Indonésie 1954‑1966

Éléments de chronologie





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Bulletin international
Nouvelle série n° 16‑17 (98‑99) juillet 2001
Nouvelle série n° 18‑19 (100‑101) - troisième et quatrième trimestres 2001
édité par le CEMOPI
(Centre d'étude sur le mouvement ouvrier et paysan international),
France

 

Tout autant que la Bibliographie Chronologique (1953‑2000)[1] cette Chronologie est sommaire. Il s'agit d'indications concernant l'histoire même du Parti communiste d'Indonésie (PKI). Mais cette histoire s'inscrit bien évidemment dans l'histoire même de l'Indonésie, des rapports particuliers qui vont s'établir après la Deuxième Guerre mondiale entre le dirigeant du Parti communiste d'Indonésie, D. N.  Aidit et le président Sukarno.

 Dans ce contexte des divergences au sein du mouvement communiste et ouvrier international le PKI ne peut rester politiquement neutre, il y a convergence anti-impérialiste entre le PKI et le président Sukarno, ce qui va les rapprocher tous deux du discours chinois de refus de la co-existence pacifique.

 Il y a bien entendu d'autres acteurs dans cette histoire: les impérialismes hollandais et anglais et principalement l'impérialisme américain.

 C'est ainsi que le champ de cette Chronologie est considérable. Dans cette mesure ne sont présentés ici que quelques orientations.

 Une difficulté particulière à l'établissement de cette Chronologie tient à la multiplicité des partis indonésiens, à la transformation de leurs appellations. On a choisi pour les citer de garder la langue originale. Un Index des acronymes permettra tout le moins de les reconnaître. On a adopté l'orthographe française Sukarno.

 

Note 321Ignition: Nous ne reproduisons pas ici cet Index des acronymes. Nous avons ajouté dans le texte des renvois à un glossaire plus détaillé (Indonésie 1914‑1966), signalés par “” à la première mention de chaque terme concerné.

 

 

Contre les colonisateurs hollandais les premiers mouvements nationalistes indonésiens se constituent sous la bannière de l'Islam. Mais c'est contre les commerçants chinois que va être créé en 1909 le Sarekat Dagang Islamiyah. Trois années plus tard il change de vocation et devient le Sarekat Islam []. Durant la même année 1912 se constitue le Muhammadiyah [], parti islamiste.

 Quant aux idées communistes (social-démocrates alors), elles ont pour origine la création aux Pays-Bas de l'Indische Vereeniging [] qui regroupe des étudiants indonésiens. En 1914, le 9 mai, sociaux-démocrates hollandais et indonésiens fondent leur propre parti, le ISDV (Indische Sociaal-Democratische Vereeniging ‑ Association social-démocrate des Indes) []. Un de ses dirigeants les plus importants est le Hollandais H. Sneevliet [] plus connu par la suite sous le nom de Maring. Il sera expulsé en 1918, comme beaucoup d'autres hollandais le furent. Et c'est alors que les Indonésiens prirent la direction du Parti.

 Dès 1917 le Sarekat Islam commence à prendre des positions contre le gouvernement colonial hollandais. Elles semblent insuffisantes à certains de ses membres et, la même année, sous la direction de l'indonésien Semaun [], une aile gauche se dessine. En 1918 cette opposition plus révolutionnaire s'organise clandestinement sous le nom de Sarekat Islam B. Elle sera rejointe par un futur dirigeant du PKI, Musso []. Les autorités hollandaises vont dissoudre le Sarekat Islam B en 1919, l'année où Semaun devient le président de la fédération syndicale PPKB. Ses activités vont le rapprocher de Sneevliet, avant l'expulsion de ce dernier. De fait militants du Sarekat Islam et de l'ISDV peuvent avoir la double appartenance.

 Les activités de l'ISDV ont pris un tour plus affirmé avec le projet d'organisation en 1918 de soviets à Surabaya (Java) en même temps que s'organisait le Sarekat Islam B.

 L'ISDV change de nom en 1920 et devient le PKH (Perserikatan Komunis di Hindia ‑ Union communiste des Indes) []. Son Congrès de fondation se tient le 23 mai et Semaun devient le président du Parti qui rejoindra la IIIe Internationale le 25 décembre de la même année.

 Les rapports très souples entre islamistes modérés du Sarekat Islam et communistes du PKH vont être rompus par le SI en octobre 1921: sa direction interdit à ses membres d'appartenir à d'autres partis, et bien entendu au PKH. Le SI va se diviser en fractions. Semaun entraîne derrière lui ce qui sera la fraction “rouge” (SI-Merah) tandis que la majorité du Sarekat Islam va constituer la fraction “blanche” (SI-Putih).

Après le départ de Semaun en Union soviétique, Tan Malaka [] devient président du PKH en décembre 1921. Il n'occupera cette fonction que peu de temps. En mars 1922 il est envoyé en exil.

 Semaun et Tan Malaka se retrouveront en Hollande, où ils participent à des meetings. Toujours en 1922 le Indische Vereeniging aux Pays-Bas change de nom et devient Perhimpunan Indonesia (Association d'Indonésie) []. Mohammad Hatta [] et Sutan Sjahrir [] (deux noms que l'on retrouvera lors des “années Sukarno”) en sont membres. 1922, Semaun revient en Indonésie.

 En février 1923 le Sarekat Islam est réorganisé en PSI (Partai Sarekat Islam). Les communistes quittent l'organisation et entraînent avec eux un nombre significatif de membres. Les fractions “rouges” du SI constituent le Sarekat Rakyat [].

 En 1923 les deux premiers dirigeants du Parti communiste quittent l'Indonésie. Semaun est envoyé en exil. Tandis que Malaka est désigné comme représentant de la IIIe  Internationale pour l'Asie Sud-Est, intervenant à partir de Canton.

C'est en 1924 que le PKH devient le Parti communiste d'Indonésie (Partai Komunis Indonesia, PKI) []. Le terme Indonésie va être popularisé à cette date et revendiqué par les indépendantistes. Musso rejoint le Parti qui tiendra son Congrès en juin.

Le 31 décembre 1926 création d'un nouveau parti islamiste, le Nahdlatul Ulama [].

*

Il y a des divergences au sein du Comité Central du PKI, notamment quant à la question du rapport entre le Parti et certaines organisations et partis nationalistes. En 1921 Semaun est partisan de la collaboration entre le Parti et le Sarekat Islam. Membre du Comité exécutif de la IIIe Internationale, représentant du PKI en Hollande il est délégué au Ve Congrès de l'IC en 1925. Il y intervient pour critiquer le Parti hollandais et demander que le Comité Exécutif accorde plus d'attention aux colonies.

Ces divergences sont assez sensibles, en général, dans les nouveaux partis d'Orient pour que Staline en fasse écho dès 1925. En ce qui concerne l'Indonésie Staline se base sur le Programme du PKI adopté au Congrès de juin 1924 et qui mettait en avant quant à lui la fondation en Indonésie d'une République soviétique.

 L'histoire du PKI est exemplaire quant à la persistance des déviations sur lesquelles Staline attire l'attention, qu'elles aient été successives ou que les deux aient coexisté à l'intérieur même du Parti à des moments cruciaux de son histoire, notamment en 1965.

 

 Discours de Staline, 18 mai l925[2]

[...] on ne doit pas perdre de vue qu'il existe deux déviations dans le travail pratique des militants actifs de l'Orient colonial, déviations qu'il est nécessaire de combattre pour former des cadres véritablement révolutionnaires.

 La première déviation consiste à sous-estimer les possibilités révolutionnaires du mouvement de libération et à surestimer l'idée d'un front national unique, englobant tout dans les colonies et pays dépendants, indépendamment de l'état et du degré de développement de ces pays. C'est la déviation de droite, qui menace d'abaisser le mouvement révolutionnaire et de dissoudre les éléments communistes dans le choeur général des nationalistes bourgeois. La lutte résolue contre cette déviation est l'obligation directe de l'Université des peuples d'Orient.

 La seconde déviation consiste à surestimer les possibilités révolutionnaires du mouvement de libération et à sous-estimer l'alliance de la classe ouvrière avec la bourgeoisie révolutionnaire contre l'impérialisme. Il me semble que sont atteints de cette déviation les communistes de Java qui ont récemment commis l'erreur de lancer le mot d'ordre du pouvoir soviétique pour leur pays. C'est une déviation de gauche, qui menace d'isoler des masses le Parti communiste et de le transformer en secte.

 

 

La déviation de gauche va se manifester encore plus nettement en décembre 1925 quand est prise par les dirigeants du PKI la décision de lancer une insurrection en 1926. Alimin [] et Musso se rendent à Moscou pour obtenir des conseils et un accord sur son déclenchement. La IIIe Internationale les met on garde.

 Aussi bien Semaun, également à Moscou, que Tan Malaka se montrent défavorables au projet. Mais l'insurrection est déclenchée avant le retour des deux émissaires.

 Deux années plus tard, c'est devant le VIe Congrès de l'Internationale communiste que cette insurrection, qui eut pour conséquence le passage à la clandestinité du PKI pour près de vingt ans sera abordée par trois délégués indonésiens, “Mouawar”, “Alphonso” et “K. Samine”.

 Sous des pseudonymes assistèrent au Congrès Semaun, Alimin, Tan Malaka, Darsono [], Musso.

L'Indonésie au VIe Congrès de l'Internationale Communiste - 1928►

 

1927

-                                     Fondation du Perserikatan Nasional Indonesia [] par Ahmad Sukarno [] (4 juillet). Le PNI devient Partai Nasional Indonesia [] en 1928. Arrestation de Sukarno en 1929, interdiction du PNI l'année suivante. À sa place se crée le Partindo [] (avril 1931) que Sukarno rejoindra en 1932 après sa libération. Le Partindo disparaît en 1936.

1928

28 Octobre.                     “Serment de la jeunesse” [].

1931

-                                     La direction du Perhimpunan Indonesia est reprise par les communistes, Sjahrir et Hatta sont exclus. En décembre, Sjahrir, avec Hatta, fonde le PNI-Baru (Pendidikan Nasional Indonesia) []. Ils seront tous deux arrêtés en 1933.

1934

-                                     Constitution d'Ansor [], branche de la jeunesse du Nahdlatul Ulama.

*

Avec le bombardement “surprise” par les Japonais de la flotte américaine mouillée à Pearl Harbour, le 7 décembre 1941, c'est l'extension de la guerre en Asie du Sud-Est. En quelques mois l'armée japonaise occupe et contrôle la Malaisie, le Timor Est, Bali, Java, les Philippines, la Birmanie, l'Indochine.

Se présentant comme des libérateurs ils mettent en place dans certaines colonies des gouvernements nationaux. C'est le cas en Indonésie.

 

1942

Juillet.                             Sukarno accepte l'offre des Japonais de prendre la tête d'un gouvernement indonésien sous le contrôle des militaires japonais.

1943

9 Mars.                          Les Japonais organisent en Indonésie (Sumatra-Java) le Putera (Pusat Tenaga Rakyat) [], une organisation politique auxiliaire. Sukarno en est nommé président, Hatta est également membre.

Octobre.                          Les Japonais organisent le Masyumi (Majlis Syurah Muslimin Indonesia) [], auquel participe notamment le Nahdlatul Ulama.

10 Novembre.                  Sukarno et Hatta sont emmenés à Tokyo pour être décorés par l'empereur du Japon.

1945

1er Mars.                        Les Japonais créent le Badan Penyelidik Usaha Persiapan Kemerdekaan Indonesia (BPUPKI) [], un comité chargé de préparer l'indépendance de l'Indonésie. Sukarno et Hatta en sont membres.

1er Juin.                          Discours de Sukarno sur les principes du “Pancasila” [][3]:

                                           J'aime le symbolisme des nombres. L'Islam a cinq commandements. Nous avons cinq doigts à chaque main. Nous avons cinq sens. Qu'est-ce qui compte encore cinq parties? (Une voix dans la salle: "Les cinq héros des légendes anciennes.") Ils étaient cinq. Voyons maintenant le nombre des principes: nationalisme, internationalisme, démocratie, bien-être social et foi en Dieu  ‑ ils sont aussi au nombre de cinq.

15 Août.                         Le Japon capitule face aux Alliés. Le Japon, dont l'armée et la marine maintiennent leur contrôle de l'Indonésie, s'engage à restituer l'Indonésie aux Pays-Bas.

16 Août.                         À Jakarta, Sukarno et Hatta rencontrent des représentants de l'état-major japonais. Ils sont informés en privé qu'à court terme le Japon n'aura plus le pouvoir de prendre des décisions concernant l'avenir de l'Indonésie. C'est le 16 août que l'empereur du Japon impose la capitulation aux militaires japonais. Les 6 et 9 août avaient eu lieu l'attaque nucléaire américaine contre les villes d'Hiroshima et de Nagasaki et le bombardement de Tokyo: 250 000 morts.

*

1945

17 Août.                         Sukarno lit une déclaration proclamant de manière unilatérale l'indépendance de l'Indonésie (la “Proklamasi”). Elle sera effective après trois années de lutte armée.

29 Août.                         La constitution (UUD45) [] [] est adoptée. Elle confère au président des pouvoirs considérables. Le président est responsable devant l'assemblée populaire consultative (MPR) [] qui exerce la souveraineté du peuple. Le pouvoir législatif est exercé par la chambre des représentants (DPR) (le MPR inclut le DPR) []. Sukarno est déclaré président, Hatta vice-président.

5 Octobre.                       Fondation des forces armées indonésiennes (Angkatan Darat, par la suite TNI, ABRI) [].

Octobre.                          Reconstitution du PKI.

