrès...", op. cit.

[8]. Collectifs du 29 mai, "Charte pour une alternative au libéralisme", 21 aout 2006.

http://www.collectifdu29mai.org/IMG/pdf/Charte-antiberale-21-08-06.pdf.

[9]. PCOF: "Retrait du CPE et combat contre le néo-libéralisme ‑ Construire un pôle anti-libéral", communiqué, 16 mars 2006.

http://www.pcof.net/fr/communiques/tract_mars.htm.

[10]. PCOF, "Notre présentation de la charte ‑ les raisons de notre soutien", 27 septembre 2006.

http://www.collectifdu29mai.org/Notre-presentation-de-la-charte.html.

[11]. PCOF, Contribution au débat sur la charte contre le libéralisme, 20 février 2006.

http://www.pcof.net/fr/communiques/contributions_collectif.pdf.

[12]. PCOF, Contribution aux Assises nationales des collectifs du 29 mai, 13 mai 2006.

http://www.pcof.net/fr/communiques/contribution_pcof.pdf.

[13]Ibid.

[14]. PCOF, Contribution..., 20 février 2006, op. cit.

http://www.pcof.net/fr/communiques/contributions_collectif.pdf.

[15]. PCOF, "Notre présentation...", op. cit.

[16]Ibid.

[17]. PCOF, "A propos de l'appel du 11 mai 2006", communiqué, juin 2006.

http://www.pcof.net/fr/communiques/appel.htm,

http://www.collectifdu29mai.org/La-position-du-PCOF-sur-l-Appel-du.html.

[18]. PCOF, "Nos exigences-programmes", tract, 14 mars 2007.

http://www.pcof.net/fr/communiques/tract_mars07.pdf.

[19]. Falce Martello, "Rompere con Prodi, preparare l'alternativa operaia", 5 novembre 2004.

http://www.marxismo.net/prc/mozione_6cong_def.html,

http://www.rifondazionecampagnano.org/5mozioni2005/5.pdf.

[20]. Alan Woods, "A Socialist alternative to the European Union", In Defense of Marxism, 4 juin 1997.

http://www.marxist.com/britain-european-union040697.htm.

[21]. Ted Grant, "Militant's Programme: For a Socialist Plan of Production ‑ Capitalist crisis deepens", In Defense of Marxism, 28 janvier 2005.

http://www.marxist.com/britain-militant-programme280105.htm.

[22]. Alan Woods, "Europe, America and imperialism", In Defense of Marxism, 11 janvier 2003.

http://www.marxist.com/Europe/european_security_force.html.

[23]. Alan Woods, "A Socialist alternative...", op. cit.

[24]Ibid.

[25]. Ted Grant, "Marxism Versus New Fabianism ‑ Part Two", mai 1953. In: The Unbroken Thread, London, Fortress Books, 1989.

http://www.marxist.com/TUT/TUT7-1.html,

http://www.marxists.org/archive/grant/1953/05/newfab2.htm.

[26]. Leon Trotsky, "The Programme of Peace", mai 1917. In: Allen Clinton (ed.), Trotsky's Writings On Britain, London, New Park Publications, 1975. Traduit de l'Anglais par nous.

http://marxists.anu.edu.au/archive/trotsky/works/britain/ch11.htm.

http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1917/05/lt19170500.htm.

[27]Leon Trotsky, "Is the Slogan “The United States Of Europe” a Timely One? (A Discussion Article)", Pravda, 30 juin 1923. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1924/ffyci-2/25b.htm.

http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1923/06/lt19230630.htm.

[28]"The Maturing Revolutionary Situation in Europe and The Immediate Tasks of the IVth International", résolution politique adoptée par le comité exécutif européen de la 4e Internationale, janvier 1945. Fourth International, New York, juin 1945, vol. 6, n° 6, pp. 170‑74. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/history/etol/document/fi/1938-1949/ww/1945-ww01.htm.