Novembre.                       Réunion du Kongres Ummat Islam Indonesia qui transforme le Masyumi en parti politique islamiste, dirigé par Mohammad Natsir [].

7 Novembre.                    Le PKI réapparaît officiellement. Il reprend son action à travers des organisations de “front”, notamment le Barisan Tani Indonesia (Front des paysans d'Indonésie) [] et le Pemuda Rakyat (Jeunesses populaires) [].

Décembre.                        Sjahrir et Amir Sjarifuddin [] constituent le Partai Sosialis [].

Décembre.                        Débarquement à Batavia (Java) d'un contingent de soldats hollandais. Après le départ des Japonais des troupes britanniques occupent l'Indonésie. Des affrontements ont lieu avec les indépendantistes indonésiens.

1946

Janvier.                           Le PNI [] est reconstitué.

Janvier.                           Pour la première fois, la question de l'Indonésie est évoquée devant les Nations Unies.

Mai.                               Nasution [] prend le commandement de la division Siliwangi nouvellement formée au sein de l'armée.

-                                     Nasution a été considéré comme l'un des principaux dirigeants de la lutte pour l'indépendance. En 1952 il sera destitué pendant une période de conflit entre l'armée et Sukarno. C'est vers 1955 qu'il reviendra sur le devant de la scène.

Novembre.                       Le SOBSI [] est formé, avec l'appui du PKI, pour regrouper des organisations ouvrières.

29 Novembre.                  Les dernières troupes britanniques quittent l'Indonésie.

1947

11-13 janvier.                  4e Congrès du PKI.

Juin.                               L'Egypte et la Syrie reconnaissent la République d'Indonésie.

27 Juin.                          Sjarifuddin devient premier ministre.

Juillet.                             L'Inde, l'Australie, l'Union soviétique soutiennent la République d'Indonésie à l'ONU.

1er Août.                        Le Conseil de sécurité de l'ONU appelle à un cessez-le-feu en Indonésie.

1948

Février.                           Sjahrir constitue le PSI (Partai Sosialis Indonesia) [], tandis que l'aile gauche du PS dirigée par Sjarifuddin forme le FDR (Front Demokrasi Rakyat, c'est-à-dire Front démocratique du peuple) [].

11 Août.                         Musso revient en Indonésie après avoir passé les années 1936‑1940 en Union soviétique. Sjarifuddin annonce qu'il a été membre du PKI dans la clandestinité. Le PKI organise des grèves et des manifestations. La “nouvelle voie” préconisée par Musso est approuvée par la Conférence du PKI.

Septembre.                       Le PKI gagne des adhérents venant du FDR. Son nouveau bureau politique inclut Dipa Nusantara Aidit [], Lukman et Njoto.

5 Septembre.                    Musso prononce un discours préconisant le rapprochement de l'Indonésie avec l'Union soviétique.

17 Septembre.                  À Java, la division Siliwangi oblige le PKI à quitter Surakarta et à se retirer vers Madiun [].

18 Septembre.                  Le PKI annonce la constitution d'une “République populaire indonésien” à Madiun. Des officiers favorables au gouvernement sont tués.

19 Septembre.                  Des cadres du PKI sont arrêtées à Yogya. Sukarno dénonce le “coup” de Madiun, Musso répond qu'il poursuivra la lutte.

30 Septembre.                  La division Siliwangi occupe Madiun et en chasse le PKI. Aidit et Lukman partent pour la Chine.

Octobre.                          Des partisans pro-gouvernementaux de Malaka créent le parti Murba [].

31 Octobre.                     Musso est tué, alors qu'il tentait d'échapper à l'arrestation.

1er Décembre.                  Sjarifuddin est arrêté. Il sera exécuté par l'armée le 20 décembre.

Décembre.                        De nombreux journaux américains publient des éditoriaux dirigés contre les Pays-Bas. 19 pays asiatiques boycottent les Pays-Bas. Les USA suspendent l'aide fournie aux Pays-Bas destinée à un usage militaire en Indonésie.

1949

28 Janvier.                      Le conseil de sécurité de l'ONU exige que l'indépendance de l'Indonésie soit réalisée avant le 1 juillet 1950.

Janvier.                           La Ligue arabe, constituée le 22 mars 1945 entre l'Egypte, la Jordanie, la Syrie, le Liban, l'Arabie Saoudite et le Yémen, engage ses membres à soutenir l'indépendance de l'Indonésie, pays où les musulmans représentent la très grande majorité de la population.

16 Avril.                        Malaka, revenu de l'exil en 1944, est capturé et exécuté par une unité des forces armées indonésiennes.

2 Novembre.                    Accord de La Haye entre l'Indonésie et les Pays-Bas prévoyant la constitution  de la “Republik Indonesia Serikat” (République des États-Unis d'Indonésie) [] []. Les investissements hollandais sont protégés. Le nouveau gouvernement assumera la dette hollandaise concernant l'Indonésie. Les Pays-Bas gardent l'Irian Jaya (partie ouest de l'île de la Nouvelle-Guinée) [].

27 Décembre.                   Les Pays-Bas transfèrent formellement la souveraineté à la “Republik Indonesia Serikat”.

1950

Avril.                             Démarrage du programme “Benteng” qui vise à soutenir l'économie “pribumi” (indigène, c'est-à-dire non chinoise). Ce programme se poursuivra jusqu'en 1957.

17 Août.                         Nouvelle constitution [] []. Les Pays-Bas et l'Indonésie restent liés théoriquement par une union constitutionnelle, mais l'Indonésie est pleinement indépendante. La constitution confère le pouvoir principalement à l'assemblée. Le président est responsable devant l'assemblée populaire consultative provisoire (MPRS). Il est assisté par un cabinet qu'il compose lui-même, mais qui est responsable devant la chambre des représentants (DPR). Le pouvoir exécutif par contre n'est pas responsable devant la DPR.

                                      L'assemblée qui siège suite à l'adoption de la nouvelle constitution n'est pas élue. Elle se réunira jusqu'aux élections de 1955, tandis que de nombreux changements de gouvernement surviennent.

Septembre.                       Formation du gouvernement, dirigé par Natsir et le Masyumi.

-                                     L'Indonésie est admise à l'ONU.

4 Décembre.                     Une conférence se tient au sujet de l'avenir de l'Irian Jaya. Les discussions échouent. En 1952 encore les Pays-Bas déclarent qu'ils ne renonceront pas à l'Irian Jaya.

1951

-                                     Divergences au sein du PKI. La direction renouvelée est composée d'Aidit, Lukman, Njoto et Sudisman []. Elle oriente le parti vers un travail dans le cadre du système parlementaire, selon une ligne anticapitaliste et nationaliste s'opposant aux Pays-Bas et aux pays occidentaux.

3 Mars.                          Signature d'un traité d'amitié avec l'Inde.

Mai.                               En Iran le gouvernement Mossadegh nationalise l'industrie pétrolière (Anglo-Iranian). Mossadegh sera renversé le 19 août 1953.

Août.                              Grèves et agitations déclenchées par le PKI, de nombreuses arrestations ont lieu à Medan (Sumatra) et Jakarta (Java). La direction du PKI passe temporairement à la clandestinité.

1952

17 Octobre.                     Une manifestation, comprenant des soldats en armes, se tient en face du palais présidentiel pour demander que les projets de démobilisation des forces armées soient annulés. Sukarno s'adresse à la foule et obtient la dispersion des manifestants. De fait ce mouvement était provoqué par des membres de l'état-major de l'armée, dont Nasution, qui demandaient à Sukarno de dissoudre le Parlement et d'instaurer un “régime fort”. Le coup de force échoua.

1953

5 Mars.                          Mort de Joseph Staline.

Mai.                               L'Indonésie envoie un ambassadeur en République Populaire de Chine.

-                                     Le Timor Est [] devient une province du Portugal.

1954

16-20 Mars.                   5e Congrès du PKI.

-                                     Interdiction est faite aux officiers de participer aux campagnes électorales en uniforme.

1955

18-24 Avril.                   Conférence afro-asiatique de Bandung (Indonésie). Des délégués de 24 nations y assistent, parmi lesquels Chou En-Lai, Nehru et Nasser. C'est un jalon initial pour le mouvement des non-alignés. La conférence adopte une déclaration de soutien à la revendication territoriale de l'Indonésie concernant l'Irian Jaya.

-                                     L'Indonésie signe un accord avec la Chine populaire accordant aux Chinois en Indonésie la double nationalité.

15 Décembre.                   Élections pour former la “Konstituante”, assemblée chargée d'élaborer une nouvelle Constitution. Les quatre principaux partis sont le PNI, le Masyumi, le Nahdlatul Ulama et le PKI.

1956

15 Janvier.                      Meeting anti-colonialiste à Jakarta. Le président Sukarno déclare, avant l'intervention de D. N. Aidit: "Le fait que ce meeting est organisé fournit la preuve indéniable que les trois idéologies, nationalisme, marxisme, islamisme, sont compatibles."

Févrieri.                          20e Congrès du PCUS.

Mai.                               Sukarno effectue une visite aux USA.

8 Mai.                            L'union constitutionnelle entre l'Indonésie et les Pays-Bas est dissoute.

-                                     D. N. Aidit effectue une visite en Union soviétique.

4 Août.                           Le gouvernement indonésien annule unilatéralement 85 % de sa dette vis-à-vis des Pays-Bas.

Octobre.                          Tentative de coup d'état pendant que Sukarno effectue une visite en Union soviétique et Chine.

Novembre.                       La “Konstituante” se réunit pour discuter d'une nouvelle constitution. Le débat achoppe sur la question de savoir lequel parmi l'Islam ou le “Pancasila” doit être la philosophie directrice de la nation. Le “Pancasila” est une idéologie présentée par Sukarno pour la première fois en juin 1945 et fondée sur cinq grands principes: nationalisme, internationalisme (humanisme), démocratie, justice sociale, monothéisme. Pour synthétiser les cinq principes en un seul concept, Sukarno emploie le terme “Gotong Royong” [] (coopération mutuelle).

                                      Sukarno appelle à mettre un terme à la politique des partis et suggère une “démocratie dirigée” (“Demokrasi terpimpin”) []. Ce terme avait été utilisé dans les années 1920 par Ki Hadjar Dewantoro [], fondateur d'une école privé à Yogya (Java). Il s'agit en l'occurrence de remplacer le cabinet par un conseil national incluant des membres de tous les partis politiques, ce qui le mettrait en mesure de contrebalancer l'instabilité de l'assemblée. Ceux qui critiquent cette proposition, y voient un pas vers un gouvernement plus favorable aux communistes. En pratique la “démocratie dirigée” entraînera surtout un accroissement du pouvoir de Sukarno lui-même.

Novembre.                       Échec d'une deuxième tentative de coup d'état par des officiers mécontents de la division Siliwangi.

-                                     Le général Suharto [] prend le commandement de la division Diponegoro en Java Centre.

1957

Janvier.                           Mao Tsé-toung:

                                           J'ai dit à Sukarno que nous n'étions pas pressés d'entrer aux Nations Unies, que nous n'étions pas pressés d'établir des relations avec les États-Unis. Laissons ces derniers apparaître sur la scène internationales avec toute leur déraison, faisons leur perdre leur poids politique, isolons-les; après quoi, un jour, nous établirons des relations avec eux. Au bout de cent ans de relations, ils auront perdu toute force et regretteront d'avoir attendu[4].

21 Février.                      Lors d'un discours, Sukarno avance formellement sa proposition de “démocratie dirigée”.

5 Mars.                          Le lieutenant-colonel Sumual s'empare des fonctions gouvernementales en Indonésie orientale. La rébellion “Permesta” [] éclate. Sumual réclame des pouvoirs accrus pour Sukarno au détriment de l'assemblée et du cabinet.

14 Mars.                        Sukarno proclame la loi martiale et s'enfuit vers Medan (Sumatra).

-                                     La censure de la presse est remise en vigueur.

-                                     Nasution ordonne l'arrestation de nombreux officiers au motif de corruption.

Mai.                               Sukarno désigne 41 dirigeants de “groupes fonctionnels” ou “golongan karya” [] pour former un Dewan Nasional (Conseil national) [] consultatif.

Juillet.                             Attaque à la grenade contre les bureaux du PKI à Jakarta.

-                                     Le PKI progresse aux élections locales; il devient le parti le plus fort en Java Centre.

Septembre.                       Rébellions diverses. Des officiers de Sumatra et Sulawesi se rencontrent pour coordonner leurs forces. [►]

-                                     Le Masyumi déclare que l'appartenance à l'Islam est incompatible avec le fait d'être communiste et demande que le PKI soit interdit.

Octobre.                          Le gouvernement lance un boycott vis-à-vis des Pays-Bas.

29 Novembre.                  Échec d'une résolution de l'ONU appelant au transfert de l'Irian Jaya à l'Indonésie.

30 Novembre.                  Attaque à la grenade visant Sukarno. Sukarno n'est que légèrement blessé.

1er Décembre.                  Sukarno annonce que les actifs de 246 entreprises hollandaises vont être nationalisés.

3 Décembre.                     Des syndicats dirigés par le PKI et le PNI commencent à saisir des propriétés hollandaises.

5 Décembre.                     Le gouvernement ordonne l'expulsion de 46 000 citoyens hollandais.

13 Décembre.                   Nasution ordonne que l'armée prenne la charge des entreprises hollandaises saisies. Cela sera effectif en 1958. De fait l'armée se forge un véritable pouvoir économique tandis qu'elle procède à ses propres rapports avec des pays étrangers. C'est une grave défaite pour le PKI et également pour Sukarno.

-                                     Natsir, Harahap, Sjarifuddin Prawiranegara et d'autres personnalités du Masyumi rejoignent les régions tenues par les rebelles.

1958

6 Janvier.                        Sukarno entame un voyage pour le Japon, l'Inde et d'autres pays d'Asie.

-                                     Dans un discours, Nasution propose un rôle double pour l'armée: à la fois force militaire et acteur en faveur du développement social (ce qui sera désigné par la suite comme “dwifungsi”, la “fonction duale” des militaires) [].

Février.                           Des officiers rebelles se réunissent alors que Sukarno se trouve en Thaïlande. Des dirigeants du Masyumi s'y joignent, dont Natsir, des membres du PSI sont également impliqués.

15 Février.                      À Bukittingi (en Sumatra), les rebelles forment le gouvernement de la PRRI (Pemerintah Revolusioner Republik Indonesia) []. Sjarifuddin Prawiranegara est président du PRRI. Les rebelles du “Permesta” réunissent leurs forces avec celles du PRRI. Les USA promettent une aide secrète aux rebelles.

16 Février.                      Sukarno revient de l'étranger.

18 Mai.                          Un avion US est abattu au-dessus d'Ambon (île située entre Célèbes et l'Irian Jaya) au cours d'une mission secrète en aide aux rebelles de la PRRI.

-                                     Les rébellions de 1957‑1958 constituent tout autant des tentatives de sécession vis-à-vis de l'Indonésie que des pressions pour détacher Sukarno du PKI et de sa “neutralité” vis-à-vis des démocraties populaires et de l'URSS. Les Philippines, Taiwan, la Corée du Sud et la Malaisie nouvellement constituée sont favorables à la rébellion de la PRRI.

25 Juin - 3 Juillet.            Conférence nationale du PKI. Il est décidé de mettre à l'étude dans le Parti, après La Maladie infantile (le gauchisme) de Lénine, Les Problèmes économiques de Staline, De la Contradiction de Mao Tsé-toung, un nouveau texte de ce dernier: De la juste solution des contradictions au sein du peuple.

Juillet.                             Nasution propose de revenir à la constitution de 1945 en y ajoutant la “charte de Jakarta” (“Piagam Jakarta”) [] qui mentionne l'Islam parmi les principes du “Pancasila”.

-                                     Sukarno avance l'idée d'accorder des sièges au gouvernement à des “groupes fonctionnels” ou “golongan karya”. Ces groupes devraient comprendre des organisations professionnelles d'ouvriers, paysans et étudiants, mais aussi les militaires.

28 Août.                         Publication dans le n° 670 de France Nouvelle, organe du PCF, de l'interview d'Aidit accordé au journal Neues Deutschland (RDA):

                                           Nous sommes convaincus que le socialisme constitue bien la perspective de la révolution indonésienne. Cependant, il ne saurait être réalisé que si nous parvenons à résoudre dans leur totalité les problèmes de la révolution d'août 1945, c'est-à-dire si nous parvenons à mener à son terme la révolution nationale démocratique. Pour autant que cela dépend du Parti communiste, ces changements doivent se produire progressivement et par des moyens pacifiques.

Août.                              L'armée prend la direction d'entreprises en Indonésie qui sont propriété de résidents de nationalité taïwanaise.

Septembre.                       Nasution prononce l'interdiction du Masyumi ainsi que d'autres partis politiques, dans les régions qui avaient soutenu la PRRI ou le “Permesta”.

-                                     Ibnu Sutowo, dirigeant de la compagnie pétrolière d'état Permina entame une coopération avec des entrepreneurs américains et japonais.

-                                     L'Indonésie et la Chine ratifient un traité de 1954 stipulant que des résidents chinois ayant la double nationalité doivent choisir l'une ou l'autre nationalité avant la fin de 1962.

-                                     Anak Agung Bagus Suteja devient gouverneur de Bali (jusqu'en 1965). Il favorise le PKI et augmente le nombre de membres du PKI au sein de l'administration et des services publics au Bali.

1959

1 Janvier.                        À Cuba, Batista est renversé par les forces castristes. Parmi les premières mesures adoptées: la réforme agraire, l'expropriation des entreprises américaines.

30 Avril.                        Interview de D. N. Aidit dans France Nouvelle n° 705, pp. 18‑19:

                                           Vers le milieu de 1956, notre Comité Central tira la conclusion qu'il y avait en principe en Indonésie trois forces politiques équilibrés, à savoir les forces progressistes représentant les intérêts des travailleurs, les forces centristes représentant les intérêts de la bourgeoisie nationale et les forces de droite représentant les intérêts des impérialistes et gros propriétaires terrients.

                                           Après que les groupes de droite eurent raté leur tentative d'assassinant du président Sukarno, des dirigeants du Parti communiste et d'autres personnes progressistes, en 1957, et, en particulier l'échec de leur contre-révolution en 1958, l'équilibre des forces se transforma à peu près comme suit: la droite fut très isolée, les forces progressistes grandirent de plus en plus, tandis que le centrisme restait sans changement. Ainsi, le mouvement révolutionnaire en Indonésie a enregistré d'importants progrès dans le passé récent.

Mai.                               Réunion de la “Konstituante” à Bandung pour débattre du retour éventuel à la constitution de 1945. Elle rejette la “charte de Jakarta”, dont le Nahdlatul Ulama exige l'adoption. Le vote final manque de peu les deux tiers nécessaires pour changer de constitution.

14 Mai.                          Un décret devant entrer en vigueur dans un délai de six mois est publié, stipulant l'interdiction faite aux étrangers d'exercer une activité économique dans les régions rurales. Le terme “étrangers” inclut les Chinois ayant la nationalité de la République populaire de Chine ou de la République de Chine/Taiwan.

5 Juillet.                          Sukarno rétablit par décret la constitution de 1945 []. Il dissout l'assemblée (MPR) pour la convoquer à nouveau dans le cadre de la nouvelle constitution; c'est le “MPR Sementara” ou MPR provisoire []. En plus des 281 membres initiaux, Sukarno y intègre 94 membres supplémentaires pour représenter les provinces ainsi que 200 autres pour représenter les “groupes fonctionnels”, ce qui porte le nombre total à 575, la plupart choisis par Sukarno.

                                      La formation d'un nouveau cabinet (“Kabinet Kerja”) est annoncée. Sukarno commence à réorganiser le gouvernement par voie de désignations. Le Dewan Nasional est dissout. Sukarno se nomme lui-même premier ministre, choisit Subandrio [] comme vice-premier ministre. Subandrio quitte le PNI.

                                      C'est le début de la “démocratie dirigée”.

17 Août.                         Lors de son discours La redécouverte de notre révolution Sukarno donne à son nouveau système de gouvernement par décret le nom de “Manifesto Politik” ou “Manipol” []. L'idéologie n'en est pas bien définie, mais les journaux qui ne le soutiennent pas sont fermés.

7-14 Septembre.               D'abord interdit par les militaires indonésiens, le VIe Congrès du PKI ne peut se tenir que grâce à l'intervention du président Sukarno.

15-27 Septembre.             Signature d'un accord de co-existence pacifique entre l'Union Soviétique et les États-Unis à Camp David.

-                                     L'armée commence à déplacer la population chinoise des régions rurales vers les villes. En l'espace d'un an, 100 000 habitants quitteront l'Indonésie pour la République populaire de Chine, 17 000 pour Taiwan.

-                                     L'insurrection en Timor Est bénéficie du soutien indonésien, mais est réprimée par le Portugal.

-                                     Nasution réunit toutes les organisations de vétérans en un groupe unique contrôlé par l'armée.

-                                     Nasution mène une enquête visant Suharto en rapport avec des accusations de corruption, et le rétrograde dans ses fonctions militaires.

1960

-                                     Sukarno commence à utiliser le nouveau slogan “Nasakom” [], signifiant Nasionalisme, Agama (religion), Komunisme.

Janvier.                           Visite de Khrouchtchev en Indonésie.

5 Mars.                          L'assemblée élue (DPR) ayant rejeté le budget proposé par Sukarno, ce dernier prononce sa dissolution. Il la remplace par une assemblée désignée, le “DPR-Gotong Royong” []. Pour la première fois, des officiers de l'armée sont désignés au DPR.

Avril.                             Retrait de Chine populaire des techniciens soviétiques.

9 Juillet.                          Cuba exproprie les compagnies pétrolières américaines.

Juillet.                             Le PKI critique le Cabinet. L'armée arrête l'ensemble du bureau politique, Sukarno obtient la libération de ses membres.

17 Août.                         À cause de la question de l'Irian Jaya, l'Indonésie rompt les relations diplomatiques avec les Pays-Bas.

-                                     Le Masyumi et le PSI sont interdits. Certains commandants militaires locaux interdisent le PKI dans leurs régions.

25 Novembre.                  Conférence à Moscou de 81 partis communistes et ouvriers. C'est la rupture publique entre l'URSS et l'Albanie socialiste.

1961

-                                     L'Indonésie prend du retard dans les paiements de sa dette étrangère.

Janvier.                           Nasution effectuent une double visite à Washington et Moscou. Les USA refusent d'accorder une aide, l'Union soviétique octroie 400 millions de dollars.

Mars.                             Indonésie: l'unité de forces spéciales KOSTRAD (Commandement stratégique de réserve) [] est fondée.

Mai.                               Sukarno effectue une visite aux États-Unis et rencontre le président Kennedy.

5 Juin.                            Rencontre Khrouchtchev - Sukarno.

13 Juillet.                        Assassinat de Patrice Lumumba au Congo-Brazaville.

-                                     Sukarno réaffirme le droit d'envoyer des personnes en exil interne (un héritage de l'époque coloniale).

-                                     Sukarno signe un traité d'amitié et de coopération avec la République populaire de Chine.

Octobre.                          22e Congrès du PCUS. Dans son Rapport Khrouchtchev s'en prend violemment au Parti du Travail d'Albanie. D. N. Aidit refuse de s'associer à cette condamnation. Sur la situation internationale, cette analyse de Khrouchtchev:

                                           Il y a quelques années seulement, deux camps s'opposaient dans les rapports internationaux: socialiste et impérialiste. Maintenant, les pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine qui se sont libérés ou se libèrent de l'oppression étrangère, jouent un rôle international actif.

5 Novembre.                    Khrouchtchev reçoit D. N. Aidit.

19 Décembre.                   Sukarno annonce que, si nécessaire, l'Irian Jaya sera récupéré par la force.

-                                     D. N. Aidit écrit, dans Forty Years of the PKI:

                                           Le développement du Parti tout en dépendant fortement du front uni, dépend également grandement de la lutte armée. L'avancée ou le déclin de la lutte armée influence grandement l'avancée ou le déclin du Parti.

1962

Janvier.                           Tentative d'assassinat de Sukarno au cours de sa visite en Sulawesi. De nombreux ex-rebelles et opposants sont emprisonnés.

-                                     La force d'opérations spéciales OPSUS [] est créée dans le cadre du commandement Mandala [] dirigé par Suharto.

-                                     L'organisation des forces armées (ABRI) est consolidée. Les forces de police y sont intégrées en tant que branche particulière.

Mars.                             Sukarno nomme Aidit et Njoto, du PKI, ministres-conseillers.

-                                     Les négociations concernant l'Irian Jaya échouent; la pression militaire indonésienne s'accroît.

-                                     L'Indonésie rejoint l'OPEP.

Juillet.                             Indépendance de l'Algérie.

15 Août.                         Les Pays-Bas donnent leur accord pour transférer le contrôle de l'Irian Jaya à l'ONU en octobre. L'ONU à son tour devra transférer l'Irian Jaya à l'Indonésie à l'échéance de mai 1963. Des élections devront décider du sort ultime du territoire.

Novembre.                       Le FMI pose des conditions pour une aide économique à l'Indonésie.

8 Décembre.                     Échec d'une rébellion en Brunei (sur l'île de Bornéo) [], soutenue secrètement par l'Indonésie. Début d'une confrontation (“Konfrontasi”) [] avec la Grande-Bretagne au sujet de l'avenir de Sabah et Sarawak (régions de l'île de Bornéo).

                                      “Konfrontasi” est le slogan de la campagne anti-Malaisie de Sukarno. Le PKI le soutient, mais l'ABRI y est opposée. Quelques volontaires communistes gagnent la Malaisie, mais sont rapidement capturés. La plus grande partie des accrochages se produit dans la jungle le long de la frontière de Kalimantan avec Sabah et Sarawak. Des officiers de l'ABRI maintiennent en fait des contacts secrets avec des représentants militaires à Kuala Lumpur au cours de cette période. Le général Ahmad Yani désigne le général de brigade Kemal Idris pour prendre la tête d'une invasion de la Malaisie, mais celui-ci n'est pas en bons termes avec Sukarno et reporte les actions contre la Malaisie aussi longtemps qu'il peut. Les actions militaires secrètes contre “Konfrontasi” marquent le début de l'activité des forces OPSUS qui, pendant la première décennie de la présidence de Suharto, deviendront sous la direction d'Ali Murtopo et de Humardani un véritable instrument politique.

1963

-                                     Sukarno publie un décret présidentiel obligeant les maisons d'édition à soumettre au gouvernement une copie de chaque nouveau livre, dans un délai de 48 heures après publication. Les procureurs obtiennent de larges pouvoirs pour interdire des livres et formuler des charges contre les éditeurs.

4-11 Février.                   La Troisième Conférence de Solidarité des peuples afro-asiatiques se tient à Moshi (Tanganyika). Déclaration du chef de la délégation indonésienne S. Abbas:

                                           Nous indonésiens, nous avons tiré la leçon de la tragédie du Congo, de l'abus du nom des Nations Unies en Corée et de tous les actes criminels néo-colonialistes commis par les impérialistes sous le drapeau des Nations Unies.