[29]. Ted Grant, "The Changed Relationship of Forces in Europe and the Role of the Fourth International", mars 1945. In: The Unbroken Thread, London, Fortress Books, 1989.

http://www.marxist.com/TUT/TUT2-1.html

http://www.tedgrant.org/works/4/5/changed_relationship.html.

[30]"The Maturing Revolutionary Situation...", op. cit. Traduit de l'Anglais par nous.

[31]"Theses on the Liquidation of World War II and the Revolutionary Upsurge", par la conférence européenne de la 4e Internationale, février 1944. Fourth International, New York, mars 1945, vol. 6, n° 3, pp. 78‑86, et mai 1945, vol. 6, n° 5, pp. 150‑52. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/history/etol/document/fi/1938-1949/ww/1945-ww02.htm.

[32]. Ted Grant, "The Changed Relationship...", op. cit.

[33]Leon Trotsky, "The Programme of Peace", op. cit. Traduit de l'Anglais par nous.

[34]. Jack Bernard, "Introduction to Trotsky’s Programme of Peace".

http://marxists.anu.edu.au/archive/trotsky/works/britain/ch11.htm.

[35]. Ted Grant, "The Character of the European Revolution ‑ A Reply to Some Comrades of the IKD", octobre 1945. Workers International News, vol. 6, n° 1, octobre 1945; également Fourth International, New York, vol. 7, n° 3, mars 1946, pp. 72‑76.

http://www.marxists.org/history/etol/writers/grant/works/4/5/european_revolution.html.

[36]. Vladimir I. Lénine, "Les tâches de la social-démocratie révolutionnaire dans la guerre européenne". Écrit au plus tard le 24 aout (6 septembre) 1914. Oeuvres, tome 21, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1973, p. 12.

http://marxists.org/archive/lenin/works/1914/aug/x01.htm.

[37]. Vladimir I. Lénine, "La guerre et la social-démocratie russe". Écrit avant le 28 septembre (11 octobre) 1914. Oeuvres, tome 21, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1973, p. 27.

http://marxists.org/archive/lenin/works/1914/sep/28.htm.

[38]. Vladimir I. Lénine, "La conférence des sections à l'étranger du POSDR". Oeuvres, tome 21, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1973, p. 157.

[39]. Vladimir I. Lénine, "À propos du mot d'ordre des États-Unis d'Europe". Oeuvres, tome 21, Éditions Sociales, Paris, Éditions du Progrès, Moscou, 1973, p. 353.

http://marxists.org/archive/lenin/works/1915/aug/23.htm, http://www.marx2mao.com/Lenin/USE15.html.

[40]Idem, p. 355.

[41]Leon Trotsky, "The Programme of Peace", op. cit. Traduit de l'Anglais par nous.

[42]Ibid. Traduit de l'Anglais par nous.

[43]Leon Trotsky, "Peace Negotiations and the Revolution", circa février 1918. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1918/02/peace.htm.

[44]Leon Trotsky, "Is the Slogan...", op. cit. Traduit de l'Anglais par nous.

[45]Leon Trotsky, "The Draft Program of the Communist International: A Criticism of Fundamentals", The Militant, 1929. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1928/3rd/ti01.htm.

http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ical/ical.html.

[46]. J. V. Staline, "La révolution d'Octobre et la tactique des communistes russes", 17 décembre 1924. In: Les Questions du Léninisme, Tirana, Éditions “Naim Frashëri”, 1970, pp. 128‑129.

http://www.communisme-bolchevisme.net/les_questions_du_leninisme_Joseph_Staline.htm

http://www.marxists.org/reference/archive/stalin/works/1924/12.htm,

http://www.marx2mao.com/Stalin/OR24.html.

[47]. Résolution: "Des tâches de l'Internationale communiste et du PCR(b) en relation avec l'assemblée plénière élargie du Comité exécutif de l'Internationale communiste", adoptée par la 14e conférence du PCR(b), 23‑30 avril 1925.