12-20 Avril.                   Liou Chao-chi, président de la République populaire de Chine, en visite en Indonésie[5]. Sukarno:

                                           La République populaire de Chine nous a aidés a réprimer la rébellion qui tentait de renverser la République d'Indonésie; elle nous a aidés dans la lutte pour libérer l'Irian Occidental de la domination impérialiste et colonialiste.

                                      Liou Chao-chi:

                                           Au cours de la Conférence des pays non-engagés qui a eu lieu a Belgrade, le président Sukarno a porté haut le drapeau de l'anti-impérialisme et de l'anti-colonialisme, et cela lui a valu les éloges des peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. [...] La République d'Indonésie est devenue une force importante dans la lutte contre l'impérialisme et le colonialisme pour la sauvegarde de la paix et de la sécurité dans le Sud-Est asiatique et dans toute l'Asie.

                                      Une allusion au voyage de Liou Chao-chi lors de la campagne lancée, lors de la Révolution culturelle, contre le “Khrouchtchev chinois”[6]:

                                           Lors de sa visite en Indonésie en avril 1963, il a loué impudemment la voie du NASAKOM et, au cours d'une conversation officieuse, il a fut cette remarque absurde: pour le Parti communiste d'Indonésie, “il sera bon d'avoir plus de membres aux postes de  ministres du gouvernement afin d accumuler plus d'expérience dans le gouvernement du pays”.

20 Avril.                        Déclaration commune sino-indonésienne: Liou Chao-chi et Sukarno[7].

24-30 Avril.                   À Jakarta, Conférence des journalistes d'Afrique et d'Asie.

Avril.                             Espagne. Franco fait exécuter Julian Grimau, membre du Comité central du Parti communiste espagnol.

Mai.                               Pour obtenir l'aide du FMI à l'Indonésie, réductions budgétaires, augmentations de prix et dévaluation du rupiah sont décrétées.

Mai.                               L'Indonésie, la Malaisie et les Philippines engagent des discussions sur l'avenir des territoires contestés et une éventuelle confédération “Maphilindo”. Le PKI s'oppose énergiquement au concept de fédération “Malaysia”. Les discussions se poursuivront jusqu'au mois d'août. Elles échoueront.

1er Mai.                         L'ONU transfère le contrôle de l'Irian Jaya à l'Indonésie.

10-16 Mai.                     Beaucoup plus graves que ceux du mois de mars des incidents anti-chinois causent d'importants dégâts matériels, notamment à Jakarta.

18 Mai.                          L'assemblée déclare Sukarno président à vie.

19 Mai.                          Intervention de Sukarno à un meeting[8]:

                                           [il] a fait appel au peuple indonésien pour combattre les contre-révolutionnaires, fomentateurs des troubles. Soulignant que les impérialistes, qui ont essayé de le renverser par des manoeuvres politiques, par des calomnies et l'assassinat, incitent maintenant le peuple à la contre-révolution, il a affirmé que les impérialistes le détestent parce que le gouvernement indonésien cherche à former le NASAKOM (qui réunit nationalistes, croyants et communistes), à étendre l'ampleur de l'unité asiatico-africaine et à forger d'étroites relations avec la République populaire de Chine. "Les anciens eléments PSI, les éléments Masjumi,  PRRI,  Permesta  ‑ ces contre-révolutionnaires, de connivence avec des éléments subversifs étrangers a l'extérieur, se sont livrés au crime. C'est à nous maintenant d agir", a-t-il déclaré.

10 Juin.                          Pékin Information, "L'expression du mécontentement US"[9]:

                                           Le président Sukarno a déclaré que les impérialistes n'aiment pas son idée de NASAKOM (union des forces nationalistes, des croyants et des communistes), ni sa politique d'amitié envers la Chine ni son opposition à la Grande-Malaisie. Voici ce qu'en disait récemment la presse américaine.

                                           Amitié avec la Chine. À peu près au moment où le président Liou Chao-chi visitait l'Indonésie, Washington lançait des torrents d'injures et de calomnies contre le président Sukarno. Le membre du Congrès Bolton, par exemple, l'a attaqué pour avoir déclaré que l'Indonésie et la Chine sont des compagnons d'armes. Hays et d'autres membres du Congrès ont proposé que l'Indonésie soit exclue de l'aide aux pays étrangers de Kennedy. Le journal américain New Republic (18 mai) a attaqué le président Sukarno pour avoir exprimé dans la déclaration commune Sukarno-Liou Chao-chi, des vues communes sur le Sud-Vietnam, la Corée, la frontière sino-indienne et autres questions. Le journal a calomnié le président Sukarno, le qualifiant d´"instrument des desseins communistes dans la région" parce qu'il faisait appel à l'unité des nouvelles forces naissantes.

                                           Grande-Malaisie. Le Newsweek a dénigré l'opposition indonésienne à cette ruse néo-colonialiste, la traitant de “rêve impérial” de Sukarno. Sous une menace voilée, la revue a déclaré que si le président Sukarno abandonnait la lutte contre la Grande- Malaisie, "il trouverait beaucoup d'aide directe et beaucoup de sympathie aux États-Unis et dans d'autres pays occidentaux".

                                           Nasakom. Le 18 mai, une dépêche Associated Press en provenance de Kuala Lumpur, accusait le président Sukarno de “flirter” avec les pays socialistes et exprimait de la contrariété au sujet de sa politique de Nasakom. Selon la dépêche "une ombre géante est suspendue comme un point d'interrogation au-dessus de la nouvelle (de rajustements proposés dans le gouvernement): Sukarno fera-t-il entrer les communistes dans le cercle de ses conseillers intimes?"

                                           Tout en s'ingérant dans la politique de l'Indonésie, intérieure et extérieure, et en faisant de grossières pressions sur le président Sukarno, Washington n'a pas manqué de divulguer ses motifs. Hilsman, le secrétaire d'État adjoint aux Affaires d'Extrême-Orient a déclaré: "Du point de vue géographique, l'Indonésie se trouve dans une région extrêmement importante ou deux continents et deux océans se rejoignent. À tous points de vue, une région stratégique clef ... L'Indonésie peut influencer le rapport des forces dans le monde libre tout entier." Et le sous-secrétaire d'État Harriman de déclarer: "L'Indonésie est d'un intérêt vital pour les États-Unis."

14 Juin.                          Lettre en 25 points du Parti communiste de Chine.

Juin.                               Les compagnies pétrolières étrangères en Indonésie sont transformées en contractants de Permina (Société d'État indonésienne). Les activités de raffinerie, distribution et commercialisation doivent être cédées à Permina.

-                                     Suharto est désigné comme chef du KOSTRAD.

Juin.                               D. N. Aidit, "Les communistes indonésiens veulent une indépendance nationale complète":

                                           À l'heure actuelle, bien que la politique extérieure officielle soit basée sur l'opposition du nouveau à l'ancien, il subsiste encore au gouvernement des éléments qui tentent de faire pénétrer l'influence du néo-colonialisme allemand ou japonais, qui veulent ouvrir la porte au fameux “corps de la paix” américain, qui tentent obstinément de forcer l'Indonésie à accepter et à appliquer le “programme de stabilisation économique” pro-américain. Il y a encore dans l'appareil gouvernemental des éléments qui flirtent ouvertement avec des cliques aussi connues pour leur hostilité à l'Indonésie républicaine que, par exemple, les dirigeants de la Corée du Sud.

14 Juillet.                        Réponse de la Pravda à la Lettre en 25 points du PC chinois. Rupture idéologique.

Août.                              Le groupe d'intellectuels Manikebu [] est dénoncé par le PKI qui lui reproche de ne pas soutenir explicitement Sukarno.

5 Août.                           Signature du Traité de Moscou par les États-Unis, l'Union Soviétique et la Grande-Bretagne concernant l'arrêt des essais nucléaires dans l'atmosphère.

7 Août.                           Message du président Kennedy au Sénat américain:

                                           Les États-Unis ont plus d'expérience dans les essais souterrains que toute autre nation, et nous entendons nous servir de cette capacité pour maintenir notre arsenal au niveau adéquat. [...]

                                           En revanche, l'expérimentation sans restriction ‑ par laquelle d'autres puissances pourraient développer, au moyen des essais atmosphériques, toutes sortes d'armes d'une façon moins onéreuse et plus rapide que par les essais souterrains ‑ pourrait bien aboutir à un affaiblissement de notre sécurité ... Ce Traité est dans l'intérêt de notre nation.

16 Septembre.                  La fédération Malaysia (Grande-Malaisie) [] est fondée par l'intégration à la Malaisie de Singapour (qui fera cependant sécession en 1965) ainsi que de Sabah et Sarawak. Une manifestation organisée par le PKI conduit à l'incendie de l'ambassade britannique à Jakarta. L'Indonésie rompt les relations diplomatiques avec Kuala Lumpur et Singapour.

                                      Commentaire de Pékin Information:

                                           La Grande-Malaisie est une forme nouvelle de colonialisme destinée à étayer la domination branlante de l'impérialisme britannique dans cette région. La maxime “Diviser pour régner” ayant fait faillite, c'est désormais “Fusionner pour régner”. Par cette nouvelle tactique, qui consiste à réunir plusieurs colonies en une pseudo-fédération, la Grande-Bretagne espère juguler le mouvement de libération nationale dans cette région et préserver ainsi ce qu'elle peut de ses intérêts mal acquis[10].

                                      Les États-Unis soutiennent la Grande-Bretagne dans la perspective ainsi offerte de nouveaux débouchés pour les hommes d'affaires américains (Wall Street Journal).

16 Octobre.                     La Chine populaire fait exploser sa première bombe nucléaire.

Novembre.                       Sukarno édicte des lois anti-subversion.

Décembre.                        D. N. Aidit revient d'un voyage en Union soviétique et en Chine. Le PKI commence à imposer des lois de réforme agraire, en confisquant les biens de propriétaires terriens, ce qui entraîne des violences dans les régions rurales, souvent à l'encontre d'organisations islamiques telles que Nahdlatul Ulama. C'est ce que l'on appelle les “actions unilatérales”. Elles se poursuivront jusqu'à fin 1964.

-                                     Le président US Johnson met fin à l'aide économique en faveur de l'Indonésie. L'aide militaire secrète en faveur de membres de l'ABRI favorables aux USA continue.

23-26 Décembre.              Résolution adoptée au 2e Plénum du CC du PKI sur la situation révolutionnaire dans le Sud-Est asiatique[11]: "Quatre amulettes contre quatre démons".

                                           La session plénière réfute l'idée que l'Europe est le centre (de la tempête révolutionnaire du monde), idée soutenue par certaines personnes estimant que la principale contradiction existe en Europe capitaliste où le déclenchement de la révolution prolétarienne est très probable. [...]

                                           La session plénière attache une grande importance à la conclusion du rapport politique, selon laquelle, vues sous un angle mondial, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine représentent la campagne du Monde, alors que l'Europe et l'Amérique du Nord sont ses villes, et selon laquelle en vue de gagner la victoire de la révolution mondiale, le prolétariat du monde doit attribuer une place importante à la révolution en Asie, en Afrique, en Amérique latine, c'est-à-dire à la révolution dans la campagne du monde.

24 Décembre.                   Sukarno constitue les “Mahkamah Militer Luar Biasa” ou Mahmillub [], des tribunaux spéciaux militaires.

27 Décembre.                   Suite à la décision américaine d'envoyer la 7e Flotte dans l'océan Indien, l'Akahata (Japon): "Où que se dirige la 7e Flotte, sa présence est liée à des actes de provocation militaire de l'impérialisme américain ... La 7e Flotte est un détachement d'avant-garde de l'impérialisme américain dans son agression en Asie orientale." Le 24 décembre Suharto avait déclaré:

                                           Même s'il devait y avoir quatre ou cinq Septièmes Flottes américaines dans l'océan Indonésien [océan Indien], nous n'aurons pas peur, et la prétendue Grande-Malaisie finira bien par éclater.

1964

23-26 Janvier.                 Réunion d'un Congrès de la jeunesse à Jakarta: 44 pays et territoires des cinq continents représentés. Le Congrès a été annoncé comme Conférence internationale de la jeunesse en soutien au Kalimantan septentrional. À la séance d'ouverture Sukarno déclare:

                                           Nous continuerons de nous opposer à la Grande-Malaisie. Notre objectif d'éliminer la Grande-Malaisie, création de toute pièce des Britanniques, ne sera pas changé, quelles que soient les modifications de tactique.

27 Janvier.                      La France reconnaît la République populaire de Chine.

Janvier.                           Robert Kennedy négocie un cessez-le-feu entre la Malaisie et l'Indonésie, mais au cours même des négociations il menace l'Indonésie d'une intervention armée soutenue par les Américains.

                                      Le PKI confisque des propriétés britanniques.

Janvier.                           À Ceylan, nationalisation de l'American Caltex, d'Esso et de la British Shell, ainsi que de nombreuses compagnies d'assurances étrangères.

24 Février.                      Pékin Information:

                                           Un discours prononcé par Njoto, deuxième vice-président du Comité central du Parti communiste d'Indonésie, à l'occasion d'un meeting tenu à Jakarta pour célébrer le l3e anniversaire de la fondation du Harian Rakjat, organe du Parti. Ce dirigeant du Parti communiste d'Indonésie dit que la vaste tempête anti-US qui c'est élevée en Asie pourrait finalement chasser l'impérialisme américain. Il déclara que le Parti communiste d'Indonésie ne consentirait jamais à une unité du mouvement communiste international qui ne serait pas basées sur le marxisme-léninisme.

27 Mars.                        Editorial du Renmin Ribao: "Opposons-nous à la Malaysia, produit du néo-colonialisme, et soutenons la lutte du peuple du Kalimantan septentrional".

3 Avril.                          Déclaration du secrétaire d'État américain Dean Rusk sur l'aide américaine à l'Indonésie. Elle dépend beaucoup "non seulement des mesures que l'Indonésie s'apprêtait à appliquer dans le pays, mais aussi de l'ajustement de ses relations avec ses voisins immédiats". Réponse de Sukarno: "L'Indonésie ne vendra pas son âme, fût-ce pour des millions de dollars américains." À une cérémonie publique où assiste l'ambassadeur des États-Unis, Sukarno déclare:

                                           L'Indonésie est un pays riche avec plus de cent millions d'habitants. Même sans l'aide étrangère elle pourra devenir une grande nation. L'Indonésie ne s'effondrera jamais. Allez au diable avec vote aide!

Avril.                             Coup d'état au Brésil. Le président Joan Goulart est renversé. Selon la presse américaine le coup d'État était préparé depuis un an et le quartier général des putschistes établi à Washington.

6 Mai.                            Déclaration d'un porte-parole du Département d'État américain: l'aide américaine des États-Unis à l'Indonésie dépend de ses bonnes relations avec ses voisins. Les États-Unis pourraient suspendre toute aide à l'Indonésie si celle-ci poursuit sa politique “agressive” envers la Malaysia, déclare M. Bundy. En mai le gouvernement indonésien décrète le boycott des films américains à Jakarta et dans de nombreuses villes.

 23 Mai.                         À son 44e anniversaire le PKI met en avant comme tâche primordiale le combat contre “Trois maux”: la Malaysia, les “démons” ruraux et le révisionnisme moderne.

25 Mai.                          Manifestation à Jakarta de 23 organisations populaires en soutien à la lutte pour l'indépendance du peuple du Kalimantan septentrional.

17 Août.                         Sukarno prononce son discours sur “L'année de la vie dangereuse” [].

6 Septembre.                    En réponse à la Lettre ouverte du CC du PCUS aux organisations du Parti et à tous les communistes de l'Union soviétique (14 juillet) commence la publication par le CC du PCC d'une série de textes mettant en cause le PCUS, la Yougoslavie, M. Thorez, le Parti communiste italien...

                                      Suite à ces publications vont se constituer en France les premiers groupes “marxistes-léninistes”. C'est à l'occasion d'un événement “extérieur' que s'effectue la rupture de militants du PCF avec leur parti.

Septembre.                       Le BPS (Badan Pendukung Sukarnoisme) [], un groupe d'intellectuels promu par le parti Murba, critique le PKI.

14 Octobre.                     Limogeage de Nikita Khrouchtchev. Il est remplacé par Leonid Brejnev.

Octobre.                          Le “Sekretariat Bersama Golongan Karya” ou Sekber Golkar (secrétariat des groupes fonctionnels) [] est fondé par des milieux de l'armée.

-                                     Au cours des années 1964 et 1965, l'économie est en particulièrement mauvais état. Pénuries alimentaires et de vêtements sont habituelles. Au cours de l'année 1965 les prix s'élèvent de 700 %, et le prix du riz même davantage. Le déficit budgétaire gouvernemental s'accroît à un rythme de 300 %. Le personnel de l'ABRI justifie ainsi contrebande et corruption.

Novembre.                       Le PKI établit un bureau secret pour coordonner l'infiltration dans les unités de l'armée.

-                                     Sukarno se rend en Chine. Information controversée qui, si elle est exacte, ne concernerait que certains membres du PKI.

-                                     La République populaire de Chine offre 100 000 armes légères pour armer des milices paysannes, si l'Indonésie le souhaite.

17 Décembre.                   Le BPS est interdit par Sukarno qui qualifie sa création de "complot de la CIA".

1965

Janvier.                           L'Indonésie quitte l'ONU en protestation contre l'admission de la Malaisie. L'Humanité des 7 et 14 janvier défend l'ONU, publiant des extraits d'articles yougoslaves et polonais critiquant la décision indonésienne. Le PKI soutient cette décision. Pour faire face à la menace militaire de l'impérialisme britannique et américain D. N. Aidit propose au gouvernement indonésien d'armer ouvriers et paysans indonésiens. Proposition reprise par l'organisation centrale des syndicats.

Janvier.                           Sukarno, suite à la pression exercée par le PKI, interdit le parti Murba, dont les deux membres les plus importants sont Chaerul Saleh et Adam Malik [], son fondateur en 1948. Ce dernier sera ministre des Affaires Etrangères après la prise du pouvoir par les généraux. Ce parti qui se présente comme “marxiste”, etc., sera dénoncé comme trotskyste. Fin 1964 le parti Murba avait fait circuler un “document” “prouvant” l'imminence d'un coup d'État communiste. Ce qui lui valut son interdiction.

7 Février.                        Début des raids aériens américains au Nord-Vietnam. Ils seront massifs à partir du 19 mars.

Février.                           Des journaux opposés au PKI sont fermés.

12 Février.                      New York Times:

                                           Lorsque le Président Sukarno menaça la Fédération de Malaisie, il se plaça fermement à travers le chemin des USA et de la Grande-Bretagne qui s'efforçaient de contenir la Chine communiste. Washington a laissé aux nations du British Commonwealth le soin d'assumer la défense active de la Malaisie et cherche à maintenir une certaine influence en Indonésie, en premier lieu dans l'espoir d'aider un jour son armée contre la tentative attendue des communistes d'accéder au pouvoir.

13 Mars.                        Enver Hoxha, extrait du Journal politique[12]:

                                           J'ai l'impression que le Parti communiste d'Indonésie est comme un lourd éléphant qui se meut avec peine. Il ne se manifeste pas, il ne joue pas le rôle qu'il lui appartient de jouer et qu'on attend de lui. Il déclare être contre les révisionnistes, mais en fait traîne à la queue du peloton, il continue d'échanger des lettres avec eux, en les qualifiant de “chers camarades”.

                                           La lune du Parti communiste d'Indonésie est une lutte menée de derrière la haie, il décoche de temps en temps une flèche aux révisionnistes, puis “envoie des baisers” aux “chers camarades”, qu'il laisse agir en toute quiétude. Peut-on appeler cela une lutte révolutionnaire?

                                           La lutte des camarades indonésiens, si je ne m'abuse, s'inspire davantage des “idées” et des actions de Bung Sukarno. Les camarades indonésiens disent qu'ils profitent beaucoup de la “compréhension” de Sukarno, mais en réalité n'est-ce pas ce dernier qui profite de la “compréhension des communistes indonésiens”?

                                           Quoi qu'il en soit, cela constitue aussi comme un frein à l'action des camarades chinois, qui, bien qu'ils semblent ne faire aucune concession sur les principes, ralentissent en fait leurs actions, car ils veulent les étudier, leur trouver une forme qui préserve les nuances et ne les expose pas. On peut, à mon sens, agir ainsi, mais dans certaines limites, car on ne doit en aucune manière cesser, affaiblir ou ralentir la lutte.

28 Avril.                        Intervention armée des États-Unis à Saint-Domingue, pour écarter “la menace communiste”.

Avril.                             La Chine renouvelle son offre du novembre précédent concernant la livraison d'armes légères au gouvernement indonésien. En été, Chou En-lai, alors qu'il se rend en Indonésie, appellera publiquement à l'armement des masses indonésiennes.

9-16 Mai.                       Winneba (Ghana). 4e Conférence de la solidarité des peuples afro-asiatiques. Les divergences entre l'URSS, soutenue par la Mongolie et l'Inde, et la majorité des délégués sont de plus en plus visibles[13].

16 Mai.                          Début de la Révolution culturelle en Chine populaire.

25 Mai.                          Discours de Peng Tchen à l'Académie des Sciences sociales Aliarcham de Jakarta[14]:

                                           Héritant le complexe de supériorité raciale de la bourgeoisie européenne et américaine et des impérialistes, les révisionnistes khrouchtchéviens, aussitôt qu'ils eurent vu les peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine se lever contre les impérialistes dirigés par les États-Unis, se sont mis à parler, à l'unisson avec les impérialistes, des “peuples de couleur s'opposant aux peuples blancs”. Il n'y a pas un iota de marxisme-léninisme dans ce point de vue qui constitue une trahison vis-à-vis des pays socialistes et de la cause révolutionnaire du prolétariat en Occident. [...]

                                           Les révisionnistes khrouchtchéviens nous accusent d'avoir minimisé le rôle du mouvement de la classe ouvrière des pays capitalistes développés et d'avoir dressé le mouvement de libération nationale contre le mouvement ouvrier international.

26 Mai.                          Discours de Peng Tchen à la réunion organisée à Jakarta par le PKI pour le 45e anniversaire de sa fondation[15]:

                                           La croissance rapide et les brillantes réalisations du Parti communiste d'Indonésie tiennent au fait que le Comité central de ce parti, dirigé par le camarade Aidit, sait intégrer de façon créatrice la vérité universelle du marxisme-léninisme à la pratique concrète de la révolution indonésienne, sait, en fonction de la réalité indonésienne, faire constamment le bilan de l'expérience de la révolution menée en Indonésie, élaborer et appliquer dans l'indépendance une ligne et une politique révolutionnaires conformes à la situation du pays afin d'adapter le marxisme-léninisme à l'Indonésie.

-                                     Le général Ahmad Yani propose que “Nasakom” soit mis en avant dans l'armée.

-                                     Sukarno promet la formation d'une “cinquième force” armée constituée par les ouvriers et les paysans "si nécessaire".

28 Juin.                          Rencontre au Caire de Sukarno, du président du Pakistan Ayub Khan, de Chou En-laï et de Gamal Abdel Nasser. Décision commune d'ajourner la convocation de la seconde Conférence afro-asiatique. Un problème majeur est celui de la participation ou de la non-participation de l'URSS à la Conférence.

Juin.                               Des discussions ont lieu concernant “l'armement du peuple”; l'armée se tient à l'écart, l'aviation et la marine apportent leur soutien.

-                                     Un partisan du PKI devient commandant de la police à Jakarta.

4 Juillet.                          Mao Tsé-toung reçoit les membres de la délégation du PKI qui visitent la Chine. Ils seront reçus le 5 par Teng Siao-ping.

26 Juillet.                        Le nouvel ambassadeur des États-Unis à Jakarta, Green, présente ses lettres de créance au président Sukarno. Commentaire de Pékin Information[16]:

                                           "Le peuple vietnamien est compagnon d'armes des Indonésiens, déclara Sukarno à Green, dans la lutte pour l'indépendance nationale et un monde nouveau. Il souffre maintenant depuis plus de dix ans ... parce qu'il est placé dans une situation dans laquelle il lui faut combattre l'intervention étrangère." [...] Le président condamna également le soutien américain à la “Malaysia”, produit néo-colonialiste qui a conduit actuellement les relations américano-indonésiennes à leur "point le plus bas". Manifestations contre Green. On lui remit une résolution qui affirmait que le peuple indonésien connaissait le sale rôle joué par l'ambassade américaine et la tâche de Green qui, en tant qu'ambassadeur de Johnson, menait la subversion, l'intervention et l'agression contre le pays. Le message était clair: "À la porte Green!"

Juillet.                             2 000 partisans du PKI commencent à recevoir un entraînement militaire à la base aérienne de Halim près de Jakarta.

Août.                              Des éléments opposés au PKI au sein du PNI sont éliminés.

-                                     La violence entre les partisans respectivement du PNI et du NU d'un côté, du PKI de l'autre s'accentue en Java Est et Central.

-                                     Sukarno s'effondre pendant une réception publique.

-                                     Sukarno coupe les liens avec le FMI, la Banque mondiale, Interpol.

17 Août.                         Discours de Sukarno mettant en avant l'alliance anti-impérialiste avec Pékin et d'autres régimes communistes de l'Asie. Aidit, qui revient d'un voyage en Chine, prononce un discours appelant à l'armement de millions d'ouvriers et paysans.

16 Septembre.                  Arrivée à Pékin d'une délégation économique indonésienne.

16-19 Septembre.             Le général de l'aviation Omar Dhani effectue un voyage secret en Chine.

27 Septembre.                  Yani se prononce contre “Nasakom” dans l'armée et contre “l'armement du peuple”.

28 Septembre.                  Des dirigeants étudiants anticommunistes demandent à Nasution de leur favoriser un entraînement paramilitaire comparable à celui des partisans du PKI.

30 Septembre.                  Le lieutenant-colonel Untung, d'autres soldats des divisions Diponegoro et Brawijaya ainsi que des partisans du PKI se rassemblent à la base aérienne Halim. Ils vont appréhender un groupe de généraux. Nasution s'échappe.  Six généraux, dont Yani, sont tués.

-                                     Des soldats rebelles investissent la place Merdeka (Liberté) à Jakarta, où se trouvent le palais présidentiel, la radio et des stations TV.

1 Octobre.                       Suharto arrive au quartier général du KOSTRAD, qui surplombe la place Merdeka, et reprend le contrôle des troupes.

-                                     La radio annonce que le “Mouvement du 30 septembre” (“Gerakan Tigor Puluh September”, ou “Gestapu[17]”) [] est favorable à Sukarno, opposé à la corruption, aux USA et à la CIA.

-                                     Des mutineries au sein de cinq des sept bataillons de la division Diponegoro soutiennent les “insurgés”, de même que des officiers de la marine à Surabaya.

-                                     Sukarno se rend à Halim, mène des consultations avec le commandant de l'armée de l'Air, le vice-maréchal Oscar Dhani.