Cf. J. V. Staline, "À propos de la déviation social-démocrate dans notre parti", Rapport présenté à la 15e conférence du PC(b) de l'URSS, 1 novembre 1926, Pravda, n° 256 et 257, 5 et 6 novembre 1926. Moscou, Éditions en langues étrangères, 1953.

http://www.marx2mao.com/Stalin/SDD26.html.

[48]Leon Trotsky, "Disarmament and the United States of Europe". Écrit le 4 octobre 1929. In: Fourth International, New York, vol. 6, n° 5, mai 1945, pp. 154‑158. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1929/10/disarm.htm.

http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1929/10/lt19291004.htm.

[49]Leon Trotsky, "The Draft Program...", op. cit. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1928/3rd/ti03.htm.

[50]Leon Trotsky, "The War and the International", novembre 1914 (en russe). Paris, Golos (La Voix, journal publié par Julius Martov). Traduction anglaise: "The Bolsheviks and World Peace", New York, Boni&Liveright, 1918. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1914/war/part1.htm.

http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1914/10/lt19141031.htm.

[51]. Vladimir I. Lénine, "À propos du mot d'ordre...", op. cit., p. 354.

[52]Leon Trotsky, "The Programme of Peace", op. cit. Traduit de l'Anglais par nous.

[53]. Leon Trotsky, The Permanent Revolution, Berlin, Left Opposition (ed. en Russe), 1930. Edition anglaise/américaine: Progress Publishers/Militant Publishing Association, 1931. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1931/tpr/pr10.htm.

http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revperm/rp10.html.

[54]. Leon Trotsky, "The Programme of Peace", op. cit. Traduit de l'Anglais par nous.

[55]Ibid. Traduit de l'Anglais par nous.

[56]Leon Trotsky, "War and the Fourth International", signé “International Secretariat, International Communist League”, 10 juin 1934. New York, Pioneer Publishers, juillet 1934. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1934/06/warfi.htm.

http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1934/06/34061000.htm.

[57]Leon Trotsky, "The Programme of Peace", op. cit. Traduit de l'Anglais par nous.

[58]. J. V. Staline, "Questions du léninisme", 25 janvier 1926. In: Les Questions du Léninisme, Tirana, Éditions “Naim Frashëri”, 1970, p. 202 et p. 206.

http://www.marx2mao.net/Stalin/CQL26.html.

http://www.communisme-bolchevisme.net/les_questions_du_leninisme_Joseph_Staline.htm.

[59]Leon Trotsky, "Perspectives of World Development", 28 juillet 1924. Izvestia, 5 aout 1924, n° 177, sous le titre "The Premises for the Proletarian Revolution". Fourth International, New York, vol. 6, n° 6, 7 & 8, juin, juillet et aout 1945. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1924/07/world.htm.

http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/europeameric/eur1.htm.

[60]Idem. Traduit de l'Anglais par nous.

[61]Leon Trotsky, "The Draft Program...", op. cit. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1928/3rd/ti01.htm.

[62]Idem. Traduit de l'Anglais par nous.

http://www.marxists.org/archive/trotsky/1928/3rd/ti01.htm.

[63]. Christine Buchholz, "Gemeinsam und anti-neoliberal", Argumente, n° 9, avril 2006.

http://www.sozialismus-von-unten.de/lr/artikel_1851.html.

[64]. Pressemitteilung zur Auflösung von Linksruck, août 2006.

http://www.linksruck.de/artikel_2036.html.

[65]. "La LCR n'a plus vocation à exister", Interview d’Olivier Besancenot dans Le Parisien / Aujourd’hui en France, 24 aout 2007.

http://www.gauchealternative.org/spip.php?article208.

[66]. LCR, 16e Congrès ‑ Projets de thèses et motions, op. cit.

[67]Le Monde, 14 septembre 2007.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-954486@51-949944,0.html.

[68]. http://www.marxists.org/history/usa/parties/cpusa/1922/04/0403-cpa-newsletter4.pdf.