-                                     Suharto annonce à la radio que six généraux ont été tués, qu'il contrôle l'armée et qu'il réprimera la tentative de coup d'état et protégera Sukarno. Le 2 Octobre des unités de l'armée reprennent la base aérienne Halim.

-                                     Suharto est d'accord avec l'ordre de Sukarno prenant le contrôle présidentiel de l'armée, à condition de disposer de pouvoirs d'urgence pour rétablir l'ordre.

3 Octobre.                       Message du président Liou Chao-chi et du premier ministre Chou En-laï au président de l'Indonésie Sukarno:

                                           Nous avons appris par l'émission de radio Jakarta que Votre Excellence le Président est en bonne santé. Nous vous exprimons à cette occasion notre cordiale sympathie et nos voeux les plus sincères. Que le grand peuple indonésien sous la direction de Votre Excellence le Président, développe encore d'avantage l'esprit de la lutte contre l'impérialisme, le colonialisme et le néo-colonialisme, et celui de la lutte contre la “Malaysia”[18].

4 Octobre.                       Déclaration conjointe sino-indonésienne entre le Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale de Chine et la Conférence consultative provisoire du Peuple d'Indonésie signée à Pékin[19].

5 Octobre.                       Le jour de l'Armée indonésienne, obsèques solennelles des généraux tués lors des “événements du 30 septembre”. Sukarno déclare qu'il s'agit de héros.

6 Octobre.                       Sukarno réunit son cabinet et publie finalement une déclaration dénonçant la tentative de coup d'état.

8 Octobre.                       Des manifestants incendient le quartier général du PKI à Jakarta.

13 Octobre.                     Ansor (l'organisation de jeunesse islamique associée au Nahdlatul Ulama) tient des rassemblements anticommunistes en Java.

16 Octobre.                     Sukarno révoque Dhani, commandant de l'aviation. Suharto est nommé commandant de l'armée.

16 Octobre.                     Le journal Les Forces armées, organe des autorités de l'Armée de Terre indonésienne attaque la Chine et Cuba qui n'ont pas mis les drapeaux de leurs ambassades en berne pour rendre hommage aux sept “héros révolutionnaires” tombés dans le Mouvement du 30 septembre. Réponse de Pékin: il s'agit d'une affaire intérieure indonésienne. D'ailleurs quelques ambassades ont descendu leur drapeau, d'autres ne l'ont pas fait et d'autres encore ne l'arboraient pas.

 

Conférence internationale contre les bases militaires étrangères (KIAPMA) à Jakarta, tenue du 17 au 20 octobre 1965. Organisation invitante, le Mouvement de la Paix indonésien. Le président Sukarno, qui est intervenu à la séance d'ouverture

a condamné des forces telles que l'US Central Intelligence Agency qui interviennent dans différents pays ou y jettent la subversion. Il a dévoilé les bases étrangères idéologiques établies partout par l'impérialisme et qui ont provoqué des catastrophes dont les peuples d'Indonésie et d'autres pays ont souffert.

Sur le déroulement de la Conférence, récit du correspondant de l'Agence Hsinhua à Jakarta:

À la veille de la conférence, des changements soudains et importants sont survenus en Indonésie. Les forces de droite du pays ont tenté par tous les moyens de l'empêcher et de la saboter. Néanmoins, la conférence a finalement entamé ses travaux et a été couronnée de succès, grâce à la lutte ferme menée par les forces progressistes indonésiennes et aux efforts conjugués des délégués étrangers.

La conférence a réuni plus de 200 délégués représentant 55 pays ou territoires des cinq continents et des délégués de quatre organisations internationales. La délégation chinoise était conduite par Tang Ming-tchao, vice-président du Comité du Peuple chinois pour la Défense de la Paix mondiale.

La conférence a adopté à l'unanimité une déclaration condamnant énergiquement l'impérialisme américain et diverses résolutions soutenant la lutte anti-impérialiste et anticolonialiste des peuples, condamnant l'agression indienne et appuyant le droit à l'autodétermination du peuple cachemirien.

Les sessions se déroulèrent dans une atmosphère de terreur qui régnait à l'intérieur comme à l'extérieur de la conférence. Des soldats armés jusqu aux dents patrouillaient sans arrêt autour de la salle de réunion. Le jour de l'ouverture, des tanks et des chars blindés pointaient leurs canons sur la salle, et des soldats armés étaient postés à chaque étage de l'hôtel où logeaient les délégués. À la recherche de progressistes, les cars de police passaient de temps à autre en actionnant leur sirène. Des hommes en civil allaient et venaient dans la salle de conférence, surveillant attentivement aussi bien les délégués que le personnel employé là. Parmi ce dernier, un certain nombre d'indonésiens disparurent brusquement l'un après l'autre pendant les sessions et il fut confirmé par la suite qu'ils avaient été arrêtés. Les délégués étrangers ne pouvaient ni téléphoner ni envoyer un télégramme et étaient obligés de rester à l'hôtel le soir à cause du couvre-feu. Toutes ces vexations provoquèrent un grand mécontentement et l'indignation parmi les délégués.

Afin de placer la conférence sous leur contrôle et de la saboter, les forces de droite indonésiennes demandèrent scandaleusement que la conférence soit ajournée sine die et que le comité indonésien organisateur se “débarrasse” des forces progressistes. Le dernier jour de la conférence, les forces de droite organisèrent une “manifestation” anticommuniste et anti-chinoise avec des voyous qui, sous prétexte de manifester leur soutien à la conférence, hurlèrent des mots d'ordre réactionnaires tels que “Dissolution du Parti communiste d'Indonésie!” et “Rupture des relations diplomatiques avec la Chine”. Elles ordonnèrent même à un groupe de voyous d'essayer de pénétrer dans la salle de conférence pour y créer du désordre.

Toutefois, les forces progressistes indonésiennes ne se laissèrent pas intimider par les forces de réaction. Elles persistèrent dans leur juste position pour l'unité contre l'impérialisme et rejetèrent catégoriquement l'injustifiable demande des forces de droite pour remanier le comité organisateur. Elles s'opposèrent à la tentative pour détourner la conférence de ses objectifs communs d'opposition à l'impérialisme par l'introduction de questions ayant trait aux affaires intérieures de l'Indonésie. Elles insistèrent pour que la conférence se borne à discuter la liquidation des bases militaires étrangères et l'opposition à l'impérialisme dirigé par les États- Unis. Bravant la force brutale au mépris de tous les risques, elles persistèrent dans leurs efforts pour assurer le déroulement normal de la conférence et son succès.

 Dans ce but, les délégués de différents pays de concert avec les forces progressistes indonésiennes, engagèrent une lutte contre les forces de droite indonésiennes. Dans une première mesure, les délégués de la Chine et de beaucoup d'autres pays présentèrent une juste demande à la partie indonésienne pour qu'elle garantisse qu'aucune question intérieure indonésienne ne serait introduite dans les débats de la conférence et qu'aucune minute de silence ne serait réclamée en hommage à un Indonésien quelconque[20].

 

VIe Congrès syndical mondial (FSM)
Varsovie 8‑22 octobre 1965[21]

Résolution sur la solidarité avec le SOBSI (Indonésie), séance du 22 octobre[22]:

Le Congrès, profondément ému des attaques contre les syndicats et autres organisations progressistes de l'Indonésie, et considérant la situation complexe existant à l'heure actuelle, charge le Secrétariat de la FSM de suivre les événements qui se déroulent en Indonésie de très près et de prendre les mesures nécessaires afin d'exprimer la solidarité de la classe ouvrière internationale avec les syndicats d'Indonésie et les autres forces progressistes en Indonésie.

Intervention de Sugiri, vice-président du SOBSI[23]:

En raison de la situation actuelle en Indonésie, extrêmement complexe, situation où les impérialistes, en particulier les impérialistes américains, font des efforts considérables pour chercher une base susceptible de justifier leurs interventions dans nos affaires intérieures, nous demandons au VIe Congrès Syndical Mondial de ne pas adopter d'attitude ouverte, de ne pas faire de déclaration ouverte sur le problème indonésien actuel. Cela ne veut nullement dire que nous refusions les expressions de sympathie qui nous viennent des centrales nationales, exprimant leur appui aux travailleurs indonésiens.

Concernant la proposition présentée il y a quelques minutes, nous voudrions exprimer notre opinion. Nous n'avons aucune objection au texte qui nous a été soumis. Encore une fois, nous voudrions exprimer nos remerciements et notre gratitude.

 

 De toute évidence, comme le montrent les événements, en ce mois d'octobre cette prudence est partagée aussi bien par l'URSS que par la Chine populaire. C'est bien le seul point d'accord entre les deux délégations. De fait ce Congrès va être le lieu d'un débat idéologique violent entre les révisionnistes soviétiques et ceux des participants ‑ dont la délégation albanaise ‑ qui s'opposent à la “coexistence pacifique” version Khrouchtchev, que celle-ci concerne les questions internationales ou nationales.

Une question clef sera celle concernant le Vietnam et la mise en avant par les soviétiques et la majorité des délégations d'un “règlement pacifique du conflit”. La délégation vietnamienne s'abstiendra dans le vote sur la Résolution concernant le Vietnam.

 

18 Octobre.                     Près d'une centaine de communistes sont tués au cours d'un combat avec la jeunesse Ansor. Début du massacre généralisé des partisans du PKI en Java Centre et Est.

2 Novembre.                    De fait ajournement de la seconde conférence afro-asiatique. C'est la conclusion de la Conférence d'Alger des ministres des Affaires étrangères. Ce qui est en cause c'est la participation de nombreux pays tels que la Corée du Sud, Taïwan, le régime du Sud-Vietnam, la “Malaysia”, etc. à la prochaine Conférence. Il s'agit surtout de la présence de l'URSS, déjà mise en cause et rejetée à la réunion préparatoire de Jakarta en 1964. La RP de Chine et les pays qui partagent ses positions sortent donc victorieux, malgré les pressions des États-Unis et de l'URSS, principalement aidée par l'Inde.

                                      La mise à l'écart de l'URSS est justifiée par le fait, selon la RP de Chine et de nombreux autres pays, qu'elle n'est "ni un pays asiatique, ni un pays africain".

11 Novembre.                  Des combats entre des partisans du PNI et du PKI à Bali donnent le signal du massacre de communistes sur cette île.

22 Novembre.                  D. N. Aidit est capturé et exécuté.

-                                     L'assemblée (DPR), composée entièrement de membres désignés par Sukarno, est purgée des membres du PKI.

-                                     Le décret de Sukarno de 1963 est utilisé pour interdire toutes les publications rédigées par des membres du PKI et d'organisations associées.

-                                     Le Muhammadiyah déclare le Djihad contre le PKI. La répression anticommuniste s'étend à travers Java.

Décembre.                        Les massacres anticommunistes sont massifs en Bali. Le commandant de l'ABRI pour l'Aceh (région du nord de Sumatra) annonce qu'Aceh est maintenant libre de communistes.

De nombreuses hypothèses ont été formulées, selon les camps en présence, sur ce qui s'est passé en 1965. De fait seuls certains membres du PKI se trouvèrent engagés dans le Mouvement du 30 septembre, tentative de déjouer un coup d'État militaire qui devait, pensait-on, se produire le 5 octobre, journée de l'Armée indonésienne.

 S'il y a un lourd engagement de la Chine dans la politique indonésienne en 1965, autant les USA que l'Union soviétique fournissent de l'aide soit directement au gouvernement soit à leurs amis au sein de l'ABRI. L'Allemagne de l'Ouest accorde également une aide secrète aux anticommunistes. On sait aujourd'hui que dans la préparation des “épurations” les américains donnent aux militaires indonésiens des listes de communistes et d'anti-impérialistes à “neutraliser”. Tout est prêt pour la liquidation du PKI et le renversement de Sukarno: le Mouvement du 30 septembre servira de prétexte.

Vers la fin de l'année 1965, une vague considérable de violence contre le PKI débute. En Java Ouest et Central, l'armée commence à interner ou exécuter les communistes, mais souvent la population participe activement à la répression. Dans certaines régions, telles que Java Est ou Aceh (nord du Sumatra) des groupes islamistes (comme le groupe de jeunesse Ansor du Nahdlatul Ulama) combattent pour éliminer les communistes. Des dizaines de milliers sont emprisonnés, jetés dans des camps, et au bout d'un an on estimera à 500 000 le nombre de morts. L'armée indonésienne et les forces spéciales ne sont pas seules: des officiers de l'ABRI arment et entraînent des groupes d'étudiants.

 

1966

Janvier.                           Les rafles des partisans du PKI se poursuivent, et dégénèrent en massacres dans de nombreuses régions.

15 Janvier.                      Sukarno tient une réunion du cabinet et invite pour y assister des membres d'organisations estudiantines. À l'extérieur, des étudiants anticommunistes manifestent.

6 Février.                        Déclaration “anti-chinoise” de Fidel Castro publiée dans Granma faisant suite à ses déclarations du 2 janvier.

13 février.                       Des tribunaux militaires (“Mahmillub”) commencent à juger des personnes accusées d'avoir été impliquées dans le Mouvement du 30 septembre, notamment des membres du PKI.

21 février.                       Sukarno désigne un nouveau cabinet, qui inclut Dhani et Subandrio, alors qu'ils sont recherchés pour être arrêtés.

24 février.                       Des manifestations d'étudiants bloquent la circulation à Jakarta. Sukarno se sert d'hélicoptères pour transporter son nouveau cabinet aux cérémonies d'investiture. Des gardes présidentielles tirent sur des étudiants et en tuent deux.

25 février.                       Sukarno et Suharto se rencontrent. La dissolution des organisations estudiantines est prononcée et les manifestations sont interdites.

28 février.                       Subandrio déclare que "à la terreur, nous répondrons par la terreur". Des étudiants pendent l'effigie de Subandrio.

28 février.                       Un court texte dans Pékin Information (n° 9, p. 27), sous le titre "En Indonésie ‑ Terreur blanche" rend compte d'un rapport de la Commission d'enquête indonésienne et de ses “statistiques” truquées.

6 Mars.                          Suharto met en garde Sukarno au sujet du mécontentement parmi le corps des officiers de l'ABRI.

8 Mars.                          Sukarno émet un ordre en direction de l'ABRI rappelant qu'il est toujours président.

11 Mars.                        Sukarno signe un document attribuant de larges pouvoirs à Suharto, c'est le “Surat Perintah Sebelas Maret” (lettre d'instruction du 11 mars, ou lettre “Supersemar”) []. Officiellement, le “Supersemar” vise à définir des pouvoirs d'urgence dont l'exercice est conditionné par l'approbation de la part de l'assemblée. Mais Sukarno subit la pression des pouvoirs militaires et des manifestations de rue, et à ce moment-là, l'assemblée a été purgée d'un grand nombre de ses partisans. Dans le cadre de ces pouvoirs, Suharto fonde Kopkamtib [], un détachement de forces spéciales à l'origine destinée à pourchasser les membres du PKI. Par la suite, Kopkamtib fut employé à des fins politiques générales, y compris pour imposer des restrictions à la presse. En s'appuyant sur ces pouvoirs spéciaux, Suharto étendra également le rôle des forces OPSUS.

12 Mars 1966: Dissolution du PKI

D'après radio Jakarta, Suharto annonçait dans cet Ordre du 12 mars 1966: "La dissolution du Parti communiste d'Indonésie, de toutes ses organisations centrales et locales aux divers échelons, ainsi que de toutes les organisations partageant ses buts et se trouvant sous sa direction et sa protection; l'interdiction du Parti communiste d'Indonésie sur tout le territoire de la République d'Indonésie; cette décision entrera en vigueur ce jour même."

Si l'on s'en rapporte à radio Jakarta, Suharto publiait le 14 mars un autre Ordre selon lequel "tous les dirigeants, cadres et militants actifs" du Parti communiste d'Indonésie et des organisations de masse en rapport avec lui devaient "faire amende honorable" devant les autorités, avant la fin du mois de mars. Faute de quoi, déclarait Suharto, des "mesures énergiques seraient prises par les autorités intéressées à leur égard". En même temps, il demandait "à tous les dirigeants des partis politiques et des organisations de masse de s'abstenir, en attendant de nouvelles décisions du gouvernement, d'accepter les membres du Parti communiste et des organisations de masse se trouvant sous sa direction et sa protection et partageant ses buts, et de leur donner asile. Une action énergique sera prise contre les organisations qui violeront cet ordre".

 

18 Mars.                        Subandrio et la plupart des membres du cabinet de Sukarno sont arrêtés.

25 Mars.                        “Fermeture temporaire” du bureau de l'Agence Hsinhua à Jakarta.

31 Mars.                        Suharto lance un nouvel ordre, "donnant des instructions aux organismes d'État de divers échelons, centraux et locaux, aux diverses administrations et unités du gouvernement", "pour qu'ils épurent les membres du Parti communiste d'Indonésie et des organisations de masse se trouvant sous sa direction et sa protéction"[24].

-                                     Adam Malik (un des fondateurs du parti Murba) devient le nouveau ministre des Affaires étrangères.

Avril.                             Elimination des partisans de Sukarno au sein du PNI, de la division Diponegoro et de l'assemblée (MPR/DPR).

-                                     Les organisations ouvrières du SOBSI sont interdites.

-                                     Adam Malik effectue un voyage à New York, et annonce que l'Indonésie reprendra son siège aux Nations Unies.

-                                     Le gouvernement japonais accorde une aide d'urgence à l'Indonésie.

6-9 Mai.                         Symposium à l'Université d'Indonésie sur la définition des véritables principes du “Pancasila” et de la ligne nouvelle, dénonciation comme non valable de l'idée du NASAKOM. Mise en avant de la paix des classes.

21 Juin.                          Une assemblée réduite approuve le transfert de pouvoirs “Supersemar” au bénéfice de Suharto, ainsi que l'interdiction du PKI.

5 Juillet.                          Déchéance de Sukarno. Lui succédera le général Suharto.

Juillet.                             L'Indonésie commence à rééchelonner les paiements de sa dette. Le contact avec le FMI est rétabli.

11 Août.                         L'Indonésie normalise ses relations avec la Malaisie.

5 Septembre.                    Le correspondant en Union Soviétique de l'organe du PKI, Harian Rakjat, reçoit un avis d'expulsion: il lui est accordé deux jours pour quitter le pays[25].

19 Septembre.                  Une conférence se réunit à Tokyo pour discuter de la dette extérieure de l'Indonésie. Le Sultan de Yogya représente l'Indonésie. Les puissances commerciales occidentales ainsi que le FMI y assistent, l'Union soviétique n'est pas invitée. L'Indonésie obtient un moratoire de 18 mois concernant les paiements de sa dette.

Septembre.                       Autocritique du Bureau Politique du PKI

3 Octobre.                       Suharto annonce des réformes économiques libérales étendues.  Elles seront adoptées en 1967. Le gouvernement s'engage à préserver les propriétés privées, il n'y aura plus de nationalisations. Pour attirer les capitaux étrangers une période d'exemption de taxes de trois ans est décrétée, quant aux profits obtenus, ils pourront être rapatriés à l'étranger.

11 Décembre.                   Déclaration du Comité chinois pour la Solidarité afro-asiatique:

                                           Alors que la clique fasciste Suharto-Nasution massacre et persécute brutalement des patriotes et révolutionnaires indonésiens [continue la déclaration] le groupe dirigeant révisionniste de l'Union soviétique a l'impudence de fournir à cette clique de grandes quantités de matériel militaire[26].

1967

19 Février.                      Un documentaire de la chaîne américaine NBC montre des travailleurs indonésiens travaillant dans une plantation de caoutchouc récemment rendue à Goodyear. Mais c'est sous la menace de fusils que ces prisonniers travaillent. D'autres entreprises seront rendues en ce mois de février à des sociétés anglaises et américaines.

12 Mars.                        L'assemblée (MPR) ôte tous les pouvoirs à Sukarno et déclare Suharto président en exercice.

Mars.                             Appel du Groupe marxiste-léniniste du PKI (Moscou).

Avril.                             Des églises chrétiennes sont attaquées en Aceh (région nord du Sumatra). Des manifestations antichinoises éclatent à Jakarta et se poursuivent pendant plusieurs jours.

-                                     L'Indonésie rompt les relations diplomatiques avec la RP de Chine. La plupart des journaux de langue chinoise sont fermés par le gouvernement. Fin 1966 les écoles de langue chinoise avaient été fermées. Les efforts de Pékin, malgré les provocations répétées des militaires indonésiens, ont échoué. Du moins ce n'est pas la RPC qui a pris l'initiative de cette décision qui accentue les menaces contre les ressortissants chinois habitant en Indonésie.

27 Juin.                          Le Parlement israélien vote l'annexion de la ville arabe de Jérusalem.

Août.                              Suharto place toutes les forces armées sous son contrôle.

8 Août.                           L'ASEAN (Association of Southeast Asian Nations) est fondé. Les membres fondateurs sont l'Indonésie, la Malaisie, Singapour, les Philippines et la Thaïlande.

Novembre.                       Programme du PKI (“maoïste”).

1968

-                                     Le ministre des affaires étrangères Malik déclare que l'Indonésie mènera une politique étrangère indépendante, mais qui maintiendra des relations amicales avec les USA.

20 Février.                      Constitution du parti Parmusi [], qui comprend quelques ex-membres du Masyumi.

27 Mars.                        Suharto est élu président de la république.

23 Mai.                          Déclaration de la Délégation du Comité Central du PKI en commémoration du 48e anniversaire de sa fondation. (Pékin Information, 31, mai 1968.)

Juillet.                             Arrestation de dirigeants du PKI qui avaient échappé aux poursuites.

Suite aux événements de 1965, une personne sans confession religieuse est considérée comme communiste potentiel. Comme résultat, beaucoup de gens choisissent d'adhérer à une des cinq religions officielles de l'Indonésie: Islam, Hindouisme, Bouddhisme, Catholicisme ou Protestantisme. Le nombre de catholiques et protestants augmente rapidement, bien que les Musulmans continuent à compter pour environ 90 % de la population totale.

 

1969

Février.                           Document du groupe de Moscou du PKI sur les tâches urgentes du Parti.

Avril.                             Le premier plan de développement quinquennal démarre. Dans ce cadre 60 % du budget gouvernemental est financé par l'aide étrangère à travers le IGGI, le Groupe intergouvernemental pour l'Indonésie auquel participent notamment les USA, le Canada, l'Australie, la Nouvelle Zélande, le Japon et la Grande-Bretagne.

-                                     L'Indonésie dénonce les accords de nationalité précédemment conclus avec la Chine populaire. 80 000 de chinois perdent leur nationalité indonésienne.

Juillet.                             Un camp d'internement est ouvert à Buru en Maluku pour des membres du PKI et des progressistes.

17 août.                          Rattachement définitif de l'Irian Jaya à l'Indonésie.

-                                     Le président US Nixon effectue une visite à Jakarta.

1970

-                                     Suharto effectue une visite à Washington.

22 Janvier.                      Suite à une série de manifestations contre la corruption, les manifestations d'étudiants sont interdites.

21 Juin.                          Décès de Sukarno.

1971

3 Juillet.                          Élections à l'assemblée. Le parti Golkar [] (Groupe fonctionnel) gagne les deux tiers des sièges. Les candidats pour ces élections ont été passés au crible par la sécurité militaire. De nombreux membres du PNI, du Nahdlatul Ulama et du Parmusi avaient ainsi été exclus de candidature. Les partis politiques à l'exception du Golkar ont été empêchés de mener campagne dans les régions rurales. Le Golkar jouit d'un avantage du fait du soutien des militaires et du soutien obligatoire de la part des fonctionnaires. Il reçoit également un soutien financier substantiel en provenance de diverses sources, et les forces OPSUS exerçaient une influence sur l'activité politique.

1972

21-28 Février.                 Visite de Nixon à Pékin.

22-30 Mai.                     Visite de Nixon en Union Soviétique.

1973

27 Janvier.                      Signature à la Conférence de Paris de l'Accord sur la cessation de la guerre et le rétablissement de la paix au Vietnam.

11 Septembre.                  Coup d'état militaire au Chili préparé par les services américains. Le président Allende est tué lors de l'assaut donné au Palais présidentiel. Le général Pinochet prend le titre de “chef suprême de la nation” en juillet 1974. Tous les partis politiques sont interdits.

1974

25 Avril.                        Le Mouvement des Forces armées renverse, au Portugal, le gouvernement Caetano. C'est la fin du régime salazariste. Le MFA soutient la décolonisation. Le général Spinola, qui a succédé à Caetano sera renversé le 30 septembre. Les premières élections libres au Portugal seront gagnées par les socialistes (Mario Soares).

-                                     Des partis politiques se constituent en Timor Est: UDT (Uniao Democratica Timorese, parti conservateur qui prône une autonomie politique accompagnée de liens étroits avec le Portugal), FRETILIN (Frente Revolucionaria de Timor Leste Independent, parti de gauche défendant le droit à l'indépendance) [], APODETI (Associacao Popular Democratica de Timor, parti de droite défendant le rattachement à l'Indonésie).

23 Octobre.                     Admission de la Chine populaire à I'ONU.

1975

Juin.                               Une commission au sujet du Timor se réunit à Macao. APODETI et UDT y assistent mais pas le FRETILIN.

26 Août.                         L'UDT prend le contrôle du Timor Est par un coup d'état, les Portugais s'en vont.

Septembre.                       Rébellion déclenchée par le FRETILIN qui repousse l'UDT hors de Dili vers le territoire indonésien.

16 Septembre.                  La Papouasie-Nouvelle Guinée obtient l'indépendance vis-à-vis de l'Australie.

Octobre.                          Des unités de commando indonésiennes démarrent des opérations limitées en Timor Est.

28 Novembre.                  Le FRETILIN déclare l'indépendance et demande le retrait des unités indonésiennes.

7 Décembre.                     L'Indonésie déclenche l'invasion totale du Timor Est et établit un nouveau gouvernement à Dili composé de membres de l'UDT et APODETI. Quelques heures avant le déclenchement des opérations le président américain Ford et Henry Kissinger quittaient Jakarta. De fait les gouvernements américain, anglais et australien avaient donné le feu vert à l'Indonésie. Dans une note du 15 juillet adressée au Foreign Office l'ambassadeur anglais John Fox écrit:

                                           La situation sur place semble se compliquer et les arguments en faveur de l'intégration à l'Indonésie sont les plus nombreux. [...]. Aussi l'évolution politique à Timor en ce moment doit-elle nous inciter à exprimer notre sympathie à l'égard du gouvernement indonésien même s'il se sent obligé d'intervenir vigoureusement pour enrayer la détérioration de la situation. [...] Si, au moment critique, il y a du chahut au sein des Nations Unies, nous devons conserver un profil bas et éviter de nous prononcer contre le gouvernement indonésien.

-                                     On connaît également une lettre de l'ambassadeur australien de la même époque. Quant aux États-Unis un livre récent met en pleine lumière, dans ce cas également, les responsabilités de Kissinger.

La politique d'intégration menée au Timor Oriental de 1975 à 1987 ‑ quasi destruction de la lutte armée menée par le FRETII1N ‑, causera plus de 200 000 morts ‑ plus du quart de la population timoraise ‑, dans l'indifférence générale. L'ONU a bien déploré l'invasion de décembre 1975 dans sa séance du 22 décembre, mais il n'y aura aucune suite à cette condamnation et la question du Timor sera écartée des débats. Il y a de fortes raisons économiques au profil bas adopté par la majorité des pays capitalistes ‑ dont la France ‑, mais un profil bas également adopté par la Russie soviétique et la Chine populaire. Si l'URSS n'a jamais établi de rapports avec le FRETILIN, la RP de Chine, après avoir soutenu le mouvement d'indépendance, l'a abandonné. C'est ainsi que la Chine et l'Indonésie renouaient leurs relations économiques le 5 juillet 1985. De 330 millions de dollars en 1984 les échanges bilatéraux atteignaient un milliard de dollars en 1989. En 1990 l'Indonésie et la Chine renouaient leurs relations diplomatiques.

 

1976

31 Mai.                          “L'assemblée populaire” en Timor Est se prononce en faveur de l'intégration du territoire à l'Indonésie.

17 Juillet.                        Le Timor Est devient officiellement une province de l'Indonésie, le rattachement étant ratifié par l'assemblée.

1977

-                                     L'amiral Sudomo annonce qu'un complot contre le gouvernement par un groupe islamique “Komando Jihad” [] a été mis en échec. Il s'avérera par la suite que le dirigeant du “Komando Jihad” avait des liens avec le service de renseignement de l'ABRI.

-                                     Adam Malik devient vice-président.

Septembre.                       L'ABRI démarre des opérations d'envergure contre le FRETILIN en Timor Est, opérations qui se poursuivront pendant 18 mois.

1980

27 Mars.                        Dans une réunion de commandants régionaux de l'ABRI, Suharto les exhorte à défendre les sièges qu'ils détiennent dans l'assemblée, y compris par la force.

13 Mai.                          “Petisi Lima Puluh” (“Pétition des cinquante”) [] critique le rôle de Suharto dans le gouvernement. Parmi les signataires il y a Nasution, l'ex-gouverneur de Jakarta Ali Sadikin, et les ex-premiers ministres Natsir et Harahap. Les médias indonésiens n'en font pas état.

3 Juin.                            Le gouvernement annonce la découverte d'un complot. Aucune poursuite n'est engagée, mais des restrictions sont imposées aux activités professionnelles et aux déplacements à l'étranger des signataires de la pétition des cinquante.

1981

-                                     Xanana Gusmao devient dirigeant du FRETILIN.

1982

-                                     Le gouvernement commence à mettre en œuvre l'installation en Irian Jaya de populations originaires de Java et d'autres îles du centre.

Mai.                               La doctrine “dwifungsi” pour l'armée est inscrite dans la loi.

1983

31 Août.                         L'ABRI reprend les attaques contre le FRETILIN en Timor Est.

-                                     Tout au long des années 1980, le FRETILIN mènera une guérilla contre les forces indonésiennes en Timor Est.

1984

-                                     Suharto déclare que toutes les organisations doivent adopter le “Pancasila”.

22 Décembre.                   L'assemblée adopte une loi exigeant de tous les partis politiques d'adopter le “Pancasila”.

1985

-                                     Toutes les organisations syndicales sont fusionnées dans le SPSI [].

-                                     L'assemblée adopte une loi exigeant de toutes les organisations d'adopter le “Pancasila”.

Août.                              Des centaines de supposés partisans du PKI sont écartés des emplois gouvernementaux. De nombreux prisonniers arrêtés durant les événements de 1965 sont exécutés.

1986

30 Avril.                        Le président des États-Unis, Ronald Reagan, effectue une visite en Indonésie.

1989

Mars.                             Début d'opérations secrètes contre des rebelles en Irian Jaya. Elles se poursuivront jusqu'en août.

-                                     Le Timor Est s'ouvre à nouveau aux touristes étrangers, les restrictions aux déplacements intérieurs sont levées.

Septembre.                       Suharto effectue une visite à Moscou.

12 Octobre.                     Le pape effectue une visite en Timor Est. Il prêche la réconciliation! Des révoltes ont lieu à Dili.

1990

-                                     L'Indonésie et la Chine rétablissent les relations diplomatiques.

7 Décembre.                     Bacharuddin Yusuf Habibie fonde le ICMI (Association indonésienne d'intellectuels musulmans) []. Cette organisation reçoit les encouragements de Suharto en tant que rival du Muhammadiyah et du Nahdlatul Ulama, organisations musulmanes qui échappent au contrôle gouvernemental.

1991

12 Novembre.                  Agitations au Timor Est. Des soldats tirent sur des manifestants à Dili, plus de 200 sont tués.

1992

Avril.                             Suharto abolit le consortium IGGI d'organisations d'aide étrangères et dit aux Hollandais en particulier d'"aller au diable" avec leur aide. Les Pays-Bas et d'autres pays occidentaux avaient exercé des pressions sur le gouvernement au sujet de la question des droits de l'homme. La formulation employée rappelle la position adoptée par Sukarno en 1956, dans des circonstances fort différentes, contre l'influence étrangère et notamment les pressions américaines.

Septembre.                       L'Indonésie prend la présidence du Mouvement des non-alignés pour trois ans. Cette présidence lui avait été refusée deux fois.

20 Novembre.                  Xanana Gusmao est capturé en Timor Est et condamné à la prison à vie. La rébellion du FRETILIN s'affaiblit.

1995

Septembre.                       Des foules de chrétiens incendient des maisons et des magasins appartenant à des musulmans à Dili et d'autres villes de Timor Est.

Décembre.                        Des manifestants de Timor Est envahissent plusieurs ambassades étrangères à Jakarta.

1996

Novembre.                       L'évêque Carlos Ximenes Belo de Timor Est et José Ramos-Horta, du FRETILIN, reçoivent le prix Nobel de la Paix.

1998

Février.                           Suharto désigne le général Wiranto comme nouveau commandant de l'ABRI.

Mars.                             Habibie devient le nouveau vice-président.

14-15 Mai.                     Violentes émeutes à Jakarta et Surakarta déclenchées par les étudiants, avec destructions d'immeubles et entreprises.

21 Mai.                          Souharto démissionne. Habibie devient président.

1999

5 Mai.                            Représentants indonésiens et portugais se rencontrent à New York. L'accord prévoit que le Timor Oriental pourra se prononcer soit pour l'autonomie dans le cadre de l'Indonésie, soit pour l'indépendance.

30 Août.                         Début du référendum au Timor Oriental.

4 Septembre.                    Les résultats proclamés par des représentants de l'ONU confirment la volonté d'indépendance: 78 % des suffrages sont en sa faveur.

 5 Septembre.                   Les dirigeants des groupes pro-indonésiens au Timor Oriental rejettent les résultats du référendum. Des éléments de l'armée indonésienne participent aux violences qui vont être déclenchées. Officiellement départ des derniers éléments de l'armée indonésienne le 31 octobre.

20 Octobre.                     Abdurrahman Wahid (Gus Dur) [] est élu président de l'Indonésie par 373 voix contre 313 à la fille de Sukarno [].

22 Octobre.                     Retour de Xanana Gusmao, au Timor Oriental.

1er Décembre.                  Wahid commence une visite en Chine populaire. On annonce la levée des restrictions imposées aux chinois ethniques en Indonésie et également apportées à la culture chinoise.

28 Décembre.                   Reprise des relations diplomatiques avec le Portugal interrompues depuis 1976.

2000

Janvier.                           Plusieurs Rapports mettent en cause le général Wiranto dans les massacres commis  à Timor Est en septembre 1999.

Mars.                             Nouvelles révélations sur les actes de corruption de l'ex-président Suharto.

31 Mars.                        Wahid défend sa déclaration selon laquelle l'enseignement du communisme et du marxisme, interdit en 1966, pourrait être rétabli. Ce qui provoque de nombreuses manifestations violentes et la condamnation des Ulemas.

*

En 2000 et 2001 la situation économique et politique va s'aggravant en Indonésie. Différents mouvements d'indépendance se manifestent ouvertement par des actions armées par exemple au nord de Sumatra dans la région d'Aceh.

Le président Wahid est contesté tant à cause des problèmes économiques, de l'éclatement menaçant de l'Indonésie que de sa supposée ou réelle implication dans des affaires de corruption. On lui impute également les violences commises par les membres de son parti contre le parti Golkar.

Sa destitution est réclamée et l'Assemblée indonésienne est appelée à se prononcer cet été 2001.

*

[La suite est ajoutée par nous - 321Ignition.]

Le 23 juillet 2001, l'assemblée vote la destitution de Wahid et élit à sa place Megawati Sukarnoputri, qui en 1999 avait été élue comme vice-présidente. Aux élections présidentielles de 2004, Megawati Sukarnoputri est battue; lui succède Susilo Bambang Yudhoyono.

Le 27 janvier 2008, Suharto décède. Voici quelques extraits de déclarations émises à cette occasion.

Susilo Bambang Yudhoyono, président de l'Indonésie: "Pak Harto (Père Harto) a rendu un grand service à la nation. J'invite tous les gens d'Indonésie à prier que les bonnes actions et le dévouement envers la nation, du défunt, soient acceptés par Allah le tout-puissant[27]."

Cameron Hume, ambassadeur US en Indonésie: "Le président Suharto a dirigé l'Indonésie pendant plus de 30 ans, une période durant laquelle l'Indonésie a atteint un développement économique et social remarquable." "Bien qu'il puisse y avoir quelques controverses au sujet de l'héritage  qu'il laisse, le président Suharto était une figure historique qui a produit une emprunte durable sur l'Indonésie et la région de l'Asie de Sud-Est[28]."

Lee Kuan Yew, ancien premier ministre de Singapour: "Les plus jeunes ne savent pas à quel point la situation économique en Indonésie était désastreuse avant septembre 1965, quand l'hyper-inflation noyait l'économie d'Indonésie." "Il a renversé le cours du pays et a transformé l'Indonésie en histoire à succès du point de vue économique. Je n'ai pas de doute que l'histoire accordera à Pak Harto (Père Harto) une place d'honneur spéciale dans l'histoire de l'Indonésie, quand l'oeuvre de sa vie sera étudiée sous une perspective calme[29]."


 



[1]. Non reproduite ici [Note 321Ignition].

[2]. Discours prononcé à la réunion des étudiants de l'Université communiste des travailleurs de l'Orient, Pravda du 22 mai 1925 in J. Staline, Le Marxisme et la Question nationale et coloniale, Paris, 1949, Ed. Sociales, pp. 208‑209.

[3]. Cité par Alla Ionova. Voir Annexe II, p. 26. [Annexe non reproduit ici ‑ 321Ignition.]

[4]. Mao Tsé-toung, Textes 1949‑1958, Paris, 1957, Les Editions du Cerf, p. 274.

[5]Pékin Information, n° 5, 29 avril 1963. Dans le même numéro chronologie sur les relations culturelles et commerciales entre l'Indonésie et la Chine, dès avril 1950.

[6]Pékin Information, n° 36, 4 septembre 1967, p. 12: "La faillite du partisan chinois du “crétinisme parlementaire”", pp. 9‑12.

[7]Pékin Information, n° 5, 29 avril 1963, pp. 12‑13.

[8]Pékin Information, n° 7, 27 mai 1963, p. 38.

[9]Pékin Information, n° 8, 10 juin 1963, pp. 27‑28

[10]Pékin Information, n° 16, 30 septembre 1963, p. 40.

[11]. Publiée intégralement par Pékin Information, n° 8, 24 février 1964, p. 18. Extrait.

[12]. E. Hoxha, Réflexions sur la Chine, Tirana, 1979, vol. I, p. 230.

[13]. Cf. Pékin Information, n° 21 et n° 22, mai 1965.

[14]Pékin Information, n° 24, 14 juin 1965, p. 13.

[15]Pékin Information, n° 23, 7 juin 1965, p. 6.

[16]Pékin Information, n° 32, 9 août 1965, p. 32.

[17]. Très rapidement les généraux ajoutèrent “PKI” pour l'associer aux “événements” et l'acronyme devint: Gestapu/PKI. Il était dangereux d'oublier “PKI”.

[18]Pékin Information, n° 41, 11 octobre 1965, p. 5.

[19]Pékin Information, n° 42, 18 octobre 1965, p. 3.

[20]. Dépêche de l’Agence Hsinhua, Pékin Information, n° 45, 8 novembre 1965, pp. 18‑21, p. 18.

[21]. FSM, Compte rendu des travaux, slnd, 1 000 pages.

[22]Idem, p. 921.

[23]Idem, pp. 921-922. Extrait. La délégation indonésienne ne votera pas les deux premiers Rapports inspirés par la délégation soviétique et soutenus par la grande majorité des délégations présentes.

[24]. Agence Hsinhua, 4 avril 1966. Extrait de la dépêche publiée dans Pékin Information, n° 15, du 11 avril 1966, pp. 9‑10, sous le titre: "Comment les généraux indonésiens de droite ont pris le pouvoir d’État".

[25]. Voir le récit de Anwar Dharma publié par Pékin Information, n° 42, 17 octobre 1966, pp. 43‑45.

[26]Pékin Information, n° 51, 19 décembre 1966, p. 37. Extrait.

[27]. http://www.timesonline.co.uk/tol/news/world/asia/article3261536.ece.

[28]. http://www.news.com.au/heraldsun/story/0,21985,23119354-5005961,00.html.

[29]. http://www.guardian.co.uk/world/2008/jan/28/indonesia.marktran.